lundi 3 novembre 2014

Vous allez voir Mange

8ème séance avec débat






MANGE TES MORTS







Film français de Jean-Charles Hue avec Jason François... (2013 - 1h34)
Jason, 18 ans, qui s’apprête à célèbrer son baptême chrétien et ses frères, appartenant à la communauté des gens du voyage partent en virée dans le monde des gadjos à la recherche d’une cargaison de cuivre.
Un choc culturel de taille sous forme de thriller moderne tourné avec des acteurs, issus de la communauté du voyage. Mémorts-ables!
A PARTIR DU JEUDI 6 NOVEMBRE 
CINE DEBAT VENDREDI 7 NOVEMBRE à 20h30



Un film soutenu par l'Association des Cinémas du Centre (ACC) : 
cinemasducentre


Soutenu par : AFCAE - Aidé à l'écriture et à la production par Ciclic



Sélection : Prix Jean Vigo 2014 - Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2014


Entretien avec le réalisateur :
Vidéo Jean-Charles HUE


Le dossier de presse http://www.cinemasducentre.asso.fr/upload/mangetesmorts.dp.pdf



Jean Vigo (décédé à 29 ans en 1934)
PRIX JEAN-VIGO 2014 POUR MANGE TES MORTS DE JEAN-CHARLES HUE
Excellente nouvelle : Luce Vigo, fille du réalisateur Jean Vigo et présidente de l’Association Prix Jean-Vigo a remis hier soir au Centre Pompidou le Prix Jean-Vigo au long métrage de Jean-Charles Hue Mange tes morts, remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes en mai dernier. Le prix Jean-Vigo est une prestigieuse récompense cinématographique décernée depuis 1951, en hommage au réalisateur de Zéro de conduite et  L’Atalante.
Il est attribué chaque année à un réalisateur français, auteur de longs ou de courts métrages, distingué pour l’indépendance de son esprit et l’originalité de sa réalisation. Ces qualités définissent le travail de Jean-Charles Hue que nous avions rencontré à Cannes et dont nous aimons beaucoup le nouveau film, faisant suite à son premier long, La BM du seigneur.





Jean-Charles Hue est un cinéaste français né en 1968. Depuis 2003, il filme les aventures des Dorkel, une famille de Yéniches du Nord de la France issue de la communauté des gens du voyage. En 2009, il réalise son premier long métrage, Carne Viva, dans lequel il explore la mythologie urbaine de Tijuana. En 2010, il tourne sa première fiction, La BM du Seigneur, entre polar et western gitan.



Comment avez-vous rencontré la famille que vous filmez ?
Il y a 18 ans, alors que j’étudiais à l’école d’Arts de Cergy-Pontoise, je m’arrêtais souvent voir les voyageurs que je croisais sur le bord de la route, jusqu’à ce que deux d’entre eux, en apprenant que ma mère s’appelait Dorkel, me parle de la famille Dorkel en banlieue parisienne. J’ai fait la rencontre de Violette et de ses enfants, Fred, Jo, Maurice et Sandra qui m’ont directement emmené
à une rencontre évangélique qui se déroulait à côté dans un cabanon. 
Un pasteur parlait du Seigneur entre transe et illumination. Et tous les gitans se retournaient vers moi, le « gadjo » [désigne celui qui n’appartient pas à la communauté des gens du voyage].

Lorsqu’ils ont compris que nous étions parents, ils ont cru que j’étais un orphelin à la recherche d’une famille d’adoption. Ils m’ont emmené à l’Assemblée évangélique de Gien. Là-bas, j’ai vu des choses incroyables : un grand terrain vague, 40 000 gitans et le long coup d’une girafe qui passait au dessus d’une mer de caravanes, c’était l’un des animaux du cirque Bouglione qui prêtait son chapiteau à l’église évangélique.



Que signifie le titre ?
Mange tes morts est l’insulte suprême des gitans. Il n’y a pas d’équivalent chez les « gadje ». Une fois proférée, une telle insulte peut conduire à un drame car cela signifie qu’on vous envoie renier vos ancêtres, manger vos morts. 
Si les gitans vivent beaucoup au jour le jour, il n’en reste pas moins que leur attachement aux parents, aux ancêtres est fondamental et qu’il s’agit d’un socle pour la communauté. Celui qui mange sa parole ou la mémoire des anciens n’est plus un homme. 
Je sais que le titre pourra déranger la communauté mais j’ai pensé que la situation actuelle réclamait plus un cri de guerre qu’une absolution. Un cri profondément gitan qui ne veut rien perdre de ses racines et de sa force. 
Il y a quelque chose chez les voyageurs que j’ai filmés de l’ordre de la résistance : ne pas se faire agneau, ne pas dire son dernier mot. Fred dit souvent qu’il vaut toujours mieux faire le boucher que le veau.


Quelle est la particularité de cette communauté yéniche au sein du
monde gitan ?
Contrairement aux gitans et tziganes venus d’Inde, les yéniches viennent du
centre de l’Europe, notamment d’Allemagne comme le prouvent de nombreux
mots de leur vocabulaire. Certains disent qu’ils sont les descendants
des Celtes. Tout comme les tziganes, ils ont pris la route après avoir perdu
leurs moyens de subsistance. Certains brigands se sont joints à eux si l’on
en croit la traduction du mot « yéniche » qui voudrait dire « coquillard » en
français. Cette communauté est arrivée en France au Moyen-Âge. Depuis
« le réveil » évangélique des années cinquante, les différentes communautés
des gens du voyage se sont mélangées. Tziganes et yéniches ne se
sont pas toujours côtoyés pour le meilleur. Mon interprétation est que ces
vieilles rivalités sont dues à un déficit d’estime pour la culture yéniche en
raison de leur faible pratique de l’art de la musique. La belle silhouette de
la gitane dansante accompagnée par des violons a toujours prêté aux tziganes
cette aura qui ne les quitte plus. Les yéniches se sont davantage fait
craindre qu’admirer pour leurs talents. Aux yeux des tziganes, ce sont des
gens rustres voire dangereux qui se font leurs propres tatouages à l’aide de
charbon et de schnapps. Leur résistance au mal et leur force physique ont
toujours été légendaires.


Contrairement à La BM du Seigneur qui alternait moments documentaires
et fiction, Mange tes morts est plus clairement un film de pur
cinéma…
A l’origine, La BM du Seigneur devait être un home movie, un film monté à
partir de d’une matière documentaire que j’accumulais depuis longtemps.
Mais j’ai eu finalement envie d’une fiction. Mon producteur m’a suivi. J’ai écrit
un scénario et je suis reparti tourner. Mais on ne savait pas qu’un jour La
BM sortirait en salle. Mange tes morts est une fiction à 100%. C’est un film
qui a été pensé et écrit comme tel, même si mon cinéma se nourrit de la
vie de toute la communauté. Les deux ont en commun de plonger dans
des histoires vécues par les Dorkel et parfois par moi-même ainsi que la
mythologie des gitans. Cette virée en bagnole a effectivement eu lieu mais
des éléments imaginaires ajoutés en ont fait un road movie, une sorte de
chevauchée proche du western.

Le destin de Fred sonne comme le crépuscule d’un monde. On pense
évidemment au cinéma américain, à une sorte de John Wayne de
L’Homme qui tua Liberty Valance ?
John Ford, 1962
Oui, c’est la fin d’un monde où la différence entre gadjos et gitans existait réellement.
Sam Peckinpah (1969)
Cet aspect crépusculaire provoque quelque chose de fort en moi depuis longtemps. Très jeune, j’aimais par-dessus tout les westerns, surtout lorsque les héros vieillissants retrouvaient le sens de leur vie dans un ultime combat.
Lorsque j’ai rencontré les Dorkel, c’était comme si prenaient corps sous mes yeux les questionnements des mercenaires de La Horde Sauvage, comme le discours du pasteur qui ouvre le film. Lorsque Fred récupère sa voiture dans la cave sous terre – sa monture de l’époque ! – cela participe de la même idée : la déterrer et avec elle, le passé. Si le monde a changé, Fred non.










Le film fait aussi référence au polar. Partir des gitans pour aller vers le
genre, c’était l’idée ?
Le polar, le film noir, le western et d’autres genres comme le fantastique ou
un cinéma de poésie comme celui de Paradjanov me semblaient déjà en
germe dans le monde voyageur. J’ai assisté à des épiphanies et à des fusillades
au cours de la même journée. Je me souviens du jour où j’ai eu l’occasion
d’acheter un flingue. Ça ressemblait à une scène digne de Melville.
Une vieille maison de banlieue abîmée et isolée, la femme préparant une
soupe aux choux alors que l’homme étalait des flingues sur la table. Lorsqu’il
a posé un P38, des images du Cercle Rouge me sont revenues en tête. J’ai
acheté ce flingue et tourné tous mes films avec… Je ne pense pas avoir
amené les gitans vers le cinéma de genre : ce sont les gitans qui ont accueilli
le cinéma chez eux.


Jean-Pierre Melville (1970).



Les Roms (aussi) dans l'actualité


Expulsion d’un camp de Roms à Bobigny : « On remplace une misère par une autre misère »
Le Monde.fr | 22.10.2014

|Propos recueillis par François Béguin


Le campement dit des « Coquetiers », un camp rom situé à Bobigny (Seine-Saint-Denis), qui accueillait encore récemment quelque 200 personnes, dont de nombreux enfants scolarisés, a été évacué, mardi 21 octobre, en vertu d’un arrêté municipal pris par le nouveau maire de la ville Stéphane De Paoli (UDI), qui invoquait l’insalubrité des lieux.
Guillaume Lardanchet, porte-parole de la structure RomEurope et directeur de Hors la rue, une association qui intervient auprès des mineurs étrangers en danger en région parisienne, explique pourquoi il juge « absurde » cette expulsion.
Au lendemain de l’expulsion du camp des Coquetiers, que deviennent les personnes à qui aucune solution de relogement n’a été proposée ?
Guillaume Lardanchet : Une soixantaine de personnes sont actuellement abritées dans un gymnase à Paris. Je ne pense pas que la mairie de Paris, qui a pallié l’urgence, hier, soit en mesure de trouver des solutions de relogement en vingt-quatre heures, ce que la ville de Bobigny, le territoire de Seine-Saint-Denis et l’Etat n’ont pas pu faire pendant plusieurs mois.
Aujourd’hui, à court terme, il n’y a pas de solution. On remplace une misère par une autre misère. Ces familles étaient ancrées dans un territoire et on les condamne à l’errance. Que vont devenir les suivis médicaux ? Les démarches pour accéder à l’emploi, au logement, à la protection de l’enfance ? L’Etat procède à une évacuation à Bobigny et c’est la ville de Paris qui gère l’urgence. Cela illustre l’absurdité de cette politique.
Quelle était la situation du camp des Coquetiers ?
C’était un bidonville plutôt stable, où il y avait beaucoup d’enfants scolarisés, grâce notamment à une directrice d’école très impliquée auprès des familles. Il y avait une vraie implication pour que les scolarisations tiennent. En ce sens, le campement était un peu exemplaire.
La circulaire du 26 août 2012, qui prévoit qu’il n’y ait pas d’évacuation sans solution de relogement, est-elle appliquée lors des évacuations ?
L’évacuation du campement de Bobigny n’est conforme ni à l’esprit, ni à la lettre de la circulaire de 2012 : soixante personnes, dont beaucoup sont vulnérables, se trouvent aujourd’hui sans solution de relogement.
On remarque de façon générale que les diagnostics sociaux, préalables à toute évacuation, sont souvent mal menés, d’une façon trop rapide, trop massive, sur une seule journée, au moment où des familles ne sont pas là. Ces diagnostics ne sont parfois pas actualisés non plus. La manière dont est mise en œuvre la circulaire exclut de facto certaines familles du diagnostic et donc des solutions de relogement.
Où en est la politique d’expulsion des bidonvilles ?
Au troisième trimestre 2014, 3 695 personnes ont été expulsées de 41 lieux de vie en France, selon les décomptes de la Ligue des droits de l’homme et de ERRC (European Roma Rights Centre), ce qui porte à 10 355 au total le nombre de personnes expulsées de janvier à septembre 2014.
2013 avait été une année noire. Plus de 20 000 personnes avaient été concernées par une évacuation de bidonville en France. Sachant que 17 000 personnes vivent dans les bidonvilles, cela veut dire qu’il y a des familles qui vivent plusieurs évacuations en une année.
Avant 2012, on tournait autour de 10 000 personnes. L’accélération du rythme à partir de 2012 n’a pas eu d’impact sur les bidonvilles. Il y en a toujours autant. Ce qui a changé, c’est que les personnes expulsées ont des problèmes encore plus profonds car les accompagnements médicaux ou sociaux ont été rompus, et les scolarisations interrompues.
Cela nous pousse à militer pour la stabilisation provisoire des bidonvilles pour limiter la casse provoquée par les expulsions massives.




Expulsés de leur campement, les roms de Bobigny ont dormi dans un gymnase à Paris
 Publié le 22.10.2014
Leparisien.fr avec l’AFP

 


Plusieurs dizaines de familles roms, expulsées mardi du camp des Coquetiers de Bobigny (Seine-Saint-Denis), l'un des plus anciens campements, ont été finalement accueillies pour la nuit dans un gymnase parisien. L'équipement a été mis à leur disposition par la ville de Paris dans le cadre d'une «procédure d'urgence» peu avant 23 heures, selon Sylvain Raifaud, adjoint au maire du Xe arrondissement. 

Peu de temps auparavant, ces familles roms s'étaient regroupées sur la place de la République «pour manifester leur condition» et «demander un hébergement d'urgence», selon Véronique Decker, directrice de l'école primaire Marie-Curie, où sont scolarisés plusieurs enfants. Ils s'étaient ensuite rendus à l'hôpital Saint-Louis à Paris, d'où ils ont été aussi délogés par les CRS, vers 21h30. Certains d'entre eux, une couverture sur le dos ou poussant une poussette, ont quitté l'hôpital derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire : «Les Roms expulsés par la République exemplaire».

«Aucune solution ne leur a été proposée, on en fait des SDF», s'est insurgé Benjamin Abtan, président de l'association Egan de lutte contre le racisme.

Le camp des coquetiers comptait entre 200 et 400 personnes

Le campement dit des «coquetiers», qui accueillait encore récemment entre 200 et 400 habitants, a été évacué vers 13 heures mardi, en vertu d'un arrêté municipal pris en août par le nouveau maire de la ville Stéphane De Paoli (UDI), qui invoquait l'insalubrité des lieux. Plusieurs associations s'étaient mobilisées ces derniers jours pour soutenir les habitants de ce campement emblématique de Seine-Saint-Denis, situé à proximité de la mairie de Bobigny. Une lettre ouverte, signée par le MRAP, la LDH, RESF et le Secours catholique a été adressée au Défenseur des droits.

«Aujourd'hui, c'est une défaite politique pour la République, pour toute la gauche, dont les premières victimes sont les familles qui ont construit une vie, ici, dans des conditions qu'il s'agit d'éradiquer, pas de reproduire quelques kilomètres plus loin», a réagi dans un communiqué le Parti communiste français de Bobigny, qui a perdu la ville lors des municipales.

Selon la préfecture de Seine-Saint-Denis, une trentaine de familles, présentes lors du diagnostic social réalisé en août, et dont les enfants sont souvent scolarisés, ont reçu une proposition de relogement. Une petite dizaine, disposant de «revenus stables», ont eu une proposition de logement social dans le département. Une dizaine d'autres, en situation moins stable, seront hébergées à l'hôtel. Quant aux familles restantes, elles seront accueillies dans des foyers Adoma, situés hors Ile-de-France, «faute de place» dans la région. «Les solutions de relogement proposées par les autorités ne sont pas adaptées», a dénoncé mardi dans un communiqué Amnesty international. «Ces logements se trouvent pour certains au-delà de la banlieue parisienne, très loin des écoles que fréquentent actuellement les enfants» du campement, a poursuivi l'organisation.



Un dossier sur le site de Mediapart :


"Romeo et Kristina" Le prochain film de Nicolas Hans Martin à découvrir... et soutenir ! .

Mediapart diffuse Moulin-Galant, La Question rom, un documentaire de 52 minutes de Mathieu Pheng sur la vie quotidienne dans le plus grand bidonville d'Essonne, en Île-de-France. Ce film témoigne de la difficulté, si ce n'est de l’incapacité, des élus locaux à gérer l’arrivée de ces migrants européens.


À Marseille, sur fond de précarisation croissante des Roms, chassés des squats vers les trottoirs, les incidents se multiplient avec la population. Plusieurs habitants ont ainsi délogé un campement la semaine dernière avant d'y mettre le feu. Dans un autre quartier, c'est la porte d'un espace accueillant une dizaine de familles roms qui a été défoncée.




Boulevard Vintimille, le 2 octobre 2012. © LF



Des gendarmes varois racontent les pratiques illégales contre les Roms
Des Roms, souvent mineurs, interpellés, puis, à l'issue de leur vérification d'identité ou garde à vue, transportés dans un véhicule de gendarmerie et relâchés, parfois dépouillés de leurs chaussures, à des dizaines de kilomètres de leur lieu d'interpellation. Selon plusieurs gendarmes du Var, ces pratiques illégales auraient eu cours au moins en 2010 et 2011 dans leur brigade, à Brignoles, qui compte une vingtaine de fonctionnaires.
Deux gendarmes brignolais, rencontrés par Mediapart, affirment, sous couvert d'anonymat, avoir été témoins ou avoir participé à ces « raccompagnements » de Roms de nationalité étrangère en 2010 et 2011. En plus de ce qui s'apparente à des séquestrations ...




Roms : «J'ai huit ans, je voudrais aller à l'école, s'il vous plaît»
MARIE PIQUEMAL 28 JUILLET 2014




Un enfant dans un campement rom, à Triel-sur-Seine, en région parisienne, en octobre 2013. 
(Photo Benoit Tessier. Reuters)

 


Une ONG alerte sur la situation de ces enfants roms vivant en France et à qui les mairies refusent, ou compliquent, l'accès à l'école.

«Merci de me laisser aller à l’école pour devenir chauffeur.» C’est Fernando qui parle, face caméra. Un petit brun de huit ans, l’air grave. Il s’exprime en romani, sa langue natale, n'ayant pas encore eu la possibilité d'apprendre le français. Ses propos sont sous-titrés dans cette vidéo diffusée à la presse lundi matin par le Centre européen pour les droits des Roms (ERRC). Cette ONG, implantée dans quinze pays dont la France, lutte contre les discriminations envers les Roms migrants.
Actif dans les bidonvilles auprès des familles, ERRC agit aussi sur le terrain judiciaire pour que les tribunaux fassent respecter les droits élémentaires. Comme le droit à l’éducation. En France, la règle est pourtant simple : tout enfant entre 6 et 16 ans doit aller à l’école, quelle que soit la situation dans laquelle se trouve sa famille. Que ses parents aient des papiers ou non, un domicile ou non. Ça, c’est pour le grand principe. Mais dans les faits, beaucoup d’enfants roms n’ont jamais mis les pieds dans une école, sans que l’on puisse dire combien. Il n’existe pas de donnée chiffrée fiable à l’échelle nationale.
REFUS D’INSCRIPTION
L’ERRC a mené l’enquête entre janvier et avril dernier, interrogeant 118 personnes roms, vivant dans six bidonvilles : deux en Seine-Saint-Denis, deux dans la communauté d’agglomération de Lille et deux à Marseille. Des entretiens longs et approfondis menés par six «intermédiaires», des Roms vivant dans des bidonvilles, et parlant français. Les résultats de l’étude étaient présentés ce lundi matin.
La moitié des enfants rencontrés ne sont pas scolarisés. Pourquoi ? Dans 60% des situations, la municipalité refuse d’inscrire l’enfant à l’école. «Souvent, les agents font traîner les demandes, déplore Erika Bodor qui a coordonné l’étude pour l’ERRC. Par exemple, la mairie exige une adresse de domiciliation alors que selon la loi, une carte d’identité de n’importe quel pays est suffisante pour l’inscription.»
Dans d’autres cas, raconte-t-elle, le maire «se dédouane» en invoquant le manque de place dans l’école. «Sauf que dans ce cas-là, les autorités doivent faire remonter les besoins au rectorat pour éventuellement ouvrir une nouvelle classe. Mais ils ne le font pas.»
«A QUOI BON ALLER À L’ÉCOLE SI ON EST EXPULSÉ DEMAIN ?»
Pour Manon Fillonneau, chargée de mission droits de l’homme à ERRC, «les refus de scolarisation sont étroitement liés à la politique d’expulsion». Un maire qui veut expulser un camp installé dans sa commune a tout intérêt à ne pas scolariser les enfants, et ainsi éviter toute mobilisation des parents ou des enseignants. Quand une procédure de justice est engagée, explique-t-elle, le juge prend en considération le nombre d’enfants scolarisés et retarde l’expulsion quand beaucoup vont à l’école.
«Du coup, les mairies traînent des pieds, et des demandes d’inscription restent lettre morte. Quand les associations ne sont pas là pour se battre, les enfants ne vont pas à l’école», renchérit Erika Bodor. «Certaines familles baissent les bras, en se disant : à quoi bon envoyer mon enfant à l’école si on est expulsé la semaine prochaine…» Les familles interrogées ont déjà été expulsées quatre à cinq fois en moyenne depuis leur arrivée. 2013 a été une année record en nombre d’expulsions avec 21 000 enregistrées, selon le décompte de la Ligue des droits de l’homme. Le premier semestre 2014 est sur la même tendance, assure ERRC qui a comptabilisé 6 660 personnes expulsées au premier semestre 2014.
Les conséquences pour les enfants sont désastreuses. 67% des parents interrogés dans le cadre de cette enquête s’inquiètent pour la santé mentale de leur enfant. Comme cette mère qui raconte que son enfant se fait pipi dessus dès qu’il croise une personne portant un uniforme. L’école est souvent «le seul lieu stable de leur vie»,insiste Erika Bodor. Leur en bloquer l’accès comme le fait la France aujourd’hui, c’est«leur voler leur avenir. On est en train de créer une génération de citoyens européens analphabètes.»









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