Film français de Jean-Charles Hue avec Jason François... (2013 - 1h34)
Jason, 18 ans, qui s’apprête à célèbrer son baptême chrétien et ses frères, appartenant à la communauté des gens du voyage partent en virée dans le monde des gadjos à la recherche d’une cargaison de cuivre.
Un choc culturel de taille sous forme de thriller moderne tourné avec des acteurs, issus de la communauté du voyage. Mémorts-ables!
A PARTIR DU JEUDI 6 NOVEMBRE
+ CINE DEBAT VENDREDI 7 NOVEMBRE à 20h30
Un film soutenu par l'Association des Cinémas du Centre (ACC) :
cinemasducentre
Soutenu par : AFCAE - Aidé à l'écriture et à la production
par Ciclic
Sélection : Prix Jean Vigo 2014 - Quinzaine des
réalisateurs, Cannes 2014
Entretien avec le réalisateur :
Vidéo Jean-Charles HUE
Le dossier de presse http://www.cinemasducentre.asso.fr/upload/mangetesmorts.dp.pdf
Jean Vigo (décédé à 29 ans en 1934) |
PRIX JEAN-VIGO 2014 POUR MANGE TES MORTS DE JEAN-CHARLES HUE
Excellente nouvelle : Luce Vigo, fille du réalisateur
Jean Vigo et présidente de l’Association Prix Jean-Vigo a remis hier soir au
Centre Pompidou le Prix Jean-Vigo au long métrage de Jean-Charles Hue Mange
tes morts, remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes
en mai dernier. Le prix Jean-Vigo est une prestigieuse récompense
cinématographique décernée depuis 1951, en hommage au réalisateur de Zéro
de conduite et L’Atalante.
Il est attribué chaque année à un réalisateur français,
auteur de longs ou de courts métrages, distingué pour l’indépendance de son
esprit et l’originalité de sa réalisation. Ces qualités définissent le travail
de Jean-Charles Hue que nous avions rencontré à Cannes et dont nous aimons
beaucoup le nouveau film, faisant suite à son premier long, La BM du
seigneur.
Jean-Charles Hue est un cinéaste français né en 1968. Depuis 2003, il filme les aventures des Dorkel, une famille de
Yéniches du Nord de la France issue de la communauté des gens du voyage.
En 2009, il réalise son premier long métrage, Carne Viva, dans
lequel il explore la mythologie urbaine de Tijuana. En 2010, il
tourne sa première fiction, La BM du Seigneur, entre polar et western
gitan.
Comment avez-vous rencontré la famille que vous filmez ?
Il y a 18 ans, alors que j’étudiais à l’école d’Arts de Cergy-Pontoise,
je m’arrêtais souvent voir les voyageurs que je croisais sur le bord de la
route, jusqu’à ce que deux d’entre eux, en apprenant que ma mère s’appelait
Dorkel, me parle de la famille Dorkel en banlieue parisienne. J’ai fait la
rencontre de Violette et de ses enfants, Fred, Jo, Maurice et Sandra qui m’ont
directement emmené
à une rencontre évangélique qui se déroulait à côté dans un
cabanon.
Un pasteur parlait du Seigneur entre transe et illumination. Et
tous les gitans se retournaient vers moi, le « gadjo » [désigne celui qui
n’appartient pas à la communauté des gens du voyage].
Lorsqu’ils ont compris que nous étions
parents, ils ont cru que j’étais un orphelin à la recherche d’une
famille d’adoption. Ils m’ont emmené à l’Assemblée évangélique de Gien. Là-bas, j’ai
vu des choses incroyables : un grand terrain vague, 40 000 gitans et le
long coup d’une girafe qui passait au dessus d’une mer de caravanes, c’était
l’un des animaux du cirque Bouglione qui prêtait son chapiteau à l’église
évangélique.
Que signifie le titre ?
Mange tes morts est l’insulte suprême des gitans. Il n’y a
pas d’équivalent chez les « gadje ». Une fois proférée, une telle insulte
peut conduire à un drame car cela signifie qu’on vous envoie renier vos
ancêtres, manger vos morts.
Si les gitans vivent beaucoup au jour le jour, il
n’en reste pas moins que leur attachement aux parents, aux ancêtres est
fondamental et qu’il s’agit d’un socle pour la communauté. Celui qui mange sa parole ou
la mémoire des anciens n’est plus un homme.
Je sais que le titre pourra
déranger la communauté mais j’ai pensé que la situation actuelle
réclamait plus un cri de guerre qu’une absolution. Un cri profondément gitan qui
ne veut rien perdre de ses racines et de sa force.
Il y a quelque chose
chez les voyageurs que j’ai filmés de l’ordre de la résistance : ne pas se
faire agneau, ne pas dire son dernier mot. Fred dit souvent qu’il vaut toujours mieux
faire le boucher que le veau.
Quelle est la particularité de cette communauté
yéniche au sein du
monde gitan ?
Contrairement aux gitans et tziganes venus d’Inde, les
yéniches viennent du
centre de l’Europe, notamment d’Allemagne comme le prouvent
de nombreux
mots de leur vocabulaire. Certains disent qu’ils sont les
descendants
des Celtes. Tout comme les tziganes, ils ont pris la route
après avoir perdu
leurs moyens de subsistance. Certains brigands se sont
joints à eux si l’on
en croit la traduction du mot « yéniche » qui voudrait dire
« coquillard » en
français. Cette communauté est arrivée en France au
Moyen-Âge. Depuis
« le réveil » évangélique des années cinquante, les
différentes communautés
des gens du voyage se sont mélangées. Tziganes et yéniches
ne se
sont pas toujours côtoyés pour le meilleur. Mon
interprétation est que ces
vieilles rivalités sont dues à un déficit d’estime pour la
culture yéniche en
raison de leur faible pratique de l’art de la musique. La
belle silhouette de
la gitane dansante accompagnée par des violons a toujours
prêté aux tziganes
cette aura qui ne les quitte plus. Les yéniches se sont
davantage fait
craindre qu’admirer pour leurs talents. Aux yeux des
tziganes, ce sont des
gens rustres voire dangereux qui se font leurs propres
tatouages à l’aide de
charbon et de schnapps. Leur résistance au mal et leur force
physique ont
toujours été légendaires.
Contrairement à La BM du Seigneur qui alternait
moments documentaires
et fiction, Mange tes morts est plus clairement un
film de pur
cinéma…
A l’origine, La BM du Seigneur devait être un home movie, un
film monté à
partir de d’une matière documentaire que j’accumulais depuis
longtemps.
Mais j’ai eu finalement envie d’une fiction. Mon producteur
m’a suivi. J’ai écrit
un scénario et je suis reparti tourner. Mais on ne savait
pas qu’un jour La
BM sortirait en salle. Mange tes morts est une fiction à
100%. C’est un film
qui a été pensé et écrit comme tel, même si mon cinéma se
nourrit de la
vie de toute la communauté. Les deux ont en commun de
plonger dans
des histoires vécues par les Dorkel et parfois par moi-même
ainsi que la
mythologie des gitans. Cette virée en bagnole a
effectivement eu lieu mais
des éléments imaginaires ajoutés en ont fait un road movie,
une sorte de
chevauchée proche du western.
Le destin de Fred sonne comme le crépuscule d’un
monde. On pense
évidemment au cinéma américain, à une sorte de John
Wayne de
L’Homme qui tua Liberty Valance ?
John Ford, 1962 |
Oui, c’est la fin d’un monde où la différence entre gadjos
et gitans existait réellement.
Sam Peckinpah (1969) |
Cet aspect crépusculaire provoque quelque chose de fort en
moi depuis longtemps. Très jeune, j’aimais par-dessus tout les
westerns, surtout lorsque les héros vieillissants retrouvaient le sens de leur vie
dans un ultime combat.
Lorsque j’ai rencontré les Dorkel, c’était comme si
prenaient corps sous mes yeux les questionnements des mercenaires de La Horde
Sauvage, comme le discours du pasteur qui ouvre le film. Lorsque Fred récupère
sa voiture dans la cave sous terre – sa monture de l’époque ! – cela participe
de la même idée : la déterrer et avec elle, le passé. Si le monde a changé, Fred
non.
Le film fait aussi référence au polar. Partir des
gitans pour aller vers le
genre, c’était l’idée ?
Le polar, le film noir, le western et d’autres genres comme
le fantastique ou
un cinéma de poésie comme celui de Paradjanov me semblaient
déjà en
germe dans le monde voyageur. J’ai assisté à des épiphanies
et à des fusillades
au cours de la même journée. Je me souviens du jour où j’ai
eu l’occasion
d’acheter un flingue. Ça ressemblait à une scène digne de
Melville.
Une vieille maison de banlieue abîmée et isolée, la femme
préparant une
soupe aux choux alors que l’homme étalait des flingues sur
la table. Lorsqu’il
a posé un P38, des images du Cercle Rouge me sont revenues
en tête. J’ai
acheté ce flingue et tourné tous mes films avec… Je ne pense
pas avoir
amené les gitans vers le cinéma de genre : ce sont les
gitans qui ont accueilli
le cinéma chez eux.
Jean-Pierre Melville (1970). |
Les Roms (aussi) dans l'actualité
Expulsion d’un camp de Roms à Bobigny : « On
remplace une misère par une autre misère »
Le Monde.fr | 22.10.2014
|Propos recueillis par François
Béguin
Le campement dit des « Coquetiers », un camp rom
situé à Bobigny (Seine-Saint-Denis), qui accueillait encore
récemment quelque 200 personnes, dont de nombreux enfants scolarisés, a été
évacué, mardi 21 octobre, en vertu d’un arrêté municipal pris par le
nouveau maire de la ville Stéphane De Paoli (UDI), qui invoquait l’insalubrité
des lieux.
Guillaume Lardanchet, porte-parole de la structure RomEurope
et directeur de Hors la rue, une association qui intervient auprès des mineurs
étrangers en danger en région parisienne, explique pourquoi il juge « absurde » cette
expulsion.
Au lendemain de l’expulsion du camp des Coquetiers, que
deviennent les personnes à qui aucune solution de relogement n’a été
proposée ?
Guillaume Lardanchet : Une soixantaine de
personnes sont actuellement abritées dans un gymnase à Paris. Je ne pense pas
que la mairie de Paris, qui a pallié l’urgence, hier, soit
en mesure de trouver des solutions
de relogement en vingt-quatre heures, ce que la ville de Bobigny, le territoire
de Seine-Saint-Denis et l’Etat n’ont pas pu faire pendant
plusieurs mois.
Aujourd’hui, à court terme, il n’y a pas de solution. On
remplace une misère par une autre misère. Ces familles étaient ancrées dans un
territoire et on les condamne à l’errance. Que vont devenir les suivis
médicaux ? Les démarches pour accéder à l’emploi,
au logement, à la protection de
l’enfance ? L’Etat procède à une évacuation à Bobigny et c’est la ville de
Paris qui gère l’urgence. Cela illustre l’absurdité de cette politique.
Quelle était la situation du camp des Coquetiers ?
C’était un bidonville plutôt stable, où il y avait beaucoup
d’enfants scolarisés, grâce notamment à une directrice d’école très impliquée
auprès des familles. Il y avait une vraie implication pour que les
scolarisations tiennent. En ce sens, le campement était un peu exemplaire.
La circulaire du 26 août 2012, qui prévoit qu’il
n’y ait pas d’évacuation sans solution de relogement, est-elle appliquée lors
des évacuations ?
L’évacuation du campement de Bobigny n’est conforme ni à
l’esprit, ni à la lettre de la circulaire de 2012 : soixante personnes,
dont beaucoup sont vulnérables, se trouvent aujourd’hui sans solution de relogement.
On remarque de façon générale que les diagnostics sociaux,
préalables à toute évacuation, sont souvent mal menés, d’une façon trop rapide,
trop massive, sur une seule journée, au moment où des familles ne sont pas là.
Ces diagnostics ne sont parfois pas actualisés non plus. La manière dont est
mise en œuvre la circulaire exclut de facto certaines familles du diagnostic et
donc des solutions de relogement.
Où en est la politique d’expulsion des bidonvilles ?
Au troisième trimestre 2014, 3 695 personnes ont été
expulsées de 41 lieux de vie en France, selon les décomptes de la Ligue
des droits de l’homme et de ERRC (European Roma Rights Centre),
ce qui porte à 10 355 au total le
nombre de personnes expulsées de janvier à septembre 2014.
2013 avait été une année noire. Plus de 20 000
personnes avaient été concernées par une évacuation de bidonville en France.
Sachant que 17 000 personnes vivent dans les bidonvilles, cela veut dire qu’il y a des
familles qui vivent plusieurs évacuations en une année.
Avant 2012, on tournait autour de 10 000 personnes.
L’accélération du rythme à partir de 2012 n’a
pas eu d’impact sur les bidonvilles. Il y en a toujours autant. Ce qui a
changé, c’est que les personnes expulsées ont des problèmes encore plus
profonds car les accompagnements médicaux ou sociaux ont été rompus, et les
scolarisations interrompues.
Cela nous pousse à militer pour la
stabilisation provisoire des bidonvilles pour limiter la casse provoquée
par les expulsions massives.
Expulsés de leur campement, les roms de Bobigny ont dormi
dans un gymnase à Paris
Publié le 22.10.2014
Leparisien.fr avec l’AFP
Plusieurs dizaines de familles roms, expulsées mardi du camp des Coquetiers de Bobigny (Seine-Saint-Denis), l'un
des plus anciens campements, ont été finalement accueillies pour la nuit dans
un gymnase parisien. L'équipement a été mis à leur disposition par la ville
de Paris dans
le cadre d'une «procédure d'urgence» peu avant 23 heures, selon Sylvain
Raifaud, adjoint au maire du Xe arrondissement.
Peu de temps auparavant, ces familles roms s'étaient regroupées sur la place de la République «pour manifester leur condition» et «demander un hébergement d'urgence», selon Véronique Decker, directrice de l'école primaire Marie-Curie, où sont scolarisés plusieurs enfants. Ils s'étaient ensuite rendus à l'hôpital Saint-Louis à Paris, d'où ils ont été aussi délogés par les CRS, vers 21h30. Certains d'entre eux, une couverture sur le dos ou poussant une poussette, ont quitté l'hôpital derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire : «Les Roms expulsés par la République exemplaire».
«Aucune solution ne leur a été proposée, on en fait des SDF», s'est insurgé Benjamin Abtan, président de l'association Egan de lutte contre le racisme.
Le camp des coquetiers comptait entre 200 et 400 personnes
Le campement dit des «coquetiers», qui accueillait encore récemment entre 200 et 400 habitants, a été évacué vers 13 heures mardi, en vertu d'un arrêté municipal pris en août par le nouveau maire de la ville Stéphane De Paoli (UDI), qui invoquait l'insalubrité des lieux. Plusieurs associations s'étaient mobilisées ces derniers jours pour soutenir les habitants de ce campement emblématique de Seine-Saint-Denis, situé à proximité de la mairie de Bobigny. Une lettre ouverte, signée par le MRAP, la LDH, RESF et le Secours catholique a été adressée au Défenseur des droits.
«Aujourd'hui, c'est une défaite politique pour la République, pour toute la gauche, dont les premières victimes sont les familles qui ont construit une vie, ici, dans des conditions qu'il s'agit d'éradiquer, pas de reproduire quelques kilomètres plus loin», a réagi dans un communiqué le Parti communiste français de Bobigny, qui a perdu la ville lors des municipales.
Selon la préfecture de Seine-Saint-Denis, une trentaine de familles, présentes lors du diagnostic social réalisé en août, et dont les enfants sont souvent scolarisés, ont reçu une proposition de relogement. Une petite dizaine, disposant de «revenus stables», ont eu une proposition de logement social dans le département. Une dizaine d'autres, en situation moins stable, seront hébergées à l'hôtel. Quant aux familles restantes, elles seront accueillies dans des foyers Adoma, situés hors Ile-de-France, «faute de place» dans la région. «Les solutions de relogement proposées par les autorités ne sont pas adaptées», a dénoncé mardi dans un communiqué Amnesty international. «Ces logements se trouvent pour certains au-delà de la banlieue parisienne, très loin des écoles que fréquentent actuellement les enfants» du campement, a poursuivi l'organisation.
Un dossier sur le site de Mediapart :
"Romeo et Kristina" Le prochain film
de Nicolas Hans Martin à découvrir... et soutenir ! .
Mediapart diffuse Moulin-Galant, La Question rom,
un documentaire de 52 minutes de Mathieu Pheng sur la vie quotidienne dans le
plus grand bidonville d'Essonne, en Île-de-France. Ce film témoigne de la
difficulté, si ce n'est de l’incapacité, des élus locaux à gérer l’arrivée de
ces migrants européens.
À Marseille, sur fond de précarisation croissante des Roms,
chassés des squats vers les trottoirs, les incidents se multiplient avec la
population. Plusieurs habitants ont ainsi délogé un campement la semaine
dernière avant d'y mettre le feu. Dans un autre quartier, c'est la porte d'un
espace accueillant une dizaine de familles roms qui a été défoncée.
Boulevard
Vintimille, le 2 octobre 2012. © LF
Des gendarmes varois racontent les pratiques illégales
contre les Roms
Des Roms, souvent mineurs,
interpellés, puis, à l'issue de leur vérification d'identité ou garde à vue,
transportés dans un véhicule de gendarmerie et relâchés, parfois dépouillés de
leurs chaussures, à des dizaines de kilomètres de leur lieu d'interpellation.
Selon plusieurs gendarmes du Var, ces pratiques illégales auraient eu cours au
moins en 2010 et 2011 dans leur brigade, à Brignoles, qui compte une vingtaine
de fonctionnaires.
Deux gendarmes brignolais,
rencontrés par Mediapart, affirment, sous couvert d'anonymat, avoir été témoins
ou avoir participé à ces « raccompagnements » de Roms de nationalité
étrangère en 2010 et 2011. En plus de ce qui s'apparente à des séquestrations
...
Roms : «J'ai
huit ans, je voudrais aller à l'école, s'il vous plaît»
MARIE
PIQUEMAL 28 JUILLET 2014
Un enfant dans un campement rom, à Triel-sur-Seine, en
région parisienne, en octobre 2013.
(Photo Benoit Tessier. Reuters)
Une ONG alerte sur la situation de ces enfants roms vivant
en France et à qui les mairies refusent, ou compliquent, l'accès à l'école.
«Merci de me laisser aller à l’école pour devenir
chauffeur.» C’est Fernando qui parle, face caméra. Un petit brun de huit
ans, l’air grave. Il s’exprime en romani, sa langue natale, n'ayant pas encore
eu la possibilité d'apprendre le français. Ses propos sont sous-titrés dans
cette vidéo diffusée à la presse lundi matin par le Centre européen pour les
droits des Roms (ERRC). Cette ONG, implantée dans quinze pays dont la France,
lutte contre les discriminations envers les Roms migrants.
Actif dans les
bidonvilles auprès des familles, ERRC agit aussi sur le terrain judiciaire pour
que les tribunaux fassent respecter les droits élémentaires. Comme le droit à
l’éducation. En France, la règle est pourtant simple : tout enfant entre 6
et 16 ans doit aller à l’école, quelle que soit la situation dans laquelle se
trouve sa famille. Que ses parents aient des papiers ou non, un domicile ou
non. Ça, c’est pour le grand principe. Mais dans les faits, beaucoup d’enfants
roms n’ont jamais mis les pieds dans une école, sans que l’on puisse dire
combien. Il n’existe pas de donnée chiffrée fiable à l’échelle nationale.
REFUS D’INSCRIPTION
L’ERRC a mené
l’enquête entre janvier et avril dernier, interrogeant 118 personnes roms,
vivant dans six bidonvilles : deux en Seine-Saint-Denis, deux dans la
communauté d’agglomération de Lille et deux à Marseille. Des entretiens longs
et approfondis menés par six «intermédiaires», des Roms vivant dans des
bidonvilles, et parlant français. Les résultats de l’étude étaient présentés ce
lundi matin.
La moitié des
enfants rencontrés ne sont pas scolarisés. Pourquoi ? Dans 60% des
situations, la municipalité refuse d’inscrire l’enfant à l’école. «Souvent,
les agents font traîner les demandes, déplore Erika Bodor qui a
coordonné l’étude pour l’ERRC. Par exemple, la mairie exige une
adresse de domiciliation alors que selon la loi, une carte d’identité de
n’importe quel pays est suffisante pour l’inscription.»
Dans d’autres
cas, raconte-t-elle, le maire «se dédouane» en invoquant le
manque de place dans l’école. «Sauf que dans ce cas-là, les autorités
doivent faire remonter les besoins au rectorat pour éventuellement ouvrir une
nouvelle classe. Mais ils ne le font pas.»
«A QUOI BON
ALLER À L’ÉCOLE SI ON EST EXPULSÉ DEMAIN ?»
Pour Manon
Fillonneau, chargée de mission droits de l’homme à ERRC, «les refus de
scolarisation sont étroitement liés à la politique d’expulsion». Un maire
qui veut expulser un camp installé dans sa commune a tout intérêt à ne pas
scolariser les enfants, et ainsi éviter toute mobilisation des parents ou des
enseignants. Quand une procédure de justice est engagée, explique-t-elle, le
juge prend en considération le nombre d’enfants scolarisés et retarde
l’expulsion quand beaucoup vont à l’école.
«Du coup, les
mairies traînent des pieds, et des demandes d’inscription restent lettre morte.
Quand les associations ne sont pas là pour se battre, les enfants ne vont pas à
l’école», renchérit Erika Bodor. «Certaines familles baissent les
bras, en se disant : à quoi bon envoyer mon enfant à l’école si on est
expulsé la semaine prochaine…» Les familles interrogées ont déjà été
expulsées quatre à cinq fois en moyenne depuis leur arrivée. 2013 a été une
année record en nombre d’expulsions avec 21 000 enregistrées, selon le
décompte de la Ligue des droits de l’homme. Le premier semestre 2014 est sur la
même tendance, assure ERRC qui a comptabilisé 6 660 personnes expulsées au
premier semestre 2014.
Les conséquences
pour les enfants sont désastreuses. 67% des parents interrogés dans le cadre de
cette enquête s’inquiètent pour la santé mentale de leur enfant. Comme cette
mère qui raconte que son enfant se fait pipi dessus dès qu’il croise une
personne portant un uniforme. L’école est souvent «le seul lieu stable
de leur vie»,insiste Erika Bodor. Leur en bloquer l’accès comme le fait la
France aujourd’hui, c’est«leur voler leur avenir. On est en train de créer
une génération de citoyens européens analphabètes.»
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