samedi 29 novembre 2014

SUPER TRASH

10ème séance avec débat




SUPER TRASH

Film documentaire français de Martin Esposito. (2013 - 1h20)


Rappel (v. ACTU novembre)
Mardi 2 décembre 
Auberge de jeunesse 
café repaire.
Le thème :
                                    Que reste-t-il de JAURES
100 ans après son assassinat ?

      C'est Charles SILVESTRE, auteur du livre 
"La victoire de Jaurès"(éditions du Privat, 2013)
qui animera la conférence débat.



Rappel concernant cette fois le film :
C'était un film que nous avions demandé de longue date et qui a vu sa projection concrétisée.



Nous avons eu la bonne surprise, nous qui n’avions pas eu d’écho jusque-là à notre recherche de « grands témoins » sur le sujet de cette soirée, de voir apparaître un couple de Saint-Palais, lieu d’une décharge emblématique, se faire connaître spontanément et ne jamais rechigner à partager leur précieuse expérience.

Tant pis pour nous si nous avions de nombreuses lacunes et si nous pensions que la connaissance de ces choses peu ragoûtantes n’était que très secondaire et ne nous concernait que lointainement. Le débat nous a aussitôt convaincu du contraire.
Pas seulement sur les dénominations qui correspondent pourtant à des réalités très différentes. D’abord, pour Saint-Palais il ne faut pas parler de décharge, mais utiliser un euphémisme technocratique. J’avoue que j’ai oublié, et je sais que site d’enfouissement des déchets n’est qu’une correction insuffisante. Je suis sûr que s’ils nous font parvenir une petite mise au point, je serai en mesure d’être ici plus précis.
Important en revanche de savoir qu’il existe trois types de ces sites. Niveau 1, plutôt anodin, niveau 3, les déchets ultimes. un mot, une expression qui font peur aussitôt que prononcés.

On a bien compris également que trois niveaux de décisions doivent fonctionner correctement pour que ce qui rapporte certes de l’argent aux communes ne soit pas surtout un danger pour les populations voisines. Les lois européennes, les lois nationales et les moyens d’application qui vont avec, la vigilance de la population locale et la combativité du maire doivent s’articuler dans la cohérence et l’efficacité.

Le film n’était qu’en deux dimensions. Ni la troisième ni la quatrième n’ont fait l’objet d’une véritable frustration. Les odeurs sont au cœur de presque toutes le séquences, mais on ne félicite plutôt de ne pas partager pleinement cette expérience existentielle avec le réalisateur. Ce fut plus que compensé par les commentaires des spécialistes présents. Un vrai raffinement digne du film Le Parfum. Depuis la fadeur au fond plutôt rassurante et supportable jusqu’aux effluves persistantes et agressives qui ne vous quittent plus jamais et qui vous font aussitôt suffoquer dès que vous avez l’imprudence d’ouvrir votre fenêtre.

Le maire de Cannes en parle d’ailleurs assez bien. Plusieurs sont d’ailleurs demeurés plutôt septiques (pardon…) devant ces paroles éloquentes qui ne servaient peut-être qu’à masquer le fait qu’il ne se bougeait pas efficacement pour remédier à la situation qui relève au moins en partie de sa responsabilité. Lacune de l’édile, ou hors-champ du film qui entendait limiter son sujet à l’aventure d’une survie en milieu hostile (comme dans notre film de début de saison, Les Combattants).

Qui dit survie dit nourriture et eau potable. Ahurissant de constater ce qu’il essaie de manger. On est loin des préceptes de bonne nourriture et de vie saine préconisés avec notre récent débat sur le diabète (La Santé dans l’assiette). Comment a-t-il pu échapper, et l’a-t-il pu, à la maladie dans la décharge ? Le nom de cette dernière – la Glacière – ne suffit pas à garantir de bonnes conditions de conservation. Elle fait plutôt froid dans le dos (re-pardon, c’est facile…).

Les personnes informées étaient aussi comme par hasard (le département est petit) des militants solides contre les fameuses boues d’Achères, dont nous avons eu l’occasion de parler lors de débats Ciné Rencontres plus anciens. Ces boues ont pollué, en tournant en spirale d’escargot autour de la capitale, successivement les départements limitrophes, la vallée de la Seine, au point de venir jusqu’à nos portes où une résistance efficace, appuyée sur les dégâts déjà occasionnés ailleurs, a pu s’organiser. Cette fois, à une telle ampleur, on pense aux films sur l’extraction du gaz de schiste dans le lignée de Gazland.

Plus près de nous, une deuxième décharge (je crois me souvenir qu’on a signalé qu’il en existait trois dans le Cher, j’ai oublié le lieu exact de la troisième, vers Orval ?) nous préoccupe. On y trouve force corbeaux tournoyants, mais aussi, comme à Cannes, abondance de mouettes. Il paraît que ça doit fermer. Attendons.

Les enfouissements à la fermeture me paraissent un peu sommaires. Une vingtaine de centimètres de terre, et c’est considéré comme propre. On trouve des maison construites sur des sites insalubres où les enfants dégustent en premier. « Dans les années 70, on faisait n’importe quoi. »

Les scènes fortes.
Le contrepoint du festival de Cannes est assurément le fil rouge le plus solide du film. Jamais plus on ne verra le festival du même œil. Ravageur !
La mouette sauvée au péril de ses doigts. Images qui rappellent des cormorans englués dans les hydrocarbures des marées noires. La mer, la mer, toujours recommencée… Ça commence par :

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes

Ce qui fait aussitôt songer que dans cette décharge surréaliste on trouve aussi des cercueils. Re -re-pardon, Paul Valéry.

Films rapprochés
Le cauchemar de Darwin
Un film Ciné-Rencontres sur une décharge monumentale en Turquie. J’espère en retrouver les références.

Encore merci à Saint-Palais, où cohabitent d’une manière (presque) harmonieuses les vergers remplis de pommes et une station d’enfouissement des déchets exemplaires. Grâce à la vigilance toujours nécessaire des habitants relayée par la combativité du maire.

On a aussi évoqué la solidarité des communes sur cette question. Not in my backyard ! est le premier réflexe, et l’argent n’est pas toujours jugé une compensation suffisante. Dans la pratique pourtant, une solidarité convenable est généralement observé.

On a pratiquement conclu sur un paradoxe étonnant. Le trash devient, sinon tendance, du moins rentable et même précieux. Il y a de l’or dans ces déchets compactés sous nos pieds. Les Anglais sont les premiers à les exploiter à grande échelle. Mais on s’y met aussi. Le marché est considérable. Les Hollandais sont friands du plastic recyclable, les Chinois prennent à peu près tout. Le trashgold a de l’avenir.

On le voit, on ne s’est pas cantonné à Saint-Palais ou Saint-Hilaire (tiens, que des saints, mais on ne dira rien du caractère sacré de ces nouvelles cathédrales uniques montagnes de nos pays plats), on a visité le monde, le sixième continent de déchets divers et malheureusement aussi de matières plastiques meurtrières pour la faune qui dérive, fantomatiques, sur nos océans dont on nous rappelle chaque jour l’extraordinaire puissance et aussi l’extraordinaire fragilité. Et nous avons aussi dit ce qui était construit sur des déchets au Japon : un port, rien de moins. Comme à Cannes, la mer y fait sûrement rêver.

Esthétique
Un film au filmage risqué au plus près du danger, comme un surfeur de haut niveau seul pouvait le faire. Une performance. Des mouvements de caméra nerveux, certains disent erratiques,  qui,  selon les tempéraments, maintiennent l'attention ou au contraire fatiguent. Un énorme travail de montage, avec des plans brefs qui souvent ne dépassent guère la seconde. Esthétique du clip. Il y a des partisans qui apprécient, et aussi des détracteurs qui, à la longue, trouvent cette présentation trop répétitive, trop complaisante. Et pourtant, il faut bien avouer à la fin qu'il faut bien du talent pour nous faire vivre pendant si longtemps dans un pareil univers sans qu'on quitte la salle, et même qu'on reste après pour en débattre. Immersion est le mot. Jusqu'à l'ambiance sonore à la limite des acouphènes (comme dans La famille Bélier) pour traduire ce qui s'apparente à une noyade, non pas dans l'extase d'une émission paillettes genre The Voice, mais dans des déchets mouvants qui, on nous le dit sans le film, ne sont pas des sables. Bien des déchets industriels et du bâtiments ne devraient pas être là. Et pourtant, il y sont, du moins ils y étaient, jusqu'en 2009. Mais quelle victoire, si on en construit aussitôt une autre juste à côté? 


 



Berry républicain 6 12 2014


Dix jours plus tard.










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