20e séance avec débat
Biopic anglais de Justin Chadwick avec Idris Elba, Naomie Harris. (vost-2h32)
C’est l’histoire d’un rêve
Le hasard
de ce soir-là a voulu mettre en concurrence locale notre soirée vierzonnaise avec Mandela et la présentation exceptionnelle, à Bourges, du plus bel incunable de
notre chef d’œuvre littéraire du XIIIe siècle, Le Roman de la Rose.
Heureusement,
j’ai pu me dédoubler par procuration grâce à notre photographe associative qui
m’a rapporté la quintessence de l’exposé ainsi que le catalogue de
présentation. On y trouve en bonne place cette réflexion sur la nécessité
universelle du rêve dans les sociétés humaines :
Le
rêve de Mandela est mentionné au début et à la fin du film. Il prend
immédiatement une valeur métaphorique par élargissements successifs : une
famille heureuse et unie, un pays heureux et uni, un monde heureux et uni. Il
évoque aussi irrésistiblement le fameux rêve de Martin Luther King. Ayant vécu
beaucoup plus longtemps que ce dernier, Mandela a subi de nombreuses épreuves
douloureuses et collectives. La dernière mention du rêve fait état davantage de
mélancolies et de désillusions que de véritable espoir.
C’est l’histoire de la non violence
Les
Etats-Unis, l’Inde, l’Afrique du Sud. Ces trois pays voient sur ce plan leurs
cours historiques curieusement entremêlés, tant les phénomènes de filiation,
d’échos, et de parallélismes sont nombreux.
Tout part de
Thoreau, refusant en 1846 de payer ses impôts dans un Etat esclavagiste. Tout
part d’un bus et d’une femme qui refuse d’accepter les lois ségrégatives. Dans
la foulée, Martin Luther King initie un mouvement de boycott des bus.
Parallèlement, Mandela rejoint un mouvement semblable à Johannesburg.
Rosa Parks vers 1955 avec Martin Luther King. |
La non violence
n’a pas le don magique par elle-même d’annihiler la violence, ce serait trop
facile. Chez Gandhi, les limites sont vite trouvées : les agressions
nazies, les menaces d’invasion japonaises, la question de la partition de
l’Inde et une position de principe qui allait tout droit vers une effroyable guerre
civile. Mandela a été attaqué comme terroriste : changeons de camp, donc de
point de vue: il devient aussitôt et classiquement un héros de la résistance.
La résistance, la non violence : une dialectique tellement délicate à doser
et à adapter selon les circonstances que même les héros de l’histoire ne
peuvent prétendre à l’infaillibilité dans tous les cas. Mandela avait forcément
ses contestataires dans son propre camp, comme avait les siens Martin Luther
King. Sans méconnaître leurs différences importantes, on pense à Angela Davis en
voyant certaines scène où figure Winnie Mandela.
La source Henry David Thoreau irrigue directement Gandhi et Martin Luther King. |
C’est l’histoire d’un caractère
Un caractère
bien trempé, assurément. Mais ce n’est pas un monolithe : il est capable,
selon les circonstances, d’avoir la rigidité du chêne et la souplesse du
roseau. Il fonce comme un rugbyman d’Invictus pour forcer le
barrage des policiers de la gare et prendre place dans le compartiment des
blancs. Mais il est aussi capable de refuser la vengeance à court terme qui ne
mènerait qu’à un avantage éphémère, au risque de passer pour faible aux yeux
des jusqu’au-boutistes de son camp. C’est un athlète cérébral. Un boxeur joueur
d’échecs.
Qu'est-ce qui lui permet d'aller jusqu'au bout? Son stoïcisme: il est libre, celui qui ne craint pas son bourreau parce qu'il ne craint pas de mourir. Cette leçon se confirme avec la mention de son poème préféré : Invictus. Le latin ("Invincible") a servi au poète ancien à surmonter les douleurs atroces d'une amputation du pied. Des douleurs à surmonter, des menaces à affronter, chacun sait que Mandela en a eu plus que sa part.
Chez John Ford, L'homme qui tua Liberty Valance (1962), il serait à la fois l'avocat obstiné et l'homme fort, à la fois James Steward et John Wayne.
Les jeunes spectateurs du Conseil municipal d'enfants, lorsqu'ils sont venus voir le film Invictus, ont été étonnés d'apprendre que le titre était d'abord celui d'un poème, et qu'il avait un rapport direct avec une amputation du pied et le roman L'Ile au trésor qu'ils n'ont évidemment pas manqué de lire. John pour sa part n'a pas manqué de rappeler ici cette anecdote. Il aurait même pu sans peine nous le lire en V.O., donc en anglais.
Invictus est un court poème de
l'écrivain William Ernest Henley qui fut cité à
de très nombreuses reprises dans la culture populaire, ce qui contribua à le
rendre célèbre. C'était le poème préféré de Nelson
Mandela. Il est notamment repris dans le film Invictus de Clint
Eastwood.
Le titre latin signifie « invaincu, dont on ne triomphe
pas, invincible » et se fonde sur la propre expérience de l'auteur puisque
ce poème fut écrit en 1875 sur son lit d'hôpital, à la suite de son
amputation du pied. William
Henley disait lui-même que ce poème était une démonstration de sa résistance à
la douleur consécutive à son amputation.
Lorsque le
texte est écrit, William Henley a vingt-cinq ans. Il survivra à son opération
et vivra avec un seul pied jusqu'à l'âge de cinquante-trois ans. Ce poème est
publié pour la première fois en 1888 dans un recueil d'Henley, au sein
d'une série de quatre textes sur la vie et la mort. À l’origine, ce poème ne
possédait pas de titre, celui-ci fut ajouté par Arthur Quiller-Couch en 19002.
Dans la
scène du film où le poème complet est lu en voix off (scène de la visite de la
prison-musée de Robben Island), Morgan Freeman fait une erreur de lecture en
terminant le 7e vers par le mot "fate" au lieu de
"chance".
William Ernest Henley (1849-1903)
Atteint d'une tuberculose osseuse
à l'âge de 12 ans, il dut subir une amputation de
son pied gauche à mi-jambe à l'age de 25 ans. L'écrivain Robert Louis Stevenson, dont il était
l'ami, s'inspira de son handicap pour décrire le personnage de Long John
Silver, le fameux pirate de son roman d'aventures L’Ile au trésor (1883).
|
Wallace Berry dans le film de Victor Fleming, en 1934.
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C’est l’histoire d’un prisonnier
La prison comme moyen de se débarrasser d'opposants gênants, c'est encore et toujours d'actualité. Et c'est un quasi record pour Nelson Mandela: 27 ans.
Robbens Island, où Mandela fut emprisonné. |
Opposant
permanent, il fut un prisonnier permanent. Pas au nom de la non violence :
son mot d’ordre à lui, c’était l’insurrection d’abord. Les manifestations de
1831 le conduisent à sa première prison. Courons vite aux dernières, sans doute
les plus célèbres : Adolphe Thiers, chef de l’exécutif de l'époque, l’arrête dans le Lot la
veille de la naissance de la Commune, le 17 mars 1971 et, plutôt que de le
libérer, il préfère sacrifier 74 otages, dont un archevêque, Mgr Darboy, dont la vie ne
pèse effectivement pas lourd face à la capacité de nuisance représentée par Blanqui. Condamné à la détention
perpétuelle, ce dernier est libéré du château d’If (sa dernière prison, celle du fictif Comte
de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas) en 1879, soit deux ans avant sa mort.
Auguste Blanqui (1805-1881), dit l’Enfermé. |
C’est l’histoire d’un homme
providentiel
Mais un homme providentiel qui refuse d’être un héros, et qui ne
pense qu’en terme de collectif. La métaphore des doigts qui ne peuvent rien
seuls, mais qui ensemble font une main, qui elle-même fait un poing, revient à
plusieurs reprises. Si ma mémoire du film est bonne, il l’a reçue des
fondateurs de l’ANC.
On comprend le dilemme du tribunal : en faire un martyr en le tuant (l'hypothèse qui était alors de loin la plus probable), ou laisser un
leader potentiel en vie (ce qui s'est effectivement passé) ?...
C’est l’histoire d’un pays
et d’un mot : l’apartheid. Il est de fait pratiquement dès l'arrivée des colons au XVIIe siècle, et de "droit" depuis 1948.
Un geste de
résistance à l'apartheid consiste à brûler son laissez-passer (passeport
intérieur) que tout Noir de plus de 16 ans doit porter sur soi. Ce document
mentionne notamment les autorisations éventuelles de présence de son porteur
dans les quartiers blancs indiqués au-delà des horaires de travail.
Mandela en 1960 brûle son passeport intérieur.
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Manifestation de Black Sash,
une organisation non-violente de femmes blanches opposées à l'apartheid |
Sous la pression de l'opinion occidentale (accompagnée de
pressions économiques, notamment en provenance des États-Unis),
de la contestation interne, de l'agitation de plus en plus incontrôlable dans
les cités noires (les townships), et également de la pression démographique,
l'apartheid est assoupli sous le gouvernement de Pieter Willem Botha.
En 1985, la loi portant
interdiction des mariages mixtes est abrogée.
En 1986, la loi sur les
laissez-passer ('Pass Laws Act') de 1952 est abolie, permettant aux Noirs
sud-africains pauvres de se déplacer librement en ville, voire de s'y
installer. La pérennité de la présence des Noirs dans les frontières de
l'Afrique du Sud blanche est reconnue au sommet de l’État.
Frederik de Klerk et Nelson Mandela en 1992. L'année suivante, ils recevront conjointement le Prix Nobel. |
Nelson Mandela et Mgr Desmond Tutu en 1998 (AFP). |
Ce mot d'apartheid en appelle évidemment un autre : dignité.
C’est l’histoire d’un couple
Ce fut un moment de détente dans ce débat grave que le débat sur les présidents infidèles. Mais l’un
n’était pas encore président, et l’autre n’est pas (pas encore ?) marié.
Hélène de Troie (Julie Gayet), la femme maltraitée par son mari Ménélas, celle par qui le scandale est arrivé. |
On a entendu des commentaires venus d’Outre Manche ou d’Outre
Rhin, se glorifiant d’avoir des dirigeants au plus haut niveau (pas des députés,
ça ne collerait pas) fidèles à leur conjoint. On leur objectera la réponse de
Célimène à Arsinoé dans Le Misanthrope de Molière : Quel mérite, quand on n’a pas, ou plus, de
charme ? Kennedy, Clinton, Obama, c’est autre chose : les deux premiers provoquent et attirent les
actes, le dernier au moins les rumeurs…
La situation présente, à laquelle
je viens peu finement moi-même de faire allusion, est littéralement hystérisée
par la presse anglo-saxone (que je ne confonds pas avec les peuples, bien
entendu).
Alors je me tourne vers
Fontenelle, grand dégonfleur de baudruches.
La question est : Pourquoi cette spécificité française ? Cette
chose étrange qui serait so french, so froggy,… Merci à l’auteur
de l’Histoire des Oracles de nous mettre judicieusement en garde :
« Assurons-nous bien du fait, avant de nous inquiéter de la cause. … Nous
éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point. »
Ainsi, il y aurait un monde anglo-saxon,
prétendument puritain, protestant ou assimilé, respectueux de la morale la plus
stricte en matière conjugale et amoureuse, et un monde latin, vaguement Club
Méd ou assimilé, libertin pour être clair, dissolu pour l’être plus encore.
Voyons donc quelques cas chez nos amis allemands, les hommes politiques
anglais, depuis l’affaire Profumo – Christine Keeler de 1963, ayant assez
souvent défrayé la chronique pour vraiment nous surprendre encore. Argument a
fortiori donc : Si même les Allemands… alors les autres !
Gerhard Schröder, chancelier fédéral. Marié à quatre
reprises, et divorcé par trois fois, il est surnommé « Audi Man », en
référence aux quatre anneaux de la marque allemande. Il a tout d'abord épousé
Eva Schubach en 1968,
et s'en est séparé quatre ans plus tard au profit d'Anne Taschenmacher, dont il
a divorcé en 1984.
Cette même année, il se remarie avec Hiltrud « Hilu » Hampel, qu'il
quitte en 1997 pour
Doris Köpf, de 19 ans sa cadette.
En 1977, Angela Merkel épouse le physicien Ulrich
Merkel. Ils habitent alors dans un appartement à Berlin-Est.
Après son divorce en
1982, elle décide de conserver le nom de Merkel. Elle se remarie le 30 décembre 1998 avec le professeur de chimie Joachim Sauer.
Discret, on ne le voit guère avec son épouse que lors de leurs sorties à
l’opéra. C’est facile : on le surnomme le Fantôme de l’Opéra.
Joachim Gauck , est le président fédéral depuis 2012. Séparé, depuis 1991, de son épouse, Hansi
Radtke, avec laquelle il eut quatre enfants, Joachim Gauck a pour compagne,
depuis 2000,
la journaliste politiqueDaniela Schadt, de 20 ans sa cadette.
En cette matière, Brassens est toujours increvable (L’épave).
Et j'étais là, tout nu, sur le
bord du trottoir-e
Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires.
Une petit' vertu rentrant de travailler,
Elle qui, chaque soir, en voyait un' douzaine,
Courut dire aux agents : " J'ai vu que'qu' chos' d'obscène ! "
Ça n'fait rien, il y a des tapins bien singuliers...
Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires.
Une petit' vertu rentrant de travailler,
Elle qui, chaque soir, en voyait un' douzaine,
Courut dire aux agents : " J'ai vu que'qu' chos' d'obscène ! "
Ça n'fait rien, il y a des tapins bien singuliers...
Changeons de pièce, après Le Misanthrope, Tartuffe prend la parole :
Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Par
de pareils objets, les âmes sont blessées,
Et
cela fait venir de coupables pensées.
Presse
si pure, si puritaine, si hypocrite surtout, qui voit les seins des autres et
pas les siens… Les gens, eux, savent que la vie privée est à respecter
davantage, et que ce n’est pas l’essentiel de leurs préoccupations.
Plus choquante en revanche, la scène plutôt brutale où
Mandela riposte violemment à l’agression de sa première femme, devant,
circonstance aggravante, les yeux de son enfant. J’ai eu la curiosité de voir
comment, dans l’autobiographie qui nourrit le scénario du film, le principal
intéressé en aurait parlé. Eh bien, sauf erreur de ma part car j’ai parcouru
les pages davantage que je ne les ai vraiment lues, je n’ai rien trouvé.
DE LA RELATIVITE DES PRIORITES MEDIATIQUES
Un curieux conflit de priorités relevé par Le Canard enchaîné du 18 décembre 2013 :
Mais pourquoi s'en étonner ? Notre époque ne cesse de nous habituer aux rapprochements les plus incongrus... En voici un, un exemple parmi d'autres...
Berry républicain 18 décembre 2013 |
Mais pour l'histoire (sérieuse), il reste une référence incontournable:
HOMMAGE D'UNE ASSOCIATION DE DEPORTES
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