dimanche 19 janvier 2014

MANDELA

20e séance avec débat




     


MANDELA un long chemin vers la liberté

Biopic anglais de Justin Chadwick avec Idris Elba, Naomie Harris. (vost-2h32)










C’est l’histoire d’un rêve





            Le hasard de ce soir-là a voulu mettre en concurrence locale notre soirée vierzonnaise avec Mandela et la présentation exceptionnelle, à Bourges, du plus bel incunable de notre chef d’œuvre littéraire du XIIIe siècle, Le Roman de la Rose.





            Heureusement, j’ai pu me dédoubler par procuration grâce à notre photographe associative qui m’a rapporté la quintessence de l’exposé ainsi que le catalogue de présentation. On y trouve en bonne place cette réflexion sur la nécessité universelle du rêve dans les sociétés humaines : 






            Le rêve de Mandela est mentionné au début et à la fin du film. Il prend immédiatement une valeur métaphorique par élargissements successifs : une famille heureuse et unie, un pays heureux et uni, un monde heureux et uni. Il évoque aussi irrésistiblement le fameux rêve de Martin Luther King. Ayant vécu beaucoup plus longtemps que ce dernier, Mandela a subi de nombreuses épreuves douloureuses et collectives. La dernière mention du rêve fait état davantage de mélancolies et de désillusions que de véritable espoir.




C’est l’histoire de la non violence

       Les Etats-Unis, l’Inde, l’Afrique du Sud. Ces trois pays voient sur ce plan leurs cours historiques curieusement entremêlés, tant les phénomènes de filiation, d’échos, et de parallélismes sont nombreux.


       Tout part de Thoreau, refusant en 1846 de payer ses impôts dans un Etat esclavagiste. Tout part d’un bus et d’une femme qui refuse d’accepter les lois ségrégatives. Dans la foulée, Martin Luther King initie un mouvement de boycott des bus. Parallèlement, Mandela rejoint un mouvement semblable à Johannesburg.

Rosa Parks vers 1955 avec Martin Luther King.



     La non violence n’a pas le don magique par elle-même d’annihiler la violence, ce serait trop facile. Chez Gandhi, les limites sont vite trouvées : les agressions nazies, les menaces d’invasion japonaises, la question de la partition de l’Inde et une position de principe qui allait tout droit vers une effroyable guerre civile. Mandela a été attaqué comme terroriste : changeons de camp, donc de point de vue: il devient aussitôt et classiquement un héros de la résistance. La résistance, la non violence : une dialectique tellement délicate à doser et à adapter selon les circonstances que même les héros de l’histoire ne peuvent prétendre à l’infaillibilité dans tous les cas. Mandela avait forcément ses contestataires dans son propre camp, comme avait les siens Martin Luther King. Sans méconnaître leurs différences importantes, on pense à Angela Davis en voyant certaines scène où figure Winnie Mandela.




La source Henry David Thoreau irrigue directement Gandhi et Martin Luther King.


C’est l’histoire d’un caractère

       Un caractère bien trempé, assurément. Mais ce n’est pas un monolithe : il est capable, selon les circonstances, d’avoir la rigidité du chêne et la souplesse du roseau. Il fonce comme un rugbyman d’Invictus pour forcer le barrage des policiers de la gare et prendre place dans le compartiment des blancs. Mais il est aussi capable de refuser la vengeance à court terme qui ne mènerait qu’à un avantage éphémère, au risque de passer pour faible aux yeux des jusqu’au-boutistes de son camp. C’est un athlète cérébral. Un boxeur joueur d’échecs.

       Qu'est-ce qui lui permet d'aller jusqu'au bout? Son stoïcisme: il est libre, celui qui ne craint pas son bourreau parce qu'il ne craint pas de mourir. Cette leçon se confirme avec la mention de son poème préféré : Invictus. Le latin ("Invincible") a servi au poète ancien à surmonter les douleurs atroces d'une amputation du pied. Des douleurs à surmonter, des menaces à affronter, chacun sait que Mandela en a eu plus que sa part. 



      Chez John Ford, L'homme qui tua Liberty Valance (1962), il serait à la fois l'avocat obstiné et l'homme fort, à la fois James Steward et John Wayne.

 
Mandela, jeune boxeur au style fougueux.

      Les jeunes spectateurs du Conseil municipal d'enfants, lorsqu'ils sont venus voir le film Invictus, ont été étonnés d'apprendre que le titre était d'abord celui d'un poème, et qu'il avait un rapport direct avec une amputation du pied et le roman L'Ile au trésor qu'ils n'ont évidemment pas manqué de lire. John pour sa part n'a pas manqué de rappeler ici cette anecdote. Il aurait même pu sans peine nous le lire en V.O., donc en anglais.

       Invictus est un court poème de l'écrivain William Ernest Henley qui fut cité à de très nombreuses reprises dans la culture populaire, ce qui contribua à le rendre célèbre. C'était le poème préféré de Nelson Mandela. Il est notamment repris dans le film Invictus de Clint Eastwood

Le titre latin signifie « invaincu, dont on ne triomphe pas, invincible » et se fonde sur la propre expérience de l'auteur puisque ce poème fut écrit en 1875 sur son lit d'hôpital, à la suite de son amputation du pied. William Henley disait lui-même que ce poème était une démonstration de sa résistance à la douleur consécutive à son amputation.
Lorsque le texte est écrit, William Henley a vingt-cinq ans. Il survivra à son opération et vivra avec un seul pied jusqu'à l'âge de cinquante-trois ans. Ce poème est publié pour la première fois en 1888 dans un recueil d'Henley, au sein d'une série de quatre textes sur la vie et la mort. À l’origine, ce poème ne possédait pas de titre, celui-ci fut ajouté par Arthur Quiller-Couch en 19002.
Dans la scène du film où le poème complet est lu en voix off (scène de la visite de la prison-musée de Robben Island), Morgan Freeman fait une erreur de lecture en terminant le 7e vers par le mot "fate" au lieu de "chance".

William Ernest Henley (1849-1903)
Atteint d'une tuberculose osseuse à l'âge de 12 ans, il dut subir une amputation de son pied gauche à mi-jambe à l'age de 25 ans. L'écrivain Robert Louis Stevenson, dont il était l'ami, s'inspira de son handicap pour décrire le personnage de Long John Silver, le fameux pirate de son roman d'aventures L’Ile au trésor (1883).








Wallace Berry dans le film de Victor Fleming, en 1934.




C’est l’histoire d’un prisonnier

                La prison comme moyen de se débarrasser d'opposants gênants, c'est encore et toujours d'actualité. Et c'est un quasi record pour Nelson Mandela: 27 ans.

Robbens Island, où Mandela fut emprisonné.


       On aurait pu le surnommer « l’Enfermé », mais le surnom était déjà pris par un prisonnier célèbre de chez nous : Auguste Blanqui, qui a passé 35 ans de sa vie en prison.
      Opposant permanent, il fut un prisonnier permanent. Pas au nom de la non violence : son mot d’ordre à lui, c’était l’insurrection d’abord. Les manifestations de 1831 le conduisent à sa première prison. Courons vite aux dernières, sans doute les plus célèbres : Adolphe Thiers, chef de l’exécutif de l'époque, l’arrête dans le Lot la veille de la naissance de la Commune, le 17 mars 1971 et, plutôt que de le libérer, il préfère sacrifier 74 otages, dont un archevêque, Mgr Darboy, dont la vie ne pèse effectivement pas lourd face à la capacité de nuisance représentée par Blanqui. Condamné à la détention perpétuelle, ce dernier est libéré du château d’If (sa dernière prison, celle du fictif Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas) en 1879, soit deux ans avant sa mort.


Auguste Blanqui (1805-1881), dit l’Enfermé.



Mandela dans sa cellule à Robben Island




C’est l’histoire d’un homme providentiel

      Mais un homme providentiel qui refuse d’être un héros, et qui ne pense qu’en terme de collectif. La métaphore des doigts qui ne peuvent rien seuls, mais qui ensemble font une main, qui elle-même fait un poing, revient à plusieurs reprises. Si ma mémoire du film est bonne, il l’a reçue des fondateurs de l’ANC.

       On comprend le dilemme du tribunal : en faire un martyr en le tuant (l'hypothèse qui était alors de loin la plus probable), ou laisser un leader potentiel en vie (ce qui s'est effectivement passé) ?...
                                   


C’est l’histoire d’un pays

et d’un mot : l’apartheid. Il est de fait pratiquement dès l'arrivée des colons au XVIIe siècle, et de "droit" depuis 1948. 


      Un geste de résistance à l'apartheid consiste à brûler son laissez-passer (passeport intérieur) que tout Noir de plus de 16 ans doit porter sur soi. Ce document mentionne notamment les autorisations éventuelles de présence de son porteur dans les quartiers blancs indiqués au-delà des horaires de travail.


Mandela en 1960 brûle son passeport intérieur.
Manifestation de Black Sash, une organisation non-violente
de femmes blanches opposées à l'apartheid

            Sous la pression de l'opinion occidentale (accompagnée de pressions économiques, notamment en provenance des États-Unis), de la contestation interne, de l'agitation de plus en plus incontrôlable dans les cités noires (les townships), et également de la pression démographique, l'apartheid est assoupli sous le gouvernement de Pieter Willem Botha.



En 1985, la loi portant interdiction des mariages mixtes est abrogée.
En 1986, la loi sur les laissez-passer ('Pass Laws Act') de 1952 est abolie, permettant aux Noirs sud-africains pauvres de se déplacer librement en ville, voire de s'y installer. La pérennité de la présence des Noirs dans les frontières de l'Afrique du Sud blanche est reconnue au sommet de l’État.





Frederik de Klerk et Nelson Mandela en 1992.
L'année suivante, ils recevront conjointement le Prix Nobel.
   Le bain de sang entre les deux communautés a pu être évité. L’African National Congress (ANC) abandonne le concept de « clivage de race » pour celui de « clivage social » grâce notamment aux actions conjuguées de Mgr Desmond Tutu (vu fugitivement dans le film) et de la Commission de la vérité et de la réconciliation.
Nelson Mandela et Mgr Desmond Tutu en 1998 (AFP).


          Ce mot d'apartheid en appelle évidemment un autre : dignité.





C’est l’histoire d’un couple

         Ce fut un moment de détente dans ce débat grave que le débat sur les présidents infidèles. Mais l’un n’était pas encore président, et l’autre n’est pas (pas encore ?) marié.


Hélène de Troie (Julie Gayet), la femme maltraitée par son mari Ménélas, celle par qui le scandale est  arrivé.



         On a entendu des commentaires venus d’Outre Manche ou d’Outre Rhin, se glorifiant d’avoir des dirigeants au plus haut niveau (pas des députés, ça ne collerait pas) fidèles à leur conjoint. On leur objectera la réponse de Célimène à Arsinoé dans Le Misanthrope de Molière : Quel mérite, quand on n’a pas, ou plus, de charme ? Kennedy, Clinton, Obama, c’est autre chose : les deux premiers provoquent et attirent les actes, le dernier au moins les rumeurs…







La situation présente, à laquelle je viens peu finement moi-même de faire allusion, est littéralement hystérisée par la presse anglo-saxone (que je ne confonds pas avec les peuples, bien entendu).
Alors je me tourne vers Fontenelle, grand dégonfleur de baudruches.  La question est : Pourquoi cette spécificité française ? Cette chose étrange qui serait so french, so froggy,… Merci à l’auteur de l’Histoire des Oracles de nous mettre judicieusement en garde : « Assurons-nous bien du fait, avant de nous inquiéter de la cause. … Nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point. »
Ainsi, il y aurait un monde anglo-saxon, prétendument puritain, protestant ou assimilé, respectueux de la morale la plus stricte en matière conjugale et amoureuse, et un monde latin, vaguement Club Méd ou assimilé, libertin pour être clair, dissolu pour l’être plus encore. Voyons donc quelques cas chez nos amis allemands, les hommes politiques anglais, depuis l’affaire Profumo – Christine Keeler de 1963, ayant assez souvent défrayé la chronique pour vraiment nous surprendre encore. Argument a fortiori donc : Si même les Allemands…  alors les autres !

Gerhard Schröder, chancelier fédéral. Marié à quatre reprises, et divorcé par trois fois, il est surnommé « Audi Man », en référence aux quatre anneaux de la marque allemande. Il a tout d'abord épousé Eva Schubach en 1968, et s'en est séparé quatre ans plus tard au profit d'Anne Taschenmacher, dont il a divorcé en 1984. Cette même année, il se remarie avec Hiltrud « Hilu » Hampel, qu'il quitte en 1997 pour Doris Köpf, de 19 ans sa cadette.

En 1977, Angela Merkel épouse le physicien Ulrich Merkel. Ils habitent alors dans un appartement à Berlin-Est. Après son divorce en 1982, elle décide de conserver le nom de Merkel. Elle se remarie le 30 décembre 1998 avec le professeur de chimie Joachim Sauer. Discret, on ne le voit guère avec son épouse que lors de leurs sorties à l’opéra. C’est facile : on le surnomme le Fantôme de l’Opéra.

Joachim Gauck , est le  président fédéral depuis 2012. Séparé, depuis 1991, de son épouse, Hansi Radtke, avec laquelle il eut quatre enfants, Joachim Gauck a pour compagne, depuis 2000, la journaliste politiqueDaniela Schadt, de 20 ans sa cadette.


En cette matière, Brassens est toujours increvable (L’épave).

Et j'étais là, tout nu, sur le bord du trottoir-e
Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires.
Une petit' vertu rentrant de travailler,
Elle qui, chaque soir, en voyait un' douzaine,
Courut dire aux agents : " J'ai vu que'qu' chos' d'obscène ! "
Ça n'fait rien, il y a des tapins bien singuliers...

       Changeons de pièce, après Le Misanthrope,  Tartuffe prend la parole :

            Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
            Par de pareils objets, les âmes sont blessées,
            Et cela fait venir de coupables pensées.

            Presse si pure, si puritaine, si hypocrite surtout, qui voit les seins des autres et pas les siens… Les gens, eux, savent que la vie privée est à respecter davantage, et que ce n’est pas l’essentiel de leurs préoccupations.



        Plus choquante en revanche, la scène plutôt brutale où Mandela riposte violemment à l’agression de sa première femme, devant, circonstance aggravante, les yeux de son enfant. J’ai eu la curiosité de voir comment, dans l’autobiographie qui nourrit le scénario du film, le principal intéressé en aurait parlé. Eh bien, sauf erreur de ma part car j’ai parcouru les pages davantage que je ne les ai vraiment lues, je n’ai rien trouvé.





DE LA RELATIVITE DES PRIORITES MEDIATIQUES

Un curieux conflit de priorités relevé par Le Canard enchaîné du 18 décembre 2013 :





Mais pourquoi s'en étonner ? Notre époque ne cesse de nous habituer aux rapprochements les plus incongrus... En voici un, un exemple parmi d'autres...

Berry républicain 18 décembre 2013

Mais pour l'histoire (sérieuse), il reste une référence incontournable:





HOMMAGE D'UNE ASSOCIATION DE DEPORTES










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