dimanche 26 janvier 2014

LE DEMANTELEMENT



21e séance avec débat







CINÉ-DÉBAT du VENDREDI 24 JANVIER



De quoi ce film est-il la métaphore ?
             On avoue qu’on est bien en peine de le dire, même après avoir vu le film.

            Métaphore de la crise ? De la crise moderne, bien entendu, celle des subprimes (nom barbare que le monde entier ignorait et qui est devenu un terme universellement à la mode depuis son berceau américain en 2007), des actifs pourris des banques (il paraît que « pourri » est dans ce contexte un terme technique) qui jouaient (pourquoi ce passé d’ailleurs ?) avec l’argent de toutes les personnes modestes qui leur faisaient confiance, et qui du jour au lendemain doivent abandonner leur maison acquise à crédit irrationnel, renoncer à une couverture sociale et médicale déjà bien maigre, dire adieu à leur espoir de retraite pour être obligées de travailler jusqu’à la mort ou presque.
            Mais là déjà, même si on est ou croit être en terrain connu, les indices fournis sont maigres et il faut réinvestir avec ses propres références. Comme dans la tragédie classique selon Hugo,

"Nous ne voyons en quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs."

Concrètement dans ce domaine, on ne voit des banques que les employé(e)s du guichet, bien propres sur eux et bien policés, courroies de transmission parfaitement lisses d’un système par ailleurs opaque et qui concluent par « Nous ne pouvons rien faire pour vous, vous vous en doutiez, n’est-ce pas ? »
Ainsi doit-on admettre avec bonhomie que la terre ne vaut rien, que le travail d’une vie ne donne droit à rien, sauf dans le discours de prédateurs publicitaires qui flattent pour racler ce qui peut être facilement pris avant l’écroulement final : « Nous nous occupons des formalités, nous faisons les brochures, un site qui vous fera connaître, le travail de toute une vie vaut bien qu’on le confie à une équipe de professionnels. » Ainsi la pub Loréal fait croire à tout un chacun que tout ce qu’on fait n’est pas pour le profit maximum mais parce qu’il (ou elle) « le vaut bien ».
            Alors, film sur la crise, avec des responsables vrais assassins cyniques en col blanc qui vampirisent les petites gens lesquels, vidés de leurs économies, sont abandonnés au bord du chemin qui conduit à la prospérité d’un très petit nombre ? C’est beaucoup extrapoler à partir d’indices très maigres et très chichement dispensés. D’ailleurs, c’est une caractéristique constante du film : il est bâti sur des silences. Eux, en revanche, sont abondamment dispensés. C’est visiblement la vraie richesse d’un film dont le tagline pitch (slogan commercial, version embryonnaire de la note d’intention) semble être : « Vieux, taiseux, niaiseux, et pas nerveux…  ».
L’un des rares personnages humanistes du film (avec la fille Frédérique, on y reviendra) est l’ami comptable. On aurait pu avoir un préjugé défavorable : technocrate intéressé, faux ami qui pousse à vendre pour en tirer profit. Pas du tout. Il est au contraire fidèle, de bons conseils, désintéressé jusqu’à en être dévoué, c’est une présence salvatrice dans cette menace permanente de solitude mortifère. Sa phrase récurrente : « T’appelles, si t’ennuies ! » L’autre ne répond jamais, mais sourit légèrement, ce qui doit être le summum de son expression de gratitude. D’ailleurs lui n’en attend pas plus, ça tombe bien.

            Métaphore de l’ennui ? Il est vrai que cette autre menace pourrait bien concerner directement « l’hypocrite spectateur » que nous sommes, particulièrement concerné par l’avis liminaire des Fleurs du Mal que Baudelaire destine à son « hypocrite lecteur » :

Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;
C'est l'Ennui ! L'oeil chargé d'un pleur involontaire,
II rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !

        C’est vrai que plus d’une fois, du fond de son fauteuil confortable, on pourrait être tenté de disposer d’une ligne directe avec le réalisateur pour lui dire quelque chose comme :« Tu aurais bien pu te dispenser de cette complaisance-là, tu aurais pu tailler un peu dans cet interminable plan séquence que supporte difficilement cette pauvre musique aigrelette et répétitive comme celle d’un jeu vidéo, bref tu aurais pu t’épargner, et nous épargner par la même occasion, bien des longueurs inutiles… ». S’il a voulu faire une film sur l’ennui, et qu’il estime que la forme dans ce cas-là doit être en accord avec le fond, alors c’est réussi au-delà de toute espérance.

            Mais là encore, il faut faire marche arrière, et se dire qu’on va trop loin dans un sens, qu’on force jusqu’à la caricature, voire la trahison, les éléments objectifs dont on dispose. Il est à peu près certain que si j’avais eu l’inconscience de dire le quart de ce que je viens d’écrire ici devant le public d’hier soir, je me serais au mieux fait couvrir de mépris, au pire fait lyncher.
Car il fut surtout question dans les réactions du public de réception positive et sensible de ce que le film présentait.


Le monde moderne. Oui, on l’a bien retrouvé, avec son lot d’égoïsmes généralisés et de petites solidarités particulières. On n’attend rien ou pratiquement rien, ni de l’Etat, ni des voisins, ni de la famille (ex-femme, frères, filles), et on est déjà tout heureux quand une petite chose positive arrive, de l’ordre de la charité octroyée plus que de la solidarité véritable. Miroir d’une mentalité anglo-saxone où la religion a sa part, sans doute encore caricaturée, où l’individualisme est justifié jusqu’à sa réussite obscène quand la misère est fustigée comme punition méritée, comme venue d’une « juste » instance divine ? Il est vrai que le héros peut être vu comme victime d’un destin particulièrement acharné à sa destitution – à son démantèlement - , mais on peut dire aussi, avec son ami, qu’il l’a bien cherché, qu’il a fait preuve d’une bêtise masochiste dont il est largement responsable. Alors de la pitié ? Son ami comptable va même jusqu’à dire qu’on l’admire pour cela. On peut dire aussi bien qu’on est dans le cas de ces films fantastiques pour adolescents qui font preuve de tellement de bêtise pour que le monstre les détruise les uns après les autres en croyant se protéger que, loin de les plaindre, on finit par se dire qu’ils ont bien le sort qu’ils méritent. Ambivalence, on vous dit !

L’argent. Paradoxalement, c’est lui qui donne du piment au film. C’est par lui qu’il arrive - enfin – quelque chose. On serait tenté d’en faire le héros du film, comme l’est chez Balzac la pièce de cent sous. La fille a besoin de 200 000 dollars (on dit aussi piastres, si j’ai bien retenu ?). Il a un revenu de 10 000 dollars par an (selon l’ami, là encore si j’ai bien retenu). Même s’il ne dépense rien, cela fait vingt ans du produit de son travail à trouver tout de suite. On comprend immédiatement que le drame est noué s’il n’envoie pas promener sa fille comme on le lui conseille. Pas de sensiblerie inutile, mais c’est aussi de la cruauté monstrueuse. Que reste-t-il encore d’humain chez le professionnel de l’euthanasie des chiens qui répète imperturbablement : « C’est 25 dollars! » Circulez, rien d’autre à voir que le dieu dollar…

L’acteur. Il semble avoir fait l’unanimité. On a pu dire de lui qu’il ne joue pas le paysan, qu’il est le paysan (comme on a pu dire récemment dans un registre complètement différent que Pierre Niney ne jouait pas Yves Saint Laurent, mais qu’il était Yves Saint Laurent). Si bien qu'on pouvait à certains moments se croire dans un documentaire, à la manière des films de Depardon par exemple. Il a fait songer à certains au grand Max von Sydow, acteur français d’origine suédoise. Hommage…

Max von Sydow, à gauche dans Le désert des Tartares, 1976,
de Valerio Zurlini, d’après le roman de Dino Buzzati. 




Le monde paysan.  Avec ses vautours. Dans ce milieu, on voit du monde quand on organise des funérailles. Et pas par amour du malheureux dépouillé, mais parce qu’il y a quelque chose à grappiller. Et là encore on ne juge pas. Les vautours ne paraissent pas mieux lotis que les proies, ils seront eux-mêmes probablement dans un avenir proche les proies potentielles des autres vautours. Pas de sensiblerie inutile, là encore, mais quelle cruauté cachée dans ce plan séquence interminable où les participants à la vente aux enchères sortent en long défilé. Gaby, pourtant peu expansif, fait quelques rares esquisses de salut. Des rangs qui passent devant lui, on ne décèle pratiquement aucune réponse. Tout est dit, ou, plus exactement, tout est montré. Rapprochement (toutes proportions gardées, évidemment) sur la difficulté de la transmission générationnelle: se reporter à L'Homme aux serpents (octobre 2013). 

La paternité.  Est-il un héros ce père, un saint laïc selon l’idéal de Camus, un Christ de la paternité pour évoquer les sources shakespeariennes et balzaciennes ? Bien plus proche de Péguy, en tout cas, pour qui le père de famille est le véritable aventurier des temps modernes, et très loin de Sartre à coup sûr, pour qui le lien de paternité est aussi pourri que les crédits bancaires spéculatifs. On pense aussi à Dostoïevski, où le rapport entre la bêtise et la sainteté tient à un équilibre si délicat qu’il s’apparente à la grâce.

 Les filles. Disons tout de suite qu’il n’y a pas vraiment de façon tranchée de bonne et de mauvaise fille. La parabole biblique qu’on pressent sur le retour du fils prodigue peut aussi bien aller se rhabiller. Même la parasite potentielle a des allures de victime et a des atouts pour attirer la sympathie (ses enfants par exemple). L’actrice, qui répète avec une passion visiblement habitée la scène entre Kent et Cordélia, est bien la bonne fille du Roi Lear déchu. Le roi fermier, (auto) chassé de sa ferme-royaume qui faisait l’envie de son voisin tellement elle était belle et prospère, juge qu’elle lui est devenue, après un prise de conscience tardive, anti-sociale, anti-familiale et finalement mortifère.


Les "bons" du Roi Lear : Cordélia et Kent.




La famille. Il y a les parents, morts, mais qu’on est obligé de trahir, eux qui s’imaginaient comme aux temps bibliques que leur terre allait nourrir tranquillement leurs enfants et les enfants de leurs enfants jusqu’à l’infini des générations. Mais notre époque est une époque de rupture, c’est  donc bien ici que tout s’arrête. Les frères débarquent avec leur logique : Tu as eu tout seul la terre des parents, maintenant que tu vends il faut partager. Gaby les rembarre avec la sienne : J’ai sacrifié ma vie pour la maintenir et la valoriser, je ne vous ai jamais vus avant, je ne veux pas davantage vous voir maintenant.


Le temps. Sensible surtout à travers des indices discrets : les photos vues presque en cachette, pudiquement, ou la montre, cadeau inutile comme objet fonctionnel, mais très utile comme marque de tendresse.

La solitude.   Malédiction subie ou dépouillement ascétique volontaire. Débarrassé du superflu, reste l’essentiel. Un sourire, un regard, un contact sur son épaule. On garde le souvenir de quelques scènes de cette intimité-là dans notre récent Mandela. Lui, ce n’était pas la ferme, c’était la politique qui était sa maîtresse exigeante, à laquelle il consacrait tout son temps et toute son énergie.


Bien sûr on n’a pas manqué au cours du débat d’évoquer la douloureuse question du suicide des agriculteurs. Les statistiques qui circulent sur le sujet sont souvent peu fiables pour énormément de raisons, soit qu’il est difficile de les obtenir, soit qu’elles sont sujettes à caution en ce qui concerne les procédures de collation des données. Il est cependant généralement admis que les agriculteurs sont dans le groupe de tête quand on donne les classements par activités professionnelles. Dans ce groupe figurent également les professions pour lesquelles le moyen est facile à trouver (professions médicales, policiers et gendarmes). En ce qui concerne les enseignants, les chiffres fluctuent encore davantage que ceux des manifestations, selon qu’on se tourne vers les organisateurs ou la Préfecture ; des statistiques syndicales les placent au niveau des catégories précédentes, quand leur ministère de tutelle est carrément dans le déni. Quant aux suicides qui ont récemment défrayé la chronique, ceux de cadres d’entreprises de communication ou d’automobile soumis au burn-out, ils ne créent pas un vrai écart statistique par rapport à l’ensemble de la population, mais ils frappent évidemment par la nouveauté d’un phénomène qui atteint brusquement une catégorie qu’on croyait généralement épargnée, et à laquelle on n’aurait pas pensé spontanément. 



Les regards. Nous donnant peu de matière à voir, le film nous oblige à nourrir notre regard des regards qu’il nous montre. Le regard du chien s’annonce d’emblée : beaucoup s’apprêtaient à faire un mauvais sort au réalisateur s’il s’était mêlé d’aller jusqu’au bout d’un scénario prévoyant de l’euthanasier. Le regard de Gabriel Arcand est riche d’expressions infinies et infiniment nuancées. Il paraît que les Italiens parlent beaucoup avec les mains. Lui, le Canadien, il parle surtout avec les yeux.  On nous offre à la fin comme un cadeau le regard savamment maquillé de Frédérique dont la tendresse est cependant on ne peut plus naturelle. La mise en valeur est particulièrement réussie quand elle impose, dans un contraste saisissant, l’éclat de son visage juvénile sur le fond des visages ridés et éteints de la vente aux enchères.


La tendresse. Elle concerne essentiellement l’ami, la voisine, la fille. Ce sont là les principaux antidotes. Déception manifestée par plusieurs spectateurs : mais pourquoi n’épouse-t-il pas sa voisine ? On aurait volontiers modifié le scénario sur ce point si on en avait eu la possibilité. Et puis, dans la voiture, quand il s’est débarrassé de tout et qu’il ne garde que le minimum nécessaire, la présence incongrue de l’ordinateur offert par l’ami, que signifie-t-elle, sinon que cet objet a d’autant plus de valeur affective qu’il n’a aucune utilité pratique ?

La condition humaine. Et si ce personnage bizarre et un peu fou, étrange au point de nous paraître étranger, n’était au fond qu’un autre nous-même ? Le film est alors un miroir devant nous tendu dans lequel nous finissons par contempler avec étonnement notre propre reflet, étonnement assez semblable à celui de Cervantès faisant la satire d’un ahuri et finissant par se reconnaître, et même par nous reconnaître tous, en lui. C’est que l’un et l’autre sont devenus des symboles possibles de la condition humaine. A la fin, il ne lui reste que des questions sans réponse. Certains n’ont pas hésité à généraliser : la seule chose certaine, à la fin, c’est qu’il ne nous reste que des questions sans réponses… 


L’humour. Dans ce film grave, il n’est pas complètement absent, même si nous avons tendance à en rajouter là où des Canadiens n’auraient probablement guère de raison d’en voir, quand l’essentiel est lié à l’étrangeté du langage. Par exemple quand Gaby dit à sa fille qui vient de parler anglais à son fils dont le père est anglophone : « Il va être mêlé, ton fils ! » On sourit à l’idée, mais surtout en raison de l’expression. Les autres exemples, plus généraux, sont souvent liés à la gravité du propos pour en atténuer le pessimisme. La fille : « On est samedi… » Le père : « C’est ça que je n’ai jamais pu leur expliquer aux moutons, le samedi… ». Egalement la caution professionnelle pour justifier d’un ordinateur gratuit : Je suis agriculteur donc précaire. Au-delà, c’est la charité.

Le langage. Il est souvent, on l’a vu, indissociable de l’humour. Pour nous, cette étrangeté de l’expression est source de tendresse et d’enrichissement, et nous savons d'ailleurs, depuis Montesquieu, qu'on est toujours le Persan d'un autre. Donc pas de condescendance, loin de là. Les conversations allaient au contraire dans le sens d’une prise de conscience : cette langue dont on est à juste titre si fiers, mais dont on a tendance à se croire cette fois à tort seuls propriétaires, on finit par reconnaître qu’ils en sont les meilleurs défenseurs, et que nous avons tendance à être négligents à son égard. S’en est suivie une séance de fustigation sur nos très mauvaises créations de pseudo expressions anglaises. J’en ignorais une, particulièrement malvenue, bonne candidate sans doute au pompon du ridicule. J’ai d’ailleurs compris d’abord « to do not » : à ne pas faire ?… Puis la précision, avec un o final plus fermé : une « to do note », un « pense-bête de choses à faire »… No comment ! Au moins, si on emprunte à l’anglais, ce qui n’est pas forcément toujours absurde, efforçons-nous de prendre des formes que les anglophones puissent eux-même admettre.
          On allait même dans la foulée, dans un excès de zèle, dans un contexte de bonnes résolutions de nouvelle année, jusqu’à souhaiter un purisme assez peu réaliste, à l’image des injonctions du linguiste Etiemble ou du ministre Toubon. Remplacer mail par courriel est sympathique, mais la loi du moindre effort, qui est une des plus importantes du langage humain, l’emportera logiquement.
         On aurait aimé garder en mémoire les expressions qui nous ont plu. Je  crois me souvenir de « ça va bien se replacer » pour « ça va bien s’arranger ». Du public, plusieurs ont été citées, que j’ai malheureusement oubliées. On aurait même envie d’en « inventer », et d’aller vérifier après si elles existent vraiment.




Un film qui change notre regard. Certes, le film prend le temps d'imposer ses codes. Mais, une fois cette convention tacitement acceptée par le spectateur, rien de gratuit ni de capricieux ne vient perturber l'univers dans lequel il a fini par s'installer. Les longs plans séquences, loin d'être des défauts, se révèlent des conditions indispensables pour l'expression de bien des nuances  qui, sans eux, n'existeraient tout simplement pas. Ironie du réalisateur : les moutons  sont à peu près les seuls à avoir droit aux plans de grand ensemble qui mettent en valeur les magnifiques paysages canadiens. Les personnes, à commencer par le personnage principal, sont au contraire souvent l'objet de surcadrages insistants annonciateurs de leur isolement à venir et, pour certains, de leur emprisonnement final: l'entrebâillement d'une porte, derrière une fenêtre, sous une véranda, dans l'ouverture lumineuse  d'une bergerie obscure,... Parfois, le point de vue du spectateur est tellement curieux qu'il semble exclure le hasard. Par exemple, quand la voiture de la fille arrive, le berger sort mais "nous", nous restons longuement dans la maison et ne voyons ce qui se passe que par les fenêtres. Ce qui ne fait habituellement que l'objet d'un raccord fugace est sciemment prolongé. Quelle interprétation? Impression que personne n'est en relation, que chacun est isolé et ne compte pas pour l'autre, pas même le spectateur, qu'on peut cavalièrement laisser en plan là où il était au départ. C'est prévenir qu'on ne fera pas de concession, qu'aucun effort de politesse convenue ne sera fait. C'est dans d'imperceptibles indices très discrets, mais cependant présents, qu'il faudra trouver la preuve que, sous la  glace superficielle des relations humaines, une éventuelle  tendresse peut circuler encore.
         On dirait presque un film à la manière des anciens films muets, si son langage, pour nous Français d’Europe, ne nous paraissait pas aussi précieux à capter et à essayer de comprendre. On a eu droit à des anecdotes personnelles, au moment du pot final, sur des échanges avec des Canadiens où les anciens parlers des provinces françaises (Berry, Touraine) trouvaient un creuset commun et des compréhensions réciproques. John a rendu public notre aparté du début, dès la première image (image de l’agneau et bande son de bêlements). « C’est bien parti, il a l’accent canadien ! » S’il l’a répété, c’est qu’à juste titre il n’y a vu rien d’autre que de l’affection pour ce peuple du Québec qui défend notre patrimoine commun précieux et menacé, avec souvent davantage d’ardeur que nous ne lui en consacrons nous-mêmes, alors que nous nous piquons constamment d’en être le coeur.
Ennui ? Comment peut-on d’emblée dire cela, et faire ensuite un développement aussi long sur ce qu’on a aimé dans le film ? Pour un film pauvre, cela fait bien riche. Ambivalences encore, contradictions de la condition humaine, celles de l’hypocrite spectateur-critique, mon semblable, mon frère !




Une preuve de plus.
Une série américaine  est diffusée début  2014 en France et au Québec. Devinez où l’on a francisé le titre ? Eh oui, vous avez gagné…

Elementary ou Élémentaire au Québec est une série télévisée américaine créée par Robert Doherty (Angleterre) et diffusée depuis le 27 septembre 2012 sur le réseau CBS aux États-Unis et en simultané sur le réseau Global au CanadaElementary est une adaptation libre et moderne des aventures de Sherlock Holmes, d'Arthur Conan Doyle.
En Suisse, la série est diffusée depuis le 24 octobre 2013 sur la RTS Un, en Belgique, depuis sur RTL-TVI, en France, à partir du 3 janvier 2014 sur M6 et au Québec, à partir du sur Séries+.

Johnny Lee Miller et Lucy Liu.








      Puisque ce soir-là le Canada était à l’honneur, nos cinéphiles parmi les moins juvéniles ont évoqué leurs premières rencontres, du temps de Gilles Carle et de Carole Laure. 

La mort d’un bûcheron nous ramène à l'année 1973.

      Plus récemment, mais tout de même historique quant à son « bilinguisme » clairement affiché, voici le film qui nous a permis de bénéficier de la visite d’Anémone en personne et du producteur, accueillis chez nous, les Berrichons, au Ciné-Lumière évidemment. 

C’est pas moi, c’est l’autre, d’Alain Zaloum (2004).
La photo d’Anémone a été récupérée sur notre ancien bulletin d’adhésion. 




Le Canada, ce n’est pas uniquement de la nostalgie. Le Québec est aussi d’actualité, et même en route pour les Oscars.


Comment sera traduit ce titre, au Québec?


1986, Dallas, Texas, une histoire vraie. Ron Woodroof a 35 ans, des bottes, un Stetson, c’est un cow-boy, un vrai. Sa vie : sexe, drogue et rodéo. Tout bascule quand, diagnostiqué séropositif, il lui reste 30 jours à vivre. Révolté par l’impuissance du corps médical, il recourt à des traitements alternatifs non officiels. Au fil du temps, il rassemble d’autres malades en quête de guérison : le Dallas Buyers Club est né. Mais son succès gêne, Ron doit s’engager dans une bataille contre les laboratoires et les autorités fédérales. C’est son combat pour une nouvelle cause… et pour sa propre vie.




Le réalisateur québécois Jean-Marc Vallée (Café de Flore, The young Victoria, C.R.A.Z.Y.) est à la barre du projet américain tourné à La Nouvelle-Orléans. Dallas buyers club est notamment produit par Robbie Brenner, présidente chez Relativity Media, derrière des films tels que Immortals et The fighter. Pour le rôle-titre, McConaughey a perdu 30 livres afin d'interpréter Ron Woodroof. 25 jours de tournage, 25 kilos en moins pour l'acteur. 


Une devise de français et de fidélité. De fidélité au français.

Un "STOP" bien repeint rappelle la loi 101 exprimant la prédominance du français.

       Voici des gens de chez nous qui pourraient bien être dignes d'être québécois:

Berry Républicain, 27 janvier 2014.








Et pour ne pas faire mentir Beaumarchais qui affirme qu’en France tout finit par des chansons, voici un prolongement sous forme de petit florilège :




Gilbert Bécaud, La vente aux enchères (1970)

Approchez, Messieurs Dames, s´il vous plaît!
Approchez, approchez, serrez, serrez le rond!
Messieurs Dames, s´il vous plaît,
Approchez, approchez à la vente aux enchères!
Préparez la monnaie!
Moi je suis là pour vendre et vous pour acheter...
Des lots exceptionnels, des prix exceptionnels...
Du rêve pour pas cher à ma vente aux enchères...

Ah, moi qui ai des souvenirs à ne plus savoir qu´en faire,
Vous pouvez vous les acheter comme ça à ma vente aux enchères,
Chez vous, Pointu, Tiloué!
Bonnes bonnes bonnes bonnes gens, approchez donc!
Approchez, serrez le rond!
Ça va commencer, oui.
Bonnes bonnes gens, approchez donc!
Serrez le rond! Ça va commencer!

Monsieur Pointu, s´il vous plaît.
Premier lot, premier lot.
Mais c´est là, le numéro un!
La grande, la grande - oui- aventure!
Oui, j´aime ça, un coup de pied au cul,
Mon père n´avait pas tort.
Je vole aux étalages et je couche dehors,
Je saute dans un camion qui file vers le nord.
Ce coup de pied au cul m´a rapporté de l´or.
S´il vous plaît, un coup de pied au cul.
Parfaitement!
Mise à prix, mise à prix : cinq sous.
Cinq sous, allons messieurs, s´il vous plaît.
Cinq sous, cinq petits sous.
Cinq sous, c´est pas beaucoup!
Cinq sous, allons allons, cinq sous.
Cinq sous, à qui dit mieux,
Cinq sous le monsieur.
Monsieur est généreux, merci!
Six sous, allons allons, six sous, c´est peu,
Un coup de pied au cul.
Sept sous, la dame en bleu.
Une fois, deux fois, huit sous le soldat.
Bravo, caporal!
Ce coup de pied au cul te fera général!
Un p´tit effort {x2},
Un coup de pied au cul en or.
Neuf sous, j´ai entendu,
Neuf sous l´ barbu,
Dix sous l´ soldat.
Un deux trois, vendu au soldat, Monsieur Pointu.

Ah, moi qui ai des souvenirs à ne plus savoir qu´en faire,
Vous pouvez vous acheter les comme ça à ma vente aux enchères
Chez vous, Pointu, Tiloué!
Bonnes bonnes bonnes bonnes gens, approchez donc!
Approchez, serrez le rond!
Ça va continuer, oui.
Bonnes bonnes gens, approchez donc!
Serrez le rond! Ça va continuer!

Monsieur Pointu, s´il vous plaît.
Deuxième lot, deuxième lot.
Un grand, un grand chagrin, oui, d´amour.
C´est triste, c´est triste,
Un grand chagrin d´amour,
Un grand, un vrai de vrai.
J´ai vendu la boutique et j´ai pris les billets.
Elle est partie sans moi.
Là, là j´ai failli crever.
Tenez, vous pouvez constater,
C´est pas cicatrisé.
La cicatrice, la cicatrice.
Mise à prix {x2} :
Dix sous. {x2}
Bravo, Messieurs Dames, s´il vous plaît, allez!
Dix sous, dix petits sous,
Dix sous, c´est pas beaucoup!
Dix sous, allons allons, dix sous.
Dix sous à qui dit mieux,
Onze sous le monsieur.
Monsieur est amoureux,
Tant mieux!
Onze sous, allons allons,
Onze sous, c´est court!
Un grand chagrin d´amour,
C´est comme du velours.
Une fois, deux fois, treize sous monsieur l´abbé
Voyons monsieur l´abbé,
Un beau chagrin d´amour.
Monsieur l´abbé est sourd.
Qui a levé la main?
Le monsieur dans le coin?
Vous avez dit combien?
Putain!
Quinze sous la dame en noir {x2}
Vingt sous le vieillard
Un deux trois... Vendu!
C´est le vieillard, Monsieur Pointu.

Ah, moi qui ai des souvenirs
à ne plus savoir qu´en faire,
Vous pouvez vous les acheter comme ça
à ma vente aux enchères
Chez vous, Pointu, Tiloué!
Bonnes bonnes bonnes bonnes gens, approchez donc!
Approchez, serrez le rond!
Ça va continuer, oui.
Bonnes bonnes gens, approchez donc
Serrez le rond! Ça va continuer!

Monsieur Pointu me semble, s´il vous plaît.
Troisième lot, troisième lot, numéro trois.
La mort du héros.
C´est beau ça, c´est beau!
Une superbe mort que j´avais gardée pour moi,
Sans curé, sans docteur,
Une mort de gala, une mort en pleine vie,
Tout debout et bien droit,
Un beau coup de fusil.
Pan! C´est pas beau ça?
Monsieur, la mort du héros.
La mort d´un héros avec fusil, avec fusil.
Mise à prix {x2} :
Un franc.
Un franc, allons messieurs, s´il vous plaît, allons!
Un franc, un petit franc,
Un franc, c´est pas beaucoup!
Un franc, allons allons, un franc.
Un franc la mort jolie,
Deux francs, monsieur a dit.
Monsieur n´a peur de rien,
C´est bien!
Deux francs la mort jolie, jolie, jolie,
Un beau coup de fusil joli joli.
Une fois, deux fois!
Une mort comme ça,
Si vous n´en voulez pas,
Ben, je la garderai pour moi!
Une mort en pleine vie
Tout debout et bien droit,
Un bon coup de fusil.
Pan! Salut!




Gilbert Bécaud, La solitude, ça n'existe pas. 



La solitude ça n'existe pas
La solitude ça n'existe pas
La solitude ça n'existe pas
La solitude ça n'existe pas

Chez moi il n'y a plus que moi
Et pourtant ça ne me fait pas peur
La radio, la télé sont là
Pour me donner le temps et l'heure
J'ai ma chaise au Café des sports
J'ai mes compagnons de flipper
Et quand il fait trop froid dehors
On va chez les petites soeurs des coeurs

(Alors....)
La solitude ça n'existe pas (Non...)
La solitude ça n'existe pas (Enfin...)

Peut-être encore pour quelques loups
Quelques malheureux sangliers
Quelques baladins, quelques fous
Quelques poètes démodés
Il y a toujours quelqu'un pour quelqu'un
Il y a toujours une société
et Non, ce n'est pas fait pour les chiens
Le Club Méditerranée

La solitude ça n'existe pas
La solitude ça n'existe pas

Tu te trompes, petite fille
Si tu me crois désespéré
la nature a horreur du vide
L'univers t'a remplacée
Si je veux, je peux m'en aller
A Hawaii, à Woodstock ou ailleurs
Et y retrouver des milliers
Qui chantent pour avoir moins peur

La solitude ça n'existe pas
La solitude ça n'existe pas
La solitude ça n'existe pas
La solitude ça n'existe pas





Jacques Brel, L’air de la bêtise (1957)


Extrait du célèbre opéra "La vie quotidienne"
Voici l’air fameux z-entre tous : L´air de la bêtise
 

Mère des gens sans inquiétude
Mère de ceux que l´on dit forts
Mère des saintes habitudes
Princesse des gens sans remords
Salut à toi, dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnu
Salut à toi, Dame Bêtise
Mais dis-le moi, comment fais-tu
Pour avoir tant d´amants
Et tant de fiancés
Tant de représentants
Et tant de prisonniers
Pour tisser de tes mains
Tant de malentendus
Et faire croire aux crétins
Que nous sommes vaincus
Pour fleurir notre vie
De basses révérences
De mesquines envies
De noble intolérance
De mesquines envies
De noble intolérance
De mesquines envies
De noble intolérance

Mère de nos femmes fatales
Mère des mariages de raison
Mère des filles à succursales
Princesse pâle du vison
Salut à toi, Dame Bêtise
Toi dont le règne est méconnu
Salut à toi, Dame Bêtise
Mais dis moi, comment fais-tu
Pour que point l´on ne voie
Le sourire entendu
Qui fera de vous et moi
De très nobles cocus
Pour nous faire oublier
Que les putains, les vraies
Sont celles qui font payer
Pas avant, mais après
Pour qu´il puisse m´arriver
De croiser certains soirs
Ton regard familier
Au fond de mon miroir
Ton regard familier
Au fond de mon miroir
Ton regard familier
Au fond de mon miroir.




Jacques Brel, Les filles et les chiens (1963)

Les filles
C'est beau comme un jeu
C'est beau comme un feu
C'est beaucoup trop peu
Les filles
C'est beau comme un fruit
C'est beau comme la nuit
C'est beaucoup d'ennuis
Les filles
C'est beau comme un renard
C'est beau comme un retard
C'est beaucoup trop tard
Les filles
C'est beau tant que ça peut
C'est beau comme l'adieu
Et c'est beaucoup mieux
Mais les chiens
C'est beau comme des chiens
Et ça reste là
A nous voir pleurer
Les chiens
Ça ne nous dit rien
C'est peut-être pour ça
Qu'on croit les aimer
Les filles
Ça vous pend au nez
Ça vous prend au thé
Ça vous prend les dés
Les filles
Ça vous pend au cou
Ça vous pend au clou
Ça dépend de vous
Les filles
Ça vous pend au coeur
Ça se pend aux fleurs
Ça dépend des heures
Les filles
Ça dépend de tout
Ça dépend surtout
Ça dépend des sous
Mais les chiens
Ça ne dépend de rien
Et ça reste là
A nous voir pleurer
Les chiens
Ça ne nous dit rien
C'est peut-être pour ça
Qu'on croit les aimer
Les filles
Ça joue au cerceau
Ça joue du cerveau
Ça se joue tango
Les filles
Ça joue l'amadou
Ça joue contre joue
Ça se joue de vous
Les filles
Ça joue à jouer
Ça joue à aimer
Ça joue pour gagner
Les filles
Qu'elles jouent les petites femmes
Qu'elles jouent les grandes dames
Ça se joue en drames
Mais les chiens
Ça ne joue à rien
Parce que ça ne sait pas
Comment faut tricher
Les chiens
Ça ne joue a rien
C'est peut-être pour ça
Qu'on croit les aimer
Les filles
Ça donne à rêver
Ça donne à penser
Ça vous donne congé
Les filles
Ça se donne pourtant
Ça se donne un temps
Ça donnant donnant
Les filles
Ça donne de l'amour
A chacun son tour
Ça donne sur la cour
Les filles
Ça vous donne son corps
Ça se donne si fort
Que ça donne des remords
Mais les chiens
Ça ne vous donne rien
Parce que ça ne sait pas
Faire semblant de donner
Les chiens
Ça ne vous donne rien
C'est peut-être pour ça
Qu'on doit les aimer
Et c'est pourtant pour les filles
Qu'au moindre matin
Qu'au moindre chagrin
On renie ses chiens









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire