vendredi 25 octobre 2013

UN CHATEAU EN ITALIE

11e séance avec débat





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UN CHÂTEAU EN ITALIE





Film français de Valeria Bruni Tedeschi avec Louis Garrel, Xavier
Beauvois, Valeria Bruni Tedeschi... Festival de Cannes. (2012 - 1h44)
Louise rencontre Nathan, ses rêves ressurgissent.
C'est aussi l'histoire de son frère malade et de leur mère, d'un destin :
celui d'une grande famille de la bourgeoisie industrielle italienne.
L'histoire d'une famille qui se désagrège et d'un amour qui commence.
Dans ce film plus ou moins autobiographique, Valeria Bruni Tedeschi
jongle habilement entre le récit tragique et les scènes ultra-comiques.
JEUDI 24 OCTOBRE à 20h suivi d’un débat en direct de Paris avec la réalisatrice (co-scénariste et actrice également), ainsi qu'avec les deux autres co-scénaristes:  Noémi Lvovsky, Agnès de Sacy, une autre actrice: Marisa Borini, et un acteur: Louis Garrel.


        Ça a parfaitement marché ! C’était une expérience inédite au Ciné Lumière et probablement dans beaucoup des autres salles (une cinquantaine en France) qui ont participé à cette opération.
         Rappelons la procédure. Internet permet d’être dans la salle source, en l’occurrence la salle « MK2 Bibliothèque »(de France) pour l’ambiance de départ, puis le film localement est lancé, et enfin retour par Internet dans la salle parisienne pour le débat, dont la durée était inconnue au départ et dont on peut dire maintenant qu’il a duré environ presque trois quarts d'heure.
          Il a fallu attendre un peu le début du débat, dans la mesure où le « quart d’heure berrichon » a été dépassé par la « demi-heure parisienne ». Bravo donc aux techniciens qui ont relevé ce défi avec succès.


Les spectateurs de Vierzon regardent les spectateurs de Paris.
Et réciproquement.




A gauche, on devine les techniciens qui vérifient que tout se passe bien.
Jean nous rassure: "Le son ne va pas tarder à arriver." En effet...


        La réalisatrice a gardé de ses études de lettres un profond attachement à Tchékhov (La Cerisaie tout particulièrement), à cette façon « slave » de mêler le réalisme grave au comique drolatique. L’expérience de ses débuts au théâtre, à 19 ans, avec Patrice Chéreau metteur en scène de Platonov, a pu raviver cette réminiscence, ainsi que sa propre perception du temps qui passe : Je me suis aperçue que j’avais de plus en plus de mal à vivre, confie-t-elle au cours du débat.

Photos Soraya Aliche






(D'après Allociné).



Une fin de classe comme une fin de règne ? Inévitablement, même si la comparaison est largement écrasante, on pense au Guépard de Visconti (l’Italie, forcément…) et aussi, pourquoi pas tant qu’on y est, à La règle du jeu de Renoir.
Il existe des références plus explicitement revendiquées : Belloccio essentiellement, avec Les poings dans les poches (1965), Au nom du père (1972), Le sourire de ma mère (2002). La famille et la religion y sont sur la sellette. Ajoutons qu’il a aussi mis en scène La Mouette (toujours Tchekhov) pour la télévision. Filippo Timi fut récemment le Mussolini de son Vincere (2009), et La Belle endormie fut l’année dernière l’objet d’un débat Ciné-Rencontres. Mais la référence privilégiée est sans doute Le saut dans le vide (1980), où Belloccio impose le couple Michel Piccoli – Anouk Aimée, couple frère – sœur très problématique.




            Le surréalisme de certaines scènes est digne du meilleur Bunuel, par exemple l’épisode extravagant où Louise part farouchement en quête du fauteuil miraculeux. Savoureux!

            Xavier Beauvois, le réalisateur presque unanimement célébré pour Des hommes et des Dieux (autre débat Ciné-Rencontres de 2010) joue un rôle de bouffon du roi dont la « franchise » est tellement conditionnée à ses propres intérêts qu’on a bien du mal à cesser de le trouver odieux, même s’il y parvient presque à certains moments (résultat de la profondeur psychologique du personnage, ou du manque de maîtrise de la mise en scène ?…). Louise lui tend une perche destinée à le dédouaner en lui reprochant sa vulgarité : Je ne suis pas vulgaire, je suis grossier. Cette distinction, on l’a récemment rencontrée dans un contexte bien différent (encore qu’il s’agit aussi en arrière plan de la faillite d’une entreprise) avec les leaders ouvriers de La saga des Conti. On pourra donc si on le souhaite se reporter à cette page, précédemment dans ce blog.

La mère se déclare sans retour critique (sans autocritique) en tant qu’actrice, où elle n’a pas d’avis personnel et fait entièrement confiance à sa fille dont c’est l’entière responsabilité, contrairement à ce qui se passe dans son métier de pianiste. 

Les trois scénaristes. L’écriture se pratique à trois, mais dans la pratique on procède par succession de tête-à-tête.

La part de l’autobiographie (autofiction) est généralement minimisée par la réalisatrice. Elle va même jusqu’à prétendre qu’à partir du moment où il y a écriture il y a fiction. Ce n’est pas complètement faux, mais c’est aussi largement jouer sur les mots. La volonté de se défendre et de se protéger est ici évidente et, pour tout dire, légitime. Ce n’est pas de la coquetterie, mais  une remarque sincère, comme cette revendication stoïcienne de la liberté de se suicider.

Etonnant clip final de Rita Pavone Viva La Pappa Col Pomodoro (1965). En dehors de la simple couleur locale et la nostalgie, on devine une intention qui malheureusement m’échappe. La référence musicale privilégiée par ailleurs : Nino Rota, évidemment.

Louis Garrel (pourquoi ?) refuse le débat sérieux et botte en touche ou ricane de façon potache, contrastant étonnamment ainsi avec son rôle d’acteur en crise, rôle dont il conteste par ailleurs l’originalité (Dans les films, les acteurs sont toujours en crise). La réalisatrice rebondit en évoquant les personnages du film, de grands enfants qui font ce qu’ils peuvent avec leurs joies et leurs blessures. Des personnages très bréliens, en somme.




Quelques réactions locales entendues (si le fond est conservé, le style est largement réinterprété)


Bonesprit.
On oublie que ce sont des gens « de la haute », si ce n’est à la permanence d’une sorte de « classe » naturelle qui ne les abandonne jamais, même dans les situations où d’autres seraient tellement à leur désavantage qu’ils en seraient ridicules, nous les premiers. A part ça, leurs souffrances, leurs désirs, les claques qu’ils prennent, on les a, malheureusement ou heureusement, tous plus ou moins connus et éprouvés. Comme dans la tragédie classique, on voit des rois qui montrent ce que sont les bonheurs et les malheurs attachés à la condition humaine en général, indépendamment de la classe sociale représentée sur scène. Tout y est : celui qui vous sauve quand vous êtes au fond du trou, celui qui vous maintient la tête sous l’eau quand vous vous noyez, et toute la gamme intermédiaire. Sans parler de l’ironie du destin qui se joue de vous, quand il n’y a personne pour le faire. Oui, c’est bien un film important qui parle avec justesse et sans fausse pudeur de notre humaine condition.

Moyenesprit.
C’est un film qui m’a laissée tout ébaubie. Il m’a flanqué un bourdon du tonnerre. Je reconnais qu’il est bien fait et que les acteurs jouent tous bien, d’accord, mais ça vous met le moral à zéro. De l’humour ?… Non je n’en ai pas vu beaucoup, je n’ai pas dû y être bien sensible ce soir-là. Je suis partie au début du débat. Quand j’ai refermé la porte de chez moi et que je me suis retrouvée seule avec mon chien, je lui ait dit : Mon vieux, je crois bien que je rentre plus déprimée que je n’étais sortie ! 

Mauvaisesprit.
Sincérité, tu parles ! La mère joue les effacées, mais en fait c’est elle qui tire les ficelles et qui tient les cordons de la bourse. Inversant doublement les rôles de Jean le Bon et son fils à la bataille de Poitiers, elle semble dire à tout moment et alternativement à chacune de ses deux filles : Ma fille, plaisez à la droite ! Ma fille, plaisez à la gauche !
Elles ratissent ainsi l’ensemble du spectre à la base, et se partagent le butin ensuite au sommet. Ça fonctionne exactement comme les grands trusts qui font semblant de se faire de la concurrence avec des firmes parallèles pour mieux capter des publics différents. C’est bien joué, il n’y eut aucune fausse note, à aucun moment on n’a montré Carla, ni dans le film ni dans le débat pourtant largement familial.
Leur château était un château monté sur des pneus, les pneus de l’usine de l’arrière grand-père. Mais les pneus ont crevé, et elles n’ont évidemment pas été fichues de les réparer. Alors elles ont fui la faillite italienne, et sont venues chercher des compensations en France. Elles disent qu’elles ont fuit le terrorisme italien des Brigades rouges ? Tu parles, ça les a bien arrangées que ce soit à la même époque pour pouvoir donner aux naïfs une raison moins matérielle.




DE LA TROUPE DE PATRICE CHEREAU ET AU-DELA.






Avec Isabelle Adjani dans La reine Margot (1994).




Presque un an après, Valeria Bruni Tedeschi tourne dans notre région pour ARTE.

Tournage : "Les 3 sœurs" s'invitent en Eure-et-Loir


Après avoir tourné dans l'Indre dans le long métrage de Cédric Kahn "Les regrets" où elle incarnait Maya en 2010, Valéria Bruni-Tedeschi revient en région Centre, derrière la caméra, pour réaliser une adaptation pour Arte de la pièce d'Anton Tchekhov "Les 3 soeurs". 
Du 21 juillet au 7 août, la réalisatrice et son équipe s'installent en Eure-et-Loir pour le tournage du téléfilm "Les 3 soeurs", une adaptation du classique de Tchekhov. 


Ce film produit par Agat films, Ad Vitam et la Comédie Française est soutenu à la production par Ciclic. 
Arte propose depuis l'été 2013 une collection de fictions issue du répertoire théâtral. Après, "Que d'amour !" de Valérie Donzelli  (recréation du "Le Jeu de l'amour et du hasard" de Marivaux) et "La forêt" d'Alexandre Ostrovski par Arnaud Desplechin, "Les 3 sœurs" sera le 3ème opus de cette série de téléfilms qui mettent en scène les comédiens de la Comédie Française.
Synopsis :
C'est un jour de fête dans la maison des trois sœurs. Tout est joyeux et lumineux. Le deuil du père, mort il y a un an, est terminé. Les militaires, habitués de la maison, sont là. Arrivent les cadeaux et les récentes connaissances, Verchinine, le nouveau commandant de la batterie en garnison dans la ville, et Natacha, la fiancée d’Andreï, le frère. L’avenir est plein de certitudes heureuses : retourner vivre à Moscou, la ville natale, commencer à travailler, se marier. Quatre ans plus tard, le rêve de Moscou est mort, les sœurs ont été chassées de chez elles par leur belle sœur, et les militaires, qui constituaient l’essentiel de leur société, s’en vont. Tout s’est vidé, la ville et la maison comme la question du sens qui a traversé toute la pièce. Les trois sœurs n’ont plus que l’espoir qu’un jour, peut-être, « on saura pourquoi l’on vit, pourquoi l’on souffre ». Les certitudes se sont transformées en suppositions, l’avenir ne s’envisage plus qu’au conditionnel, mais le présent réclame de vivre : c’est là que s’achève la pièce, au seuil d’une vie à recommencer.


Valéria Bruni-Tedeschi, réalisatrice et comédienne, a réalisé trois longs métrages : "Un château en Italie" (2013), "Actrices" (2007, Prix spécial du jury Un Certain Regard Festival de Cannes) et "Il est plus facile pour un chameau" (2003, Prix du meilleur premier film Louis Delluc) ;


  Voir le site Ciclic :






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