samedi 12 octobre 2013

LA SAGA DES CONTI



[Voir aussi juste avant: 
Cette semaine, nos partenaires...]
6e séance avec débat






Après l'épopée des enfants, la saga des Conti, dans un cadre beaucoup plus familier:






Clairoix (prononcé [klɛ.ʁwa]) est une commune française située dans le département de l'Oise en région Picardie.

Située aux confins du Valois et de la Picardie, cette commune d’environ 2 000 habitants et de 470 hectares, limitrophe de Compiègne, garde un certain cachet rural. Le village s’étale au pied d’une colline culminant à 155 m d’altitude, le mont Ganelon. Une rivière, l’Aronde, traverse Clairoix, le confluent de l’Oise et de l’Aisneen est à la limite. La ligne de chemin de fer Paris-Maubeuge, et deux axes routiers, la nationale 31 et l’ex-nationale 32, bordent la partie la plus ancienne.
Historiquement, le mont Ganelon a toujours eu une grande importance pour Clairoix, qui a exploité ses terres, ses sources, ses vignes, ses carrières, ses bois, etc. C’est sans doute la position stratégique de cette butte, près du confluent de deux grandes rivières, qui est à l’origine de la création du village.
Jusqu’à ces dernières décennies, Clairoix est une commune essentiellement rurale. À part des minoteries et des tuileries-briqueteries, peu d’entreprises de production s’y implantent avant le xxe siècle. Le site industriel le plus important de la commune est l’usine de pneumatiques Englebert-Uniroyal-Continental, qui faisait suite à une éphémère filature de soie artificielle, et qui a récemment cessé ses activités. Le village a surtout une vocation résidentielle. (Wikipédia)


Un réalisateur concerné

Le réalisateur Jérôme Palteau est lui-même un habitant de Clairoix, la ville où se trouve l'usine "Continental". Il a été directement témoin des événements relatifs à la fermeture de l'usine, et a eu l'idée de suivre les ouvriers pendant l'année qu'il leur restait à travailler.


Une histoire inattendue
Jérôme Palteau a lui-même été surpris par la tournure des événements et la volonté des ouvriers à se battre pour leur emploi. Il a pu, au fil du temps, entretenir une relation privilégiée avec les leaders ouvriers et suivre la lutte au plus près jusqu'à son dénouement : "A cette époque, je pensais faire un film sur la résignation, mais les Conti ont changé le cours de l’histoire", raconte le réalisateur, en poursuivant : "Au fil des semaines, alors que ma présence régulière aux côtés des ouvriers m’a permis de gagner leur confiance, ils m’ont ouvert les coulisses de leur combat. J’ai eu rapidement la conviction que cette affaire n’allait pas en rester là et qu’il fallait rester pour en témoigner. Surpris que je fus par la vigueur de leur combat et par leur détermination, j’ai été aspiré par leur mouvement comme dans un torrent."

Version longue
La Saga des Conti est la version longue d'un premier documentaire de 52 minutes, "Les Contis", diffusé sur France 3 et La Chaîne Parlementaire en mars 2012. (Allociné)


Le débat

Le FSL, dans un élan sublime, était venu, guidé par la raison…


Le Forum Social Local était là et bien là, en effet. Les animateurs rappelèrent d’entrée la liste des organisations participantes. Rappelons-la nous-mêmes (ils ont déjà été présentés dans ce blog sous le titre « Cette semaine, nos partenaires… » du lundi 7 octobre 2013) :





Avec la participation d’organisations comme la FSU (Fédération Syndicale Unitaire, première organisation syndicale de la fonction publique d'Etat : éducation, recherche, culture, formation), et RESF-18 (Réseau d’éducation sans Frontière du département du Cher), la transition était toute trouvée avec le film de la veille. 


La manière dont Jérôme Palteau se révèle en rendant compte de ce combat ouvrier n’est pas sans rappeler aux habitués des soirées Ciné-Rencontres le film d’Olivier Azam Grandpuits petites victoires présenté au Ciné-Lumière le 12 avril 2013.





On y a trouvé la même efficacité dans l’alliance des images filmées personnellement après avoir gagné la confiance des ouvriers et des archives de l’époque, y compris celles de la télévision « ennemie ».






Personne n’a oublié que nous y avions découvert un acteur témoin de ces luttes en la personne de Christophe Gibert (dit « Tof », car tout le monde avait son surnom) qui avait ébloui et conquis l’assistance par son énergie et sa force de conviction. Nous n’avions pas ce soir de grands témoins de Continental comme « Tof » l’avait été de Total. De l’énergie, il y en avait à revendre dans le film de  ce soir. On l’a trouvée aussi bien dans le langage, rude, tonnant virilement sa langue de bois pour mieux laminer la langue de bois de l’adversaire, que dans les muscles des gaillards qui s’imposaient à la table des négociations tout en commentant ensuite : « S’ils avaient su qui on était, ils auraient sûrement tout fait pour nous empêcher d’entrer ! »
L’humour du film est principalement là, fait de connivence avec les spectateurs qui se réjouissent de voir ceux à qui on destinait le rôle des « petits » venir bousculer avec autant de culot et d’efficacité tranquille les digues des puissants. Ce n’est manquer de respect à personne que de remarquer que c’est un des ressorts essentiels des films de Charlot.

S’il n’y avait pas de témoin direct des événements, il s’est trouvé un représentant local de la classe ouvrière bien digne des héros magnifiés dans le film. Invité vertement (c’était le langage du film !) par l’un des animateurs à relever le défi de la prise de parole, il ne se l’est pas fait dire deux fois. Il a dévalé les marches, pris le micro, et… captivé aussitôt l’auditoire par son témoignage, à la fois puissant et émouvant. Alors tous les éléments du film rencontraient chez lui un écho tiré de son expérience. Il n’a rien caché des solidarités ni des moments de grande solitude, de la difficulté des vies précaires, des coups bas de ceux qui détiennent le pouvoir et qui toujours en abusent. Avec cette conclusion, digne de la célèbre chanson de Mac-Nab : « C’est toujours l’ouvrier qui trinque ! »



Le ton était donné, les complexes restaient au vestiaire, et l’éloquence du film descendait définitivement dans la salle. Avec une spontanéité caractéristique du meilleur Vierzon, les langues n’étaient pas longues à refuser de rester dans les poches. Chacun avait son mot à dire, et le disait fort bien, montrant qu’on était citoyens et qu’on n’était dupes de rien. On fit même de la vraie politique, analysant lucidement l’impact des décisions d’en haut sur les vies d’en bas. Dupes de rien, vraiment. On n’hésita pas à pointer du doigt la schizophrénie de ces régimes qui se disaient républicains, mais qui, après s’être fait élire sur un programme communard, s’empressent d’appliquer un programme versaillais. La confrontation des deux Fronts s’avéra inégale, les armes utilisées n’étant pas les mêmes. Quelqu’un fit le rapprochement avec les grands médias, notamment la télévision, notamment TF1. Que pèse l’argument devant l’invective qui surgit en quelques secondes, le format de base du raisonnement télévisuel ? Le temps, en revanche, n’y est jamais compté pour les « experts » bien en cour qui formatent la pensée…  

On le répète, le ton était donné, et plus rien ne pouvait le reprendre. Le moteur Mathieu fonctionnait à plein régime. Et eux, les petits, les obscurs, les sans-grade, ils ne l’étaient pas, peut-être, éloquents ?… C’était l’éloquence du vécu, du quotidien qui se conquiert, du quotidien dont on souffre mais dont on est fier en même temps. Fier, en particulier, de  ce qu'on a réussi, malgré le contexte difficile,  à transmettre aux enfants. 



La référence à Germinal est explicite dans le film, elle le fut aussi dans la salle. Avec ses deux aspects : repoussoir et modèle. « On ne veut pas être des Germinal » : on ne veut pas perdre, on ne veut pas revenir en arrière jusqu’à ce stade de travailleurs victimes désorganisés. « On est des Germinal » : on nous a déjà beaucoup abaissé, repris, divisés, mais on ne baissera pas les bras, on se battra jusqu’au bout pour espérer au moins se construire un avenir. Ce n’étaient pas que des mots, ce n’était pas que de la théorie : « Vous ne voulez pas y croire, vous ne pensez pas cela pensable chez nous au XXIe siècle ? Mais venez donc y voir, derrière la façade des usines qu’on veut bien vous montrer ! venez voir comment on y travaille, comment on y vit, comment on y abrège son existence ! » Le rapprochement est inattendu mais concret avec les références de la mine. Le travail de « l’or blanc », de la porcelaine - laquelle évoque pourtant la blancheur et la délicatesse -est un travail aussi dur et promis aux mêmes maux. Dans les deux cas, la silicose abrège l’existence… Plus besoin de descendre dans la mine : même un prothésiste dentaire - son métier est moderne pourtant - y est exposé. 

Eloquence des plus vieux rompus aux réunions syndicales ? Pas seulement, des jeunes gens parlaient avec gravité et lucidité de la société dans laquelle ils auraient à vivre et qu’ils aspiraient à transformer. Avec des références plus modernes, c’était au fond l’hypocrisie de la novlangue d’Orwell qui les indignait. Les salaires des travailleurs sont (dis)qualifiées de charges sociales, quand les plans de restructuration ne sont en réalité rien d’autre que des licenciements secs, et que la compétitivité devient synonyme d’acceptation d’un statut le plus proche possible de l’esclavage,… Et bien sûr les mots vont de pair avec les idées, les notions, les concepts. Et ce « Manufacturing consent » –Fabrication du consentement – dénoncé par Chomsky ne se cantonne pas, ce qui serait déjà beaucoup, aux seuls médias. Il atteint insidieusement mais déjà gravement le cœur même du système républicain, à savoir l’enseignement. Les élèves témoignent et les professeurs d’économie confirment. La vision néo-libérale, individualiste et financière, s’installe comme chez elle, les notions d’organisation collective ou citoyenne, sont progressivement poussées vers la porte. Le traider y devient un modèle, le socialisme y est désormais un mot tabou. Quant à collectivisme, marxisme, lutte des classes… les générations futures seront probablement appelées à répondre comme Baudelaire : « Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. » Les descendants du milliardaire Warren Buffett seuls en auront sans doute entendu parler, se transmettant la célèbre citation de leur aïeul : « Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n'avons jamais été aussi prospères. C'est une guerre de classes, et c'est ma classe qui est en train de gagner. »



Forcément la question du langage à portée ou non de la plupart des gens (« J’étais à Vierzon au meeting de Mélenchon, c’était formidable, mais je n’ai pas compris toutes ses références, loin de là, et ça c’est fâcheux parce que je n’étais pas le seul ! ») a posé le problème de la coupure entre le langage des « politiques » et le langage du « peuple ». On a essayé de faire la distinction entre les cas où cette coupure est artificielle et volontairement entretenue pour se démarquer à bon compte du plus grand nombre en prétendant s’attribuer une supériorité factice, et les cas où une culture commune, qui a existé mais qui a cessé d’être transmise, devrait bien être réactivée, sans modération et sans complexe, parce qu’elle est à la fois légitime et nécessaire, au moyen, par exemple, des ressources généralisées de l’éducation populaire. 


Et celui qui refusait au début l’humour à cause de la gravité du sujet était le premier à le revendiquer à la fin, tant l’humour est, comme la langue de bois, une arme qu’on peut retourner contre l’adversaire. Sans compter que, dans des circonstances particulièrement difficiles, il aide souvent à vivre.



On aura compris aussi que l’actualité immédiate ne fut pas oubliée. On a sollicité davantage de précisions sur cette décision du tribunal qui donne rétrospectivement raison aux Conti victimes d’un licenciement abusif sans fondement économique réel, victoire rétrospective et qu’on est presque tenté de qualifier de posthume, tellement lourds sont les dégâts qui en ont accablé un si grand nombre ces quatre longues dernières années. On a entendu dans les médias Xavier Mathieu sangloter sur cette « victoire », et on a appris que lui, n’étant pas parmi les plus mal lotis, n’était guère davantage maintenant qu’un très intermittent du spectacle. Injuste évidemment, quand on a été témoin, grâce au film, des qualités extraordinaires dont lui et ses camarades de lutte ont fait preuve durant toute cette période.



Elle est enfin véritablement émouvante, cette complicité entre gens qui ne parlent pas le même langage (au sens étroit comme au sens large) mais qui finissent par s’entendre sur l’essentiel, comme un écho lointain de la proclamation de Karl Marx : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »




Alle zusammen, prononcé à la française, trouve son symétrique immédiat dans le Tous ensemble (prononcé avec fougue Tous ensembeul…, mais qu’importe !)  Pas gagné pourtant cette harmonie entre le Français tapageur et l’Allemand pondéré, respectueux du sacro-saint ordre du jour que son allié bouscule allègrement. Le choc des cultures est à son comble quand le négociateur gaulois « invité » par l’entremise du négociateur germain se met, en guise de conclusion, à insulter d’une manière toute rabelaisienne les représentants patronaux. Explication entre hommes à la sortie. La confiance a été trahie… est-ce la rupture ? Après les reproches de forme, l’Allemand sourit et tombe dans les bras du partenaire. « Quand tu viendras chez nous, dit Xavier Mathieu, tu pourras insulter qui tu voudras ! » Union dans les rires.

Le film s’ouvre sur la conscience qu’au début on n’est rien, qu’on n’a aucune des compétences pourtant nécessaires dans ce type de conflit, et qu’ensuite, progressivement, chacun s’acquitte de sa tâche avec une application exemplaire jusqu’à devenir un véritable expert dans son accomplissement. Il n’y a aucun doute que ces pratiques viennent de loin, qu’on en a hérité sans le savoir clairement, et qu’on les découvre différentes, car l’histoire est différente, d’un côté et de l’autre côté de la frontière.
On a certes déjà vu cela, dans l’histoire, et à bien plus grande échelle, à savoir des hommes pas faits a priori pour cela obligés à des responsabilités qui devaient les écraser et qu’ils ont assumé de manière exemplaire avec une étonnante rapidité. Toutes proportions gardées, par exemple, les incrustations qui égrènent les dates de mars à juin en passant par les temps forts de mai font furieusement penser à la chronologie de la Commune de Paris, et si vous ajoutez à cela que l’affaire des moules que l’on refuse de rendre à l’ennemi arrive comme l’affaire des canons de Montmartre, vous ne manquez pas d’être interpellés par tant d’éléments récurrents comme dans un motif de fractales.

            Mais cette histoire qui se répète, on aurait tort de croire qu’elle balbutie toujours. Des paroles ont été prononcées avec force, qui associaient des mots comme « résistance », « dignité », « lutte ». Avec dans toute cette énergie une pointe de découragement devant la puissance de frappe de l’adversaire. « Nous avions pourtant les moyens de rendre cette entreprise humaine et logique. » Certes, le gouvernement de la finance est inhumain et bien connu pour sa  folie dévastatrice. Contre cela une seule attitude : une prise de conscience suivie d’une mobilisation collective massive. On s’est quitté sur l’idée que plusieurs options étaient ouvertes, mais qu’aucune perspective n’était claire. Une  conviction cependant surnage : « Celui qui se bat n’est pas sûr de gagner, mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu ! » Encore un écho, hugolien et bien identifié celui-là : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent… »






Hommage en passant et en parodiant Montéhus :

Salut salut à vous
Brav’s ouvriers des Conti
Salut salut à vous
A votre lutte magnifique
(en d’autres temps :)
On aurait en tirant sur vous
Assassiné la République !

Et pour finir, bien sûr, Maurice Mac-Nab :


C’était vraiment

un bien chouette débat

que le débat

de ce Fo

rum Social !






Compléments :



Le combat des femmes




 Norma Ray fut un film support à sa sortie d’un débat à l’ACV (Action Culturelle Vierzon) appuyé sur un dossier accueillant essentiellement les témoignages des ouvrières en confection de Vierzon alors en grève.
Ce film de Martin Ritt (1979) est basé sur une histoire vraie, celle de Crystal Lee Sutton, une ouvrière qui travailla pendant dix ans à l'instauration d'une section syndicaliste dans son usine.
Le scénario est basé sur le livre Crystal Lee: A Woman of Inheritance (littéralement  : Crystal Lee : une femme d'héritage) du journaliste Henry « Hank » Leiferman, du New York Times, sorti en 1975, et qui raconte l'histoire vraie de la militante syndicaliste Crystal Lee Sutton et de son combat, dans les années 1970, aux côtés du syndicaliste Eli Zivkovich pour affilier les employés de l'usine J.P. Stevens de Roanoke Rapids (Caroline du Nord, aux États-Unis) au syndicat des employés de l'industrie du vêtement et du textile ACTWU (Amalgamated Clothing and Textile Workers Union). En particulier, la scène dans laquelle, avant de se faire expulser de l'usine par la police, Norma Rae, renvoyée de l'usine, prend un morceau de carton, écrit dessus le mot UNION, et monte sur sa table de travail en le brandissant à ses collègues, ceux-ci coupant les uns après les autres leur machine, est véridique.








Berry 15-10-2013 :














Après le film du 12 avril 2013, GRANDPUITS ET PETITES VICTOIRES (documentaire de Olivier Azam , 2011,  avec la visite de Christophe Gibert, grand témoin des grèves de la raffinerie Total de 2010), j’avais fait le rapprochement avec un petit film de 1948 d’une dizaine de minutes sur la grève des mineurs dont je n’avais pas en tête les références précises. En lisant ce passage de Caméras en lutte en mai 68 je tombe par hasard sur les précisions que je cherchais alors.

Les voici donc, précédées d’une courte mise ne contexte que j’avais fourni dans le compte-rendu de Grandpuits.

Existence d’un film de 1948 sur les grèves des charbonnages du Nord. Pour contrer la grève, Jules Moch, ministre de l’intérieur socialiste, mobilisa 60 000 CRS et soldats, qui se heurtèrent aux 15 000 grévistes retranchés dans les puits, et leur imposa, fin novembre une cuisante reprise du travail. À la faveur de la lassitude des travailleurs et, des divisions des syndicats, la répression fut sévère, avec plus de 3 000 licenciements, six morts et de nombreux blessés. Les communistes en gardèrent contre Jules Moch un profond ressentiment. Or il existe un film d’une dizaine de minutes tourné clandestinement par les grévistes eux-mêmes [c’est du moins ce que j’avais alors en mémoire : à vérifier]. La tension qui pouvait déboucher sur la mort y est impressionnante.
La réalisation de La CGT en mai-juin clôt une période durant laquelle les questions ouvrières n'ont guère été abordées par l'organi­sation syndicale sous forme de productions cinématographiques. Sans doute faut-il remonter à l'hiver 1963 pour retrouver pareil effort autour d'un film militant destiné au travail d'information et de propagande. En son temps, La Grande Grève des mineurs (1963) avait réuni, sous la direction de Jean-Paul Le Chanois, la Fédération natio­nale des travailleurs du sous-sol CGT et le Comité d'action du spec­tacle. Par la rencontre entre monde ouvrier et gens du spectacle, le film trouvait pour modèle historique le fragment documentaire Grè­ves d'occupation (1936), réalisé à la demande de la CGT par les tech­niciens des studios de Billancourt pendant les manifestations et les grèves de juin 1936 en région parisienne. Par la mobilisation du sec­teur minier et la virulence du propos, elle n'est pas sans rappeler La Grande Lutte des mineurs de l'automne 1948, qui dénonçait le « sabo­tage » par le gouvernement de l'effort de redressement de la France (dénonciation des brutalités policières, revendications corporatives, combat politique contre le Plan Marshall)" 1.
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1.   La Grande Lutte des mineurs (1948, 12 min)  
Réalisation : Louis Daquin
Production : Fédération des travailleurs du sous-sol CGT
Image : André Dumaître.
Commentaire : Roger Vailland
Montage : Victoria Mercanton. 
Conçu pour susciter une solidarité active en faveur des mineurs en lutte, le film fut interdit par la censure par un arrêté du 6 décembre 1948 qui soumettait les films non commerciaux à une censure préalable, ce qui permettait l'interdiction de la plupart des films militants alors produits par le PCF et la CGT.






C’est aussi l’occasion de se souvenir de la fameuse distinction entre grossièreté et vulgarité.
Je la trouve parfaitement présentée dans La grammaire parallèle de Christian Moncelet :


On évitera de confondre grossièreté et vulgarité, en se sou­venant de la leçon de Gerber dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (film de Jean Yanne, 1972). Le personnage s'adresse au directeur de la station qui a décidé de placer ses programmes de radio sous le signe de Jésus-Christ :

                           « Plantier vous êtes un con. Vous me trouvez grossier.
Et moi, mon cher ami, je vous trouve vulgaire.
Dire "merde" ou "mon cul", c'est simplement grossier.
Maintenant, voyons donc tout ce qui est vulgaire :
Prendre une voix feutrée et sur un ton larvaire
Vendre avec les slogans aux bons cons d'auditeurs
Les signes du zodiaque et les courriers du cœur ;
Connaissant son effet sur les foules passives
Faire appel à Jésus pour vanter la lessive [...]
Vendre la merde oui mais sans dire un gros mot. »
Pour Philippe Geluck également (Le Chat], les mots grossiers ne sont pas ceux que l'on croit : 
« Terrorisme, missile ou pollution sont des plus gros mots que caca, merde ou prout. »

/………………………………………/

Hugo a donné au « mot » [de Cambronne] une dimension héroïcomique dans un chapitre des Misérables. Le parangon de l'inconvenance est anobli par les circonstances de sa profération. C'est la thèse lyrique de Jules Jouy (Le Mot de Cambronne, éd. Meuriot, 1884) :
« Oui, l'ordure change d'odeur,
Quand l'héroïsme l'ensoleille,
Et peut égaler, en splendeur,
- Le « Qu'il mourût ! » du grand Corneille ! »

/………………………………………/
[L’attitude inverse serait à peu près celle-ci :]


Il est des façons spirituelles de tourner autour d'un mot gros­sier. On le fait entendre indirectement :

     «Je veux bien être bon, à condition que ça ne s'écrive pas c.o.n.»,
                                                     (Anonyme).
Euphémisme :

     « Vous êtes un idiot en trois lettres et je vous dis zut en cinq. »
                    (Maurice Chapelan, Amoralités familières).



          Un spectateur ami de l'association m'a fait parvenir ce portrait du réalisateur publié à l'occasion de l'attribution du prix "La Croix" du documentaire à La saga des Conti. Je remercie doublement Jean-Luc, car cela me permet de vous en faire profiter à votre tour.


La Croix, 17 octobre 2013







Un AMI qui vous veut du mal...


Lors du débat, l’AMI a été cité sans qu’on ait eu le temps d’expliciter davantage. Voici le début « Wiki », avec le lien pour qui voudrait lire la totalité.

L’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), en anglais Multilateral Agreement on Investment (MAI), a été négocié secrètement au sein des vingt-neuf pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) entre 1995 et avril 1997.
Proposant une libéralisation accrue des échanges (interdiction des discriminations par la nationalité entre investisseurs), il entraîna de vives protestations de la part des partisans de l'exception culturelle, des mouvements de défense de l’environnement et de quelques mouvements syndicaux lors de sa divulgation au grand public par des mouvements de citoyens américains1.
Des organisations non gouvernementales parviennent à se procurer le projet d'accord, et à alerter le public sur ce projet. Selon un de leurs leaders, Susan George, « l'AMI est comme Dracula : il meurt à être exposé en plein jour ». Finalement, devant l'opposition française et la tiédeur des États-Unis2, et suite au rapport commandé par Lionel Jospin à Catherine Lalumière qui déclare le projet « non réformable », l’AMI est abandonné en octobre 1998.

Critiques des opposants. Elles sont en fait relativement nombreuses. Ci-dessous, la liste non-exhaustive des critiques faites à ce projet qui permettait :

·                    à une multinationale d'assigner en justice des gouvernements pratiquant le protectionnisme ou la préférence nationale, établissant des différences de traitement suivant lanationalité de l'investisseur ou créant des conditions de concurrence déloyale ;
·                    à une entreprise de tenir le gouvernement pour responsable de toute entrave à son activité (ex : manifestations, grèves…) ; l'État se retrouve donc le responsable légal et est obligé d'indemniser l'entreprise.


















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