[Voir aussi juste avant:
Cette semaine, nos partenaires...]
6e séance avec débat
Après l'épopée des enfants, la saga des Conti, dans un cadre beaucoup plus familier:
Clairoix (prononcé [klɛ.ʁwa]) est une commune française située dans le département de l'Oise en région Picardie.
Située aux confins du Valois et de la Picardie, cette commune d’environ 2 000 habitants et de 470 hectares, limitrophe de Compiègne, garde un certain cachet rural. Le village s’étale au pied d’une colline culminant à 155 m d’altitude, le mont Ganelon. Une rivière, l’Aronde, traverse Clairoix, le confluent de l’Oise et de l’Aisneen est à la limite. La ligne de chemin de fer Paris-Maubeuge, et deux axes routiers, la nationale 31 et l’ex-nationale 32, bordent la partie la plus ancienne.
Historiquement, le mont Ganelon a toujours eu une grande importance pour Clairoix, qui a exploité ses terres, ses sources, ses vignes, ses carrières, ses bois, etc. C’est sans doute la position stratégique de cette butte, près du confluent de deux grandes rivières, qui est à l’origine de la création du village.
Jusqu’à ces dernières décennies, Clairoix est une commune essentiellement rurale. À part des minoteries et des tuileries-briqueteries, peu d’entreprises de production s’y implantent avant le xxe siècle. Le site industriel le plus important de la commune est l’usine de pneumatiques Englebert-Uniroyal-Continental, qui faisait suite à une éphémère filature de soie artificielle, et qui a récemment cessé ses activités. Le village a surtout une vocation résidentielle. (Wikipédia)
Un réalisateur concerné
Version longue
Une histoire inattendueLe débat
Compléments :
Berry 15-10-2013 :
Un réalisateur concerné
Le réalisateur Jérôme
Palteau est lui-même un habitant de Clairoix, la ville où se trouve
l'usine "Continental". Il a été directement témoin des événements
relatifs à la fermeture de l'usine, et a eu l'idée de suivre les ouvriers
pendant l'année qu'il leur restait à travailler.
Jérôme
Palteau a
lui-même été surpris par la tournure des événements et la volonté des ouvriers à
se battre pour leur emploi. Il a pu, au fil du temps, entretenir une relation
privilégiée avec les leaders ouvriers et suivre la lutte au plus près jusqu'à
son dénouement : "A cette
époque, je pensais faire un film sur la résignation, mais les Conti ont changé
le cours de l’histoire", raconte le réalisateur, en poursuivant : "Au fil des semaines, alors
que ma présence régulière aux côtés des ouvriers m’a permis de gagner leur
confiance, ils m’ont ouvert les coulisses de leur combat. J’ai eu rapidement la
conviction que cette affaire n’allait pas en rester là et qu’il fallait rester
pour en témoigner. Surpris que je fus par la vigueur de leur combat et par leur
détermination, j’ai été aspiré par leur mouvement comme dans un torrent."
La
Saga des Conti est la version longue d'un premier
documentaire de 52 minutes, "Les Contis", diffusé sur France 3 et La
Chaîne Parlementaire en mars 2012. (Allociné)
Le FSL, dans un élan sublime, était venu, guidé par la raison…
Le Forum Social Local était là et
bien là, en effet. Les animateurs rappelèrent d’entrée la liste des
organisations participantes. Rappelons-la nous-mêmes (ils ont déjà été
présentés dans ce blog sous le titre « Cette semaine, nos
partenaires… » du lundi 7 octobre 2013) :
Avec la participation d’organisations comme la FSU (Fédération
Syndicale Unitaire, première organisation syndicale de la fonction publique
d'Etat : éducation, recherche, culture, formation), et RESF-18 (Réseau
d’éducation sans Frontière du département du Cher), la transition était
toute trouvée avec le film de la veille.
La manière dont Jérôme Palteau se
révèle en rendant compte de ce combat ouvrier n’est pas sans rappeler aux
habitués des soirées Ciné-Rencontres le film d’Olivier Azam Grandpuits
petites victoires présenté au Ciné-Lumière le 12 avril 2013.
On y a trouvé la même efficacité dans l’alliance des images filmées personnellement après avoir gagné la confiance des ouvriers et des archives de l’époque, y compris celles de la télévision « ennemie ».
On y a trouvé la même efficacité dans l’alliance des images filmées personnellement après avoir gagné la confiance des ouvriers et des archives de l’époque, y compris celles de la télévision « ennemie ».
Personne n’a oublié que nous y
avions découvert un acteur témoin de ces luttes en la personne de Christophe
Gibert (dit « Tof », car tout le monde avait son surnom) qui avait
ébloui et conquis l’assistance par son énergie et sa force de conviction. Nous
n’avions pas ce soir de grands témoins de Continental comme « Tof »
l’avait été de Total. De l’énergie, il y en avait à revendre dans le film de ce soir. On
l’a trouvée aussi bien dans le langage, rude, tonnant virilement sa langue de
bois pour mieux laminer la langue de bois de l’adversaire, que dans les muscles
des gaillards qui s’imposaient à la table des négociations tout en commentant
ensuite : « S’ils avaient su qui on était, ils auraient sûrement tout
fait pour nous empêcher d’entrer ! »
L’humour du film est principalement
là, fait de connivence avec les spectateurs qui se réjouissent de voir ceux à
qui on destinait le rôle des « petits » venir bousculer avec autant
de culot et d’efficacité tranquille les digues des puissants. Ce n’est manquer
de respect à personne que de remarquer que c’est un des ressorts essentiels des
films de Charlot.
S’il n’y avait pas de témoin
direct des événements, il s’est trouvé un représentant local de la classe
ouvrière bien digne des héros magnifiés dans le film. Invité vertement (c’était
le langage du film !) par l’un des animateurs à relever le défi de la
prise de parole, il ne se l’est pas fait dire deux fois. Il a dévalé les
marches, pris le micro, et… captivé aussitôt l’auditoire par son témoignage, à
la fois puissant et émouvant. Alors tous les éléments du film rencontraient
chez lui un écho tiré de son expérience. Il n’a rien caché des solidarités ni
des moments de grande solitude, de la difficulté des vies précaires, des coups
bas de ceux qui détiennent le pouvoir et qui toujours en abusent. Avec cette
conclusion, digne de la célèbre chanson de Mac-Nab : « C’est toujours
l’ouvrier qui trinque ! »
Le ton était donné, les complexes
restaient au vestiaire, et l’éloquence du film descendait définitivement dans
la salle. Avec une spontanéité caractéristique du meilleur Vierzon, les langues
n’étaient pas longues à refuser de rester dans les poches. Chacun avait son mot
à dire, et le disait fort bien, montrant qu’on était citoyens et qu’on n’était
dupes de rien. On fit même de la vraie politique, analysant lucidement l’impact
des décisions d’en haut sur les vies d’en bas. Dupes de rien, vraiment. On
n’hésita pas à pointer du doigt la schizophrénie de ces régimes qui se disaient
républicains, mais qui, après s’être fait élire sur un programme communard,
s’empressent d’appliquer un programme versaillais. La confrontation des deux
Fronts s’avéra inégale, les armes utilisées n’étant pas les mêmes. Quelqu’un
fit le rapprochement avec les grands médias, notamment la télévision, notamment
TF1. Que pèse l’argument devant l’invective qui surgit en quelques secondes, le
format de base du raisonnement télévisuel ? Le temps, en revanche, n’y est
jamais compté pour les « experts » bien en cour qui formatent la
pensée…
On le répète, le ton était
donné, et plus rien ne pouvait le reprendre. Le moteur Mathieu fonctionnait à
plein régime. Et eux, les petits, les obscurs, les sans-grade, ils ne
l’étaient pas, peut-être, éloquents ?… C’était l’éloquence du vécu, du
quotidien qui se conquiert, du quotidien dont on souffre mais dont on est fier
en même temps. Fier, en particulier, de ce qu'on a réussi, malgré le contexte difficile, à transmettre aux enfants.
La référence à Germinal est
explicite dans le film, elle le fut aussi dans la salle. Avec ses deux
aspects : repoussoir et modèle. « On ne veut pas être des
Germinal » : on ne veut pas perdre, on ne veut pas revenir en arrière
jusqu’à ce stade de travailleurs victimes désorganisés. « On est des
Germinal » : on nous a déjà beaucoup abaissé, repris, divisés, mais
on ne baissera pas les bras, on se battra jusqu’au bout pour espérer au moins
se construire un avenir. Ce n’étaient pas que des mots, ce n’était pas que de
la théorie : « Vous ne voulez pas y croire, vous ne pensez pas cela
pensable chez nous au XXIe siècle ? Mais venez donc y voir, derrière la
façade des usines qu’on veut bien vous montrer ! venez voir comment on y
travaille, comment on y vit, comment on y abrège son existence ! » Le
rapprochement est inattendu mais concret avec les références de la mine. Le
travail de « l’or blanc », de la porcelaine - laquelle évoque
pourtant la blancheur et la délicatesse -est un travail aussi dur et promis aux
mêmes maux. Dans les deux cas, la silicose abrège l’existence… Plus besoin de
descendre dans la mine : même un prothésiste dentaire - son métier est
moderne pourtant - y est exposé.
Eloquence des plus vieux rompus
aux réunions syndicales ? Pas seulement, des jeunes gens parlaient avec
gravité et lucidité de la société dans laquelle ils auraient à vivre et qu’ils
aspiraient à transformer. Avec des références plus modernes, c’était au fond
l’hypocrisie de la novlangue d’Orwell qui les indignait. Les salaires des
travailleurs sont (dis)qualifiées de charges sociales, quand les plans de
restructuration ne sont en réalité rien d’autre que des licenciements secs, et
que la compétitivité devient synonyme d’acceptation d’un statut le plus proche
possible de l’esclavage,… Et bien sûr les mots vont de pair avec les idées, les
notions, les concepts. Et ce « Manufacturing consent » –Fabrication
du consentement – dénoncé par Chomsky ne se cantonne pas, ce qui serait
déjà beaucoup, aux seuls médias. Il atteint insidieusement mais déjà gravement
le cœur même du système républicain, à savoir l’enseignement. Les élèves
témoignent et les professeurs d’économie confirment. La vision néo-libérale,
individualiste et financière, s’installe comme chez elle, les notions
d’organisation collective ou citoyenne, sont progressivement poussées vers la
porte. Le traider y devient un modèle, le socialisme y est désormais un mot
tabou. Quant à collectivisme, marxisme, lutte des classes… les générations
futures seront probablement appelées à répondre comme Baudelaire : « Vous vous servez
là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. » Les
descendants du milliardaire Warren Buffett seuls en auront sans doute
entendu parler, se transmettant la célèbre citation de leur aïeul :
« Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n'avons
jamais été aussi prospères. C'est une guerre de classes, et c'est ma
classe qui est en train de gagner. »
Forcément la question du langage
à portée ou non de la plupart des gens (« J’étais à Vierzon au meeting de
Mélenchon, c’était formidable, mais je n’ai pas compris toutes ses références,
loin de là, et ça c’est fâcheux parce que je n’étais pas le seul ! »)
a posé le problème de la coupure entre le langage des « politiques »
et le langage du « peuple ». On a essayé de faire la distinction
entre les cas où cette coupure est artificielle et volontairement entretenue
pour se démarquer à bon compte du plus grand nombre en prétendant s’attribuer
une supériorité factice, et les cas où une culture commune, qui a existé mais
qui a cessé d’être transmise, devrait bien être réactivée, sans modération et
sans complexe, parce qu’elle est à la fois légitime et nécessaire, au moyen,
par exemple, des ressources généralisées de l’éducation populaire.
Et celui qui refusait au début
l’humour à cause de la gravité du sujet était le premier à le revendiquer à la
fin, tant l’humour est, comme la langue de bois, une arme qu’on peut retourner
contre l’adversaire. Sans compter que, dans des circonstances particulièrement
difficiles, il aide souvent à vivre.
On aura compris aussi que
l’actualité immédiate ne fut pas oubliée. On a sollicité davantage de
précisions sur cette décision du tribunal qui donne rétrospectivement raison
aux Conti victimes d’un licenciement abusif sans fondement économique réel,
victoire rétrospective et qu’on est presque tenté de qualifier de posthume,
tellement lourds sont les dégâts qui en ont accablé un si grand nombre ces
quatre longues dernières années. On a entendu dans les médias Xavier Mathieu
sangloter sur cette « victoire », et on a appris que lui, n’étant pas
parmi les plus mal lotis, n’était guère davantage maintenant qu’un très
intermittent du spectacle. Injuste évidemment, quand on a été témoin, grâce au
film, des qualités extraordinaires dont lui et ses camarades de lutte ont fait
preuve durant toute cette période.
Elle est enfin véritablement
émouvante, cette complicité entre gens qui ne parlent pas le même langage (au
sens étroit comme au sens large) mais qui finissent par s’entendre sur
l’essentiel, comme un écho lointain de la proclamation de Karl Marx :
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
Alle zusammen, prononcé à
la française, trouve son symétrique immédiat dans le Tous ensemble (prononcé
avec fougue Tous ensembeul…, mais qu’importe !) Pas gagné pourtant
cette harmonie entre le Français tapageur et l’Allemand pondéré, respectueux du
sacro-saint ordre du jour que son allié bouscule allègrement. Le choc des
cultures est à son comble quand le négociateur gaulois « invité » par
l’entremise du négociateur germain se met, en guise de conclusion, à insulter
d’une manière toute rabelaisienne les représentants patronaux. Explication
entre hommes à la sortie. La confiance a été trahie… est-ce la rupture ?
Après les reproches de forme, l’Allemand sourit et tombe dans les bras du
partenaire. « Quand tu viendras chez nous, dit Xavier Mathieu, tu pourras
insulter qui tu voudras ! » Union dans les rires.
Le film s’ouvre sur la conscience
qu’au début on n’est rien, qu’on n’a aucune des compétences pourtant
nécessaires dans ce type de conflit, et qu’ensuite, progressivement, chacun
s’acquitte de sa tâche avec une application exemplaire jusqu’à devenir un
véritable expert dans son accomplissement. Il n’y a aucun doute que ces
pratiques viennent de loin, qu’on en a hérité sans le savoir clairement, et
qu’on les découvre différentes, car l’histoire est différente, d’un côté et de
l’autre côté de la frontière.
On a certes déjà vu cela, dans
l’histoire, et à bien plus grande échelle, à savoir des hommes pas faits a
priori pour cela obligés à des responsabilités qui devaient les écraser et
qu’ils ont assumé de manière exemplaire avec une étonnante rapidité. Toutes
proportions gardées, par exemple, les incrustations qui égrènent les dates de
mars à juin en passant par les temps forts de mai font furieusement penser à la
chronologie de la Commune de Paris, et si vous ajoutez à cela que l’affaire des
moules que l’on refuse de rendre à l’ennemi arrive comme l’affaire des canons
de Montmartre, vous ne manquez pas d’être interpellés par tant d’éléments
récurrents comme dans un motif de fractales.
Mais cette
histoire qui se répète, on aurait tort de croire qu’elle balbutie toujours. Des
paroles ont été prononcées avec force, qui associaient des mots comme
« résistance », « dignité », « lutte ». Avec dans
toute cette énergie une pointe de découragement devant la puissance de frappe
de l’adversaire. « Nous avions pourtant les moyens de rendre cette
entreprise humaine et logique. » Certes, le gouvernement de la finance est
inhumain et bien connu pour sa folie dévastatrice. Contre cela une seule attitude : une prise de
conscience suivie d’une mobilisation collective massive. On s’est quitté sur
l’idée que plusieurs options étaient ouvertes, mais qu’aucune perspective
n’était claire. Une conviction cependant
surnage : « Celui qui se bat n’est pas sûr de gagner, mais celui qui
ne se bat pas a déjà perdu ! » Encore un écho, hugolien et bien identifié
celui-là : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent… »
Hommage en passant et en parodiant Montéhus :
Salut salut à vous
Brav’s ouvriers des Conti
Salut salut à vous
A votre lutte magnifique
(en d’autres temps :)
On aurait en tirant sur vous
Assassiné la République !
Et pour finir, bien sûr, Maurice Mac-Nab :
C’était vraiment
un bien chouette débat
que le débat
de ce Fo
rum Social !
Le combat des femmes
Norma Ray fut un film support à sa sortie d’un débat à l’ACV (Action Culturelle Vierzon) appuyé sur un dossier accueillant essentiellement les
témoignages des ouvrières en confection de Vierzon alors en grève.
Ce film de Martin Ritt (1979) est basé sur une histoire
vraie, celle de Crystal Lee Sutton, une ouvrière qui travailla pendant dix ans
à l'instauration d'une section syndicaliste dans son usine.
Le scénario est basé sur le livre Crystal Lee: A Woman
of Inheritance (littéralement : Crystal Lee : une femme
d'héritage) du journaliste Henry « Hank » Leiferman, du New York
Times, sorti en 1975, et qui raconte l'histoire vraie de la
militante syndicaliste Crystal Lee Sutton et de son combat, dans les années
1970, aux côtés du syndicaliste Eli Zivkovich pour affilier les employés de
l'usine J.P. Stevens de Roanoke Rapids (Caroline du
Nord, aux États-Unis) au syndicat des employés de l'industrie du
vêtement et du textile ACTWU (Amalgamated Clothing and Textile Workers Union).
En particulier, la scène dans laquelle, avant de se faire expulser de l'usine
par la police, Norma Rae, renvoyée de l'usine, prend un morceau de carton,
écrit dessus le mot UNION, et monte sur sa table de travail en le brandissant à
ses collègues, ceux-ci coupant les uns après les autres leur machine, est
véridique.
Berry 15-10-2013 :
Après le film du 12 avril 2013, GRANDPUITS ET PETITES VICTOIRES
(documentaire de
Olivier Azam , 2011, avec la visite de Christophe Gibert, grand
témoin des grèves de la raffinerie Total de 2010), j’avais fait le
rapprochement avec un petit film de 1948 d’une dizaine de minutes sur la grève
des mineurs dont je n’avais pas en tête les références précises. En lisant ce
passage de Caméras en lutte en mai 68
je tombe par hasard sur les précisions que je cherchais alors.
Les voici donc, précédées
d’une courte mise ne contexte que j’avais fourni dans le compte-rendu de Grandpuits.
Existence d’un film de 1948 sur les grèves des charbonnages du Nord. Pour
contrer la grève, Jules Moch, ministre de l’intérieur socialiste, mobilisa
60 000 CRS et soldats, qui se heurtèrent aux 15 000 grévistes
retranchés dans les puits, et leur imposa, fin novembre une cuisante reprise du
travail. À la faveur de la lassitude des travailleurs et, des divisions des
syndicats, la répression fut sévère, avec plus de 3 000 licenciements, six
morts et de nombreux blessés. Les communistes en gardèrent contre Jules
Moch un profond ressentiment. Or il existe un film d’une dizaine de minutes
tourné clandestinement par les grévistes eux-mêmes [c’est du moins ce que j’avais alors en mémoire : à vérifier].
La tension qui pouvait déboucher sur la mort y est impressionnante.
La réalisation de La CGT
en mai-juin clôt une période durant laquelle
les questions ouvrières n'ont guère été abordées par l'organisation syndicale sous forme de productions
cinématographiques. Sans doute faut-il
remonter à l'hiver 1963 pour retrouver pareil effort autour d'un film militant destiné au travail d'information et de propagande. En son temps, La Grande Grève des mineurs (1963)
avait réuni, sous la direction de Jean-Paul Le
Chanois, la Fédération nationale des travailleurs du
sous-sol CGT et le Comité d'action du spectacle.
Par la rencontre entre monde ouvrier et gens du spectacle, le film trouvait pour modèle historique le fragment
documentaire Grèves d'occupation (1936), réalisé à la demande de la CGT par les techniciens des studios de Billancourt pendant les
manifestations et les grèves de juin 1936 en
région parisienne. Par la mobilisation du secteur minier et la virulence du
propos, elle n'est pas sans rappeler La Grande Lutte des mineurs de l'automne 1948, qui dénonçait le « sabotage » par le gouvernement de l'effort de redressement de
la France (dénonciation des brutalités policières, revendications corporatives,
combat politique contre le Plan
Marshall)" 1.
_________________________________________________________
1. La
Grande Lutte des mineurs (1948, 12 min)
Réalisation : Louis
Daquin.
Production : Fédération des travailleurs du sous-sol CGT.
Image : André
Dumaître.
Commentaire : Roger Vailland.
Montage : Victoria
Mercanton.
Conçu pour susciter une solidarité active en faveur des mineurs en
lutte, le film fut interdit par la censure par
un arrêté du 6 décembre 1948 qui soumettait les films non commerciaux à une
censure préalable, ce qui permettait l'interdiction de la plupart des films
militants alors produits par le PCF et la CGT.
C’est aussi l’occasion de se souvenir de la
fameuse distinction entre grossièreté et vulgarité.
Je la trouve parfaitement présentée dans La grammaire parallèle de Christian
Moncelet :
On évitera de confondre grossièreté et vulgarité, en se souvenant de la leçon de Gerber dans Tout le monde il est
beau, tout le monde il est gentil (film de Jean Yanne, 1972). Le personnage
s'adresse au directeur de la station qui a
décidé de placer ses programmes de radio sous
le signe de Jésus-Christ :
« Plantier vous êtes un
con. Vous me trouvez grossier.
Et moi, mon cher
ami, je vous trouve vulgaire.
Dire
"merde" ou "mon cul", c'est simplement grossier.
Maintenant, voyons
donc tout ce qui est vulgaire :
Prendre une voix
feutrée et sur un ton larvaire
Vendre avec les
slogans aux bons cons d'auditeurs
Les signes du
zodiaque et les courriers du cœur ;
Connaissant son
effet sur les foules passives
Faire appel à Jésus pour vanter la lessive [...]
Vendre la merde oui
mais sans dire un gros mot. »
Pour Philippe
Geluck également (Le Chat], les mots
grossiers ne sont pas ceux que l'on croit :
« Terrorisme,
missile ou pollution sont des plus gros mots que caca,
merde ou prout. »
/………………………………………/
Hugo a donné au « mot » [de Cambronne] une dimension héroïcomique dans un chapitre des Misérables. Le
parangon de l'inconvenance est anobli par les circonstances de sa profération. C'est la thèse lyrique de
Jules Jouy (Le Mot de Cambronne,
éd. Meuriot, 1884) :
« Oui, l'ordure change d'odeur,
Quand l'héroïsme l'ensoleille,
Et peut égaler, en splendeur,
- Le « Qu'il mourût ! » du grand Corneille ! »
/………………………………………/
[L’attitude inverse serait à peu près
celle-ci :]
Il est des façons spirituelles de
tourner autour d'un mot grossier. On le fait entendre indirectement :
«Je veux bien être
bon, à condition que ça ne s'écrive pas
c.o.n.»,
(Anonyme).
Euphémisme :
« Vous êtes un idiot en trois lettres et je vous dis zut en cinq. »
(Maurice Chapelan, Amoralités familières).
Un spectateur ami de l'association m'a fait parvenir ce portrait du réalisateur publié à l'occasion de l'attribution du prix "La Croix" du documentaire à La saga des Conti. Je remercie doublement Jean-Luc, car cela me permet de vous en faire profiter à votre tour.
Un AMI qui vous veut du mal...
Critiques des opposants. Elles sont en
fait relativement nombreuses. Ci-dessous, la liste non-exhaustive des critiques
faites à ce projet qui permettait :
La Croix, 17 octobre 2013 |
Un AMI qui vous veut du mal...
Lors du débat, l’AMI a été cité sans qu’on
ait eu le temps d’expliciter davantage. Voici le début « Wiki », avec
le lien pour qui voudrait lire la totalité.
L’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), en anglais Multilateral Agreement on Investment (MAI), a été négocié secrètement au
sein des vingt-neuf pays membres de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE)
entre 1995 et avril 1997.
Proposant une libéralisation accrue des échanges
(interdiction des discriminations par la nationalité entre investisseurs), il
entraîna de vives protestations de la part des partisans de l'exception
culturelle, des mouvements de défense de l’environnement et de quelques
mouvements syndicaux lors de sa divulgation au grand public par des mouvements
de citoyens américains1.
Des organisations non gouvernementales parviennent à se
procurer le projet d'accord, et à alerter le public sur ce projet. Selon un de
leurs leaders, Susan George, « l'AMI est
comme Dracula : il meurt à être exposé en plein jour ».
Finalement, devant l'opposition française et la tiédeur des États-Unis2, et suite au rapport commandé
par Lionel Jospin à Catherine Lalumière qui déclare le projet « non
réformable », l’AMI est abandonné en octobre 1998.
Critiques des opposants. Elles sont en
fait relativement nombreuses. Ci-dessous, la liste non-exhaustive des critiques
faites à ce projet qui permettait :
·
à
une multinationale d'assigner en justice des gouvernements pratiquant le protectionnisme ou la préférence nationale, établissant des
différences de traitement suivant lanationalité de l'investisseur ou créant des conditions de concurrence déloyale ;
·
à
une entreprise de tenir le gouvernement pour responsable de toute entrave à
son activité (ex : manifestations, grèves…) ;
l'État se retrouve donc le responsable légal
et est obligé d'indemniser l'entreprise.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire