34e séance avec débat
GRACE DE MONACO
(2013 - vostf et vf - 1h40) Film d’ouverture du Festival de Cannes 2014.
Le film évoque un moment de la vie de l’actrice américaine Grace Kelly devenue Grace de Monaco lorsqu’elle épousa le Prince Rainier III en 1956, ce qui fut qualifié de mariage du siècle…
Le film Grace de Monaco n’en finit pas de susciter la polémique dans la principauté monégasque. Alors que le Rocher avait déjà émis des réserves
concernant le biopic d’Olivier Dahan, la situation s’envenime de nouveau autour de ce film événement qui fera l’ouverture du Festival de Cannes.
NOTRE SOIREE DEBAT DU VENDREDI 16 MAI A 20H30
Transition vaseuse (Y a de l’eau dans le gaz)
Comme pour le gaz de schiste, il faut chercher l’origine en
Pennsylvanie (au sud de l’Etat de New-York) puisque c’est à Philadelphie que
Grace Kelly est née en 1929. C’est l’année de la grande crise mondiale, préfiguration
de notre crise mondiale moderne dont on cherche encore à sortir en courant
après de nouvelles énergies.
Dans les deux cas, sur des plans différents, la même
question se trouve posée.
Est-ce une grâce divine (la Divine, au passage, c’était le surnom
de la grande Greta Garbo) ou un fléau diabolique ?
Dans les deux cas on veut nous persuader (cartes à l’appui
ici) que les enjeux sont mondiaux. Les Etats-Unis, l’Europe, la Russie même,
sont impliqués. Avec des mises en abîme curieuses : Charles et se tanks
menaçant d’envahir Monaco comme un pré-Poutine menaçant l’Ukraine. Les barbelés
sont dressés et les tanks sont massés à la frontière. Reste la crainte des
bombes : « Charles, nous n’allez quand même pas lancer une bombe sur
la princesse ? » est une étonnante réplique insérée dans le film.
Et, dans le cas de Grace Kelly, pour qui cette grâce ou ce
fléau ?
Pour sa famille américaine qui vit d’un mauvais œil sa
carrière et son indépendance, et qui attendait avec impatience qu’elle se casse
la figure, avant de songer à profiter au maximum de son succès, se faisant une
raison de la voir réussir davantage que la fille aînée, pourtant préférée et
décrétée mieux douée en tout ?
Pour le prince, qui
décore son royaume avec sa créature, avant de prendre ombrage de ses
calamiteuses révoltes ?
Pour l’entourage princier, qui voit comme une chance
médiatique et une source de revenus plutôt bienvenue une star mondiale, mais
dont le franc parler intolérable et les meurs trop libres vont bientôt rappeler
qu’elle est une étrangère (américaine, comme Wallis Simpson, grâce et fléau
tout à la fois du prince Edouard également
duc de Windsor) jugée déplacée parmi les fastes aristocratiques du vieux
continent ? Les Monégasques ont apparemment refusé de voir leur chère
icône se compromettre dans un rôle aussi peu glorieux sur le papier.
Pour les maisons de production cinématographiques
américaines qui pensaient qu’une étoile était née et qu’ils la contrôlaient
entièrement, mais qui la voient virer de bord au moment où elle allait devenir
enfin rentable ? Il semble bien que l’intransigeance de la
Metro-Golwyn-Mayer concernant ses anciens contrats d’exclusivité avec Grace ait
joué un rôle déterminant dans cet échec.
Pour les cinéphiles ou les réalisateurs comme Hitchcock, qui
voient s’éclipser une vedette qui se révélait prometteuse sur le plan
artistique ? Les cinéphiles s’en remettront sans doute. Pour Hitchcock,
qui se conduit fort mal ensuite, je ne me prononcerai pas.
D’ailleurs c’était une des interrogation du débat prolongé
autour du pot final : que serait devenue la carrière de Grace Kelly si
elle avait dit oui à Hollywood en s’éloignant plus ou moins du Rocher ?
Une réussite plus éclatante encore, ou une série d’échecs conduisant fatalement
à une fin prématurée et peu honorable ?
Dans la salle du Ciné-Lumière les réactions aussi étaient
nombreuses et variées, depuis l’assoupissement réparateur après une longue
semaine de travail, jusqu’à la gourmande déception de fans restant sur leur
faim au moment le plus intéressant pour elles, c’est-à-dire celui où on allait
enfin partager la bienheureuse intimité du couple princier enfin retombé dans
l’harmonie. D’autres ont trouvé leur intérêt surtout dans les intrigues
familiales, d’autres encore dans les intrigues politiques, d’autres enfin (mais
tout cela pouvait se cumuler chez le même spectateur) dans les clins d’œil
cinématographiques.
Non pas Alfred Hitchcock, mais John, présente. |
Au pot on parle d'abord... |
... d'accord, on ne fait pas que ça... |
... mais on reparle encore. |
Biopic
or not biopic?
C’est vrai, en dehors de quelques archives (certains ont
regretté de ne pas en voir davantage), cette année 1962, délibérément choisie
par le réalisateur, était pratiquement la seule concernée. Cependant, elle était aussi suffisamment dense pour
retenir l’attention pendant tout le film, encore que certains ont trouvé que
c’était un film sur peu de matière. Cette année est peut-être, d’autre part,
surtout densifiée par l’ajout d’épisodes présentés ici, mais, en réalité,
probablement empruntés à d’autres époques, parfois même à des époques
antérieures au mariage de 1956. Si c’est le cas, Olivier Dahan les a à juste
titre privilégiées, car logiquement plus riches en archives non contrôlées par
la communication royale.
En vrac
Aujourd’hui, les règlements de compte franco-monégasques se
font surtout par le truchement de clubs de foot surpayés. Le PSG est actuellement
devant, et Monaco derrière. Quant aux rivalités fiscales, elles paraissent
surtout relever d’une vaste hypocrisie. Comme si aucun français ne trouvait
commode de « bénéficier » d’un paradis fiscal de proximité, avec la
Suisse, le Luxembourg, et tant d’autres.
De Gaulle. Furieux parce que Grace tournerait un film avec
Hitchcock ? Abîme de perplexité de la part du spectateur devant cette
insondable question métapysique…
Frigide. « Ne
me touche pas ! » Répétition pour le film de Hitchcock Pas de
printemps pour Marnie. Mise en abîme à l’intention du prince Rainier qui
n’est pas à ce moment conjugalement le bienvenu ? Marnie, ce ne sera donc pas Grace, comme
Hitchcock l’avait un instant espéré, après avoir réussi l’exploit de faire
sortir Cary Grant de sa retraite pour La main au collet. Ce sera Tippi Hedren. Il semble bien que Hitchcock
ait déjà renoncé quand, plus tard, il se lance dans le tournage des Oiseaux,
film présenté à Cannes en 1963. L’actrice qu’il a découverte à cette occasion
deviendra l’incarnation de Marnie. Ce prénom sera aussi le titre américain du
film qui sortira en 1964. Quant à l’actrice américaine (d'origine suédoise par son père et germano-norvégienne par sa mère), la nouvelle muse du
maître du suspens après Ingrid Bergman et Grace Kelly, découverte en 1961 lors
d’un tournage publicitaire, elle n’en sortira pas indemne, beaucoup trop
sévèrement harcelée, à tous les sens du terme, par un Hitchcock ayant franchi
la limite du tortionnaire. Tiens, une autre question : était-il
« naturellement » comme cela, ou s’est-il vengé du refus de Grace
Kelly ? Un conseil : suivez la piste Tippi Hedren, c’est la plus
prometteuse pour connaître, sinon tous les dessous de cette affaire – ça, c’est
impossible - du moins l’essentiel. (Et si vous êtes vraiment vraiment
intéressé, lisez aussi les notes en anglais dans l’article très documenté de
Wikipedia.).
Royauté. Dans des ordres différents. Alfred Hitchcock est
roi dans son domaine. Maria Callas est reine dans le sien. Grace Kelly est
reine dans les deux. On pense à Pascal : cela est d’un autre ordre. On ne
doit aux grands qu’un simple respect d’établissement, pas une vraie admiration.
Protocole. Outré pour que le spectateur ait le réflexe
(salutaire, républicain, démocrate) d’envoyer promener tour cela au nom de la
citoyenneté égalitaire ?
Ficelles (grosses ?). Il y a les trucs de mise en scène
pour faire réagir d’une manière pavlovienne.
Les enfants mal élevés ? Tête à claque. Le prince mou cogne
l’impudent comme un James Cagney. Le gros plan sur les larmes ? Tire-larme.
Le gros plan à la fin du discours ? Adhésion et sympathie recherchées
jusqu’au fond de chaque fauteuil de spectateur.
Et ta sœur ?
Ou plutôt : Et vos sœurs, majestés ? La mauvaise
sœur, d’une part, et la (trop) bonne
sœur, d’autre part.
Dans le cas de la trop bonne sœur, c’est assez anodin. La
famille aurait privilégié l’aînée, moins rebelle. C’est important pour Grace,
certes, mais peu pour nous.
En revanche, pour la mauvaise sœur, le mot est trop faible.
C’est horrible sœur qu’il faudrait dire. Alors, si on considère en effet
que 1962, c’était hier, et qu’elle peut très bien être en vie (ce n’est pas le
cas depuis qu’elle est décédée à 90 ans en 2011), ou que ses enfants et sa
famille proche se préoccupent de sa mémoire (c’est le cas), il y a là, pour
certains, matière à indignation, voire à procès en diffamation, s’il y a
invention pure ou imagination forte pour aggraver les faits. Il semble bien
qu’il y ait quelque chose. Trahison familiale ? Mais que font les
Grimaldi, sinon tout pour leur clan et leurs propres enfants ? Trahison
politique ? Mais trouvera-t-on scandaleux qu’on paye aussi des impôts à
Monaco ? Trahison de légitimité ? Mais Grimaldi le Rusé, le premier
chef de clan, s’empare bien par la ruse et la force d’un bien qui n’était pas à
lui. Il n’en est devenu le propriétaire que par un coup de force et la
perpétuation de la conquête.
Pour en savoir plus : cherchez sur la toile à
« Antoinette, première princesse de Monaco ». Vous verrez : sa
vie aussi mériterait tout un biopic…
Mises en boîte et mises en abîme
Selon le vieil adage qui veut que le cinéma parle toujours
et avant tout du cinéma, je fais l’hypothèse que, dans cette histoire de
conflit de Grace avec Rainier et avec De Gaulle, se trouve figurée celui du
réalisateur Olivier Dahan, avec sa production américaine d’une part, et le
milieu monégasque de l’autre. Un vrai Jean le Bon à la bataille de
Poitiers : « Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à
gauche ! »
J’inclus évidemment ici ce que la presse a abondamment
relayé. Nicole Kidman joue Grace Kelly (son rêve de toujours), laquelle joue
(c’est abondamment montré dans le film) son rôle de Grace (princesse) de
Monaco. A ce sujet, un tout petit point de détail. Des fans généralement bien
informées ont fait état de l’interview de Nicole Kidman disant que c’est
Olivier Dahan qui lui a téléphoné pour lui proposer le rôle. J’avais le
souvenir du contraire. Les chaînes de télévision auraient-elles transmis différemment l’interview accordée par l’actrice à l’ensemble de la presse le jour de la
présentation cannoise ? Je donne alors ma source : BFM TV, en direct
de Cannes.
J’avais des points communs avec elle, lorsque j’étais au sommet dans ma vie professionnelle, et au plus bas dans ma vie personnelle. (Avec Tom Cruise). |
Les références cinématographiques réelles ou imaginaires
peuvent être incluses ici, le film s’y reflétant comme dans un miroir, ou s’y
noyant comme un abîme au sens propre du terme. La maîtresse du protocole paraît faire du
Hitchcock et nous proposer un avatar de la servante revêche de Rebecca ;
la séance d’éducation accélérée aux bonnes manières et surtout au bon langage
nous renvoient surtout à My fair lady pour le premier trait, et au Discours
d’un roi pour le second ; quant au discours final ultra pathétique, ne
prétend-il pas rendre hommage (meilleur des cas) ou singer (le pire des cas) le
magnifique discours de Chaplin se révélant au monde comme un ardent
propagandiste de l’amour et de la paix à la fin du Dictateur ? J’avoue
qu’ici j’ai tantôt adhéré et tantôt décroché. Il m’est même arriver de penser
(ô sacrilège) que la version que je voyais était doublée et que la voix que
j’entendais était celle de Julie Gayet. Incongru retour sur terre au moment du
décollage souhaité. Et l’ensemble, du film, reflet du biopic Diana ?
Ressemblances et différences entre les deux princesses et les deux films… Je
note ici une ressemblance (je vous fais grâce des autres). Comme dans Diana,
j’ai trouvé que le rôle de la princesse dans la géostratégie mondiale était
très sur-évalué. Diana résolvant les problèmes de cet « orient
compliqué » dont parlait De Gaulle, je n’y croyais guère. Grace concluant
son discours par un très faussement modeste : A la place modeste qui
est la mienne, j’aurai juste contribué à changer le monde, atteint
quasiment au ridicule. La première proposition n’est pas crédible, la seconde
est juste (involontairement ou pas) comique.
Olivier Dahan par rapport à Nicole Kidman comme Alfred
Hitchcock par rapport à Grace Kelly ? Mieux vaudrait en tout cas cette
proportion que celle qui le mettrait en rapport avec Tippi Hedren. Le
« cher Hitch » dans ce film paraît bien conciliant, pour ne pas dire
amorti (le prince déteint ?). Rien de bien méchant non plus dans le biopic
centré, lui, sur le tournage de Psychose et intitulé sobrement Hitchcock (film avec Anthony Hopkins
que nous avons passé en son temps, début 2013, à Ciné-Rencontres).
Les références historiques, maintenant. Rainier appelé à se
découvrir une âme de combattant. A moins que le miroir ne soit ici tendu à
Grace elle-même. Ou au couple, qui sait ? En tout cas, c’est Grace qui
récite la leçon qu’on vient de lui apprendre : Jamais Louis XIV ni
Napoléon n’ont réussi à conquérir Monaco ! Sursum corda !
Rameutons les troupes ! Sauf qu’il y a là un léger défaut : Napoléon
n’avait pas besoin de conquérir Monaco, puisqu’il l’avait reçu en héritage
depuis la Révolution française qui, elle, n’en avait fait qu’une bouchée.
Est-ce volontaire de la part du réalisateur, pour souligner, perfide, une leçon
mal digérée ? Le saurons-nous un
jour ? Comme aurait chanté Doris Day dans L’homme qui en savait trop,
Que sera, sera (Whatever will be, will be) !
Pas de printemps pour Marnie : pas de cinéma pour
Kelly.
La critique aujourd’hui voit encore des mises en abîme
partout. Normalement, sans grand rapport… Sort en effet le film sur l’affaire
DSK qui fait à son tour, comme on dit, le « buzz » à Cannes. A la
fois dans les révélations du corps que dans la scène du présumé coupable
menotté, on a vu des rapprochements possibles entre l’acteur Gérard Depardieu, le réalisateur lui-même, et l’homme politique Dominique Strauss-Kahn. Il s’agit bien sûr de Welcome
to New York, d’Abel Ferrara qui a rappelé les libertés inhérentes au genre
biopic le lendemain de la présentation de son film à Cannes : « Mon
film est une fiction qui s’inspire de la réalité, pas un
documentaire ! ». Il a aussi indiqué qu’il avait le même avocat que
Michael Moore. Deux précautions valent mieux qu’une. Mais il est peut-être grand temps de mettre ici un terme à cette
rubrique sur les abîmes...
Ici,
on a l’air bien renseigné.
http://www.lexpressiondz.com/culture/194816-grace-de-monaco-1-de-gaulle-0.html?print
Grace de Monaco: 1 - De Gaulle: 0!...
Jeudi
15 Mai 2014
Par
On se
pointe, selon un rituel maintenant bien établi, à la première projection, celle
dite «d'ouverture» et qui, de tradition, propose un film hors compétition, mais
suffisamment glamour pour drainer le ban et l'arrière-ban artistiques,
politiques et aussi...parasites, susceptibles de briller sous les sunlights,
pour la première «montée des marches», celle qui «fait» Cannes, du moins sur
les écrans télés du monde entier (ou presque)... Et comme toujours, on sort de
là, avec un rictus, mélange de doute et d'agacement, pour commencer avec une
histoire dont la légèreté aurait été la bienvenue, à cet instant méridien où le
festival aura atteint sa vitesse de croisière et donc mis à rude épreuve les
nerfs des plus assidus, c'est à ce moment là, qu'un peu de légèreté sur l'écran
de la salle «Lumière», ferait office de baume apaisant, voire décontractant...
C'est avec toutes ses idées, se bousculant sous un crâne, pas forcément vierge
de tout a priori que l'on s'installe dans son fauteuil carmin, guettant les
premières images de Grace de Monaco, par celui qui a été, à ce jour,
l'enfant terrible du cinéma français, statut octroyé en son temps à Léos Carax,
avant qu'il ne devienne le plus capricieux des cinéastes français... Certes,
on savait que Dahan était d'une trempe dont on façonne les bons caractères,
ceux qui ne cèdent pas (souvent) aux chimères de la finance et de la gloire qui
va avec... Donc l'homme à la casquette portée à la Gavroche, partait,
malgré le titre de son film, avec quelques atouts positifs... Et cela a été
rapidement justifié, dès la première demi-heure, de Grace de Monaco qui
s'ouvrait sur le décor d'un tournage du dernier film de Grace Kelly (Nicole
Kidman, au plus juste) dans un studio de Hollywood, juste avant qu'elle ne traverse
la mer pour aller à la rencontre de son destin, et de «son» Prince, Rainier
de Monaco (Tim Roth, bouleversant dans son désarroi), l'héritier des
Grimaldi, régnant sur ce petit rocher qui ne vivait jusque-là que des subsides
(assez substantiels) que lui procuraient les casinos et les dépôts exonérés
qu'effectuaient les magnats du monde entier, l'armateur grec, Aristote Onassis,
en tête... Grace Kelly est montrée telle une princesse qui n'a pas trouvé
chaussure à son pied, d'où cette démarche gauche... Elle peine à trouver ses
marques dans ce palais et ce n'est pas Rainier de Monaco qui peut lui faciliter
l'intégration occupé qu'il était à déminer un terrain que Charles de Gaulle
empêtré dans la guerre d'Algérie, s'évertuait à truffer de chausse-trapes,
histoire de forcer le «Rocher» à décréter l'imposition des activités bancaires,
dans la Principauté voisine afin de limiter la fuite des capitaux français. Il
ira jusqu'à barrer, à l'aide de herses et autres chevaux de frise, la route qui
mène à l'aéroport de Nice, c'est l'embargo contre Baghdad, à l'échelle
départementale française, quoi!... L'ex-star américaine, de sensibilité
kennedyenne, ne comprend pas cet acharnement et quand on évoque devant elle
l'Algérie, sa réponse est cinglante: «La colonisation est une idée
dépassée.»... Mais De Gaulle, héritier de l'Empire colonial français et
dans son désir chimérique d'une France qui va avec de «Dunkerque à
Tamanrasset», ne reculera pas devant le ridicule que pareille situation
pourrait suggérer... Il menace d'envahir Monaco... Ce qui fera dire à Rainier,
dans un moment d'abattement, que «ce sera la guerre la plus courte de
l'Histoire»... Les services policiers de Maurice Papon et de Foccart, iront
même à fomenter un complot en se servant de la fantasque soeur de Rainier,
Antoinette Grimaldi, leur «taupe» au Palais, pour se tenir au courant des
intentions du prince, en lui faisant croire qu'à la faveur d'un coup d'Etat, à
fomenter, elle accèderait sur le trône, à son tour... C'est d'ailleurs, une des
explications, les plus plausibles, qui justifieraient la farouche opposition
des enfants de Rainier et de Grace, à la version proposée dans Grace de Monaco
par le cinéaste Olivier Dahan. Le linge sale est par définition une affaire de
famille, à plus forte raison quand les traces de la forfaiture prévue sont
restées indélébiles sur le tissu familial... Albert II, Caroline et
Stéphanie qui n'ont pas vu le film, dénonçait une... «bande-annonce
fantaisiste» laissant deviner une «page de l'histoire de la Principauté, basée
sur des références historiques erronées et littéraires douteuses». Et la plus
jeune des enfants Grimaldi, Stéphanie, de surenchérir «ce film, qui n'aurait
jamais dû exister (...) ne fait pas l'éloge de Monaco, ni du grand homme
qu'était mon père, le prince Rainier»... Pourtant, Olivier Dahan et son
producteur Pierre-Ange Le Pogam déclarent de leur côté, qu'ils avaient
communiqué «plusieurs versions du scénario, y compris le texte final, au
Palais. Ils ont eu sans problème les autorisations de tournage dans la
Principauté».
Sinon, le film montre bien que Grace n'est pas cette pièce rapportée (de Hollywood) pour tenir le rôle que la gentry financière lui délivrerait aux côtés d'un prince Rainier, jusque-là, «croupier en chef d'un Etat-casino»... C'est d'ailleurs, ce même Rainier qui fera dire à De Gaulle, que les Monégasques ne peuvent être un peuple de croupiers, mais qu'ils ont aussi besoin d'écoles, d'hôpitaux etc. A la réflexion, c'est peut-être, aussi l'absence de cette image de Grace de Monaco, en princesse de papier glacé qui a pu agacer le distributeur américain, Harvey Weinstein, qui a exigé le remontage du film. Ce à quoi Olivier Dahan a répondu par un niet franc et massif: «Il veut un film commercial, au ras des pâquerettes, en enlevant tout ce qui dépasse»... Weinstein à qui on prête outre-Atlantique de multiples pouvoirs, dont celui d'être un «faiseur d'Oscars», dit que le succès de The Artist lui incombe, mais voilà, Olivier Dahan a aussi décroché un Oscar pour sa Môme, Marion Cotillard, dans le rôle de Edith Piaf, en 2007. Il estime donc qu'il a suffisamment d'épinards pour faire le Popeye devant le Thimotée yankee... Pour le moment, le bras de fer se poursuit et le film qui a été vendu dans les trois-quarts de la planète pourrait faire pencher la balance du côté du créateur français qui a eu le toupet, avec la maestria qui va avec, de faire franchir le biopic de Grace Kelly des franges de la petite histoire aux annales de l'Histoire, tout court... Et du coup, le tableau affichera, subrepticement: Grace: 1 - De Gaulle: 0. On voit d'ici le sourire, sous la casquette, d'Olivier Dahan s'apprêtant à découvrir, une fois la lumière revenue dans la salle, la tête des festivaliers dans leur plus beau linge essayant, pour la plupart, de faire bonne mine devant ce portrait d'une aristocratie princière vacillante et où la guerre d'Algérie s'est bel et bien invitée au Festival de Cannes, de la manière la plus... trabendiste qui soit dans Grace de Monaco de Olivier Dahan et ce, au grand dam des derniers myopes de l'Histoire...
Sinon, le film montre bien que Grace n'est pas cette pièce rapportée (de Hollywood) pour tenir le rôle que la gentry financière lui délivrerait aux côtés d'un prince Rainier, jusque-là, «croupier en chef d'un Etat-casino»... C'est d'ailleurs, ce même Rainier qui fera dire à De Gaulle, que les Monégasques ne peuvent être un peuple de croupiers, mais qu'ils ont aussi besoin d'écoles, d'hôpitaux etc. A la réflexion, c'est peut-être, aussi l'absence de cette image de Grace de Monaco, en princesse de papier glacé qui a pu agacer le distributeur américain, Harvey Weinstein, qui a exigé le remontage du film. Ce à quoi Olivier Dahan a répondu par un niet franc et massif: «Il veut un film commercial, au ras des pâquerettes, en enlevant tout ce qui dépasse»... Weinstein à qui on prête outre-Atlantique de multiples pouvoirs, dont celui d'être un «faiseur d'Oscars», dit que le succès de The Artist lui incombe, mais voilà, Olivier Dahan a aussi décroché un Oscar pour sa Môme, Marion Cotillard, dans le rôle de Edith Piaf, en 2007. Il estime donc qu'il a suffisamment d'épinards pour faire le Popeye devant le Thimotée yankee... Pour le moment, le bras de fer se poursuit et le film qui a été vendu dans les trois-quarts de la planète pourrait faire pencher la balance du côté du créateur français qui a eu le toupet, avec la maestria qui va avec, de faire franchir le biopic de Grace Kelly des franges de la petite histoire aux annales de l'Histoire, tout court... Et du coup, le tableau affichera, subrepticement: Grace: 1 - De Gaulle: 0. On voit d'ici le sourire, sous la casquette, d'Olivier Dahan s'apprêtant à découvrir, une fois la lumière revenue dans la salle, la tête des festivaliers dans leur plus beau linge essayant, pour la plupart, de faire bonne mine devant ce portrait d'une aristocratie princière vacillante et où la guerre d'Algérie s'est bel et bien invitée au Festival de Cannes, de la manière la plus... trabendiste qui soit dans Grace de Monaco de Olivier Dahan et ce, au grand dam des derniers myopes de l'Histoire...
Pour ne pas avoir à inutilement chercher ailleurs ce qui
est par ailleurs un élément important du film :
§
« trabendo » est un mot né en Algérie,
tiré de l'espagnol « contrabando »
signifiant contrebande. Le trabendo désigne une
importation clandestine . C’est un des termes d'économie informelle où toutes les activités
économiques échappent à la réglementation et au contrôle de l'État. Dans le
dictionnaire Larousse : « En Algérie, marché noir,
contrebande. »
§
Le dérivé, trabendiste, est un adjectif (qui
concerne le trabendo), ou un nom (le « contrebandier », celui qui
trafique, qui importe clandestinement). Le Larousse : « En Algérie,
vendeur à la sauvette, petit trafiquant. »
Là
aussi, mais en plus « officiel ».
Antoinette de Monaco : un drôle de numéro...
... ou un préfiguration de Grace elle-même ?
L’adieu à l’aînée des Grimaldi
Sabrina Bonarrigo
- 30 mars 2011
La princesse Antoinette, sœur ainée du prince Rainier
III, s’est éteinte à l’âge de 90 ans dans la nuit du 17 mars. Retour sur
le parcours de cette princesse atypique à la forte personnalité qui a consacré
les 25 dernières années de sa vie à la protection des animaux.
Dans la mémoire de ceux qui l’ont côtoyée, la sœur ainée du
prince Rainier reste avant tout cette femme « proche du
peuple ». Avec une personnalité très affirmée.« C’était une
dame avec une grande répartie. Toujours jeune dans son esprit et très
malicieuse », résume son amie de 15 ans, Nicole Manzone,
présidente de l’union des femmes monégasques. Une femme « infiniment
joviale avec un humour très caustique qui aimait aussi provoquer, se
souvient à son tour Bernard Spindler, journaliste et écrivain. Elle
pouvait par exemple pendant un dîner chanter soudainement
l’Internationale ». D’autres encore se remémorent pêle-mêle des
souvenirs de guerre. Jean-Joseph Pastor, cardiologue et conseiller national
pendant près de 40 ans, garde ainsi en mémoire les soins que la princesse
Antoinette prodiguait aux blessés lors de la seconde guerre mondiale?: « Elle
se rendait à l’hôpital de Monaco, qui était au même endroit que le CHPG et
organisait les soins aux blessés avec les docteurs Orecchia et Drouard. » Selon
ses proches, elle avait même l’habitude de déposer chaque année une rose sur
les tombes abandonnées…
Mais c’est son union avec le notaire et figure éminente du
conseil national, Jean-Charles Rey, qui a également marqué les esprits. A
l’époque, un épisode politique agite la vie du pays. En 1955, alors que la
Banque des métaux précieux est déclarée en faillite, la rumeur court que la
princesse Antoinette était en désaccord avec son frère. Avec pour principal
allié celui qui deviendra son mari en 1961, Jean-Charles Rey. Cette période
agitée, le fils de la princesse Antoinette, Christian de Massy, en parlera
lui-même dans son livre Palace. Pour autant, la rumeur a toujours
été démentie. Dans son livre Le Prince sur son Rocher, le
journaliste Frédéric Laurent retranscrit ainsi les propos du prince Rainier
III, confiés à l’époque à l’un de ses biographes qui l’avait interrogé sur cet
épisode?:« Vous dites qu’elle a tenté de s’emparer du trône, mais je
n’irai pas si loin. Elle m’a sans doute critiqué, c’est peut-être même allé un
peu loin. Mais nous avons toujours été en bons termes. A l’époque, l’incident a
été largement exagéré », avait alors indiqué le prince. « Les
relations de la princesse Antoinette avec son frère et puis plus tard avec son
fils se sont apaisées et normalisées », affirme également un de ses
proches.
Les originaux et les opposants
Ils inspirent. |
Ils sont contre. |
Je n’ai jamais cru au côté falot du prince Rainier dans le
film. Pourquoi ? Par un phénomène de persistance cinématographique, comme
on parle de persistance rétinienne. J’avais trop en tête Tim Roth dans le rôle
de coquin abominable qu’il joue dans Rob Roy pour croire un instant à
son innocence. J’y voyais constamment une feinte, destinée à dissimuler une
traîtrise monstrueuse de nature à faire rougir Talleyrand lui-même et
susceptible de semer une véritable panique généralisée à tout instant. Inutile
de préciser que le film n’a pas confirmé cette attente illusoire.
Archibald
Cunningham (Tim Roth) est le bourreau de Robert Roy Mac Gregor (Liam Neeson)
(Rob Roy, Michael Caton-Jones, 1995) |
Victor
Hugo, Ruy Blas (II,1)
… C'est l'après-midi d'une belle journée d'été. Grande table. Fauteuils. Une
figure de sainte, richement enchâssée, est adossée au mur ; au bas on lit :
Santa Maria Esclava. Au côté opposé est une madone devant laquelle brûle une
lampe d'or. Près de la madone, un portrait en pied du roi Charles II. Au lever
du rideau, la reine doña Maria de Neubourg est dans un coin, assise à côté
d'une de ses femmes, jeune et jolie fille. La reine est vêtue de blanc, robe de
drap d'argent. Elle
brode et s'interrompt par moments pour causer. Dans le coin opposé est
assise, sur une chaise à dossier, doña Juana de la Cueva, duchesse
d'Albuquerque, camerera mayor, une tapisserie à la main ; vieille femme en
noir. Près de la duchesse, à une table, plusieurs duègnes travaillant à des
ouvrages de femmes. Au fond, se tient don Guritan, comte d'Oñate, majordome,
grand, sec, moustaches grises, cinquantecinq ans environ ; mine de vieux
militaire, quoique vêtu avec une élégance exagérée et qu'il ait des rubans
jusque sur les souliers. …
LA REINE
Je veux
sortir !
À ce
mot, prononcé impérieusement par la reine, la duchesse d'Albuquerque, qui est jusqu'à
ce moment restée immobile sur son siège, lève la tête, puis se dresse debout et fait
une profonde révérence à la reine.
LA DUCHESSE
D'ALBUQUERQUE, d'une voix brève et dure.
Il faut,
pour que la reine sorte,
Que chaque
porte soit ouverte, - c'est réglé !-
Par un des
grands d'Espagne ayant droit à la clé.
Or nul
d'eux ne peut être au palais à cette heure.
LA REINE
Mais on
m'enferme donc ! mais on veut que je meure,
Duchesse,
enfin !
LA DUCHESSE, avec une nouvelle révérence.
Je suis
camerera mayor,
Et je
remplis ma charge.
Elle se
rassied.
LA REINE,
prenant sa tête à deux mains, avec désespoir, à part.
Allons
rêver encor !
Non !
Haut.
Vite ! un
lansquenet ! à moi, toutes mes femmes !
Une table,
et jouons !
LA
DUCHESSE, aux duègnes.
Ne bougez
pas, mesdames.
Se levant
et faisant la révérence à la reine.
Sa majesté
ne peut, suivant l'ancienne loi,
Jouer
qu'avec des rois ou des parents du roi.
LA REINE,
avec emportement.
Eh bien !
faites venir ces parents.
CASILDA, à part, regardant la duchesse.
Oh ! la
duègne !
LA
DUCHESSE, avec un signe de croix.
Dieu n'en a
pas donné, madame, au roi qui règne.
La
reine-mère est morte. Il est seul à présent.
LA REINE
Qu'on me
serve à goûter !
CASILDA
Oui, c'est
très amusant.
LA REINE
Casilda, je
t'invite.
CASILDA, à part, regardant la camerera.
Oh !
respectable aïeule !
LA
DUCHESSE, avec une révérence.
Quand le
roi n'est pas là, la reine mange seule.
Elle se
rassied.
LA REINE, poussée à bout.
Ne pouvoir,
- ô mon Dieu ! qu'est-ce que je ferai ?
Ni sortir,
ni jouer, ni manger à mon gré !
Vraiment,
je meurs depuis un an que je suis reine.
CASILDA, à
part, la regardant avec compassion.
Pauvre
femme ! passer tous ses jours dans la gêne,
Au fond de
cette cour insipide !
Very strange, isn'it?
Pour "Very funny", ça se discute...
Dans cet ouvrage a priori très sérieux (collaboration du Monde et des Cahiers du Cinéma) je trouve cette note marginale (note 53 page 80) dont on ne fait pas état dans le film. On ne précise nulle part si le prince ou la princesse ont goûté en ces circonstances l'humour si particulier du cher Hitch. Tout commence quand Grace reçoit du grand cinéaste une lettre, accompagnée d'un curieux enregistrement.
Comment avons-nous pu - comment ai-je pu, surtout - manqué de rappeler que notre invitée exceptionnelle du film Yves Saint-Laurent était aussi décoratrice sur le film Grace de Monaco ! Ce copié-collé n'effacera pas les regrets, c'est juste mieux que rien.
DELPHINE MABED
Première assistante décorateur
Département Décor, promotion 1994
À LA FÉMIS
· La Falaise blanche, de Gisli Erlingsson, fiction, 1993, décoratrice
· Icemaster, de Gisli Erlingsson, Fiction, 1992, décoratrice
FILMOGRAPHIE PROFESSIONNELLE
1er assistant décorateur
· Grace of Monaco, de Olivier Dahan, long métrage, 2012
· Tu seras mon fils, de Gilles Legrand, fiction, long métrage, 2011
· La nouvelle guerre des boutons, de Christophe Barratier, Fiction, long métrage, 2011
· L’appel du 18 Juin, de Félix Olivier, 2010
· Micmacs à Tire-Larigot, de Jean-Pierre Jeunet, 2008
Première assistante décorateur
· Astérix aux Jeux Olympiques, de Frédéric FORESTIER, Fiction, long métrage, 2006
· L’Enfer, de Danis Tanovic, fiction, long métrage, 2005
· Un Long Dimanche de Fiançailles, de Jean-Pierre JEUNET, Fiction, Long métrage, 2004
· Blueberry, de Jan Kounen, fiction, long métrage, 2002
· The truth about Charlie, de Jonathan Demme, fiction, long métrage, 2002
· Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, de Jean-Pierre JEUNET, fiction, long métrage, 2000
· Le Libertin, de Gabriel Aghion, fiction, long métrage, 1999
Chef décorateur
· Sauf le respect que je vous dois, de Fabienne Godet, fiction, long métrage, 2005
Deuxième assistante décorateur
· The Dancer, de Fred Garson, fiction, long métrage, 1999
· The Ninth gate, de Roman Polanski, fiction, long métrage, 1998
· Madeline, de Daisy Mayer, fiction, long métrage, 1997
· Cousine Bette, de Des Mac Anuff, fiction, long métrage, 1996
· Mon homme, de Bertrand Blier, long métrage, 1995
Quelques illustrations :
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