13e séance avec débat
CHER(E)S ADHERENT(E)S DE CINE-RENCONTRES,
CHER(E)S AMI(E)S DE
CINE-RENCONTRES,
Le hasard a voulu que je rencontre plusieurs
d’entre vous qui, n’étant pas venu(e)(s)s vendredi soir, m’ont demandé ce que
j’avais pensé du film.
Si, comme eux, Sardou, l’Ukraine, le froid, le manque
d’intérêt pour le catch, et autres
raisons variées, vous ont retenu(e)(s), sachez que nous avons découvert un film
d’une grande richesse cinéphilique et un réalisateur qui a le potentiel d’un futur
grand.
Notre avis peut en gros se résumer ainsi : ceux qui viennent par
passion pour le catch peuvent être déçus, ceux qui viennent par passion pour le
cinéma ont toutes les chances d’être comblés.
Sachez aussi qu’une séance de
rattrapage vous tend les bras
lundi soir 18 novembre
à 21 heures.
Comme toute recommandation en matière de cinéma est
très subjective, n’hésitez pas, si vous avez suivi la mienne et si vous avez regretté
de le faire, à me faire connaître ensuite les raisons et l’intensité de votre
déception : vous avez mon mail !
Rappelons par ailleurs que toutes
les infos de l’association utiles sont disponibles sur nos blogs (il
suffit de cliquer):
Association
Ciné-Rencontres www.cinegraphe.blogspot.fr
On
peut atteindre le blog de Ciné-Rencontres à partir du blog du
Ciné-Lumière :
Il va bientôt être question de film noir... |
On peut y trouver cette confirmation , ainsi que d'autres précisions sur le film, et même des critiques particulièrement pertinentes :
Ce film a bénéficié d'un soutien à la production de Ciclic-Région Centre en partenariat avec le CNC.
Le tournage en région Centre s'est déroulé du 15 octobre au 5 novembre à Tours et Esvres (37).
David Perrault
Né le 25 juin 1976 à Angers (Maine-et-Loire), David Perrault est issu d'un milieu ouvrier.
Il monte à Paris pour assouvir sa passion pour le cinéma et suit en 2007 la formation professionnelle de scénariste proposée par la Femis.
Il réalise un premier court métrage, SOPHIA. Suivront deux autres films courts : ADIEU CREATURE, interprété par Rufus et diffusé sur Arte, et NO HABLO AMERICAN, un western récemment acheté par France 2.
NOS HEROS SONT MORTS CE SOIR est son premier long métrage.
Le film vu par...
Un héros vit souvent sa propre guerre intérieure, en mêlant la dualité de l’imaginaire qu’il suscite chez l’autre, face à sa propre réalité. Victor ne souhaite plus appartenir à l’ombre. La blancheur du masque de Simon l’attire tel un insecte qui se brûlerait les ailes sur la flamme d’une bougie. L’envie, la jalousie, les matchs truqués, les paris s’entrechoquent sans cesse, comme ces corps jetés avec grâce au sol, lors des combats, tels des anges déchus aux gueules cassées et masquées. Victor et Simon unis dans la défaite de leur vie, se débattent dans le magnifique noir et blanc de ce film, pour essayer de survivre. Vanessa Ode, Programmation "Arts et essai, jeune public", Cap cinéma
Un film français qui rend hommage aux films noirs des années cinquante et soixante, déjà ça attire l’attention… Ni vraiment un polar, ni vraiment un film sur le catch, mais plutôt une réflexion sur le thème du héros et du mythe. Le magnifique noir et blanc et la reprise des codes de films de gangsters installent une atmosphère unique, entre rêve et réalité. Quant aux acteurs, la galerie de « tronches » complète à merveille ce tableau onirique de David Perrault. Et une fois cette belle machine lancée, ça déménage pour notre plus grand plaisir, jusqu’à un final superbe. Un premier film vraiment prometteur ! Stephen Bonato, Cinéma Utopia Bordeaux
C’est une rêverie de cinéphile, mais jamais passive, toujours dans l’action et diablement moderne. C’est un film parfaitement à l’image de ses personnages : il est masqué, mais plein de surprise si on en enlève la cagoule. C’est un film forcément masculin qui n’oublie pas sa féminité, aussi bien dans ses personnages féminins très incarnés que chez ses catcheurs ultra-sensibles ; c’est un film de superhéros mais sans superpouvoirs. Nos héros sont morts ce soir donne forcément envie de voir ce que David Perrault fera ensuite, comment il persistera dans cette envie de merveilleux qui semble lui tenir à cœur. Léo Soesanto, Semaine de la Critique
J’ai
trouvé aussi un site qui s’appelle A voir à lire (www.avoir-alire.com). Un
rapprochement anecdotique dans la désignation est immédiatement visible avec
notre blog : A voir = ciné, à lire = graphe (Cinégraphe). Plus
fondamentalement, c’est là que j’ai trouvé une critique intéressante en raison
de la synthèse des plus utile qu’elle propose.
A la fois ultra-référentiel et en même temps totalement
original, ce premier film de David Perrault a le mérite de sortir des sentiers
battus d’un certain cinéma français. Et ceci malgré ses détours par des
impasses bien hasardeuses.
Notre avis (A voir à lire) : Avec son tout premier
long-métrage, le cinéaste David Perrault nous invite à une étrange célébration
qui tient autant de l’avènement d’un nouveau cinéma français qu’à l’enterrement
en première classe de toute une cinéphilie que l’on imagine conséquente au vu
des multiples références contenues dans son premier essai. Faisant fi de toute
chapelle, David Perrault convoque au chevet de ses personnages les ombres
tutélaires d’un certain cinéma américain des années 40 (en gros l’époque du
film noir auquel son noir et blanc contrasté fait immédiatement songer), tout
en s’inspirant du cinéma français des Jacques Becker et autres Lautner qui
n’aimaient rien tant que d’offrir des seconds rôles savoureux à
des gueules de cinéma. On retrouve notamment à travers le personnage
du finlandais (magnifique Pascal Demolon en roue libre) cette verve truculente
qui caractérisait ce cinéma entièrement fondé sur les dialogues. Pour autant,
le réalisateur ne délaisse pas non plus les expérimentations formelles à la
David Lynch, ni les dérives intellectuelles typiques d’une certaine nouvelle
vague.
Vous l’aurez compris, Nos héros sont morts ce
soir est à la fois un grand bouillon de culture cinématographique et la
tentative presque désespérée d’un artiste qui aime follement le cinéma au point
de vouloir concilier toutes ses composantes en un seul et unique long-métrage.
Si l’on se doit de saluer cette volonté de s’affranchir des barrières érigées
par les apôtres d’une cinéphilie dogmatique (on se souvient du débat stérile
entre les pro-John Ford ou les pro-Hawks, comme si cela était porteur de sens),
il n’est pas interdit de rester parfois de marbre devant ce très bel objet
théorique qu’est ce faux polar jouant sans cesse à cache-cache avec le spectateur.
Comme ses personnages de catcheurs, le réalisateur avance masqué et décoche çà
et là quelques uppercuts à l’estomac, sans nous laisser toutes les clés pour
comprendre le but de sa manœuvre.
Alors oui sa réflexion sur l’incarnation est porteuse de sens
et permet de s’interroger sur le masque social que nous arborons tous dans
notre quotidien. Oui, son idée que la fiction et le jeu peuvent à terme influer
sur le destin de gens réels est enthousiasmante. Et oui, son envie de parler de
la mort d’un certain cinéma basé sur un héroïsme pur est touchante. Mais avoir
mêlé ces éléments purement théoriques avec une histoire plus prosaïque de
règlements de comptes entre mafieux n’est pas forcément la meilleure idée d’un
film gigogne dont on peine à saisir les intentions premières. Cédant sans cesse
à la tentation de la digression inutile, David Perrault égare à de nombreuses
reprises et signe donc un premier film insaisissable qui a, au moins, le mérite
d’intriguer de bout en bout. Outre une réalisation inspirée, le cinéaste en
herbe a également eu l’intelligence de faire appel à des acteurs que l’on
sollicite trop rarement dans notre cinéma : Denis Ménochet et Jean-Pierre
Martins trouvent ici des emplois à leur juste mesure et proposent un duo
convaincant qui donne tout son sens à cette incursion étrange dans un univers
singulier. Dire que l’ensemble demeure cohérent serait exagéré. La naissance
d’un auteur à suivre ? Certainement.
(A voir, à lire)
La critique est ici très légitime et tout compte-fait parfaitement équilibrée. Je me permets juste, non pas pour la contester mais pour dialoguer avec elle dans un esprit de sympathie, d'y introduire un brin de ma propre subjectivité.
l’enterrement en première classe de toute une cinéphilie que l’on imagine conséquente
Conséquente - ou plus exactement importante - elle l'est sans conteste, et ce fut un ravissement que d'en profiter lors de notre débat. La véritable école de David Perrault, il nous l'a dit, reste la cinéphilie que ce boulimique a puisée à toutes les sources possibles, y compris très tard le soir au Ciné-Club de France 3. Pour ma part, je n'y ai pas vu un enterrement, mais au contraire une résurrection et un hommage respectueux, et même presque toujours admiratif. A l'instar de l'intertextualité chère à Umberto Eco, l'interfilmographie est pour lui la nourriture première de son inspiration. Ce n'est pas un aliment médiocre que celui-là.
les dérives intellectuelles typiques d’une certaine nouvelle vague
Parmi mes nombreuses tares, j'avoue être depuis ses débuts un fan de Godard. Ce qui peut déranger ou agacer beaucoup de spectateurs, et c'est leur droit, fut pour moi un régal de reconnaissance où la nostalgie, j'en conviens volontiers, avait sûrement une large part. Et je revendique ce droit sans état d'âme.
débat stérile entre les pro-John Ford ou les pro-Hawks, comme si cela était porteur de sens
C'est une fois de plus bien vu, même si cela remet radicalement en cause le temps de ma jeunesse folle où je fonçai tête baissée dans ce débat. Je me suis spontanément rallié dans le camp des Hawsiens, sans doute parce qu'il était minoritaire et que j'avais l'esprit de débat et de contradiction. Ce débat ne fut pas inutile, il était même riche en ce sens qu'il forçait chacun à étayer ses arguments et à approfondir ses analyses. Il est vrai que parmi mes éléments de contestation, il y avait l'idée que le manichéisme n'était pas de mise sur ce terrain. Du reste mon film préféré de l'époque était déjà Les raisins de la colère, et ce paradoxe n'est pas une inconséquence. Je peux donc être d'accord sur le fond, mais je conteste le mot "stérile", et le remplacerais volontiers par "fécond".
sans nous laisser toutes les clés pour comprendre le but de sa manœuvre
Certes, il ne suffit pas d'être obscur pour être profond, et neuf fois sur dix on a raison d'opposer cet argument. Mais il ne suffit pas non plus d'être limpide pour être digne d'intérêt. A l'opposé, le truisme, le trivial et le lieu commun font rarement les grandes oeuvres. Le rapport de gendarmerie est clair, mais il n'est pas de la littérature, laquelle se nourrit du mystère, de la polysémie, voire de l'ambiguïté qui force à adopter une attitude créative et active pendant la phase de lecture. J'adhère donc pleinement pour ma part à la proposition du réalisateur, dans laquelle je reconnais une marque d'authentique générosité : "Que chacun s'approprie les matériaux de mon film, et reparte en s'étant fait son propre film." C'est aussi ce qui s'appelle respecter son public et faire confiance à son intelligence comme à sa sensibilité.
la tentation de la digression inutile
Mais qui décide que la digression est "inutile"? J'ai peur que cette formule ait trop vite comme conséquence de jeter le bébé avec l'eau du bain. Je viens d'évoquer la littérature. J'ai peur qu'elle ne vise à me priver de tout un pan du patrimoine littéraire majeur, depuis Montaigne, qui n'est rien sans ses "farcissures", jusqu'à Diderot qui est le grand virtuose du digressif assumé.
Dire que l’ensemble demeure cohérent serait exagéré
D'accord, mais ne n'est pas le but et ce n'est pas une tare. C'est même un hommage presque obligé au plus riche des films noirs: qu'y a-t-il de "cohérent" dans Le Grand Sommeil d'Howard Hawks (eh oui, encore lui!) ? Et sans appeler au secours le Nouveau Roman (qui pour beaucoup pourrait faire figure de contre-exemple), j'en appelle sans modération à la quasi-totalité du Surréalisme, influence explicitement revendiquée par David Perrault dont le fantastique, malgré son nom, ne se nourrit pas à la seule source des contes de l'époque classique.
D'entrée John a attiré l'attention sur la mine d'informations qu'un psychanalyste pourrait tirer d'une oeuvre apparemment aussi distanciée où le réalisateur avance masqué et en réalité (si ce mot a ici un sens) aussi profondément personnelle. Mais il ne s'agit pas que d'une personne. Sa quête d'identité, le réalisateur la tend comme un miroir au spectateur, "[s]on semblable, [s]on frère" (Baudelaire). Interroger et faire s'interroger ses contemporains sur ce terrain, c'est le faire aussi pour son époque. C'est déjà ce que faisait sans modération le film noir classique, en recourant le plus souvent possible à l'outil de l'inconscient freudien pour exprimer le désarroi et les inquiétudes de son temps, un temps hanté par l'idée d'un retour possible des grandes crises des années 30.
Après coup, il est tombé sur un passage des Essentiels Milan consacré à la psychanalyse, et plus particulièrement sur un chapitre qui pose un questionnement totalement en phase avec les interrogations du film:
Du "Je souffre" au "Que suis-je?"
"Je souffre donc je suis."
" Quand le symptôme pousse à la rencontre."
On y trouve aussi, synthétisés dans un dessin, les thèmes combinés de l'enchaînement, du double et du miroir. Il va sans dire que ce dessin illustre parfaitement un des propos essentiels du film :
La contribution d'Edwige permet de bâtir un pont entre les choix musicaux de l'époque et ceux de notre temps, puisque certains ne se sont nullement démodés dans l'intervalle. Voici :
Quelques reflexions sur le film "Nos héros sont
morts ce soir" (non évoquées lors du débat, ce qui est normal
quand on pense à la richesse du film).
1 - Ce film est aussi
une magnifique histoire d'amitié. L'un des personnages va jusqu'à donner une
partie de lui-même (son masque blanc) à son ami pour l'aider à sortir de ses
tourments - jusqu'à s'y perdre... et y laisser sa vie.
2 - J'ai aussi repensé
au choix de la chanson de Gainsbourg qui passe dans le film : il s'agit du
titre "Quand mon 6.35 me fait les yeux doux" de l'album
"GAINSBOURG PERCUSSIONS" - 6ème album studio de serge Gainsbourg daté
de 1964. La modernité de ce morceau de musique nous "explose à la
figure" et va totalement dans le sens de la volonté du metteur en scène
dans la recherche de modernité dans un cinéma qui peut paraître plus
traditionnel.
« Méfiez
vous de la première impression... C’est la bonne. » Eh bien non, la
formule de Talleyrand ne marche pas à tous les coups. En l’occurrence, la
première impression vous fait attendre un film un peu beauf sur le catch. Et c’est
en deuxième impression – celle qui est la bonne - un film intelligent et
sensible sur l’être humain et donc sur nous-mêmes. De même que nous sommes tous
chevaliers à la triste figure avec Cervantès, nous sommes tous catcheurs désemparés
avec Denis Perrault.
Les films parlent des films...
...chez Denis Perrault, tout comme les livres parlent des livres chez Umberto Eco. Rapprochement avec ce dialogue entre Guillaume de Baskerville et son jeune disciple Adso de Melk :
— J'ai
l'impression, en lisant cette page, d'avoir lu certains de ces mots,
et des phrases presque identiques, que j'ai vues ailleurs, me reviennent à
l'esprit. Il me semble même que cette feuille parle de quelque chose dont on a
déjà parlé ces jours-ci... Mais je ne me souviens pas de quoi. Il faut que j'y pense.
Peut-être me faudra-t-il lire d'autres livres.
— Pourquoi
donc? Pour savoir ce que dit un livre vous devez en lire d'autres ?
— Parfois,
oui. Souvent les livres parlent d'autres livres. Souvent un livre
inoffensif est comme une graine, qui fleurira dans un livre dangereux, ou
inversement, c'est le fruit doux d'une racine amère. Ne pourrais-tu
pas, en lisant Albert, savoir ce qu'aurait pu dire Thomas?
Ou en lisant Thomas, savoir ce qu'avait dit Averroès ?
— C'est vrai », dis-je plein
d'admiration. Jusqu'alors j'avais pensé que
chaque livre parlait des choses, humaines
ou divines, qui se trouvent hors des livres. Or je m'apercevais qu'il n'est pas rare que les livres parlent de livres, autrement dit qu'ils parlent
entre eux. A la lumière de cette
réflexion, la bibliothèque m'apparut encore plus inquiétante. Elle était donc
le lieu d'un long et séculaire
murmure, d'un dialogue imperceptible entre parchemin et parchemin, une chose
vivante, un réceptacle de puissances qu'un esprit humain ne pouvait dominer, trésor de secrets émanés de tant d'esprits, et survivant après la mort de
ceux qui les avaient produits, ou
s'en étaient fait les messagers.
(Le Nom de la Rose).
Il n'en va pas autrement dans le film noir.
Reflet de la réalité, le "film noir" est aussi le reflet de la fiction par la réalité - le nombre de tableaux et de miroirs qui jalonnent son histoire le prouve assez. Leigh Brackett déclarait à propos de Raymond Chandler : "Ses personnages ne sont ps vrais. Ce sont des personnages de cinéma. Vous savez où Ray a pris la plupart de ses personnages. Il est allé au cinéma dans les années vingt." Portrait de l'Amérique ou portrait de l'Amérique se regardant elle-même, le "film noir" est, au même titre que le western, le genre où la fiction devient soudain réalité.
(Patrick Brion, Le film noir)
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