dimanche 17 novembre 2013

NOS HEROS (suite)

13e séance avec débat















      Nos héros sont morts ce soir est notre premier film avec visite du réalisateur depuis la création de notre blog.
     En outre, le hasard fait que sa qualité, ainsi que sa thématique largement tournée vers un hommage et même une véritable déclaration d'amour au cinéma, en font un film emblématique des valeurs que nous entendons promouvoir à travers notre association Ciné-Rencontres.
    C'est d'ores et déjà, de ce fait, un peu notre film mascotte !

    A ce titre, il mérite bien l'ouverture d'une page supplémentaire, où viendront se loger les contrepoints, compléments et réactions  qui ne manqueront pas de se manifester.


          Je n'ai pas bien compris comment un Angevin financé par la région Centre pour un film tourné en Touraine pouvait aussi aisément être annexé par le Béarn. Il y a du mystère là-dessous. Si quelqu'un peut éclairer ma lanterne, il est le bienvenu.

La République des Pyrénées

Un Béarnais à Cannes : les Héros ne meurent jamais


Par S.L.
Publié le 22/05/2013 à 16h02


            Le dernier film soutenu par la région Aquitaine est entré en compétition mardi pour la Caméra d'or, le prix qui récompense le meilleur premier film au festival de Cannes. Pas moins de 26 films à voir pour le jury présidé par Agnès Varda. Et, sans être chauvin, "Nos héros sont morts ce soir", de David Perrault, est un solide candidat.


        D'accord qu'il l'aurait mérité également. Pour mémoire, le prix a été attribué au film
 ILO ILO d'Anthony Chen, film de Singapour, film d'ailleurs recommandé par Ciné-Rencontres (voir la page "CR débat et recommande"  à la date du 7 octobre 2013). 


L'équipe du film à Cannes
Yann Collette, David Perrault, 
Denis Ménochet, Jean-Pierre Martins, 
Constance Dollé, Philippe Nahon, Pascal Demolon,  Alice Barnole


David Perrault, Constance Dollé, Philippe Nahon



Un clin d'oeil explicité (Maurizio Lucidi, 1970)
 Genre : espionnage...policier 
         Pendant la seconde guerre mondiale, un avion anglais avec à son bord des équipements militaires secrets, s'abîme dans les eaux norvégiennes pratiquement dans la main des Allemands. Un groupe de braves, aidés par une partisane norvégienne, réussit à détruire les restes de l'avion, mais éviteront-ils la mort ?




      Comme je lui parlais de certaines parentés avec  l’Eve de Mankiewicz, David Perrault n’a pas tardé à confirmer, et il a même confié en aparté avoir songé un instant à s’inspirer de la dernière scène. Il y a renoncé, pour éviter les clins d’œil trop appuyés. A trop tirer sur les miroirs, on prend le risque de les briser…



Eve (All about Eve), film américain de Joseph L. Mankiewicz (1950)

[Situation initiale :]
« Une jeune femme, dans un imperméable improbable, assiste à toutes les représentations. C’est Eve Harrington [Anne Baxter]. Tous les soirs, elle se cache sous un porche pour voir sortir Margo Channing [Bette Davis] de sa loge. »

[Situation finale :]
« Eve gagne donc le prix Sarah Siddons. Elle remercie. Elle sourit. Elle dit qu’elle va partir pour Hollywood. Elle dit qu’elle reviendra pour le théâtre. Après la cérémonie, DeWitt [George Sanders] la raccompagne en taxi à son hôtel le soir même, car elle part à Hollywood le lendemain. Dans sa chambre, l’attend une jeune admiratrice, Phoebe. On sonne à la porte. Phoebe va ouvrir. C’est DeWitt  qui rapporte la statuette oubliée dans le taxi. Il la confie à la jeune femme qui porte sur l’objet un regard qui en dit long.
« -Phoebe, ça vous dirait d’avoir un jour  un prix semblable ?
 - Plus que tout au monde.
 - Demandez à Mlle Harrington comment faire.  Mlle Harrington sait tout à ce sujet. »
Ce que Mlle Harrington ne sait pas, c’est qu’en rapportant la statuette dans sa chambre, Phoebe ne résiste pas à la tentation de se parer de son manteau, et de faire mine de saluer, la statuette dans les mains, devant un miroir qui renvoie son image démultipliée à l’infini. Ou plutôt si, Mlle Harrington le sait. Elle le sait depuis le premier instant. »
 (Paolo Zannier, Cinépage n° 166, juin 2008)

       Tenez, en passant : Cinépage, une autre variante de Cinégraphe




            Denis Ménochet, sans doute l’acteur le plus vu jusque-là à Ciné-Rencontres.

C’est ainsi que par 5 fois nous l’avons vu successivement dans :


La Môme, d’Olivier Dahan, en 2007 (le journaliste à Orly, pas un rôle énorme il est vrai)
La rafle, de Roselyne Bosch ,en 2010 (l’adjudant au camp de Beaune-la-Rolande)
Je me suis fait tout petit, de Cécilia Rouaud, en 2012 (Yvan)
Grand Central, de Rebecca Zlotowski, en 2013 (Toni)
Nos héros sont morts ce soir, de Denis Perrault, en 2013 (Victor)

            C’est au-delà de ce que je pressentais au moment du débat (j’avais oublié La rafle) et j’avais un doute avec La Môme, puisque Denis Perrault croyait que je confondais avec Jean-Pierre Martins, lequel, avec Cerdan, avait un rôle beaucoup plus important il est vrai. Par ailleurs, j’ai involontairement révélé mon moyen mnémotechnique pour me rappeler le nom de la réalisatrice de Je me suis fait tout petit, en l’appelant Emma Rouault, le nom de jeune fille de Madame Bovary.
            Il a également obtenu le Prix Louis Lumière 2012 pour Les Adoptés de Mélanie Laurent. Au Ciné Lumière de Vierzon, on ne peut évidemment qu’apprécier.



Cécilia Rouaud, Léa DruckerDenis Ménochet et Vanessa Paradis lors de la présentation du film au festival du film de Cabourg 2012. Cette année-là, la réalisatrice était aussi venue à Vierzon pour nous présenter son film.








           Issu d’une famille ouvrière, Denis Perrault nous a dit vouloir lui rendre hommage. Il le fait et il le fait bien, en effet, non pas en refusant les stéréotypes populaires, mais au contraire en les adoptant, en les empoignant à bras le corps, en jouant avec tout en les enrichissant, voire en les retournant comme des crêpes au besoin. Flip flop arrière, double salto costal.

         Chez les humiliés et offensés (Dostoievski pas loin), la dialectique du courage et de la lâcheté est primordiale. L’honneur perdu de Victor et Simon est constamment placé au coeur du film. Victor : quel vainqueur ?… Simon, le premier catcheur de Jésus, de la certitude des débuts : «  Si tous viennent à tomber, moi je ne tomberai pas » (Marc XIV, 29) jusqu’à l’humiliation du reniement. Sacrilège, mon rapprochement ? Mais le ring du film est dans une chapelle, et les références, même mystiques, abondent. Mystique du catch, surtout image de la mystique de la rude existence populaire.


        La bonde aux références est ouverte. Il suffirait de laisser couler le flot. Petites dégustations de crus variés, sans mépris a priori pour aucun.




Voici pour la façade, le mythe, la publicité, le spectacle, le show.

De Salvador à Du Bellay

Tout est sage
Dans le village
Le lion est mort ce soir
Plus de rage
Plus de carnage
Le lion est mort ce soir
      (…)
L'indomptable
Le redoutable
Le lion est mort ce soir
Vient ma belle
Vient ma gazelle
Le lion est mort ce soir




The Lion Sleeps Tonight est à l’origine une chanson populaire africaine, composée par Solomon Linda en 1939. Il ne toucha pas de redevance malgré la loi anglaise de l’époque et mourut dans la misère malgré la diffusion à 100 000 exemplaires de sa chanson à partir de l’Afrique du Sud pendant toutes les années 40. Elle a été reprise de nombreuses fois, notamment en Amérique, jusqu’à devenir un succès mondial.
Sa version française a été popularisée en 1962 sous le titre Le lion est mort ce soir par le chanteur Henri Salvador.



Voici maintenant pour l’envers du décor, l’humanité, la fragilité, la vulnérabilité.

Comme on voit les couards animaux outrager
Le courageux lion gisant dessus l'arène,
Ensanglanter leurs dents, et d'une audace vaine
Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger :
                                                (Du Bellay, Comme on passe en été le torrent sans danger)





Les films de la dignité perdue, et - même dans l’échec – presque toujours retrouvée.


Support privilégié alors : la boxe  (mêmes classes populaires, même main mise mafieuse, même existence dangereuse).



Thème : le père humilié (ou l’époux, ou le fils). Film social de référence : Le voleur de bicyclette, Vittorio De Sica, 1948.




Nous avons gagné ce soir (The Set-Up, « L’arrangement ») est un film américain, un drame réalisé en 1949 par Robert Wise (et John Indrisano pour les séquences de boxe).



Bill « Stoker » Thompson est un boxeur raté en fin de carrière. Le film nous invite à le suivre lors de son dernier combat dans une petite ville américaine. Ce combat a été acheté et il doit se « coucher », mais dans un dernier sursaut d'orgueil, il décide de le mener à terme provoquant la colère de la pègre.

Techniquement, Wise utilise une courte focale pour augmenter la "profondeur de champ". Ce procédé est souvent employé dans les films noirs américains de cette époque. Une des utilisations les plus belle de cette technique se trouve la scène du suicide de la femme de Kane, dans Citizen Kane: on y voit au premier plan, en net, le verre d'eau et au fond, la porte de la chambre, également nette, d'où surgira Kane. Wise a beaucoup appris au contact (difficile) de Welles en travaillant sur ce film clé du cinéma.


The Set-Up annonce par son réalisme, le néo-réalisme italien. En 1947, Body and Soul, de R. Rossen (excellent montage de R. Parrish) fit sensation: la boxe y est montrée sans concession dans un univers noir et corrompu. Le hasard fit que la même année que The Set-Up, sortit un autre film de boxe: The Champion, de M. Robson, film réaliste et pessimiste (le film est d'ailleurs un remake du film homonyme de King Vidor). En 1980 Martin Scorsese fournit sa contribution au genre avec l'exceptionnel Raging Bull. Avec le recul, on peut affirmer que le film de Wise n'a pas été dépassé.



Le Champion (The Champ) est un film américain réalisé par King Vidor, sorti en 1931.


 Par amour pour son fils, un boxeur déchu remonte sur le ring.


            Le champion (Champion, 1949) est un film noir américain de Mark Robson d’après une nouvelle de Ring (ça ne s’invente pas…) Lardner.





Filmé en noir et blanc, il raconte les combats du boxeur « Midge » Kelly aux prises avec ses propres démons tout en cherchant les succès sur le ring de boxe.



Le Champion (The Champ, 1979) un film américain de Franco Zeffirelli.





Un père séparé de sa femme, élève seul son fils. A l'âge de 7 ans son fils admire le passé de champion de boxeur professionnel de son père. Dans la misère et pour l'amour de son fils, il décide de reprendre les gants, afin de lui assurer un avenir. 

C’est un remake du film de King Vidor de 1931 avec Wallace Beery.   Dans le numéro de juillet 2011 du magazine scientifique The Smithsonian, le film « le plus triste du monde » ne serait pas Bambi, mais bien The Champ. (The saddest movie, the biggest tearjerker:  le plus grand tire-larmes).  Tout du moins, il s'agirait du film utilisé par de nombreux laboratoires de psychologie dans le monde lorsqu'ils veulent rendre triste un sujet d'expérience.



Du côté policier, révision de quelques grands classiques:

       Il suffit, dans notre film, d'un plan  où une silhouette longiligne se détache en ombre chinoise sur une porte en verre dépoli vivement éclairée de l'intérieur de la pièce pour faire irrésistiblement penser au grand Humphrey.








UN FILM REGION CENTRE, UN FILM CICLIC



Berry républicain 22 mai 2013








 

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