13e séance avec débat
Nos héros sont morts ce soir est notre premier film avec visite du réalisateur depuis la création de notre blog.
En outre, le hasard fait que sa qualité, ainsi que sa thématique largement tournée vers un hommage et même une véritable déclaration d'amour au cinéma, en font un film emblématique des valeurs que nous entendons promouvoir à travers notre association Ciné-Rencontres.
C'est d'ores et déjà, de ce fait, un peu notre film mascotte !
A ce titre, il mérite bien l'ouverture d'une page supplémentaire, où viendront se loger les contrepoints, compléments et réactions qui ne manqueront pas de se manifester.
Je n'ai pas bien compris comment un Angevin financé par la région Centre pour un film tourné en Touraine pouvait aussi aisément être annexé par le Béarn. Il y a du mystère là-dessous. Si quelqu'un peut éclairer ma lanterne, il est le bienvenu.
La République des Pyrénées
Un Béarnais à Cannes :
les Héros ne meurent jamais
Par S.L.
Publié le
22/05/2013 à 16h02
Le dernier film
soutenu par la région Aquitaine est entré en compétition mardi pour la Caméra
d'or, le prix qui récompense le meilleur premier film au festival de Cannes.
Pas moins de 26 films à voir pour le jury présidé par Agnès Varda. Et, sans
être chauvin, "Nos héros sont morts ce soir", de David Perrault, est
un solide candidat.
D'accord qu'il l'aurait mérité également. Pour mémoire, le prix a été attribué au film
ILO ILO d'Anthony Chen, film de Singapour, film d'ailleurs recommandé par Ciné-Rencontres (voir la page "CR débat et recommande" à la date du 7 octobre 2013).
L'équipe du film à Cannes Yann Collette, David Perrault, Denis Ménochet, Jean-Pierre Martins, Constance Dollé, Philippe Nahon, Pascal Demolon, Alice Barnole |
David Perrault, Constance Dollé, Philippe Nahon |
Un clin d'oeil explicité (Maurizio Lucidi, 1970) |
Genre : espionnage...policier
Pendant la seconde guerre mondiale, un avion anglais avec à son bord des
équipements militaires secrets, s'abîme dans les eaux norvégiennes pratiquement
dans la main des Allemands. Un groupe de braves, aidés par une partisane
norvégienne, réussit à détruire les restes de l'avion, mais éviteront-ils la
mort ?
Comme je lui parlais
de certaines parentés avec l’Eve
de Mankiewicz, David Perrault n’a pas tardé à confirmer, et il a même confié en
aparté avoir songé un instant à s’inspirer de la dernière scène. Il y a
renoncé, pour éviter les clins d’œil trop appuyés. A trop tirer sur les
miroirs, on prend le risque de les briser…
Eve
(All about Eve),
film américain de Joseph L. Mankiewicz (1950)
[Situation initiale :]
« Une jeune femme, dans un imperméable improbable,
assiste à toutes les représentations. C’est Eve Harrington [Anne Baxter].
Tous les soirs, elle se cache sous un porche pour voir sortir Margo
Channing [Bette Davis] de sa
loge. »
[Situation finale :]
« Eve gagne donc le prix Sarah Siddons. Elle remercie.
Elle sourit. Elle dit qu’elle va partir pour Hollywood. Elle dit qu’elle
reviendra pour le théâtre. Après la cérémonie, DeWitt [George Sanders] la raccompagne en taxi à son
hôtel le soir même, car elle part à Hollywood le lendemain. Dans sa chambre,
l’attend une jeune admiratrice, Phoebe. On sonne à la porte. Phoebe va ouvrir.
C’est DeWitt qui rapporte la statuette
oubliée dans le taxi. Il la confie à la jeune femme qui porte sur l’objet un
regard qui en dit long.
« -Phoebe, ça vous dirait d’avoir un jour un prix semblable ?
- Plus que tout au
monde.
- Demandez à Mlle
Harrington comment faire. Mlle
Harrington sait tout à ce sujet. »
Ce que Mlle Harrington ne sait pas, c’est qu’en rapportant
la statuette dans sa chambre, Phoebe ne résiste pas à la tentation de se parer de
son manteau, et de faire mine de saluer, la statuette dans les mains, devant un
miroir qui renvoie son image démultipliée à l’infini. Ou plutôt si, Mlle
Harrington le sait. Elle le sait depuis le premier instant. »
(Paolo Zannier, Cinépage
n° 166, juin 2008)
Tenez, en passant : Cinépage, une autre variante de Cinégraphe…
Denis Ménochet, sans doute l’acteur le plus vu jusque-là à Ciné-Rencontres.
C’est ainsi que par 5 fois nous l’avons vu successivement dans :
La Môme, d’Olivier Dahan, en 2007 (le
journaliste à Orly, pas un rôle énorme il est vrai)
La rafle, de Roselyne Bosch ,en 2010
(l’adjudant au camp de Beaune-la-Rolande)
Je me suis fait tout petit, de Cécilia Rouaud,
en 2012 (Yvan)
Grand Central, de Rebecca Zlotowski, en 2013
(Toni)
Nos héros sont morts ce soir, de Denis
Perrault, en 2013 (Victor)
C’est
au-delà de ce que je pressentais au moment du débat (j’avais oublié La rafle)
et j’avais un doute avec La Môme, puisque Denis Perrault croyait que je
confondais avec Jean-Pierre Martins, lequel, avec Cerdan, avait un rôle
beaucoup plus important il est vrai. Par ailleurs, j’ai involontairement révélé
mon moyen mnémotechnique pour me rappeler le nom de la réalisatrice de Je me
suis fait tout petit, en l’appelant Emma Rouault, le nom de jeune fille de
Madame Bovary.
Il a
également obtenu le Prix Louis Lumière 2012 pour Les Adoptés de
Mélanie Laurent. Au Ciné Lumière de Vierzon, on ne peut évidemment
qu’apprécier.
Cécilia Rouaud, Léa Drucker, Denis
Ménochet et Vanessa
Paradis lors de la présentation du film au festival du film de Cabourg 2012. Cette année-là, la réalisatrice était aussi venue à Vierzon pour nous présenter son film.
|
Issu d’une
famille ouvrière, Denis Perrault nous a dit vouloir lui rendre hommage. Il le
fait et il le fait bien, en effet, non pas en refusant les stéréotypes
populaires, mais au contraire en les adoptant, en les empoignant à bras le
corps, en jouant avec tout en les enrichissant, voire en les retournant comme
des crêpes au besoin. Flip flop arrière, double salto costal.
Chez les
humiliés et offensés (Dostoievski pas loin), la dialectique du courage et de la
lâcheté est primordiale. L’honneur perdu de Victor et Simon est constamment
placé au coeur du film. Victor : quel vainqueur ?… Simon, le premier
catcheur de Jésus, de la certitude des débuts : « Si tous
viennent à tomber, moi je ne tomberai pas » (Marc XIV, 29) jusqu’à
l’humiliation du reniement. Sacrilège, mon rapprochement ? Mais le ring du
film est dans une chapelle, et les références, même mystiques, abondent.
Mystique du catch, surtout image de la mystique de la rude existence populaire.
La bonde aux
références est ouverte. Il suffirait de laisser couler le flot. Petites
dégustations de crus variés, sans mépris a priori pour aucun.
Voici pour la façade, le mythe, la publicité, le
spectacle, le show.
De Salvador à Du Bellay
Tout est sage
Dans le village
Le lion est mort ce soir
Plus de rage
Plus de carnage
Le lion est mort ce soir
(…)
L'indomptable
Le redoutable
Le lion est mort ce soir
Vient ma belle
Vient ma gazelle
Le lion est mort ce soir
Dans le village
Le lion est mort ce soir
Plus de rage
Plus de carnage
Le lion est mort ce soir
(…)
L'indomptable
Le redoutable
Le lion est mort ce soir
Vient ma belle
Vient ma gazelle
Le lion est mort ce soir
The Lion Sleeps Tonight est
à l’origine une chanson populaire africaine, composée par Solomon Linda en
1939. Il ne toucha pas de redevance malgré la loi anglaise de l’époque et
mourut dans la misère malgré la diffusion à 100 000 exemplaires de sa chanson à
partir de l’Afrique du Sud pendant toutes les années 40. Elle a été reprise de
nombreuses fois, notamment en Amérique, jusqu’à devenir un succès mondial.
Sa version française a été
popularisée en 1962 sous le titre Le lion est mort ce soir par le
chanteur Henri Salvador.
Voici maintenant pour l’envers du décor, l’humanité, la
fragilité, la vulnérabilité.
Comme on voit les couards
animaux outrager
Le courageux lion gisant dessus l'arène,
Ensanglanter leurs dents, et d'une audace vaine
Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger :
Le courageux lion gisant dessus l'arène,
Ensanglanter leurs dents, et d'une audace vaine
Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger :
(Du
Bellay, Comme on passe en été le torrent sans danger)
Les films de la dignité perdue, et - même dans
l’échec – presque toujours retrouvée.
Support privilégié alors : la
boxe (mêmes classes populaires,
même main mise mafieuse, même existence dangereuse).
Thème : le père humilié (ou l’époux, ou le fils). Film
social de référence : Le voleur de bicyclette, Vittorio De Sica,
1948.
Nous avons gagné ce soir (The Set-Up,
« L’arrangement ») est un film américain, un drame réalisé en 1949 par
Robert Wise (et John Indrisano pour les séquences de boxe).
Bill « Stoker » Thompson est un boxeur raté en fin
de carrière. Le film nous invite à le suivre lors de son dernier combat dans
une petite ville américaine. Ce combat a été acheté et il doit se
« coucher », mais dans un dernier sursaut d'orgueil, il décide de le
mener à terme provoquant la colère de la pègre.
Techniquement, Wise utilise une courte focale pour augmenter
la "profondeur de champ". Ce procédé est souvent employé dans les
films noirs américains de cette époque. Une des utilisations les plus belle de
cette technique se trouve la scène du suicide de la femme de Kane, dans Citizen
Kane: on y voit au premier plan, en net, le verre d'eau et au fond, la porte de
la chambre, également nette, d'où surgira Kane. Wise a beaucoup appris au
contact (difficile) de Welles en travaillant sur ce film clé du cinéma.
The Set-Up annonce par son réalisme, le néo-réalisme
italien. En 1947, Body and Soul, de R. Rossen (excellent montage de R.
Parrish) fit sensation: la boxe y est montrée sans concession dans un univers
noir et corrompu. Le hasard fit que la même année que The Set-Up, sortit
un autre film de boxe: The Champion, de M. Robson, film réaliste et
pessimiste (le film est d'ailleurs un remake du film homonyme de King Vidor).
En 1980 Martin Scorsese fournit sa contribution au genre avec l'exceptionnel Raging
Bull. Avec le recul, on peut affirmer que le film de Wise n'a pas été
dépassé.
Le Champion (The Champ)
est un film américain réalisé par King Vidor, sorti en 1931.
Par amour pour son fils, un boxeur déchu remonte sur le ring. |
Le
champion (Champion, 1949) est un film noir américain de Mark Robson d’après une nouvelle
de Ring (ça ne s’invente pas…) Lardner.
Filmé en noir et blanc, il raconte les combats du boxeur « Midge »
Kelly aux prises avec ses propres démons tout en cherchant les succès sur le
ring de boxe.
Le Champion (The Champ, 1979) un film américain de Franco Zeffirelli.
Un père séparé de
sa femme, élève seul son fils. A l'âge de 7 ans son fils admire le passé de
champion de boxeur professionnel de son père. Dans la misère et pour l'amour de son fils, il décide de reprendre les gants, afin de lui assurer un
avenir.
C’est un remake du film de King Vidor de 1931 avec Wallace Beery. Dans le numéro de juillet 2011 du magazine scientifique
The Smithsonian, le film « le plus triste du monde » ne serait pas
Bambi, mais bien The Champ. (The saddest movie, the biggest tearjerker: le plus grand tire-larmes). Tout du
moins, il s'agirait du film utilisé par de nombreux laboratoires de psychologie
dans le monde lorsqu'ils veulent rendre triste un sujet d'expérience.
Il suffit, dans notre film, d'un plan où une silhouette longiligne se détache en ombre chinoise sur une porte en verre dépoli vivement éclairée de l'intérieur de la pièce pour faire irrésistiblement penser au grand Humphrey.
UN FILM REGION CENTRE, UN FILM CICLIC
Berry républicain 22 mai 2013 |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire