12e séance avec débat
Métier: chef opérateur
PREMIERES REACTIONS
Il y eut
même des réactions avant que de voir le film. Il se trouve - on ne vous cache
rien - que dans la journée, nous avons eu une réunion au Ciné-Lumière. A la fin,
quand nous parlions de tout et de rien et même de la séance du soir, quelqu’un
pourtant bien informé généralement nous a confié, pessimiste : « Le
film ne marche pas. » J’ai même eu cette plaisanterie douteuse dont je
suis coutumier : « Il nous passe toujours des films qui ne marchent
pas ! »
Est-ce que
ça a suffi à contaminer ma première réaction aussitôt après la
projection ? Je n’ai pas boudé mon plaisir, loin de là, mais le perfide esprit
de critique (à ne pas confondre avec l’heureux esprit critique)
avait tendance à prendre le dessus. Je parlais alors d’un mélodrame linéaire et
aux effets de surprise terriblement prévisibles, d’un bateau pour pilote
solitaire qui virait fâcheusement en bateau taxi surpeuplé… Jusqu’à ce que
quelqu’un me sauve de ce bourbier où j’allais sans doute m’enliser pour me
remettre sur le chemin des eaux claires. S’en excusant presque en revendiquant
une fois de plus son esprit bon public qui trouvera toujours un film
intéressant ou presque, Edwige (car c’est elle, on l’aura reconnue) fit état
d’une véritable poésie de la mer à laquelle elle a été sensible et d’un rapport
plus intéressant et plus complexe qu’il n’y paraît entre des personnages dotés
d’une psychologie à première vue stéréotypée et convenue.
Je reconnus
alors que j’étais moi-même partagé entre un côté obscur et un côté clair de la
Force spectatrice, et je me souvins que j’avais au moins apprécié le jeu
de François Cluzet qui me paraissait bien tenir la barre du film d’une main ferme.
Dans un
troisième temps, je donnai une sorte d’avis bilan (sommaire) par mail :
« Ce fut une soirée surprenante en raison de la présence de ces deux
navigateurs qui nous ont fait partager leurs expériences ». Car le plus
étonnant en effet, ce fut dans la salle la découverte de navigateurs
vierzonnais aux témoignages extraordinaires et d’autant plus inattendus qu’ils
n’avaient pas répondu quand, au début de la projection, on a demandé s’il y
avait des marins dans la salle. D’où une réponse au mail précédent qui ne
surprendra personne et qui confirme cette impression : « Je trouve
aussi que la soirée a été intéressante : comment en partant d’un film
"facile", nous ouvrons un espace ou les gens font part de leurs
expériences riches (et inattendues). Toute la dimension de la
"rencontre" inscrite dans le nom de notre association. Edwige. »
Voilà, tout est dit, nous sommes l’association « Ciné-Rencontres » de
Vierzon, il n’y a qu’à Vierzon qu’on fait des rencontres comme celle-là, le
tour de la question est bouclé comme on boucle un tour du monde, il suffira
ultérieurement de compléter ces différents aspects en apportant de l’eau au
moulin des arguments échangés…
Quatrième
temps (eh oui, ce n’est pas une valse). En prenant ma voiture au cours du
week-end, mon autoradio, qui semblait pour une fois ne s’adresser qu’à moi, me
confia que le film « En solitaire » démarrait sur les chapeaux de
roues et qu’il prenait le large (métaphore incohérente qui eût bien réjoui
Flaubert). Quoi ! une contradiction avec le flair de mon expert
pronostiqueur favori ? Il me fallait vérifier cela (une fois ne m’est pas
coutume) sur un site de Box office. Et c’est effectivement une confirmation que
ce dernier m’a apporté. Nous n’étions tout d’un coup plus du tout embarqués
dans une séance solitaire perdue quelque part dans l’immensité
désertique du centre de la France, nous étions au cœur d’un phénomène national
entourés de plein d’autres salles qui connaissaient les mêmes sensations que
nous. Il nous fallait alors changer le t en d pour se déclarer solidaires
et cette fois c’est Camus qu’il faut évoquer, et ça tombe bien car c’est le
centenaire de sa naissance.
Source: Cine-directors.net (où vous aurez des images plus nettes)
Nouveau thème, nouvelles têtes.
Sauf, et la surprise fut grande, pour Bernard que nous connaissons très bien.
Ou du moins que nous croyions connaître. Il nous avait déjà tous étonnés pour son
travail en centrale nucléaire (le film Grand Central), mais là… aucun de
nous n’aurais pensé qu’il avait aussi traversé l’Atlantique en bateau. Enfin, nous savons déjà qu’il n’a pas fait
de catch (thème du prochain film).
Aspect positif : La
générosité qui finit par s’installer avec son passager, et qui est soulignée
symboliquement quand il double le bateau « Sauvez un enfant ».
Trop souligné ?…
Aspect
négatif : La rage de vaincre à tout prix (mais pour un compétiteur, c’est
la qualité première). Forcément doublé d’hypocrisie : compassion devant le
bateau concurrent en rade, mais se réjouit immédiatement après. Logique de la
compétition. On a eu des témoignages en ce sens de quelqu’un qui a côtoyé les
marins de haut niveau.
Déceptions
(par rapport à l’attente initiale) : Peu d’éléments vraiment techniques
sur ce qui est très peu montré dans les reportages télévisés. L’histoire
conjugale et sentimentale prend le dessus dans la seconde partie. D’ailleurs, Yan
Kermadec n’a pas plus que cela l’amour de son bateau. Rien de comparable avec
la « Lison » de La bête humaine que Jacques Lantier aimait
tant.
Guillaume Canet incarne le marin à
qui on ne la fait pas, par opposition à l’épouse, prête à tout croire et
prompte à s’aveugler.
Des questions sont restées en
suspens : un diagnostic aussi précis à partir de donnés au stéthoscope
électronique et de la prise de tension est-il possible ? Mais pour une
fois, la fameuse question de Tex Avery (« Y a-t-il un docteur dans la
salle ? ») avait une réponse négative.
Un Vierzonnais qui fut moniteur
aux Glénans (école de voile, créée en 1947 par Hélène et Philippe Viannay,
résistants français, autour de l'archipel des Glénan en Bretagne sud) en
témoigne. Certes, la solidarité des gens de mer est chose sacrée en cas de
danger avéré, mais pour le reste, ce ne sont pas des poètes qui regardent,
comme dans le film où Yann envoie systématiquement toutes ses photos à sa
famille, les couchers de soleil, le vol des mouettes ou la course des dauphins.
Ce sont des compétiteurs, des gagneurs à tout prix, et la mer est pour eux un
terrain d’abord sportif.
Les marins
présents sont sur la même longueur d’onde. Ils sont en phase quand il s’agit de
parler de la peur. « La peur, oui, mais on éprouve surtout de la fascination.
On en prend plein la figure, mais on ne pense pas vraiment à la crainte. On
sait que le danger est là, mais on sait aussi que si on tombe, ça ne durera pas
longtemps, à peu près cinq minutes. La fascination l’emporte toujours, c’est
certain. »
Il avait
pris la parole très modestement, tardivement, pour indiquer qu’il avait juste
un petit quelque chose à dire. Et ses propos furent tels qu’il nous a tous
emportés aussitôt en mer avec lui. On l’écoutait bouche bée. On était
véritablement à ses côtés au milieu de l’océan.
Il nous a
raconté comment beaucoup guettaient surtout le fameux rayon vert, au coucher du
soleil. Cinéphile, Béatrice a rappelé que c’était justement le titre d’un film
de Rohmer. Ce dernier fut, au tout début de sa carrière, professeur d’anglais à
Vierzon, et Bernard, qui avait ouvert la série des témoignages, l’a été aussi.
Dans ces propos décousus sur la mer, voilà au moins un fil directeur
solide ! D’ailleurs le fameux skipper, celui qui pilote ce type de
bateau, est un mot devenu parfaitement commun aux langues anglaise et
française. Les Bretons et Grands Bretons sont peuples de marins. Leurs
relations sont faites de respect mutuel, d’émulation, de rivalités fortes, tout
cela mêlé. Il paraît qu’il en est de même entre la Bretagne et ses voisins, les
Normands surtout, et aussi les Vendéens. On aime le même univers, on partage
une culture commune, mais on n’oublie
pas non plus qu’on est en compétition. Et la compétition, au cours de l’histoire,
ne fut pas que sportive, elle fut aussi économique, commerciale, et donc
sociale.
(Science & Vie Hors Série, mars 2014). |
Eric Rohmer, Le rayon vert,
1986.
Delphine voit son projet de vacances en Grèce s'écrouler
lorsque l'amie avec qui elle devait partir se décommande. Elle va chercher en
vain une alternative qui la satisfasse. Tout en rêvant au grand amour et en se
plaignant de sa solitude, elle se comporte au long du film de manière à
renforcer cette solitude et à s'y morfondre. Elle suit un itinéraire
initiatique où chacune de ses rencontres se présente comme une épreuve à surmonter.
En effet, pour la sauver de cette solitude, chacun la pousse à renoncer à ce
qu'elle est, une romantique qui croit au grand amour.
Le Rayon vert, film français réalisé par Éric Rohmer,
cinquième de la série « Comédies et Proverbes », illustre les
vers extraits du poème « Chanson de la plus haute tour » d'Arthur
Rimbaud : « Ah ! que le temps vienne / Où les cœurs
s'éprennent ».
Ce film, tourné en 16 mm et couronné par le Lion d'or au Festival de Venise, reprend, d'un ton plus
léger et dans un milieu plus modeste, le thème de Ma nuit chez
Maud.
Le titre est une allusion à un phénomène optique et
atmosphérique : le tout dernier rayon du soleil, qui prend
l'aspect d'un éclair vert, par temps clair au bord de l'océan. Pour
l’observateur du phénomène, ainsi qu'un groupe de personnes qui en discutent
dans une scène pédagogique du film, il serait ainsi possible de « lire
dans ses propres sentiments, et dans les sentiments des autres ».
A la toute fin, les souvenirs
remontaient à la surface : le grand-père batelier à Vierzon, le quartier
du Bourgneuf, quartier de ces mêmes bateliers, la conférence et le livre de Claude
Richoux sur ce même quartier, l’ARECABE, l’association pour la réouverture du
canal de Berry,... Mais ceci est une autre navigation.
Alors vous avez peut-être pensé au film d'Ang Lee, L'Odyssée de Pi (2012):
Après une enfance passée à Pondichéry en Inde, Pi Patel, 17 ans, embarque avec sa famille pour le Canada où l’attend une nouvelle vie. Mais son destin est bouleversé par le naufrage spectaculaire du cargo en pleine mer. Il se retrouve seul survivant à bord d'un canot de sauvetage. Seul, ou presque... Richard Parker, splendide et féroce tigre du Bengale est aussi du voyage. L’instinct de survie des deux naufragés leur fera vivre une odyssée hors du commun au cours de laquelle Pi devra développer son ingéniosité et faire preuve d’un courage insoupçonné pour survivre à cette aventure incroyable.
VOUS AVEZ DIT POESIE DE LA MER ?
Monet, Régates à Argenteuil.
Il semble qu'on puisse toujours spontanément associer des poèmes à nos visions de la mer. Ici, l'image est un support commode. Essayons-nous, sur quelques échantillons, à ce genre de contrepoints.
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
(Baudelaire, Chant d’automne II)
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux!
(Mallarmé, Brise marine)D'être parmi l'écume inconnue et les cieux!
La poésie des régates, même si n'est pas Monet qui veut, est d'abord dans le regard de qui les contemple. Mais que penseraient les skippers s'ils pouvaient se voir et concourir en même temps? Peut-être tout simplement ceci:
La mer, la mer, toujours recommencée !
(Paul Valery, Le Cimetière marin)Le trajet figuré sur le globe virtuel, comme on en voit à la télévision dans le compte-rendu des courses en mer, m'a rappelé une chanson de Brel (le contraire aurait étonné...). Son tour de monde date de 1974, deux ans avant celui d'un de nos témoins. Mais il n'a pas franchi le Cap Horn. Son passage entre les deux grands océans s'est fait par le canal de Panama. Mais beaucoup de visions concordent.
Prenez une cathédrale
Et offrez-lui quelques mâts
Un beaupré de vastes cales
Des haubans et halebas
Prenez une cathédrale
Haute en ciel et large au ventre
Une cathédrale à tendre
De clinfoc et de grand-voiles
Prenez une cathédrale
De Picardie ou de Flandre
Une cathédrale à vendre
Par des prêtres sans étoile
Cette cathédrale en pierre
Qui sera débondieurisée
Traînez-la à travers prés
Jusqu'où vient fleurir la mer
Hissez la voile en riant
Et filez sur l'Angleterre
L'Angleterre est douce à voir
Du haut d'une cathédrale
Même si le thé fait pleuvoir
Quelque ennui sur les escales
Les Cornouailles sont à prendre
Quand elles accouchent du jour
Et qu'on flotte entre le tendre
Entre le tendre et l'amour
Prenez une cathédrale
Et offrez-lui quelques mâts
Un beaupré de vastes cales
Mais ne vous réveillez pas
Filez toutes voiles dehors
Et ho hisse les matelots
A chasser les cachalots
Qui vous mèneront aux Açores
Puis Madère avec ses filles
Canarianes et l'océan
Qui vous poussera en riant
En riant jusqu'aux Antilles
Prenez une cathédrale
Hissez le petit pavois
Et faites chanter les voiles
Mais ne vous réveillez pas
Putain les Antilles sont belles
Elles vous croquent sous la dent
On se coucherait bien sur elles
Mais repartez de l'avant
Car toutes cloches en branle-bas
Votre cathédrale se voile
Transpercera la canal
Le canal de Panama
Prenez une cathédrale
De Picardie ou d'Artois
Partez cueillir les étoiles
Mais ne vous réveillez pas
Et voici le Pacifique
Longue houle qui roule au vent
Et ronronne sa musique
Jusqu'aux îles droit devant
Et que l`on vous veuille absoudre
Si là-bas bien plus qu'ailleurs
Vous tentez de vous dissoudre
Entre les fleurs et les fleurs
Prenez une cathédrale
Hissez le petit pavois
Et faites chanter les voiles
Mais ne vous réveillez pas
Prenez une cathédrale
De Picardie ou d'Artois
Partez pêcher les étoiles
Mais ne vous réveillez pas
Cette cathédrale en pierre
Traînez-la à travers bois
Jusqu'où vient fleurir la mer
Mais ne vous réveillez pas
Mais ne vous réveillez pas
(Jacques Brel, La cathédrale, 1977)
Açores, Madère (Portugal), Canaries (Espagne) |
Personne n'a oublié son Marbeuf, ce grand mélancolique de l'âge baroque.
À PHILIS
Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mer est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,
Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l’amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,
Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Et la mer est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,
Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l’amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,
Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Pierre
de Marbeuf (1596-1645), Recueil de vers
Sur les dangers toujours présents de la vie en mer, le plus célèbre envol est sans conteste celui-ci. (Peut-être faudrait-il dire "était"?...).
Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfoui ?
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfoui ?
(Victor Hugo, Océano Nox)
Sa version moderne et d'une actualité particulièrement lourde peut se refléter dans ce texte quasi anonyme et contemporain qu'on peut découvrir par le lien suivant (je n'ai pas réussi à copier le texte) :
Dans la poésie de la mer, je crois qu’il ne faudrait pas oublier non plus le potentiel de l’onomastique. Les noms propres, surtout bretons, évoquent immédiatement des aventures en mer. A condition toutefois de bien doser les effets, et de ne pas trop forcer sur la couleur locale. On risquerait alors d’évoquer plutôt les publicités pour boîtes de pâté ou de sardine, ce qui conduirait au naufrage poétique assuré. Vu sous cet angle, Yann Kermadec, c’est presque limite.
Pour s'aider, on peut être tenté de chercher un modèle. Le célèbre Carillon de Vendôme, chanson enfantine du moyen-âge, est un bon candidat.
Au XVe siècle, dans le cadre de la guerre de Cent
Ans, le dauphin Charles (futur Charles VII), après avoir été déshérité à la
suite du traité de Troyes signé en 1420, se retrouve en
possession des villes d’Orléans, Beaugency, Cléry, Vendôme et Bourges. Une
chanson enfantine fut composée à cette époque, sur accompagnement de cloches
(d’où le « carillon ») et refrain bissé « Vendôme » (d’où
la totalité du titre). A cette guirlande de noms propres, il ne manque donc que notre ville de Bourges.
Mes amis, que
reste-t-il ?
À ce Dauphin si gentil ?
Orléans, Beaugency,
Notre-Dame de Cléry,
À ce Dauphin si gentil ?
Orléans, Beaugency,
Notre-Dame de Cléry,
Vendôme,
Vendôme !
Les ennemis ont tout pris
Ne lui laissant par mépris
Qu'Orléans, Beaugency,
Notre-Dame de Cléry,
Vendôme, Vendôme !
Les ennemis ont tout pris
Ne lui laissant par mépris
Qu'Orléans, Beaugency,
Notre-Dame de Cléry,
Vendôme, Vendôme !
On est loin d'être les premiers à tenter l'expérience. Par exemple, en 2007,
dans L’heure zéro, film de Pascal Thomas, François Morel, qui interprète
le commissaire Martin Bataille, fredonne ironiquement sur l'air du
« Carillon de Vendôme » :
« Sherlock Holmes, Jules Maigret,
Miss Marple, Hercule Poirot,
Columbo, Columbo… ».
Vincent
Riou Desjoyeaux
Alain
Colas Jean-Le Cam
Le
Cléac’h Le Cléac’h !
MacArthur Lamazou
Florence Arthaud Steve Fossett
Moitessier
Moitessier !
Christophe
Auguin Marc Pajot
Philippe
Jeantot Jean-Pierre Dick
Kersauson Kersauson !
Mike Golding Chichester
Alex Thomson Autissier
Tabarly Tabarly !
VOUS AVEZ DIT PEDAGOGIE ?
Comme dans le
film, les « enfants des écoles » sont souvent invités à s’instruire à
partir de la course dont on parle tant autour d’eux. En témoigne par exemple le
« Blog des élèves de l'école
publique Françoise Dolto - Kervignac » (Morbihan) le
vendredi 26 octobre 2012, 11:20 –(CM1-CM2).
Comment les skippers gèrent leur sommeil ?
Un bateau du Vendée Globe a une seule coque. Il est muni
d'une couchette. Le skipper ne dort que 4 heures par jour et fait des siestes
de quinze à vingt minutes environ. Par contre, il travaille beaucoup
plus ! Pendant les caps il travaille plus et dort moins.
Les 24 h d'un skipper
Pendant 24 h, il travaille beaucoup, il mange en peu de
temps. Il fait des petites pauses casse-croûte et un "vrai repas" par
jour; il s'occupe chaque jour du matériel et il entretient le bateau
(réparation, vérification, montée en tête de mât...).
FERDINAND et ARTHUR
VENDÉE GLOBE
Le Vendée Globe a été créé par Philippe Jeantot, qui avait
gagné les deux premières courses en solitaire autour du monde, mais avec des
escales.
Les vainqueurs : La première édition a eu lieu en
1989-90 : Titouan Lamazou a gagné.
En 1992-93, Alain Gautier est arrivé en tête. 1996-97 :
Christophe Auguin. 2000-01 : Michel Desjoyaux. 2004-05 : Vincent Riou
2009-10 : Michel Desjoyaux est de nouveau le vainqueur.
Les courses sont très dangereuses ; certains bateaux
perdent leur quille et chavirent : le skipper reste dans le bateau, et
c'est très difficile de le sauver !
VOUS AVEZ DIT CAP HORN ?
Dans le
film, on parle du cap Horn qui marque la sortie des mers du Sud comme un mythe,
mais on est un peu déçu de voir que tout y est tranquille. Il est vrai que ce
passage n’est pas toujours synonyme de galère pour les concurrents. Cette
année, si j’en crois cette photo, ça s’est plutôt bien passé.
A 20h35 heure française mardi soir 1er
janvier 2013, Armel Le Cléac'h a franchi le cap Horn avec seulement 1h15 de retard sur François Gabart. |
Le Cap Horn est un endroit dangereux et difficile à
franchir, car on y trouve des icebergs et la mer peut être énorme. |
L'Herminie au Cap Horn - Peinture d'Auguste Mayer (1805-1890). |
Il mérité sûrement qu'on fasse preuve aussi d'un peu de pédagogie à son égard, et qu'on le situe correctement dans un parcours du Vendée Globe :
VOUS AVEZ DIT ALAIN-FOURNIER ?
Non, vous ne l’avez pas dit et
vous n’auriez aucune raison a priori de le faire. Pourtant, il n’est pas si
absurde de cela que de trouver des rapports, même anecdotiques, entre les deux
domaines. Un premier rapprochement se présente, carrément anecdotique pour le
coup celui-ci.
C’était déjà assez épatant qu’il
soir un marin avec cette expérience. Mais il m’a dit à la fin du débat :
« Vous ne vous souvenez pas de moi ? On était assis hier à côté l’un
de l’autre à la conférence sur Alain-Fournier et Le Grand Meaulnes. » En
effet. Signe sans doute d’une profonde symbiose entre nos associations,
Ciné-Rencontres et l’Université populaire, le débat post-film a ainsi
curieusement porté sur la conférence de la veille sur Alain-Fournier et Madame
Simone.
Moins
anecdotique, le rapprochement suivant n’en est pas pour le moins très indirect.
Partons du fait que l’année 2013, pour parodier Gainsbourg, est une année
littéraire. On y constate en effet, entre autres, le centenaire de la naissance
d’Albert Camus, le centenaire du Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, et
enfin, pour ce qui nous importe, le centenaire du prix Goncourt de Marc Elder
(par ordre décroissant d’importance des auteurs…).
Le cadre
est fourni en se référant à l’exposition qui se tient actuellement à la
Médiathèque de Bourges. Sur les murs des unes de journaux sont affichées. La
presse de l’époque bruisse déjà de copinages abusifs, de conflits d’intérêts
éhontés et de prix littéraires truqués. Pour le prix Goncourt, actualité
brûlante en cette période ultra-sensible de montée des conflits, Roger Martin
du Gard, membre du jury, fait publiquement campagne en faveur de son propre
roman, Jean Barois. A priori deux noms émergent, entre lesquels il
serait difficile - et on le comprend surtout à la lumière rétrospective de la
postérité - de choisir. D’un côté, Marcel Proust, avec Un amour de Swann,
et de l’autre Alain-Fournier, avec Le Grand Meaulnes. C’est d’ailleurs
ce dernier qui aura le prestige résister jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au
11e tour, avant de devoir céder finalement devant le candidat du
consensus. Le vainqueur, ce sera précisément un roman de la mer, et c’est là,
qu’après ce détour bizarre, nous retrouvons enfin notre sujet. Car la mer, en
France, et surtout dans la France de cette époque, ça ne mange pas de pain,
c’est consensuel, et ça permet d’arbitrer d’une façon fort commode entre deux
choix embarrassants à divers titres, Proust ou Alain-Fournier.
Qui est
donc cet inconnu commode ? Un Nantais qui a déjà publié un roman l’année
précédente, et qui se nomme Marcel Tendron. Ses œuvres sont donc d’une part un
roman, Marthe Rouchard, et deux études littéraires sur Octave Mirbeau et
sur Romain Rolland. Son quatrième livre est celui qui obtient le prix. Son
titre ? Le Peuple de la Mer. Son auteur ? Marc Elder, nom de
plume de Marcel Tendron. Critique
et historien d'art, chevalier de la Légion d'honneur, Marcel Tendron fut
conservateur du château des ducs de Bretagne à Nantes.
J. Tallendeau, dans son article publié dans « Le
Populaire de Nantes » le 5 décembre 1913, en fait un éloge
estimable :
« C’est avec Le Peuple de la Mer que Marc Elder
vient de remporter la coupe du vainqueur. Mardi soir, en me délectant, j’avais
achevé de le lire et, le lendemain, j’avais écrit déjà le premier feuillet de
cet article, lorsqu’un télégramme m’apprit le verdict du Conseil, pardon !
de l’Académie des Dix ! A la vérité, je n’ai éprouvé aucune surprise, tant
j’avais été frappé, la veille, de la perfection de cet ouvrage. Entre Le
Peuple de la Mer et Marthe Rouchard, par exemple, on constate un
progrès considérable. Ici, point de longueur, point de recherche excessive dans
l’épithète, point de phraséologie un peu déclamatoire. Les images sont
abondantes, tour à tour poétiques et familières. Le style est clair, coule de
source. Il est vrai, naturel, comme il sied aux personnages : des marins,
des douaniers, des pêcheurs, des femmes et des filles de la côte. Le roman –
encore que ce ne soit pas le titre qui convienne à l’ouvrage – est bien
construit, avec ses trois parties : la barque, la femme, la mer,
heureusement équilibrées et reliées entre elles par un lien tenu mais solide.
Il s’agit plutôt d’une étude où la vie de la mer et des marins apparaît
brutale, tragique, douloureuse, dans le cadre qui nous est familier à tous,
entre l’île de Noirmoutier, Saint-Nazaire et le phare du Pilier.
Avec la sûre méthode que, chacun
par leur tempérament propre, Alphonse Daudet, Zola, les deux Goncourt ont
enseignée, Marc Elder s’est attaché à peindre des caractères, à situer l’action
de ses drames dans les lieux mêmes où ils se sont déroulés. On sent qu’il a
vécu avec les gens qu’il met en scène. Il les a « pratiqués », si
j’ose dire, à la façon des peintres qui dessinent un croquis sur nature, à la
volée du crayon et sans faire poser le modèle, par crainte de trahir la
sincérité des attitudes et la souplesse des mouvements. Il a vu, il a observé,
écouté. A force d’attention et de perspicacité, il est parvenu à percer le
masque glabre, froid, renfermé des marins. Mieux encore, il a surpris leurs
gestes, leurs ambitions, leurs rivalités, leurs querelles. Il a traduit leurs
émotions, enregistré les mouvements les plus intimes de leur âme. Et son
observation est si complète qu’il n’a pas seulement tracé un portrait. Il a
peint des caractères. Ce qui ajoute de la force et du prix à la beauté de son
livre ».
Couverture de l'édition originale |
Un autre point commun avec
Alain-Fournier ? On le trouvera dans la guerre, bien qu’il ait été réformé
lui-même pour raison de tuberculose pulmonaire. Le jour où il apprend la mort
d’un ami tué au combat, il n’hésite à prendre le crayon et à exprimer sa
douleur. La mort du sous-lieutenant Maupoint, officier au 113ème régiment
d’infanterie tué en Argonne le 29 avril 1915, fait l’objet d’un article qui
exprime l’éloge du sacrifice d’une jeunesse prometteuse :
« Depuis bien des jours,
déjà, tu es tombé mon pauvre ami, et c’est aujourd’hui seulement que m’arrive
la triste nouvelle. Il en est toujours ainsi. Nous les portons, tout en vie,
dans notre cœur, avec leurs gestes et leurs paroles, ceux que nous aimons, qui
sont là-bas ; et longtemps ils continuent réellement d’exister parmi nous,
alors que déjà la terre les a repris. Mais nous ne savons pas. Et un jour
survient une visite, un télégramme ou une lettre : c’est l’annonce. Alors
il y a un grand deuil dans notre âme ; ils meurent en nous, et c’est leur vraie
mort, la plus douloureuse.
Nous sommes loin de l’exaltation de la lutte et des beaux gestes qui magnifient le sacrifice. Ce n’est pas la balle, qui frappe en face, qui nous les tue ; c’est un mot, un billet parfois sans douceur. Maintenant, même jeune, on porte bien des peines : sans vieillir, on voit tant mourir autour de soi !
Mon pauvre ami, c’est toi-même qui avait demandé à partir pour le front, et je t’avais reconnu à ce trait. Je savais que tu étais brave, que tu aimais la lutte et ne cédais qu’à la victoire. Que de fois, dans notre adolescence, soumis à des sports rudes, n’avions-nous pas entraîné nos énergies ? Jamais je ne vis la fatigue ou l’insuccès te faire plier. La volonté était en toi, impérieuse comme un dieu, et les ardeurs de ton jeune sang ne redoutaient nul obstacle. Aussi acharné au travail que bouillant au jeu, tu avais conquis, dès l’entrée dans la vie, des couronnes. Les avocats déjà glorieux te voyaient grandir dans leur ordre comme une belle prouesse. Et toi inquiet, mais fort et sans cesse conquérant, tu cherchais ta voie, sans décevoir jamais les espoirs clairvoyants.
Tu réunissais déjà, mon ami, toutes les qualités des générations nouvelles : la résistance morale, le goût de la force et le sens un peu brutal, mais si nécessaire à la vie, des réalités. Le désarroi de nos aînés, encore las de la défaite et nourris de rêve, s’effaçait de ton intelligence. A te regarder on sentait que les nouveaux venus, les jeunes, qui nous suivent, seraient, sans romantisme, nos libérateurs. Pour avoir grandi avec toi, pour être de ton âge, je te connaissais si bien ! La triste nouvelle m’a frappé d’autant plus fort.
Mon pauvre ami, il faut maintenant écarter tous les souvenirs qui souffrent en moi et ne plus penser qu’à ta gloire. Nous savions, tous tes exploits et avec quel courage, toi l’avocat, tu fus dans la guerre l’officier entraînant et redoutable à l’ennemi. Ta vie ne comptait plus que comme une arme qui doit porter des coups jusqu’à ce qu’elle se brise. Vingt fois des situations périlleuses t’avaient trouvé héroïque. Puis la mauvaise balle est venue, un jour que tu attendais, à découvert, un camarade qui ne pouvait suivre. Tu es tombé dans ses bras, frappé au cœur.
Nous sommes loin de l’exaltation de la lutte et des beaux gestes qui magnifient le sacrifice. Ce n’est pas la balle, qui frappe en face, qui nous les tue ; c’est un mot, un billet parfois sans douceur. Maintenant, même jeune, on porte bien des peines : sans vieillir, on voit tant mourir autour de soi !
Mon pauvre ami, c’est toi-même qui avait demandé à partir pour le front, et je t’avais reconnu à ce trait. Je savais que tu étais brave, que tu aimais la lutte et ne cédais qu’à la victoire. Que de fois, dans notre adolescence, soumis à des sports rudes, n’avions-nous pas entraîné nos énergies ? Jamais je ne vis la fatigue ou l’insuccès te faire plier. La volonté était en toi, impérieuse comme un dieu, et les ardeurs de ton jeune sang ne redoutaient nul obstacle. Aussi acharné au travail que bouillant au jeu, tu avais conquis, dès l’entrée dans la vie, des couronnes. Les avocats déjà glorieux te voyaient grandir dans leur ordre comme une belle prouesse. Et toi inquiet, mais fort et sans cesse conquérant, tu cherchais ta voie, sans décevoir jamais les espoirs clairvoyants.
Tu réunissais déjà, mon ami, toutes les qualités des générations nouvelles : la résistance morale, le goût de la force et le sens un peu brutal, mais si nécessaire à la vie, des réalités. Le désarroi de nos aînés, encore las de la défaite et nourris de rêve, s’effaçait de ton intelligence. A te regarder on sentait que les nouveaux venus, les jeunes, qui nous suivent, seraient, sans romantisme, nos libérateurs. Pour avoir grandi avec toi, pour être de ton âge, je te connaissais si bien ! La triste nouvelle m’a frappé d’autant plus fort.
Mon pauvre ami, il faut maintenant écarter tous les souvenirs qui souffrent en moi et ne plus penser qu’à ta gloire. Nous savions, tous tes exploits et avec quel courage, toi l’avocat, tu fus dans la guerre l’officier entraînant et redoutable à l’ennemi. Ta vie ne comptait plus que comme une arme qui doit porter des coups jusqu’à ce qu’elle se brise. Vingt fois des situations périlleuses t’avaient trouvé héroïque. Puis la mauvaise balle est venue, un jour que tu attendais, à découvert, un camarade qui ne pouvait suivre. Tu es tombé dans ses bras, frappé au cœur.
Hélas ! Ils ont pleuré, ceux
qui t’aimaient, parce qu’on ne sent d’abord que le déchirement égoïste. Ta mort
ici retentit en douleur dans les cœurs qui te chérissaient ; mais là-bas,
dans les bois d’Argonne, elle a soulevé la haine. La terre de France prend des
forces chaque fois qu’un de ses enfants y tombe. C’est elle, mon cher ami, qui
t’avait donné ta claire intelligence, les beaux instincts de ta jeunesse, et ta
vaillance jamais entamée.
Dans un passé obscur, la Patrie
déjà te formait, et je garde le souvenir de ces courses, dans les champs
vendéens ou sur la mer bretonne, qui achevaient de modeler la belle âme
française. Tu viens de la rendre à notre terre, après l’avoir élevée longtemps,
comme un exemple, au milieu de la mêlée. Je ne reverrai plus ton corps, mon
pauvre ami, et cela trouble profondément ma faiblesse d’homme. Mais je le sais,
que ta part est la meilleure et que ce sont les tombes de là-bas, toutes
petites avec une croix penchée, où l’on ne peut même pas aller prier, qui nous
donnent la victoire.
15 mai 1915, Marc Elder ».
(Le Phare de la Loire, 18 mai 1915)
Dès la
première phrase, la couleur locale est posée :
Neuf heures sonnaient au timbre
fêlé de l’église quand Urbain Coët sortit de chez Goustan. Sur le seuil, que la
lampe teinta de lumière rouge, le vieux Mathieu l’assura de nouveau en lui
serrant la main:
--Et tu seras content, mon gars,
ta barque sera belle!
Bientôt
l’amour du métier et du bateau, plutôt absents dans le film, se manifeste
fortement :
La varlope criait déjà sur le
chêne; il entra et, joyeusement, il reconnut sa barque. Elle montait, énorme
dans le petit chantier du père Goustan qu’elle emplissait jusqu’au faîte.
C’était une barque de vingt-sept pieds, bien coffrée, puissante, l’étrave haute
et l’avant taillé d’aplomb, comme un coin, pour mieux fendre les lames. Au milieu
des flancs qui n’étaient point entièrement bordés, les membrures, quasi brutes,
apparaissaient arquées comme des côtes, tellement près à près et massives que
le bateau semblait bûché dans un monstrueux tronc de chêne.
Orgueilleux de son œuvre, le père
Goustan lâcha l’erminette, pour venir à petits pas se camper près d’Urbain
Coët. Il releva, d’un geste familier, la large salopette qui juponnait autour
de ses vieilles jambes, redressa son échine, essuya ses lunettes et déclara:
--C’est du travail, ça, mon gars!
et du solide!
Alors son fils, François, qui
rabotait les dessous de la barque, à plat dos parmi les copeaux, s’interrompit
pour prononcer:
--Faut ça pour battre la mer!
Et Théodore, le petit-fils, du
haut du pont, où il bricolait, jeta d’enthousiasme:
--Et pour tailler de la route!
Le goût
de la compétition ne tarde pas à s'éveiller :
Les pêcheurs ne parlaient point à leur bord;--les hommes
de mer ne sont pas bavards: la pipe occupe leur bouche, l’océan leur œil et
leurs pensées;--mais tournées vers la nouvelle barque, toutes les faces rudes
et boucanées suivaient de près sa marche et à la voir serrer le vent en les
gagnant de vitesse, une émulation jalouse remuait le sang des hommes et donnait
à ce départ de pêche une allure de régate.
Le spectateur reste un peu sur sa faim, dans le film,
pour ce qui concerne les fameux éléments déchaînés. On nous en fournit abondamment ici :
Elles fuient, parfois déjaugées de
l’avant, montrant la quille et leurs dessous brillants de coaltar; parfois
tombant au creux d’une montagne d’eau qui masque l’horizon. Elles fuient,
poursuivies sans cesse par les vagues innombrables qui les gagnent, déferlent
sur les tableaux, envahissent les ponts où des ruisseaux hésitent, les enlèvent
à pleins dos, s’effacent devant d’autres, qui accourent, gonflées, baveuses,
heurtent les arrières et passent, pour être remplacées par d’autres encore,
aussi méchantes, aussi énormes. Au roulis le coin trempé des grand’voiles monte
alternativement dans le ciel et s’abat dans la mer.
Nous
voici bientôt en pleine compétition :
Le « Dépit des Envieux »
double le premier la pointe blanche de la Corbière, à l’abri de laquelle la mer
brisée devient plus maniable. Le « Laissez-les dire » le serre avec l’intention évidente de lui
couper la route. Mais Coët approche gaillardement les roches, malgré le ressac,
pour empêcher l’adversaire de passer au vent. Les deux sloops naviguent dans
les brisants, le bout-dehors du second aiguillonnant le premier. Ils semblent à
la merci d’une vague qui les culbuterait l’un sur l’autre. A la barre les
hommes gouvernent comme des dieux.
La
passion s’empare de la foule des spectateurs :
Déjà les gars du pays escaladaient
la jetée par les cales, les échelles; de grosses chenilles humaines rampaient à
pic le long du granit; les équipages accostaient à force d’avirons et dans un
grand tumulte de galoches et de cris les Noirmoutrains tombèrent sur les
Sablais.
Ce fut une mêlée de vareuses, de
salopettes bleues, où vibrait le retroussis rouge des caleçons. Des poings
s’enlevaient au-dessus des faces briques qui roulaient sur les fortes épaules.
Des sabots lancés rasaient les groupes et les paniers volaient sans répit,
lâchant une pluie d’argent et jonchant le sol de sardines blanches. Le sel
écrasé crépitait sur la digue maculée de sang. Un mousse jeté à l’eau regagnait
son bord à la nage.
Les
athlètes des mers sont maintenant en pleine action, avec une seule loi, tout
doit être mis en œuvre pour l’emporter sur les rivaux. La guerre n’est pas loin.
:
Ils évoluent sûrement, prestement,
inclinés sous une rafale, puis redressés avec lenteur, courant sur leur aire
les voiles battantes, ou fuyant vent arrière, la mâture ployée en avant.
Couchés sur leur pont pour diminuer la résistance, les hommes immobiles ont par
intervalle des gestes forts, précis, mécaniques, qui changent d’un coup
l’allure du bateau. L’âme des hommes et l’âme des barques est maintenant la
même. Leur sang bat au delà de leurs artères, jusqu’au fond de la quille
tranchante, jusqu’au sommet du flèche tendu. Leurs muscles travaillent dans le
gréement qui crie. Ils évoluent avec la barque, penchent, roulent, gémissent
avec elle. Il n’y a plus qu’un être vivant, puissant, aux multiples yeux
contractés d’attention, qui se meut pour la lutte parfois meurtrière, toujours
sans merci.
(…)
« Le Bon Pasteur » tombe
sur _l’Aimable Clara_ et les deux Aquenette s’insultent sauvagement, bord à
bord. Il n’y a plus de frères, mais des ennemis qui gesticulent comme des
singes fous. Soudain le foc du « Vas-y-j’en viens » se fend du haut
en bas et s’envole en guenilles.
(…)
Dans le sillage, des bras et une
tête se débattent, mais le patron commande:
--Tout le monde à son poste! Les
suivants le ramasseront!
Et c’est le Mab qui, au passage,
casse son aire, cueille l’épave humaine et continue la course. « L’Elga »
fuit toujours, cent mètres en avant, implacable. La pitié acquise au cours des
siècles s’est effacée du cœur des hommes; il n’y a plus que la bête de combat,
meurtrière. A bord des yachts élégants et des chaloupes frustes, l’animal est
le même, et la passion de vaincre son semblable, réveillée aussi formidablement
chez l’un que chez l’autre, fait éclater d’un coup, à la chaleur du sang, le
vernis des éducations.
Actualité cinéma du 11 décembre 2013
Elle continue de tourner autour du thème de la solitude. Robert Redford déclare, à la sortie de son film All is lost (USA, J.C. Chandor):
Oui on se sent seul, c’est l’époque. En Amérique les hommes politiques
ne pensent pas à nos intérêts, mais uniquement aux leurs. En outre la planète
entière est malade, alors on se sent seul, oui.
Les commenteurs n'hésitent pas à charger encore la barque avec le déjà ancien Odyssée de Pi (nous l'avons fait) ainsi qu'avec le récent et néanmoins précédent Gravity (USA, Alfonso Cuarón, avec Sandra Bullock et George Clooney).
Elle continue de tourner autour du thème de la solitude. Robert Redford déclare, à la sortie de son film All is lost (USA, J.C. Chandor):
Les commenteurs n'hésitent pas à charger encore la barque avec le déjà ancien Odyssée de Pi (nous l'avons fait) ainsi qu'avec le récent et néanmoins précédent Gravity (USA, Alfonso Cuarón, avec Sandra Bullock et George Clooney).
Au cours d'un voyage en solitaire à travers l'Océan Indien,
un homme découvre à son réveil que la coque de son voilier de 12 mètres a été
percée lors d'une collision avec un container flottant à la dérive. Privé de sa
radio et de son matériel de navigation, l'homme se laisse prendre dans une
violente tempête. Malgré ses réparations, son génie marin et une force physique
défiant les années, il y survit de justesse. Avec un simple sextant et quelques
cartes marines pour établir sa position, il doit s'en remettre aux courants
pour espérer se rapprocher d'une voie de navigation et héler un navire de
passage. Mais le soleil implacable, la menace des requins et l'épuisement de
ses maigres réserves forcent ce marin forcené à regarder la mort en face.
Pour sa première expédition à bord d'une navette spatiale,
le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l'astronaute
chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu'il s'agit apparemment d'une banale
sortie dans l'espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est
pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à
eux-mêmes dans l'univers. Le silence assourdissant autour d'eux leur indique
qu'ils ont perdu tout contact avec la Terre - et la moindre chance d'être
sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d'autant plus qu'à chaque
respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d'oxygène qu'il
leur reste.
Mais c'est
peut-être en s'enfonçant plus loin encore dans l'immensité terrifiante de
l'espace qu'ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre...
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