mercredi 18 juin 2014

Dans le rétro








Toujours regarder dans le rétro, pour mieux aller de l’avant !




            C’est une nouvelle rubrique, qu’il nous fallait bien ouvrir un jour ou l’autre, et dont l’occasion se présente maintenant, à la fin de notre saison 2013-2014 : voilà presque un an que notre blog existe, ce qui est peu et beaucoup à la fois.


NOCES EPHEMERES 
de REZA SERKANIAN



            Ciné-Rencontres : c’est toujours des rencontres, au moins avec les films, au moins avec le public. Mais, ce qu’il nous est impossible d’oublier, ce sont les rencontres avec les réalisateurs des films présentés. Et toujours, nous tenons à leur faire savoir que nous serions très heureux de les recevoir à nouveau dans notre salle. C’est pourquoi nous ne manquons jamais de leur demander s’ils ont des projets. Qu’on ne se méprenne pas : ça ressemble à un service après-vente, mais ce n’est pas un service après-vente. Le mot ne nous conviendrait pas. Il s’agit plutôt d’un service de continuité dans la fidélité, voire dans l’amitié. Dommage, il existe des préfixes pour dire avant et après, mais pas pour traduire la permanence. Inventons-en un pour l’occasion : il s’agit donc de semperfidélité, de semperamitié. Ça sonne un peu comme « super » : ce n’est pas si mal.
            Or il se trouve que Francis vient de nous faire savoir que Reza Serkanian a des projets. Reza Serkanian ne figure pas dans les archives de notre blog commencé fin 2013, étant donné qu’il nous a rendu visite début 2012. C’est loin ? Il nous semble au contraire que c’était hier, et nous sommes presque étonnés qu’il n’ait pas pris place dans notre créneau récent. Cette rubrique que nous inaugurons est un peu une façon d’y remédier, et nous espérons qu’elle sera nourrie de beaucoup d’autres réalisateurs qui viendront nous donner des nouvelles de leurs créations en cours, et - pourquoi pas ? - songer de nouveau à venir les présenter chez nous, au Ciné-Lumière de Vierzon.

            Nous ne tenions pas d’archives informatiques en ce temps-là. Cependant, en cherchant bien, j’ai retrouvé le bilan de la saison 2012 fourni au Berry républicain. En voici donc le début, jusqu’au premier paragraphe :


Les vacances sont là, et c’est le moment de faire le bilan des activités depuis le début de l’année, et surtout d’envisager les projets pour la rentrée.

LE BILAN

A la toute fin 2011, l’événement marquant fut la venue de Robert Hebras, le survivant, pour le film Oradour qui a touché un grand nombre de scolaires. Depuis, avec 11 animations en 6 mois, et compte-tenu des congés, le rythme de 2 animations par mois a été tenu. On se souviendra particulièrement de la venue des réalisateurs Reza Serkanian (Noces éphémères, l’Iran au quotidien), Lucas Belvaux (38 témoins, un crime à New-York) et Luc Leclerc du Sablon (Au prochain printemps, la France de la campagne présidentielle 2007). Mais ont également eu leur importance, grâce notamment à la présence de témoins très impliqués, des films comme Tous au Larzac, Les nouveaux chiens de garde, ou Marta, Marcy, May, Marlène, lequel, traitant de l’emprise des sectes, devrait même faire l’objet d’un rendez-vous ultérieur avec le spécialiste départemental de la question.

Eh oui, c’était le temps où nous avions une programmation bi-mensuelle (ce qui n’était déjà pas si mal !), avant que sous l’impulsion notamment de John nous passions à une séance hebdomadaire régulière, ce qui nous permettra de compter le nombre rond (c’est le hasard, mais il fait bien les choses) de 40 films pour notre saison 2013-2014.

            Sur le site du Ciné-Lumière, j’ai également retrouvé un article de présentation du film, ce qui est bien commode pour s’assurer de la date précise de la séance. Je pourrais me contenter de reproduire le lien qui y conduit, mais on perdrait le contenu s’il venait à être effacé. Deux précautions valant mieux qu’une nous nous l’approprions ici, à la fin de cette page, pour mieux rafraîchir et assurer nos souvenirs. Simple nostalgie superstitieuse ? Non : c’est au contraire une façon de mieux accueillir l’avenir.

            Si nous n’avons pas de trace écrite, nous avons des souvenirs. Forcément de bons souvenirs. Bien que dans un registre différent, nous pourrions reprendre ce que nous avons dit du film de Philippe Muyl que nous venons de recevoir. La Chine depuis Voltaire, la Perse depuis Montesquieu, sont pour nous des modèles d’exotisme, mais d’un exotisme si proche de nous qu’il nous permet d’interroger nos propres mœurs. L’intérêt de ces comparaisons ne se dément jamais. Sera-t-on frappé par les ressemblances ? On se réjouira alors de constater le caractère universel des coutumes humaines. S’étonnera-t-on au contraire de ce qui nous semble si lointain – Comment peut-on être Persan ? -, et on sera tout heureux d’apprendre quelque chose qui nous dépayse et que nous ne soupçonnions pas une minute auparavant. Tout le monde y gagne, le public, le réalisateur, et en fin de compte le film.

            Là encore nous arrivions avec quelques connaissances et beaucoup de préjugés. Nous savions par cœur les statistiques fournies par Journalistes sans frontières, par exemple, et nous devinions des vies dures et tristes. 

         Il fallut toute la patience et toute l’expérience vécue du réalisateur pour nous rendre sensible ce paradoxe : tout ce que nous savions n’était pas forcément faux, mais les gens ne vivent pas fondamentalement autrement que nous par ailleurs, connaissant beaucoup plus souvent que nous pourrions le croire des joies et des peines comparables aux nôtres. Avec la Chine, Philippe Muyl nous a rendu sensible et concret un paradoxe assez semblable.

          L’astuce, la débrouillardise, l’intelligence du quotidien sont sans cesse sollicitées et font souvent merveille. Là aussi, l’héroïsme des gens humbles s’accompagne souvent d’humour. Autre motif de rapprochement : l’importance des connaissances, pour ne pas dire des amitiés, qui peuvent débloquer, sur la marge des règlements, les situations a priori les plus inextricables. Ainsi le fonctionnaire qui permet l’enterrement du grand-père, comme, dans Le promeneur d’oiseau, le contrôleur du train qui ferme les yeux pour aider son ami.


            Nous avons par la suite, début 2013, présenté des films qui pouvaient eux aussi supporter le rapprochement. Nous n’avions pas alors les réalisateurs avec nous (ce ne peut pas toujours être le cas), mais nous avions toujours fraîchement en mémoire les informations précieuses de Reza Serkanian, et nous étions spontanément tentés de les transposer, à quelques nuances près, en Arabie saoudite ou en Afghanistan.
            Bref ce fut une soirée riche, une soirée comme nous les aimons et comme nous aimerions en avoir encore plus souvent, une soirée chaleureuse, utile et agréable. C’est un bon souvenir que nous avons grand plaisir à raviver ici. Pas seulement pour le plaisir de la nostalgie. Mais nous l’avons déjà dit…



Le rôle capital des femmes, dans le film comme dans la société.
(
Mahnaz Mohammadi, émouvante et forte à la fois).


 Les films suivants, 
pour lesquels ont aurait bien aimé une expertise de la même qualité.



Wadja, d’Haifa Al Mansour, 
film saoudien - allemand avec Waad Moahammed (la petite fille à bicyclette), 
6 février 2013.





Syngué Sabour – Pierre de patience, d’Atiq Rahimi, 
film français - allemand - afghan avec Golshifteh Farahani (forcément sublime), 
20 février 2013.



Voici comme promis la présentation de l'époque sur le blog du Ciné-Lumière. 
(A l'époque, nous commencions nos séances une demi-heure plus tard.)


Reza Serkanian, réalisteur iranien présente "Noces Ephemeres" Vendredi 17 Février à 21h

14 Février 2012

NOCES EPHEMERES
Film franco iranien de Reza Serkanian avec Hossein Farzi-Zadeh, Mahnaz Mohamadi, Javad Taheri... (1h18)


séance exceptionnelle en présence de Reza Serkanian, réalisateur du film Vendredi 17 Février à 18h au Palace de Romorantin et à 21h au Ciné Lumière de Vierzon avec Cinérencontres.


Une société qui étouffe les désirs et les aspirations individuelles. Une relation entre le jeune et fougueux Kazem et sa belle-sœur Maryam. Une ville iranienne où se pratique une coutume étrange : le mariage à durée déterminée.

Noces éphémères de Reza Serkanian : on ne badine pas avec l'Iran ?  

Il y a du Shakespeare et de la farce dans le premier long-métrage de Reza Serkanian. Ses Noces éphémères distillent de façon insidieuse le parfum réjouissant de la ruse. Celle, d'abord, de son cinéaste, qui a décidé de tourner dans son pays natal, et donc de jouer au chat et à la souris avec les censeurs iraniens.
 Un satyre surgit devant le portique d'une maison et nous entraîne dans une danse loufoque à travers les arabesques et les bassins d'une cour intérieur. C'est Aziz ( Javad Taheri, formidable Scapin), le père de famille, qui ravive la coutume des vagabonds costumés divertissant les villageois en échange de l'aumône. Poursuivant ses deux garçons, il met en scène son autorité dans un charivari plein de fantaisie.

La maisonnée dans laquelle nous pénétrons est pourtant régie par les femmes et la tradition qu'elles orchestrent dans une comedia dell'arte permanente. La vie quotidienne va se trouver chahutée par une suite d'évènements majeurs : la circoncision des deux petits, le retour de l'armée du fils bien-aimé, Kazem ( Hossein Farzi Zadeh), l'annonce de ses fiançailles avec Effat (Soheyla Kashef Azar), reportées par la mort inopinée du grand-père Hadji ( Dariush Asad Zadeh). Cette plongée intimiste dans une famille modeste est d'une authenticité rare et déroutante, parce qu'elle montre des êtres libres, jouant à composer avec les coutumes de leur pays et les drames de leur existence.
 Quelle heureuse impertinence dans l'ascendant que la mère de famille exerce sur son mari ! Le couple ne se parle pas directement mais use d'un langage métaphorique et des potentialités dramaturgiques du décor pour vivre son mariage. Ainsi, quand la femme n'est pas d'humeur à accomplir son devoir conjugal, elle le signifie à son mari en déplaçant sa couche auprès de la fenêtre. Celui-ci savoure, à l'inverse, la promesse d'une union charnelle quand son épouse lui demande de fermer la fenêtre! Ce vaudeville iranien se poursuit avec la cour que Kazem fait à Effat, à la faveur d'un marivaudage organisé autour d'un escalier central et de portes dérobées d'où surgit la belle pour échapper à son damoiseau.
 Après ce huit-clos feutré, le film s'ouvre à l'inconnu et au danger, par une sortie vers une ville de pèlerinage, où pourrait être enterré le grand-père. C'est dans cette seconde partie flottante que Reza Serkanian dresse à demi-mots le portrait brumeux d'un Iran incertain, où mollahs et policiers brident les inclinations vitales des citoyens. L'intrigue est alors prise de vertige, suggérant l'amour naissant et réprimé entre Kazem et Mariam ( Mahnaz Mohammadi), une jeune femme qui s'apprête secrètement à quitter son pays pour gagner l'Europe. Si cet éclatement narratif peut sembler une faiblesse, il constitue la force même de ces Noces éphémères, le point de fuite et d'interrogation d'un pays qui confesse sa fragilité comme un appel poignant murmuré à notre oreille.
 Par Elodie Vergelati




( Pour voir le retour de Reza Serkanian sur cet article : )















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