(dernière séance de la saison 2013-2014)
DANCING IN JAFFA
Né à Jaffa en 1944, Pierre Dulaine quitte son pays avec sa famille en 1948 pour s’installer à l'étranger. Après une carrière internationale accomplie de danse en couple, Pierre retourne à Jaffa pour réaliser son rêve : faire danser ensemble des enfants juifs et palestiniens.
Un témoignage touchant, drôle et joyeux montrant comment la culture peut faire exploser les barrières plus fortement que les discours.
CINÉ-DÉBAT VENDREDI 27 JUIN à 20h30
C’était une excellente soirée de clôture de notre saison
2013-2014, parce que le film était de qualité, parce que l’atmosphère y était
chaleureuse. Caractéristique aussi, un mélange d’optimisme (ça, c’est le propos du film) et de lucidité
sur les perspectives d’évolution, au moins à court terme, de la région du
tournage, et cela bien sûr grâce à l’expertise des responsables de Palestine 18
qui connaissent Jaffa pour y être allés.
Révélateur de l’excellente atmosphère qui régnait, l’absence totale de langue de bois et de réserve dans les propos, et, en même temps, un respect absolu des points de vue de l’autre. On a même assisté à des assauts d’amabilité : tel venant presque s’excuser de devoir ternir quelque peu le rêve proposé par le film, auprès de qui, en démarche inverse, s’excusait presque de trop de confiance en la nature humaine, et donnait des gages pour bien montrer qu’il ne s’agissait surtout pas faire abstraction du contexte réel. Ce contexte, à ce moment-là, pouvait faire craindre le pire, avec l'enlèvement de trois jeunes Israéliens. On connaît maintenant la suite terrible des événements.
Révélateur de l’excellente atmosphère qui régnait, l’absence totale de langue de bois et de réserve dans les propos, et, en même temps, un respect absolu des points de vue de l’autre. On a même assisté à des assauts d’amabilité : tel venant presque s’excuser de devoir ternir quelque peu le rêve proposé par le film, auprès de qui, en démarche inverse, s’excusait presque de trop de confiance en la nature humaine, et donnait des gages pour bien montrer qu’il ne s’agissait surtout pas faire abstraction du contexte réel. Ce contexte, à ce moment-là, pouvait faire craindre le pire, avec l'enlèvement de trois jeunes Israéliens. On connaît maintenant la suite terrible des événements.
Ce film est d’une certaine façon
un tour de force : ce n’est pas pour me vanter, mais plus imperméable que
moi à la danse de salon qui est loin d'être ma tasse de thé, ça n’existe pas (je laisse John hors du coup pour lui
laisser une chance de s’en sortir plus honorablement que moi). Eh bien, à la
fin, je me suis surpris à vivre cette aventure comme une véritable épopée. Rien
à voir, vraiment, avec les bluettes à la mode adolescente de concours de
groupes scolaires ou universitaires, plus ou moins rock ou plus ou moins rap,
qui prétendent faire monter la pression à grand renfort de pom-pom girls
constamment hystérisées.
C’est avant tout une prouesse
pédagogique, avec tout ce que cela suppose de bonheur, certes, mais aussi de doutes et de difficultés. Alternant habilement la colère et la tendresse, il s'investit toujours à fond, ne triche jamais, prend tous les risques, y compris physiquement, comme lors de sa visite à sa maison natale dont il est censé être le propriétaire, mais qui est sauvagement occupée par un autre.
La grandeur et la misère du pédagogue, c’est de devoir faire quelque chose et de le faire. Ensuite, viennent les commentateurs, lesquels peuvent toujours trouver à exalter ou critiquer ceci ou cela : on aurait pu faire mieux ou autrement, voire ne rien faire du tout. Beaucoup de points communs avec le cinéaste et ses critiques, finalement.
La grandeur et la misère du pédagogue, c’est de devoir faire quelque chose et de le faire. Ensuite, viennent les commentateurs, lesquels peuvent toujours trouver à exalter ou critiquer ceci ou cela : on aurait pu faire mieux ou autrement, voire ne rien faire du tout. Beaucoup de points communs avec le cinéaste et ses critiques, finalement.
Il y a des indices positifs
difficilement contestables. Une équipe de quinze danseurs pionniers
difficilement constituée, et on nous apprend à la fin qu’on doit les compter à
l’échelle du millier. Quelle sera ensuite l’évolution de la courbe ? Nul
ne le sait, mais c’est déjà une très belle réussite au moins dans cette
génération. La métaphore qui illustre le mieux cet accomplissement : la
jeune fille initialement fleur repliée sur elle-même, devenue parfaitement
épanouie ensuite. Un peu dans le même ordre, au début : Pierre Dulaine
expliquant aux parents une évolution des attitudes qui évoque l’évolution
humaine elle-même, dans sa conquête de la station debout, de plus en plus
debout, danseur finalement tout à fait digne et vertical, après que chacun a
débuté penché vers le sol avec un dos anormalement voûté…
Les temps les plus durs sont – et
c’est de bonne guerre cinématographique – probablement évacués au montage. Je
ne prétends nullement à l’infaillibilité dans ce domaine, mais j’ai trouvé que
c’était plus légitime ici que dans le contexte différent de La cour de Babel.
On ne dit rien par exemple des parents qui refusent catégoriquement que leur
enfant participe au projet, et on ne doute pas un instant qu’il a bien dû s’en
trouver.
La scène la plus forte dans ce cas
est probablement celle qui suit le choix des équipes que Pierre doit présenter
au concours. On ne nous cache pas la frustration, la colère, peut-être la rage
de dépit, de celles qui ont été éliminées, injustement à leurs yeux :
« Ce n’est pas vrai, vous n’avez pas choisi les meilleures ! »
Point de vue peut-être subjectivement déformé, mais peut-être pas. On peut
penser qu’il a retenu, non les meilleures, mais celles dont il a considéré
qu’elles en avaient le plus besoin. D’ailleurs, il ne fournit pas des
explication, il demande qu’on accepte ses excuses. Encore une fois, quel que
soit le choix pédagogique, il est toujours possible d’approuver ou de
contester…
Images et propos.
C’est Pierre jeune, et Yvonne, sur
l’écran. « Qu’ils sont beaux !… C’est eux… c’est vous !… Vous
dansez ensemble depuis trente-cinq ans et vous n’êtes pas mariés ! »
« C’est pas une religion, Arabe… - Non, musulman, c’est
la religion… - C’est pareil, tous les Arabes sont musulmans. - Non, il y a des
Arabes catholiques, comme la tante, dans la famille. »
« Pierre, il est quoi ?
Il n’est pas juif. Il n’est pas palestinien… Peut-être même qu’il est
anglais !»
Avec le chauffeur de taxi, Pierre
se sent palestinien. « J’étais là chez moi, vous entendez. J’ai dû partir
avec ma famille un fusil dans le dos. Que vous le vouliez ou non, c’est comme
ça. »
Et puis on s’est quittés sans chichis, mais non sans nostalgie. La
question du bilan est bien sûr évoquée, même s’il faudra un peu de temps pour l’affiner.
Mais enfin, 40 films proposés, un film chaque vendredi depuis Grand Central de
Rebecca Zlotowski avec Léa Seydoux du 13 septembre 2013, jusqu’à celui-ci, Dancing in
Jaffa, c’est pour le moins l’indice d’une saison bien remplie.
Encore une satisfaction qui fait le pont entre la fin et la
future reprise de septembre prochain : nous avons déjà deux propositions
de séances sur des thèmes forts, l’une autour du système bancaire, l’autre sur
le droit des femmes.
Dans cette histoire, les ségrégations à vaincre ne sont pas
que des ségrégations entre les communautés, ce qui est déjà beaucoup, ce sont
aussi des ségrégations entre les sexes, domaine où les préventions et les
préjugés sont certainement aussi nombreux. Il semble en effet plus facile
(moins difficile, tout est relatif) de réunir des garçons autour d’un match de
foot, ou, dans certains quartiers, autour de combats de boxe. En multipliant
les mixités – communautaires, sociales, sexuelles, culturelles – on multiplie
du même coup les difficultés.
En ce qui concerne les écarts culturels, on peut penser aux
prestiges associés aux activités diverses au cœur d’une même discipline. De ce
point de vue, il existera moins d’écart entre le public solllicité et la street
dance, par exemple, qu’avec la danse classique, pour ne rien dire de la
danse de salon, vite connotée de danse de « vieux bourgeois ». Dans
les quartiers défavorisés, Jean-Claude Gallotta se voyait régulièrement
accueillir comme représentant d’une danse de lavettes (les mots réels étaient
plus forts et plus homophobes). Il gagnait ensuite le respect de tous, une fois
perçues les qualités physiques et morales nécessaires pour accomplir cette
activité.
L’actualité récente, sur ce sujet, nous conduira par exemple
ici :
De la banlieue aux Ecoles d'Art
·
Les artistes se mobilisent pour transmettre leur Art aux
jeunes issus de milieux défavorisés. Depuis 2007 la Fondation "Culture et
Diversité" a permis a plus de 20.000 élèves issus de l'éducation
prioritaire, de découvrir la culture. Pousser la porte d' un théâtre, aller au
musée, au concert ou intégrer une grande école d'Art.
La diversité
des talents, des points de vue et des chemins parcourus est un facteur
d' enrichissement de notre société. C' est la devise de Marc Ladreit de Lacharriere président
de la fondation Culture et Diversité.
Ce grand patron de la finance est devenu mécène car il est convaincu que l' accès
à la culture permet aux populations défavorisées de s' intégrer. En 8 ans d'
existence la Fondation a permis à plus de 20.000 jeunes issus de milieux
modestes de découvrir toutes sortes de métiers et de disciplines artistiques .
S'intégrer grâce
à la Culture.
Certains sont allés
pour la première fois au théâtre, ont été acteurs au Théâtre du Rond Point à
Paris, ont visité un musée. D'autres ont découvert les Arts
plastiques où ont intégré une grande Ecole d'Art.
Devenir conservateur,
plasticien, architecte, réalisateur, ou danseur est devenu possible pour ces
jeunes qui parfois ne connaissaient même pas l'existence de ces métiers.
Le cinéaste Régis Warnier anime les ateliers égalité des chances à la Femis et prépare des jeunes au
Le cinéma et la
danse contemporaine dans les quartiers sensibles
Le chorégraphe Jean-Claude
Gallotta est issu d'un
milieu modeste, aujourd'hui il enseigne la danse aux jeunes des quartiers sensibles :"Il faut aller vers les autres,
essayer de comprendre leurs codes et leur transmettre nos valeurs, c'est comme ça
que nous réussirons une société plus harmonieuse".
Sept structures culturelles sont partenaires de la Fondation Culture et Diversité qui travaille avec 200 établissements scolaires et 40 grandes Ecoles de la Culture.
Sept structures culturelles sont partenaires de la Fondation Culture et Diversité qui travaille avec 200 établissements scolaires et 40 grandes Ecoles de la Culture.
Jean-Claude
Gallotta, né le 7 avril 1950 à Grenoble, est un danseur et chorégraphe français.
Fils d'émigrés italiens (de père napolitain et de mère
italo-autrichienne) venus à Grenoble, Jean-Claude Gallotta découvre la danse classique et les claquettes à 22 ans après des études d'arts plastiques aux Beaux-Arts de Grenoble. Subjugué par la discipline,
il quitte les Beaux-arts et réussit à s'imposer dans les cours de danse de
Grenoble.
Après
un séjour à New York de 1976 à 1978, où il étudie auprès de Merce Cunningham, il fonde en 1979
avec Mathilde Altaraz, son assistante
et compagne, le groupe Émile-Dubois avec lequel il va réaliser dès lors ses
plus importantes chorégraphies. Parmi celles-ci peuvent être cités Ulysse (revisité à quatre reprises), Mammame, Docteur Labus, ou
plus récemment Trois générations et L'Homme
à tête de chou. En 1995, Ulysse rentre au répertoire du corps de Ballet de l'Opéra de Paris qui lui commande par ailleurs en 2001 un
ballet intitulé Nosferatu et
donné à l'Opéra Bastille.
Également
directeur du Centre
chorégraphique national de Grenoble,
intégré à la MC2, Jean-Claude
Gallotta est considéré depuis le début des années 1980 comme l'un des plus
importants représentants de la nouvelle danse française dont il a largement participé à l'essor et
à la reconnaissance publique et institutionnelle.
LES ECHECS ANTI-ECHECS
Dans des
milieux réputés difficiles ou conflictuels, un autre type de défi consiste à
proposer une activité intellectuelle exigeant beaucoup de calme et de
concentration. Le jeu d’échecs répond parfaitement à ces deux critères.
On se
souvient peut-être que le film Brooklyn Castle (Katie
Dellamaggiore, 2012, 101mn) faisait partie de nos FILMS DESIRES et cela depuis
le « Carré d’as de nos vœux » dès décembre 2012 à l’occasion
de la nouvelle année.
Rappelons
brièvement le sujet : la crise bancaire, c’est-à-dire des banquiers
corrompus, menace l’investissement des élèves d’un collège américain qui, dans
un environnement pauvre (a below-the-poverty-line inner city junior high
school), se valorise en s’investissant dans des compétitions d’échecs.
Avec le directeur de l'école. |
Je n’avais jamais joué aux échecs… |
Dans une inspiration
analogue, j’ai pensé qu’il ne serait pas trop incongru de faire état de cet
article d’Europe Echecs d’avril 2014 qui relate une expérience de notre
championne d’échecs nationale, et 10e joueuse mondiale, Marie Sebag,
à la prison de la Santé.
Je suis loin d'être un commentateur d'échecs, mais je suis étonné de la qualité de cette partie (ouverture sicilienne avec 2-.... d6), et surtout de la manière dont le détenu résiste bien à Marie Sebag , laquelle, bien entendu finit par gagner. Cependant...
Gros plan sur un passage particulièrement pertinent pour notre propos :
Double curiosité pour moi :
Au 32e coup, c’est aux noirs (Marie Sebag) de
jouer, avec déjà un avantage sensible. Mais pourquoi ne sauve-t-elle pas son
fou (par exemple en E7), et le laisse-t-elle en prise en jouant le roi en h8?Première curiosité.
La seconde : le détenu (les blancs) ne prend pas le fou en F6, il
joue le pion en h7. Il aurait pourtant fait passer l’avantage dans son camp... Evidemment,
au coup suivant, Marie Sebag s’empresse de mettre son fou à l’abri en g7…
Etonnant, non ?...
Etonnant, non ?...
Gros plan sur un passage particulièrement pertinent pour notre propos :
Bachar
Koualy, né en 1958 à Damas (Syrie), est un joueur d'échecs français, organisateur d'événements,
directeur et rédacteur en chef de la revue Europe Échecs. Il fut en
1989 le premier grand maître
international français.
Il joue
d'abord pour le Liban, devient maître international en 1975, puis émigre
en France.
Il fut Champion de France en 1979, 2e en 1984 et 3e en 1991.
Il
devient GMI en 1989. Il est le premier
Français à obtenir ce titre.
Il joue
beaucoup moins depuis la fin des années 1980, s'investissant plus dans l'organisation
d'événements échiquéens. Il a notamment été candidat à la présidence de la Fédération internationale des échecs en 1994 et 1996.
Il
dirige la revue d'échecs Europe
Échecs depuis 1997.
L'actualité malheureusement s'obstine à ne pas nous lâcher sur ce sujet. Nous avons dit lors du débat à quel point nous avions des raisons de ne pas être optimistes dans le court terme. Nous ne pensions pas cependant que la réalité dépasserait à ce point toutes nos désespérances.
A l'échelon local, Palestine 18, notre partenaire de la soirée, s'est bien sûr exprimée sur la situation. Compte-rendu :
Berry républicain, 28 juillet 2014 |
Berry républicain 1er août 2014 |
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