samedi 28 juin 2014

DANCING IN JAFFA

40e séance avec débat
(dernière séance de la saison 2013-2014)



en partenariat avec 



DANCING IN JAFFA

Documentaire américain et israélien de Hilla Medalia. (2013 - vostf - 1h24)






Né à Jaffa en 1944, Pierre Dulaine quitte son pays avec sa famille en 1948 pour s’installer à l'étranger. Après une carrière internationale accomplie de danse en couple, Pierre retourne à Jaffa pour réaliser son rêve : faire danser ensemble des enfants juifs et palestiniens.
Un témoignage touchant, drôle et joyeux montrant comment la culture peut faire exploser les barrières plus fortement que les discours.



CINÉ-DÉBAT VENDREDI 27 JUIN à 20h30


C’était une excellente soirée de clôture de notre saison 2013-2014, parce que le film était de qualité, parce que l’atmosphère y était chaleureuse. Caractéristique aussi, un mélange d’optimisme  (ça, c’est le propos du film) et de lucidité sur les perspectives d’évolution, au moins à court terme, de la région du tournage, et cela bien sûr grâce à l’expertise des responsables de Palestine 18 qui connaissent Jaffa pour y être allés.

Révélateur de l’excellente atmosphère qui régnait, l’absence totale de langue de bois et de réserve dans les propos, et, en même temps, un respect absolu des points de vue de l’autre. On a même assisté à des assauts d’amabilité : tel venant presque s’excuser de devoir ternir quelque peu le rêve proposé par le film, auprès de qui, en démarche inverse, s’excusait presque de trop de confiance en la nature humaine, et donnait des gages pour bien montrer qu’il ne s’agissait surtout pas faire abstraction du contexte réel. Ce contexte, à ce moment-là, pouvait faire craindre le pire, avec l'enlèvement de trois jeunes Israéliens. On connaît maintenant la suite terrible des événements. 


Ce film est d’une certaine façon un tour de force : ce n’est pas pour me vanter, mais plus imperméable que moi à la danse de salon qui est loin d'être ma tasse de thé, ça n’existe pas (je laisse John hors du coup pour lui laisser une chance de s’en sortir plus honorablement que moi). Eh bien, à la fin, je me suis surpris à vivre cette aventure comme une véritable épopée. Rien à voir, vraiment, avec les bluettes à la mode adolescente de concours de groupes scolaires ou universitaires, plus ou moins rock ou plus ou moins rap, qui prétendent faire monter la pression à grand renfort de pom-pom girls constamment hystérisées.

C’est avant tout une prouesse pédagogique, avec tout ce que cela suppose de bonheur, certes, mais aussi de doutes et de difficultés. Alternant habilement la colère et la tendresse, il s'investit toujours à fond, ne triche jamais, prend tous les risques, y compris physiquement, comme lors de sa visite à sa maison natale dont il est censé être le propriétaire, mais qui est sauvagement occupée par un autre.

La grandeur et la misère du pédagogue, c’est de devoir faire quelque chose et de le faire. Ensuite, viennent les commentateurs, lesquels peuvent toujours trouver à exalter ou critiquer ceci ou cela : on aurait pu faire mieux ou autrement, voire ne rien faire du tout. Beaucoup de points communs avec le cinéaste et ses critiques, finalement.
Il y a des indices positifs difficilement contestables. Une équipe de quinze danseurs pionniers difficilement constituée, et on nous apprend à la fin qu’on doit les compter à l’échelle du millier. Quelle sera ensuite l’évolution de la courbe ? Nul ne le sait, mais c’est déjà une très belle réussite au moins dans cette génération. La métaphore qui illustre le mieux cet accomplissement : la jeune fille initialement fleur repliée sur elle-même, devenue parfaitement épanouie ensuite. Un peu dans le même ordre, au début : Pierre Dulaine expliquant aux parents une évolution des attitudes qui évoque l’évolution humaine elle-même, dans sa conquête de la station debout, de plus en plus debout, danseur finalement tout à fait digne et vertical, après que chacun a débuté penché vers le sol avec un dos anormalement voûté…

Les temps les plus durs sont – et c’est de bonne guerre cinématographique – probablement évacués au montage. Je ne prétends nullement à l’infaillibilité dans ce domaine, mais j’ai trouvé que c’était plus légitime ici que dans le contexte différent de La cour de Babel. On ne dit rien par exemple des parents qui refusent catégoriquement que leur enfant participe au projet, et on ne doute pas un instant qu’il a bien dû s’en trouver.
La scène la plus forte dans ce cas est probablement celle qui suit le choix des équipes que Pierre doit présenter au concours. On ne nous cache pas la frustration, la colère, peut-être la rage de dépit, de celles qui ont été éliminées, injustement à leurs yeux : « Ce n’est pas vrai, vous n’avez pas choisi les meilleures ! » Point de vue peut-être subjectivement déformé, mais peut-être pas. On peut penser qu’il a retenu, non les meilleures, mais celles dont il a considéré qu’elles en avaient le plus besoin. D’ailleurs, il ne fournit pas des explication, il demande qu’on accepte ses excuses. Encore une fois, quel que soit le choix pédagogique, il est toujours possible d’approuver ou de contester…


Images et propos.

C’est Pierre jeune, et Yvonne, sur l’écran. « Qu’ils sont beaux !… C’est eux… c’est vous !… Vous dansez ensemble depuis trente-cinq ans et vous n’êtes pas mariés ! »

« C’est pas une religion, Arabe… - Non, musulman, c’est la religion… - C’est pareil, tous les Arabes sont musulmans. - Non, il y a des Arabes catholiques, comme la tante, dans la famille. »

« Pierre, il est quoi ? Il n’est pas juif. Il n’est pas palestinien… Peut-être même qu’il est anglais !»

Avec le chauffeur de taxi, Pierre se sent palestinien. « J’étais là chez moi, vous entendez. J’ai dû partir avec ma famille un fusil dans le dos. Que vous le vouliez ou non, c’est comme ça. »







Et puis on s’est quittés sans chichis, mais non sans nostalgie. La question du bilan est bien sûr évoquée, même s’il faudra un peu de temps pour l’affiner. Mais enfin, 40 films proposés, un film chaque vendredi depuis Grand Central de Rebecca Zlotowski avec Léa Seydoux du 13 septembre 2013, jusqu’à celui-ci, Dancing in Jaffa, c’est pour le moins l’indice d’une saison bien remplie.


Encore une satisfaction qui fait le pont entre la fin et la future reprise de septembre prochain : nous avons déjà deux propositions de séances sur des thèmes forts, l’une autour du système bancaire, l’autre sur le droit des femmes.





Dans cette histoire, les ségrégations à vaincre ne sont pas que des ségrégations entre les communautés, ce qui est déjà beaucoup, ce sont aussi des ségrégations entre les sexes, domaine où les préventions et les préjugés sont certainement aussi nombreux. Il semble en effet plus facile (moins difficile, tout est relatif) de réunir des garçons autour d’un match de foot, ou, dans certains quartiers, autour de combats de boxe. En multipliant les mixités – communautaires, sociales, sexuelles, culturelles – on multiplie du même coup les difficultés.


En ce qui concerne les écarts culturels, on peut penser aux prestiges associés aux activités diverses au cœur d’une même discipline. De ce point de vue, il existera moins d’écart entre le public solllicité et la street dance, par exemple, qu’avec la danse classique, pour ne rien dire de la danse de salon, vite connotée de danse de « vieux bourgeois ». Dans les quartiers défavorisés, Jean-Claude Gallotta se voyait régulièrement accueillir comme représentant d’une danse de lavettes (les mots réels étaient plus forts et plus homophobes). Il gagnait ensuite le respect de tous, une fois perçues les qualités physiques et morales nécessaires pour accomplir cette activité.

L’actualité récente, sur ce sujet, nous conduira par exemple ici :



De la banlieue aux Ecoles d'Art

HISTOIRE D'ÉGALITÉ dimanche 22 juin 2014

·                               
Les artistes se mobilisent pour transmettre leur Art aux jeunes issus de milieux défavorisés. Depuis 2007 la Fondation "Culture et Diversité" a permis a plus de 20.000 élèves issus de l'éducation prioritaire, de découvrir la culture. Pousser la porte d' un théâtre, aller au musée, au concert ou intégrer une grande école d'Art.
 La diversité des talents, des points de vue et des chemins parcourus est un facteur d' enrichissement de notre société. C' est la devise de Marc Ladreit de Lacharriere président de la fondation Culture et Diversité. Ce grand patron de la finance est devenu mécène car il est convaincu que l' accès à la culture permet aux populations défavorisées de s' intégrer. En 8 ans d' existence la Fondation a permis à plus de 20.000 jeunes issus de milieux modestes de découvrir toutes sortes de métiers et de disciplines artistiques .

 S'intégrer grâce à la Culture.
       
Certains sont allés pour la première fois au théâtre, ont été acteurs au Théâtre du Rond Point à Paris,  ont  visité un musée. D'autres ont découvert  les Arts plastiques où ont intégré une grande Ecole d'Art. 


 Devenir conservateur, plasticien, architecte, réalisateur, ou danseur est devenu possible pour ces jeunes qui parfois ne connaissaient même pas l'existence de ces métiers.







Le cinéaste Régis Warnier anime les ateliers égalité des chances à la Femis  et prépare des jeunes au
concours très sélectif de la célèbre école de cinéma : "je suis convaincu que la diversité est une richesse pour l' ensemble de la société et pour tous les arts, en particulier le cinéma.  Ce milieu, contrairement aux apparences est  très fermé. Tout se fait par cooptation et l' accès aux métiers est réservé à ceux qui ont des relations ou un réseau."




Le cinéma et la danse contemporaine dans les quartiers sensibles

Le chorégraphe Jean-Claude Gallotta est issu d'un milieu modeste, aujourd'hui il enseigne la danse aux jeunes des quartiers  sensibles :"Il faut aller vers les autres, essayer de comprendre leurs codes et leur transmettre nos valeurs, c'est comme ça que nous réussirons une société plus harmonieuse".
Sept structures culturelles sont partenaires de la Fondation Culture et Diversité qui travaille avec  200 établissements scolaires et 40 grandes Ecoles de la Culture.




Jean-Claude Gallotta, né le 7 avril 1950 à Grenoble, est un danseur et chorégraphe français.

Fils d'émigrés italiens (de père napolitain et de mère italo-autrichienne) venus à Grenoble, Jean-Claude Gallotta découvre la danse classique et les claquettes à 22 ans après des études d'arts plastiques aux Beaux-Arts de Grenoble. Subjugué par la discipline, il quitte les Beaux-arts et réussit à s'imposer dans les cours de danse de Grenoble.

Après un séjour à New York de 1976 à 1978, où il étudie auprès de Merce Cunningham, il fonde en 1979 avec Mathilde Altaraz, son assistante et compagne, le groupe Émile-Dubois avec lequel il va réaliser dès lors ses plus importantes chorégraphies. Parmi celles-ci peuvent être cités Ulysse (revisité à quatre reprises), Mammame, Docteur Labus, ou plus récemment Trois générations et L'Homme à tête de chou. En 1995, Ulysse rentre au répertoire du corps de Ballet de l'Opéra de Paris qui lui commande par ailleurs en 2001 un ballet intitulé Nosferatu  et donné à l'Opéra Bastille.
Également directeur du Centre chorégraphique national de Grenoble, intégré à la MC2, Jean-Claude Gallotta est considéré depuis le début des années 1980 comme l'un des plus importants représentants de la nouvelle danse française dont il a largement participé à l'essor et à la reconnaissance publique et institutionnelle.


LES ECHECS ANTI-ECHECS


            Dans des milieux réputés difficiles ou conflictuels, un autre type de défi consiste à proposer une activité intellectuelle exigeant beaucoup de calme et de concentration. Le jeu d’échecs répond parfaitement à ces deux critères.

            On se souvient peut-être que le film Brooklyn Castle (Katie Dellamaggiore, 2012, 101mn) faisait partie de nos FILMS DESIRES et cela depuis le « Carré d’as de nos vœux » dès décembre 2012 à l’occasion de la nouvelle année.


            Rappelons brièvement le sujet : la crise bancaire, c’est-à-dire des banquiers corrompus, menace l’investissement des élèves d’un collège américain qui, dans un environnement pauvre (a below-the-poverty-line inner city junior high school), se valorise en s’investissant dans des compétitions d’échecs.







Avec le directeur de l'école.

Je n’avais jamais joué aux échecs…




            Dans une inspiration analogue, j’ai pensé qu’il ne serait pas trop incongru de faire état de cet article d’Europe Echecs d’avril 2014 qui relate une expérience de notre championne d’échecs nationale, et 10e joueuse mondiale, Marie Sebag, à la prison de la Santé.



















Je suis loin d'être un commentateur d'échecs, mais je suis étonné de la qualité de cette partie (ouverture sicilienne avec 2-.... d6), et surtout de la manière dont le détenu résiste bien à Marie Sebag , laquelle, bien entendu finit par gagner. Cependant...


Double curiosité pour moi :

Au 32e coup, c’est aux noirs (Marie Sebag) de jouer, avec déjà un avantage sensible. Mais pourquoi ne sauve-t-elle pas son fou (par exemple en E7), et le laisse-t-elle en prise en jouant le roi en h8?Première curiosité. 
La seconde : le détenu (les blancs) ne prend pas le fou en F6, il joue le pion en h7. Il aurait pourtant fait passer l’avantage dans son camp... Evidemment, au coup suivant, Marie Sebag s’empresse de mettre son fou à l’abri en g7…
Etonnant, non ?...













Gros plan sur un passage  particulièrement pertinent pour notre propos :



        Ne reculant, comme à mon habitude, devant aucune digression, je remarque en passant que l'auteur de l'article n'est pas le premier venu en matière d'échecs. C'est une manière d'hommage personnel, ayant pas mal suivi ses exploits à l'époque.



Bachar Koualy, né en 1958 à Damas (Syrie), est un joueur d'échecs français, organisateur d'événements, directeur et rédacteur en chef de la revue Europe Échecs. Il fut en 1989 le premier grand maître international français.
Il joue d'abord pour le Liban, devient maître international en 1975, puis émigre en France.
Il fut Champion de France en 1979, 2e en 1984 et 3e en 1991.
Il devient GMI en 1989. Il est le premier Français à obtenir ce titre.
Il joue beaucoup moins depuis la fin des années 1980, s'investissant plus dans l'organisation d'événements échiquéens. Il a notamment été candidat à la présidence de la Fédération internationale des échecs en 1994 et 1996.
Il dirige la revue d'échecs Europe Échecs depuis 1997.



L'actualité malheureusement s'obstine à ne pas nous lâcher sur ce sujet. Nous avons dit lors du débat à quel point nous avions des raisons de ne pas être optimistes dans le court terme. Nous ne pensions pas cependant que la réalité dépasserait à ce point toutes nos désespérances.
A l'échelon local, Palestine 18, notre partenaire de la soirée, s'est bien sûr exprimée sur la situation. Compte-rendu :

Berry républicain, 28 juillet 2014


Berry républicain 1er août 2014




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire