dimanche 20 avril 2014

LA COUR DE BABEL


(Précisions dans l'article du 1er avril)

Nous sommes 17...
... dépassons la vingtaine!









32e séance avec débat








LA COUR DE BABEL

Film documentaire de Julie Bertuccelli. (2013 - 1h30)

Soutien ACC (voir site ACC dans la liste des sites associés à notre blog).









Ils viennent d’arriver en France. Ils sont Irlandais, Serbes, Brésiliens, Tunisiens, Chinois ou Sénégalais... Pendant un an, Julie Bertuccelli a filmé les échanges, les conflits et les joies de ce groupe de collégiens âgés de 11 à 15 ans, réunis dans une même classe d’accueil...
Un regard vivifiant, sans ombre ni faux-semblants sur une France plurielle dans le microcosme d'une salle de classe. Une pépite à partager sans tarder.

 CINÉ-DÉBAT VENDREDI 18 AVRIL à 20h30

Entre ceux qui croyaient au film et ceux qui n’y croyaient pas, une infinité de nuances se sont manifestées. Pour autant qu’on puisse en juger à vue de public, la majorité étaient dans la lignée de la plupart des films précédents, dont le très récent A ciel ouvert sur les enfants handicapés (il était même question d’un jeune Irlandais chez lequel on a diagnostiqué dans sa petite enfance un léger Syndrome d’Asperger), c’est-à-dire qu’on ne boudait pas son plaisir de respirer une bouffée d’optimisme dans une période qui n’en donne pas si souvent l’occasion. Il en était largement de même, on s’en souvient, avec Sur le chemin de l’école.

            On ne boude pas son plaisir, on ne retient pas non plus son admiration. Mais l’esprit critique, là encore, n’est pas absent. Et ce n’est pas forcément une opposition de point de vue entre personnes différentes. Il est permis, chez le même spectateur, de vivre avec des proportions diverses cette tension à l’intérieur de lui-même.
            On ne peut s’empêcher, dans le même temps où l’on veut croire à cette belle utopie, que la réalité des classes d’accueil qui existent ailleurs en France, et des classes qui ne sont pas d’accueil mais qui devraient bien l’être, n’est pas globalement celle qu’on nous montre. Qu’a révélé de plus clair la dernière enquête PISA ? Que le système éducatif français ne devait pas tellement s’apprécier en termes de résultats globaux. Une large élite continue d’avoir des résultats élevés, et la moyenne médiocre révèle surtout un grand nombre, à l’autre extrémité du classement, en grande difficulté. Bref, le système est surtout remarquablement inégalitaire.
Et à l’intérieur même de cette école, on peut bien imaginer sans grand risque d’erreur que des situations plus délicates, voire des échecs douloureux, n’apparaissent pas dans le film. Ce que la lame du filmage n’aura pas supprimé, celle du montage l’aura coupé aisément. C’est le choix de la réalisatrice, et cela ne sera pas contesté. Simplement on peut retenir que d’autres points de vues, suscitant des films beaucoup plus pessimistes sur la même réalité, sont également possibles. Auraient-ils le même degré d’assentiment et de soutien de la part des protagonistes et des institutions concernées ? C’est évidemment très peu probable.

            A partir de ce cas précis, une réflexion sur la langue maternelle et sa substitution par une langue nouvelle – la langue d’accueil – a été menée. Là encore, une ambivalence a été mise en lumière : c’est un déchirement, et c’est aussi une chance. Il n’est pas sûr que le déchirement soit moindre chez ceux qui sont le plus convaincus que ce passage est pour eux une chance extraordinaire. Savoir qu’il faut se réjouir de cette amputation d’une part aussi intime de son passé n’est pas forcément au bout du compte moins douloureux que d’avoir toutes les raisons objectives de s’en affliger.
            John l’a rappelé : on habite sa langue au moins autant qu’on habite un pays, et il a opportunément cité Cioran à ce propos. Cette pensée nous a ensuite tout naturellement conduits à évoquer les écrivains qui ont construit leur œuvre dans une autre langue que leur langue d’origine, avec plus ou moins de bonheur, en ne manquant pas de donner à ce mot son double sens de plaisir et de réussite.

On peut raisonnablement soutenir que l’art théâtral s’accommode mal du filmage. C’est un art du direct, de l’instant, de la relation éphémère (mais d’autant plus précieuse) avec le public qui vit le même temps que l’acteur. L’enseignant est un acteur encore plus absolu de ce point de vue. Comme dans la physique quantique où l’observateur change par sa seule observation la nature du phénomène qu’il prétend observer, un regard tiers dans la relation pédagogique la dénature radicalement. Le regard tiers, ce peut être n’importe quel adulte – inspecteur, directeur (principal ou proviseur), parent, ou une caméra. Le « faites comme si je n’étais pas là » est au mieux une convention si on n’y croit pas, au pire une ânerie si on y croit. On peut faire un bon cours dans ces conditions, mais ce n’est pas un vrai cours. Le vrai cours, c’est celui qui s’adresse entièrement et exclusivement aux élèves. S’il y a la moindre déperdition, vous obtenez autre chose. Je dis le cours, mais il en est de même de tout ce qui fait partie de la vie à l’intérieur de l’école. Les réunions où l’on fait le bilan devant les parents – c’est exclusivement ce qu’on voit dans le film – sont aussi de cette nature. C’est pourquoi les films sur l’école m’ont toujours paru aussi exotiques que les films ethnologiques sur les peuplades lointaines : sans rapport convaincant avec ce que je vivais au quotidien. Mais encore une fois rien n’oblige le cinéaste à se plier à cette exigence de devoir rendre compte d’une réalité authentique. Il fait son œuvre, et c’est son droit. Que le film ensuite soit à classer dans la catégorie des films « qui font du bien », ou à compter au nombre des films de propagande (et il en est d’ailleurs d’excellents et de très utiles), c’est le droit du spectateur.

          Cette cour de Babel fonctionne  à l’envers de la tour de Babel biblique, où le mouvement s’effectue vers la confusion des langues à partir de l’unité . Ici, c’est la pluralité des langues qui est donnée au départ, et c’est l’acquisition d’une langue commune qui est obtenue à la fin.
             Si le film vient nous dire qu’on peut et qu’on doit faire fonctionner le modèle laïc et républicain à la française, je n’ai aucune objection à faire, bien au contraire. Si on veut nous dire tout benoîtement qu’il fonctionne tranquillement, et qu’on n’est pas actuellement mais aussi depuis pas mal de temps, en train de l’abîmer gravement, alors mes objections sont immédiatement nombreuses et fortes. On a beau faire, je ne marche plus. 

  
  

            C’est à mon sens un film à voir, mais certainement pas pour les raisons que j’entends et que je lis à longueur de critiques, et dont « Le masque et la plume », l’émission de France Inter que j’aime bien par ailleurs, me paraît tout à fait représentatif. C’est ainsi qu’on m’invite, moi spectateur, à l’admiration. Admiration pour cette enseignante qui fait « un travail formidable » avec des élèves difficiles, ou en détresse, ou les deux. Là dessus un débat s’engage sur le statut des élèves : l’un des critique ose dire qu’ils sont « retardés ». Pas du tout, finit-on par corriger, ils sont en rattrapage en ce qui concerne la maîtrise au moins initiale de la langue française, mais par ailleurs, ils sont pétillants d’intelligence, ils ont soif d’apprendre, ils sont pétris de qualités. On parle même de séduction permanente, telle petite est absolument « craquante », telle autre est une « boudeuse charmante. Et c’est vrai, les plans serrés en légère contre-plongée qui constituent l’essentiel du film en témoignent suffisamment. Bref, dès le début du film, on sait déjà que c’est gagné, qu’il faudrait vraiment être extraordinairement maladroit pour connaître l’échec avec un effectif de départ aussi remarquable et remarquablement motivé. Avec, cerise sur le gâteau, les parents derrière, qui poussent pour que leurs enfants travaillent le mieux possible dans l’école à laquelle ils ont une chance inouïe d’appartenir. Et qui font des sacrifices. « C’est dur, la vie à Paris ! » martèle cette maman irlandaise qu’on devine vraiment héroïque, elle. Mais alors, il faut être logique : où est le mérite de l’école dans ces conditions plutôt privilégiées, au regard de ce que connaissent bien d’autres établissements en France ? Corneille l’a bien dit : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! » Si je reconnais qu’il y a là « héros » ou « héroïne », ceux que je connais, ceux que chacun peut côtoyer au quotidien, qu’on ne filmera jamais, qui ne seront jamais présentés comme des vedettes, sont à côté de véritables Super-héros Marvel. Ceux-là ne se collettent pas avec des beaux, gentils, remplis de bonne volonté. Ils sont confrontés, par choix ou au contraire par absence de choix, à des affreux, sales et méchants d’un tout autre calibre. Ils y laissent parfois leur vie ou leur santé. Excusez-moi alors de ne pas tomber en pâmoison quand on m’invite à admirer des dresseurs de moutons. Ceux qui affrontent les vrais fauves me paraissent seuls mériter cette postulation. Pour le travail remarquable, il faut faire confiance, car on en voit vraiment peu de chose. Comme dans la tragédie classique selon Hugo, on ne donne à voir que les mains, les coudes (et tout le reste) sont largement restés en coulisse. Alors on admire l’efficacité de la parole ? Toujours calme, toujours performative. Le problème sensible de la laïcité dans un tel mélange de culture ? Une phrase suffit à tout régler : « Dieu n’est pas dans la classe. » Quasi divin, mais pas exportable partout. J’en connais qui à partir de là entreraient dans une fureur agressive et incontrôlable. Mais ils ne sont pas dans cet établissement, c’est heureux pour la réalisatrice et l’enseignante. Les assistants, à la piscine, ne sont pas d’une autre nature. « Alors, tu vas sauter, ma grande, on ne va pas attendre ici tout l’après-midi. » Impressionnant ! Ou encore : « Si tu veux qu’on te donne un bonnet, j’attendrai que tu le demandes gentiment. » Et l’élève, forte-tête, sans doute, ne cède pas, attend sur le bord, regarde les autres. Quelle autorité ! Mais les vrais durs ne se comportent pas ainsi, attendant sagement – c’est le mot juste – que les choses se tassent. J’aurais voulu voir la gestion d’une vraie situation difficile. On ne l’aura évidemment jamais. A moins qu’on ne nous présente ainsi, autre imposture, la scène sur le soupçon de racisme de la part de l’élève qui redouble : « Vous ne me faites pas passer, parce que je suis noire ! » Deux mots en face pour dire que non, ce n’est pas cela, et puis on coupe. Ce sera réglé hors film. Et l’harmonie se rétablira comme par miracle, sans témoin du processus, pour une fois un peu délicat. Dans la coulisse, les coudes ! Ce que j’en retiens n’a vraiment rien d’admirable. J’y vois même pour le moins une fâcheuse maladresse, et pour le pire une vraie faute professionnelle. Alors qu’on place une élève dans la contradiction, en effet difficilement défendable, d’une double annonce de félicitation unanime des professeurs d’une part, et d’un avis de non passage dans la classe supérieure d’autre part, on donne les justifications a posteriori : des efforts certes reconnus, mais des résultats encore insuffisants. C’est pourtant élémentaire, pour quiconque est du métier, de savoir que dans ce cas hautement prévisible il est essentiel d’anticiper. Au moment d’une décision de ce type, il est impardonnable qu’une élève ne soit pas préparée, et qu’elle en subisse le choc au dernier moment. Là je n’admire pas, je m’indigne carrément.

            Alors à rejeter en bloc, ce film ? Non, j’ai commencé en disant qu’il avait beaucoup de qualités. Pas celles que je viens de démythifier, mais d’autres, dont on parle aussi et qui sont bien réelles celles-là. Il est agréable à regarder, et on ne s’ennuie à aucun moment, et c’est déjà une performance cinématographique. On y défend des valeurs, et on y met en scène avec une belle efficacité, des observations qui n’ont rien de blâmables, bien au contraire. L’amour pour la langue française et le langage en général, la façon dont ce langage façonne une vision du monde nouvelle et une nouvelle personnalité humaine, tout cela est passionnant à observer. Et la musique de ces différents accents est un vrai enchantement pour l’oreille, y compris et peut-être même surtout, dans les « maladresses » (il faudrait là un autre mot) avec lesquelles les adolescents s’approprient, d’une façon on ne peut plus charmante, la langue française. Il y a des moments de vrai bonheur et d’émotion non forcée. Pour toutes ces (bonnes) raison, à mon sens, le papa Jean-Louis Bertuccelli, qui vient malheureusement de nous quitter le 6 mars de cette année, aurait sans nul doute été très fier de sa fille Julie.


Une émouvante interview (2011).








           Le Collège La Grange-aux-Belles, au Nord-Est de Paris, près du canal Saint-Martin, mais aussi de l’Hôtel du Nord, de la place du Colonel Fabien, de la gare de l’Est, de l’Hôpital Saint-Louis, de l’Institut Supérieur de l’Image et du Son (ISIS).

           Je me suis rendu sur le site du collège pour voir s'il y aurait des échos importants de cette célébrité cinématographique. Sauf maladresse de ma part, je n'ai rien trouvé d'immédiatement spectaculaire. Simplement ceci sur le cinéma :


Le samedi 22 juin, les élèves du collège présenteront leurs projets préparés tout au long de l'année. Voici le programme :
  
9h00 : Paris prend de la hauteur
Organisatrices : Mme BERNOT, Mme LAVIT, Mme LARTIGUE

9h30 : A.S STEP
Organisatrice : Mme ULM

9h45 : spectacle des élèves d’ENSA
Organisatrice : Mme PETIT

10H35 : Film de la classe d’accueil
Organisatrice : Mme MAGUET

11H05 : Accompagnement éducatif cirque
Organisatrice : Mme ULM


11h20 : productions d’élèves de 4A (Sports, sciences et handicap)
Organisatrices : Mme LEPINEUX, Mme BOOS, Mme MARTIN



       En revanche, le projet d'établissement du collège paraît parfaitement en phase avec ce qu'on voit dans le film :



Projet d’établissement

3.     Accompagnement des élèves non-francophones

Les élèves de la classe d'accueil bénéficient d'un enseignement en mathématiques, en histoire-géographie,  en EPS et en anglais, complément de leur apprentissage du français. Des séances d'initiation à la natation ont pu être mises en place cette année à destination des élèves de cette classe.
Pour les anciens élèves non-francophones, 2 heures de soutien en français ont été dégagées sur le service d'une enseignante pour approfondir l'apprentissage et favoriser l'intégration.

4.     Ouvrir l'école aux parents pour réussir l'intégration
Afin de faciliter la compréhension du système éducatif, une meilleure intégration et un suivi plus efficace de leur enfants, des heures d'apprentissage et / ou de renforcement sont proposées aux parents non-francophone, parents du collège ou parents des écoles du secteur.
4 heures d'enseignement sont ainsi assurées par l'enseignante en charge de la classe de FLEI.
L'information sur ce dispositif a été communiquée aux écoles de différentes manières :
Ø  Distribution de plaquettes multi-langues dans les écoles
Ø  Diffusion sur le site du collège
Ø  Information par la coordonnatrice du réseau de réussite scolaire


      Dans la rubrique "critiques" du site de Télérama, je pioche ceci :

"Ce film décrit malheureusement une réalité en train de disparaître. Le public découvre la classe d'accueil alors qu'une circulaire de 2012 y met fin, académie après académie. Cette structure est remplacée par les UPE2A afin de faire des économies en termes de postes, surtout dans les disciplines telles que l'histoire géo, les maths, les sciences qui étaient aussi présentes en classes d'accueil et qui disparaissent pour que les élèves allophones soient intégrés en classes dites "banales", déjà chargées, où les enseignants n'ont pas de formation spécifique pour les accueillir... "

   "D'abord parce que les élèves sont plus "âgés" et donc moins "innocents" ou tout au moins, moins "sincères" même s'ils démontrent des qualités humaines d'écoute entre eux (lors de la chanson ukrainienne, du concert de violoncelle, des interventions, etc...) , qui m'a fait penser qu'ils appartiennent plutôt à un certain "milieu"...."

     "Le film est chaleureux à sa façon, mais montre une école un peu idyllique, ou en tout cas édulcorée des véritables problèmes de l'enseignement..."


      Sur le site du CAFE PEDAGOGIQUE :

    "Evoquant les élèves, devenus sous son regard des personnes et des personnages, la cinéaste constate : « Tous sont des enfants courageux, matures, qui portent des responsabilités très lourdes et affrontent leur destin ». Nous revient alors en écho l’affirmation d’une élève : « Je suis venue en France pour être une femme libre ». « La cour de Babel » démontre, simplement, comment une classe d’accueil devient le creuset de ce désir d’émancipation et accomplit la promesse de l’école républicaine."

   "Une hirondelle ne fait pas le printemps. À côté de belles réussites, le système éducatif français expose un échec collectif cuisant au regard, justement, des principes républicains, avec un renforcement des inégalités. Le caractère pompeux du titre apparaît donc comme fortement décalé."

   Sur le site du NOUVEL OBS :
   "C'était un peu un prétexte pour voir ce que c'est que de vivre ensemble quand on vient de tant de pays différents, qu'on a tant de religions, d'histoires personnelles, de trajectoires, de langues différentes, et comment l'apprentissage du français est un vecteur super fort d'intégration", explique la réalisatrice Julie Bertuccelli. Elle voulait aussi montrer que "cette différence est une grande richesse, surtout aujourd'hui avec tous les discours nauséabonds qu'on entend""C'est des mômes hyper courageux. Ils ont traversé beaucoup de difficultés, ce qui les a rendus très matures", souligne la cinéaste, César du meilleur premier film pour "Depuis qu'Otar est parti". Il y a aussi "des filles souvent qui parlent de pays où elles sont maltraitées". Etre ici "est une chance pour eux, ils le savent, ils ont une volonté incroyable de s'intégrer".
"A cet âge d'éveil dans des situations qui sont difficiles pour beaucoup (…) ils ont l'écoute des autres, la tolérance, l'envie de s'enrichir les uns des autres", salue le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon, allé défendre ce film à l'avant-première et sur un plateau télé.

"C'est de la dentelle, ce genre de montage", indique Julie Bertuccelli, concédant qu'il a fallu faire des choix cornéliens pour retenir 1h30 d'une année.
  
    "Sérieux qui va payer pour aller voir ce "documentaire " ( je suspecte que tout a été fait pour qu'il donne une vision positive des choses... vu les déclarations de la réalisatrice) ? "


     "Totalement investie dans son sujet, Julie Bertuccelli se défend d'avoir réalisé une œuvre militante. "Dire que l'intégration est un cocon universel, c'est une valeur qui parle à tout le monde, non ?" La cinéaste reprend volontiers à son compte une phrase de Camus : "Les instituteurs sont ceux qui instituent l'humanité aux gens." Cette Cour de Babel est pleine de petits miracles."




UNE ETUDE DE CAS REALISTE


Dans l’article de ce blog où aucun nom n'est cité, sans malentendu ni d'attaque ad hominem, je reconnais le type de dilemme, moins rare qu’il y paraît, auxquels sont susceptibles d’être soumis les enseignants dans leur pratique quotidienne. Petite précision d’esprit de clocher : l'auteur de ce blog orléanais a quelque lien avec Vierzon, puisqu’il a entraîné l'équipe de rugby des SAV il y a quelques années.

file:///C:/Users/JM/Downloads/Cas%20de%20conscience%20-%20Chroniques-ovales.htm

12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 06:56



Segpa possible
Parole contre parole.

Une fois encore mon extraordinaire classe revient sur le devant de l'actualité. Il n'est pas un mois sans que ne sorte une affaire déplorable, une situation alarmante ou bien un fait délictueux. Il faut s'y faire ; notre société est malade et des jeunes, plus en difficulté que d'autres, amplifient à l'extrême les soubresauts d'une civilisation qui fait naufrage.
Lors d'une séance de piscine où les élèves recevaient une initiation à la plongée en bouteille, deux garçons auraient (puisque le conditionnel doit s'appliquer pour éviter tout risque de poursuite) tripoté allègrement une jeune fille sous l'eau. Ils étaient hors de ma surveillance puisqu'ils avaient fini leur plongée et nageaient tandis que je suivais des yeux leurs camarades en immersion du bord du bassin.
Cette activité se déroule avec des plongeurs bénévoles issus d'une association sous l'égide d'un grand parfumeur orléanais. Les plongeurs étaient naturellement sous l'eau avec les élèves. Voilà brièvement présenté le contexte.
Le jour même, la jeune fille, victime de ces deux garçons, n'a rien dit. Ce n'est que le lundi matin que ses camarades ont fait état de son mal-être. Petit à petit cette dernière a fini par nous expliquer ce qui s'était passé sous l'eau. Elle avait dû subir des gestes particulièrement déplacés qui l'avaient choquée.
Dans un premier temps, elle nous a demandé de ne point alerter sa famille. Elle avait honte ; craignait la colère de son père et redoutait la réaction de sa mère. Puis petit à petit, elle finit par accepter que sa mère fût mise au courant. La famille vint nous rencontrer et j'avoue qu'elle resta parfaitement digne dans son indignation retenue. Hélas, pour des raisons qui lui sont propres, la famille refusa de porter plainte.
C'était donc à la justice scolaire de trancher. Le conseil de discipline fut donc convoqué. Et c'est là que désormais se pose pour moi un cas de conscience particulièrement délicat. Un des garçons a reconnu les faits. Son passif dans l'établissement étant particulièrement lourd, il fut exclu. Le second s'enferma dans une stratégie de dénégation que nous rencontrons de plus en plus souvent avec cette génération. Il fut blanchi !
Il nous faut désormais faire cohabiter au sein de la classe, l'agresseur supposé et la victime, puisque le conseil de discipline, organisme souverain, en a décidé ainsi. Pouvais-je reprendre le cours des choses en feignant de croire que rien ne s'était passé ? C'était au-dessus de mes forces. Comment désormais travailler avec ce garçon dont je suis persuadé de la culpabilité et que je retrouve renforcé par cette sentence ? Comment surtout rasséréner une jeune fille doublement victime ?
Le conseil de discipline n'a pas statué sur ce cas, faute de preuve. La parole de la victime ne serait donc pas une preuve ? On retrouve ici bien des travers du traitement des violences faites aux femmes. Il suffit de nier pour échapper à la juste punition. Le garçon, dans sa logique entêtée, se sent conforté. La jeune fille, devant cette remise en cause implicite de ses déclarations, est humiliée.
Je la vois : tête basse, angoissée, elle vit mal ce triomphe de celui qui l'a niée en tant qu'individu, qui a voulu qu'elle soit sa chose, l'espace de quelques instants de jeu pour lui, d'une éternité pour elle. Je compatis. Je suis même parfaitement scandalisé. Il me faut la soutenir et je veux que celui qui pérore en rabatte un peu …
Je prends la parole devant le groupe. Mesurant chacun de mes propos, je tiens à peu près ce discours : « Le conseil de discipline a tranché et nous ne pouvons pas revenir sur sa décision. Cependant je suis confronté à un cas épineux. Dans la classe, il y a forcément un menteur puisqu'un l'une accuse et que l'autre nie. J'ai la conviction que celui qui a menti n'est pas la victime mais l'agresseur, pourtant lavé de ce soupçon … »
« Je ne peux garder pour moi cette pensée. Je tiens à dire publiquement à la jeune fille mon soutien. Je tiens tout autant à affirmer à votre camarade le peu de respect que j'ai pour ce que je juge être sa lâcheté. Son camarade a avoué et est exclu. Lui a nié et est encore ici. Où est la justice ? En tout état de cause, nos relations ne peuvent plus être placées sous le signe de la bienveillante neutralité ,au nom même de celle qu'il a humiliée. ... »
Le regard de la jeune fille en disait long. J'ai vu dans ses yeux une reconnaissance infinie, un soulagement énorme. Je lui reconnaissais devant la classe son statut de victime, de femme outragée. J'avais parlé ainsi pour qu'elle retrouve un peu de cette dignité qu'une instance officielle lui a partiellement niée. Je ne pouvais faire moins.
Le garçon me regarde, haineux. Il n'accepte pas mes propos, ne change pas d'un iota son système de défense. Je lui affirme que je ne peux rien et ne ferai désormais rien contre lui mais que je me devais de lui dire le fond de ma pensée. Pour moi, c'est un cas de conscience et je n'ai jamais triché sur ce point devant les élèves.
Un comparse finit par prendre la parole alors que jusque-là, le silence était particulièrement éloquent. « Laisse faire ; ils ne peuvent rien. Il n'y a pas de preuve contre toi ! » Voilà, l'argument clef des petites frappes du quotidien. « Vous n'avez pas de preuve ! » Et même devant l'évidence, ils maintiennent cette posture qui les dédouane de toute responsabilité. Mais comment peut-on se construire ainsi ?
Il me reste deux mois à tenir avec ce groupe. Je sais maintenant que mes relations avec ce garçon seront plus que tendues. Je ne pouvais faire comme si rien ne s'était passé. J'ai posé ouvertement la parole d'un adulte consterné. J'ai agi en conscience, en dépassant sans doute les limites de ma fonction. Mais comment faire autrement ?
Immoralement sien.


UN AUTRE CAS, DE MEME SOURCE.

Jusqu’au bout de la farce
21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 06:15
Le temps ne fait rien à l'affaire.
Je sors d'une formation à la baladodiffusion qui me laisse pantois. Ainsi donc, nos chers responsables s'apprêtent à nous demander de consacrer nos jours et nos nuits à préparer des cours de plus en plus sophistiqués avec les moyens nécessairement modernes pour satisfaire aux exigences d'une jeunesse exclusivement branchée ! Et pour ceux qui auront encore un peu de temps, il leur faudra encore communiquer par mails ou par d'autres moyens tout autant virtuels afin de poursuivre l'imprégnation de nos chères têtes blondes.
Je vais tenter d'expliquer la chose aux quidams qui pensent encore qu'enseigner c'est établir une relation frontale et néanmoins bienveillante entre un groupe d'élèves et un adulte. Tout cela va disparaître au profit d'une panoplie de plus en plus délirante de suggestions alternatives, modernes forcément, virtuelles nécessairement et numériques par essence divine.
Le stage en question voulait nous inciter à munir nos chers élèves de MP3 à des fins didactiques. Ils vont sourire sans doute devant cette manipulation grossière qui ferait passer leur merveilleuses boîtes à musique pour des répétiteurs portables. Le cours enregistré, pourquoi pas ? Il est vrai que l'écoute est désormais si fragile qu'une bonne bande son nourrira un peu plus les ânes inattentifs !
Mais il faut aller plus loin et naturellement individualiser le message, l'adapter au niveau de chacun, le modifier en fonction des compétences langagières des uns et des autres. Accélérer le débit pour celui-ci, ralentir le rythme et laisser des blancs pour cet autre. Une bonne trentaine de messages différents, enregistrés par un moine de l'enseignement qui établira sa cellule dans son collège afin de pouvoir mener à terme cette tâche démentielle …
Mais non, je suis stupide ! au collège, ce n'est guère possible puisque le matériel y est obsolète ou bien en panne, que les moyens ne permettent pas de réaliser de telles prouesses et que les connexions y sont si lentes, qu'il ne pourrait jamais remplir son apostolat. Non, c'est chez lui que ce missionnaire de la cause perdue devra effectuer cet immense travail et qui plus est, avec son propre matériel.
C'est d'ailleurs par souci de réciprocité qu'il sera demandé aux élèves eux-mêmes de s'acheter le nécessaire à cette folle entreprise. Remarque au passage : si l'envie lui manque de travailler par lui-même, le cher élève mettra alors des bâtons dans les roues du stakhanoviste de la cause pédagogique en oubliant le précieux matériel, ce qui anéantira tous ses efforts ...
Puis, s'il reste encore un peu de temps et d'énergie à ce dément du travail volontaire, il lui faudra effectuer quelques montages vidéos pour agrémenter ses cours d'images chocs ou révélatrices, d'extraits de films ou de publicité pour coller toujours davantage à la modernité : la seule référence qui compte désormais dans ce métier aux prises avec une extraordinaire mutation.
Le courageux enseignant, totalement pris par sa tâche, n'aura pas remarqué le départ de son épouse, excédée de le voir ainsi travailler comme un damné pour des queues de cerise et le mépris de la population. Il se consolera de cette cruelle absence en se lançant dans une veille permanente afin de répondre aux mails de ses élèves, de corriger les travaux numériques envoyés par la toile, cette immense piège gluant.
Voici, c'est ainsi que se rêve ou se prépare le futur métier de professeur. Un être, attaché jour et nuit à son ordinateur pour préparer, corriger, moduler, évaluer, organiser des cours, des exercices, des animations tout en n'oubliant pas de se rendre parfois en classe afin de se rendre compte que tous ses efforts sont de peu d'utilité.
Il pourra se remettre de ses émotions ou de ses déceptions quand il fera quelques séjours derrière les barreaux. Car, naturellement tout ce travail numérique se fait à la lisère de la légalité. Les défenseurs du droit d'auteur lui tomberont dessus et la grande administration de l' Éducation Nationale fera alors la sourde oreille si le malheureux sollicite son aide ou sa caution. Le papier n'aura plus sa place dans la future école. L'image et le son vont prendre la suite. Ce métier qui n'était pas facile va basculer dans une surenchère folle et démesurée.
Des esprits malintentionnés pourraient croire que c'est à l' Education Nationale de mettre à disposition de ses enseignants des ressources numériques adaptées afin de leur faciliter la tâche et leur permettre de se concentrer sur l'essentiel : la relation à l'élève et au savoir à transmettre. Ce serait effectivement une proposition judicieuse si cette grande administration n'était si affairée à la rédaction de directives, notes, programmes, contre-programmes, enquêtes et lettres de recadrage ! Se concentrer sur l'essentiel, c'est cela à ses yeux , tout le reste est à laisser aux tâcherons de base.
Numériquement leur.

 ET UN AUTRE ENCORE :


13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 06:57
Incident au collège.
La vie d'un adulte dans un collège n'est pas devenue chose facile. Le pauvre personnage doit se faire discret, raser les murs et éviter la foule compacte des troupeaux en migration. Il sera alors inexorablement bousculé sans même un petit pardon. Qu'il ne s'aventure surtout pas à la moindre remarque ; le risque est grand de la riposte véhémente, du propos acerbe ou de l'invective injurieuse !
Pire encore est la rencontre inopinée d'un solitaire dans les couloirs. Vous devez être certain d'avoir affaire à un élève en rupture de ban, un être énervé qui ne pourra contenir sa colère, son indignation ou sa rancune. Venir l'importuner dans sa macération, c'est prendre le risque de l'explosion fatale.
Réfractaire à mes propres conseils, je suis encore tombé dans ce piège que me tend ma conscience professionnelle. Il serait pourtant si simple d'agir comme bien d'autres adultes qui feignent de ne rien voir. Je vous prie de bien vouloir pardonner ma stupidité chronique ; il est grand temps que je quitte cet espace de désolation …
Je vaquais dans l'établissement à une heure où les couloirs sont vides puisque les classes sont pleines. J'entendis un grand fracas, quelques hurlements provenant d'un couloir contigu. Un garçon, grand échalas dégingandé, passa devant moi avec l'air de ne pas tolérer que l'on tente l'aventure d'entraver son chemin.
Incorrigible, c'est pourtant ce que je fis en lui demandant aimablement « Que faites-vous ici , » J'use systématiquement du vouvoiement quand la tension semble dominer le contexte qui se présente à moi. Le furieux passe sans rien dire et accélère le pas tandis qu'une surveillante s'efforce de le poursuivre . Je renouvelle ma question dans les mêmes conditions.
Le jeune homme n'en file pas moins sans se soucier de l'imprudent qui vient se préoccuper d'un destin qui n'est pas le sien. Je lui dis alors : « Vous refusez de me répondre, c'est un problème d'éducation ! » J'avais sans doute appuyé là où ça fait mal, touché une corde sensible ou insulté la terre entière, le fuyard d'un instant fit volte-face pour hurler et venir m'affronter.
Il s'approcha jusqu'à me toiser, le visage furieux, les yeux foudroyants et le propos sans équivoque : « Tu ne me parles pas … ! ». Il avait l'air de vouloir en découdre ce que je lui fis remarquer. Il affirma véhémentement qu'il n'était pas dans son intention de me frapper tout en ayant une attitude qui laissait penser le contraire.
La surveillante et un professeur de lui reconnu, vinrent s'interposer entre nous qui en étions rendus pratiquement au front contre front. Sans perdre mon calme le moins du monde et toujours d'un ton paisible, je lui déclarai alors qu'à mes yeux, un garçon qui refuse de m'adresser la parole cela relève d'un problème d'éducation.
L'autre, toujours aimable, répondit qu'il ne me connaissait pas et qu'il refusait de me parler. Voilà bien une réplique fréquente dans nos établissements. L'adolescent se place désormais au-dessus des contraintes inhérentes à la vie en collectivité. C'est ainsi que je lui rétorquai qu'il ne fallait alors pas faire le choix de vivre en société.
La réplique fit mouche et mon interlocuteur (si ce terme peut définir ce jeune homme) répliqua par une vocifération étrange où il était question de banane. J'avoue ne pas avoir saisi la teneur exacte de sa réplique, deux adultes le conduisant alors vers un espace plus tranquille.
Je revis ce garçon un quart d'heure plus tard. Il sortait de sa mise en quarantaine, apparemment calmé. Je lui demandai si nous pouvions discuter sereinement de ce qui venait de se passer, comme des êtres humains. Nouveau silence têtu, visage fermé et obtus. Il passa, le regard dans le vide, et refusa catégoriquement de me parler.
Je n'en fis pas cas. Après tout, ce charmant individu ne relevait pas de ma responsabilité ni des élèves qui me sont confiés. Son refus de me considérer était sans aucun doute l'expression d'un ostracisme qu'il appliquait avec une extrême rigueur. Je n'allais pas en faire une montagne. Ce qui me peinait le plus c'est qu'on puisse renvoyer en classe un garçon qui venait de faire un tel éclat. Il me semblait que le renvoi immédiat chez lui pour lui permettre de retrouver ses esprits eût été préférable et forcément salutaire.
Je devais me tromper car le lendemain, un responsable hiérarchique me demanda le déroulé de l'incident. Je ne fis aucune difficulté pour lui relater ce que j'avais déjà l'intention de coucher par écrit. Ce qui fut fait dans des termes assez proches de ce que vous lisez actuellement. Ma supérieure m'avoua devoir recevoir la mère de cet aimable collégien :entrevue redoutée et qui serait sans doute houleuse. La mère ayant la réputation d'être plus redoutable encore que son cher enfant.
Au-delà de l'anecdote, il y a vraiment lieu de s'interroger sur le contrat social qui semble ne plus être de mise dans bien des endroits. Enseignants, chauffeurs de bus, policiers, pour ne citer qu'eux, sont confrontés à des jeunes qui leur dénient toute autorité, fût-elle accompagnée de toutes les marques de respect auxquelles ils ont droit.
Comment vivre ensemble dans un tel climat ? Que faire de tels énergumènes ? En quelles circonstances notre société a t-elle failli pour laisser monter chez ces adolescents une telle haine pour l'autre ? Je plains sincèrement ce garçon. Il doit se préparer à force désagréments et il est certain qu'il rencontrera bien des peaux de banane sur sa route …
Aimablement sien.



ACTUALITE DES SEGPA


Rappel :

Sections d'enseignement général et professionnel adapté


Au collège, les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) accueillent des élèves présentant des difficultés d'apprentissage graves et durables. Ils ne maîtrisent pas toutes les connaissances et compétences attendues à la fin de l'école primaire, en particulier au regard des éléments du socle commun. Les élèves suivent des enseignements adaptés qui leur permettent à la fois d'acquérir les connaissances et les compétences du socle commun, de construire progressivement leur projet de formation et de préparer l'accès à une formation diplômante.
(EDUSCOL)

Sur le terrain, c'est toujours beaucoup d’inquiétudes :






Changement pour le pire?

il fut un temps pas si lointain où l'on pouvait dire sans grand risque d'être contredit que le système éducatif français, un peu comme le système de santé, était un des meilleurs du monde. 
Aujourd'hui, force est de constater que ce n'est plus le cas, d'abord parce qu'il s'est mis à renforcer davantage les inégalités sociales qu'il ne les combat, et parce que son personnel y est moins bien traité et donc moins considéré que dans la moyenne des autres pays comparables.



Berry républicain 26 juin 2014

Berry républicain 23 septembre 2014




Quelques écrivains qui optèrent pour le français.


Quand on a évoqué les écrivains, allez savoir pourquoi, c'est Samuel Beckett qui m'est venu le premier à l'esprit. En second lieu, Andreï Makine...











Samuel Barclay Beckett est né le 13 avril 19064 dans une famille bourgeoise irlandaise protestante : l'événement fut signalé dans la rubrique mondaine d'un journal irlandais (The Irish Times) daté du 16 avril. La demeure familiale, Cooldrinagh, située dans une banlieue aisée de Dublin, Foxrock, était une grande maison. La maison, le jardin, la campagne environnante où Samuel grandit, le champ de courses voisin de Leopardstown, la gare de Foxrock sont autant d'éléments qui participent du cadre de nombre de ses romans et pièces de théâtre. Il est le deuxième fils de William Frank Beckett,métreur et May Barclay Roe, infirmière. Beckett et son frère aîné Franck sont d'abord élèves à la Earlsford House School, dans le centre de Dublin, avant d'entrer à la Portora Royal School d'Enniskillen, dans le comté de Fermanagh – lycée qui avait auparavant été fréquenté par Oscar Wilde.
Beckett étudie ensuite le français, l'italien et l'anglais au Trinity College de Dublin, entre 1923 et 1927. Il suit notamment les cours de A. A. Luce, professeur de philosophie et spécialiste de Berkeley. Il obtient son Bachelor of Arts et, après avoir enseigné quelque temps au Campbell College de Belfast, est nommé au poste de lecteur d'anglais à l'École normale supérieure de Paris sur les recommandations de son professeur de lettres françaises et mentor Thomas Rudmose-Brown. C'est là qu'il est présenté à James Joyce par le poète Thomas MacGreevy, un de ses plus proches amis, qui y travaillait aussi depuis 1926 mais avait décidé de quitter son poste pour se consacrer entièrement à la littérature. Cette rencontre devait avoir une profonde influence sur Beckett, qui devint garçon de courses puis « secrétaire » de James Joyce qui souffrait des yeux, l'aidant notamment dans ses recherches pendant la rédaction de Finnegans Wake.

Des éléments semblables sont présents dans le premier roman publié par Beckett, Murphy (1938) : il y explore le thème de la folie et celui des échecs, qui reviendront souvent par la suite. La première phrase du roman révèle le ton pessimiste et l'humour noir qui animent nombre de ses œuvres : « The sun shone, having no alternative, on the nothing new ».Watt, écrit alors que Beckett se cachait à Roussillon, pendant la Seconde guerre mondiale, traite des mêmes thèmes, dans un style moins exubérant.
C'est aussi pendant cette période que Beckett se lance dans la création littéraire en langue française. À la fin des années 1930, il écrit un certain nombre de poèmes courts dans cette langue, ainsi que les Nouvelles et Textes pour rien; l'économie de moyens qui y est visible - surtout si on les compare aux poèmes en anglais qu'il compose à la même époque, dans le recueil Echo's Bones and Other Precipitates (1935) - semble prouver que le passage par une autre langue fut avant tout un procédé lui ayant permis de simplifier son style en le purifiant des automatismes de la langue maternelle ; évolution que vient confirmer quelques années plus tard Watt.

À partir de 1944 et jusqu'à sa mort, Beckett écrira en fait une œuvre bilingue ; il ne s'agit pas d'un passage définitif au français mais à une coexistence assez équilibrée entre les deux langues, avec toutefois une certaine prédilection pour le français, en particulier jusqu'au milieu des années 1960. Une grande partie des textes sera traduite dans les deux sens par l'auteur lui-même, ou par Édith Fournier, pour la traduction de l'anglais ; la quasi-totalité de l'œuvre existait dans les deux langues avant la mort de l'auteur.

En raison notamment de la découverte du français comme ayant « the right weakening effect », la fin des années 1940 est une période d'intense activité, avant tout narrative (Mercier et CamierPremier amour, les Nouvelles et Textes pour rien, la Trilogie — MolloyMalone meurtL'Innommable) ; c'est aussi le moment de l'écriture d'En attendant Godot.
C'est en langue française que Samuel Beckett écrit ses œuvres les plus connues. En quinze ans, trois pièces de théâtre connaissent un grand succès : En attendant Godot (1948-1949), Fin de partie (1955-1957) et Oh les beaux jours(1960). Elles sont souvent considérées comme représentatives du « théâtre de l'absurde », terme rejeté par Beckett - qui ne souhaitait pas être assimilé aux existentialistes - et sujet à débat. Ces pièces traitent du désespoir et de la volonté d'y survivre, tout en étant confronté à un monde incompréhensible.

Une question qui a peut-être ici une (possible) réponse...

Marianne, 11 mai 2014













Andreï Makine,  né en 1957 à Krasnoïarsk en Sibérie, est un écrivain d'origine russe et de langue française. Il a également publié des romans sous le pseudonyme de Gabriel Osmonde.

Né en Sibérie, il passe son enfance et son adolescence dans un orphelinat de sa région natale, ses parents ayant disparu, probablement déportés. Dès l’âge de trois ans, il est élevé en français par sa grand-mère en Sibérie et bénéficie donc des deux cultures. Il demeure tout particulièrement marqué par quatre écrivains français : Charles Baudelaire, Gérard de Nerval, Marcel Proust et Victor Hugo. Comme François Cheng et Eugène Ionesco, il choisit tout naturellement la France comme patrie.

Bien qu’ayant eu une scolarité erratique, il se révèle un brillant élève en philosophie et en français, deux matières qu'il étudie depuis l’école primaire. Boursier, il rédige une thèse de doctorat sur la littérature française contemporaine à l’université de Moscou.
En 1987, il demande l’asile politique en France, où il va mener d'abord une vie très précaire. À trente ans, il s'installe donc à Paris. Il est d'abord assistant de russe au lycée Jacques-Decour et dépose une thèse de doctorat sur Ivan Bounine (1870-1953) à la Sorbonne. Son premier roman La Fille d’un héros de l’Union soviétique paraît en 1990. À partir de là il commence une grande carrière littéraire et choisit le français comme langue d'écriture. Il obtient en 1995 les prix Goncourt, Goncourt des lycéens et Médicis pour son roman Le Testament français. Son français est extrêmement classique, son style poétique. Pour Makine, la France est une langue, mais aussi une culture. D’autre part, il affirme que le style est avant tout une vision d’un passé, celui de la France qu’il représente par un travail minutieux de la langue.
Le Testament français est un roman autobiographique, le narrateur et l’auteur ont vécu les mêmes expériences : le sentiment d’inadaptation, la double culture, le drame et le malheur. Avec ce roman, Makine paie une dette envers sa grand-mère, la France et tous les écrivains qui ont fait de lui un Français.
L’Union soviétique est représentée comme un territoire de souffrance avec les déportations, les morts. La France est à la fois un objet de fascination et de rejet. Son héritage est une charge accablante.
Andreï Makine vit actuellement à Paris, mais se tient, autant que possible, à l’écart de la vie littéraire et se consacre entièrement à la littérature. L’obtention du Goncourt lui vaut, entre autres, d'obtenir la nationalité française en 1996, ce qui lui avait été préalablement refusé.


Iralande, Russie, puis le français... Il me vient à l'esprit l'exemple étonnant de quelqu'un de très impliqué dans Ciné-Rencontres. Anglophone (Irlandais) de naissance, il ajoute la connaissance du russe. A 22 ans, on lui dit : "Vous connaissez le russe? Enseignez donc le français!" Il le fait, avec à chaque fois peu d'avance sur ses élèves. Aujourd'hui, impossible de le repérer au milieu d'autres francophones cultivés. Vous ne connaissiez pas cette anecdote ? Je viens de l'apprendre, à l'occasion du film et de sa thématique. 





Emil Cioran est né le 8 avril 1911 à Rășinari enRoumanie et est décédé le 20 juin 1995 à Paris . C’est un philosophe et écrivain roumain, d'expression roumaine initialement, puis française à partir de 1949 (Précis de décomposition). Il est interdit de séjour dans son pays d'origine à partir de 1946, pendant le régime communiste. Bien qu'ayant vécu la majeure partie de sa vie en France, il n'a jamais demandé la nationalité française. Il a parfois signé sous le nom de « E. M. Cioran ».

Après la guerre, il écrit toute une partie de son œuvre en français, abandonnant totalement sa langue maternelle, le roumain : « En français, on ne devient pas fou », allusion aux dérives de la littérature roumaine dès avant, mais surtout après l'instauration à partir de 1938 de régimes dictatoriaux successifs, qui tentent de transformer tout acte créateur en une louange à la tyrannie, d'abord royale, ensuite fasciste, et pour finir communiste.


« On n'habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c'est cela et rien d'autre ».
Aveux et anathèmes (1987), Emil Cioran, éd. Gallimard, 1987, p. 21





François Cheng (nom d'auteur, en chinois : , « Qui embrasse l'Unité », Chéng Bàoyī en transcription phonétique pinyin), né le 30 août 1929 en Chine, à Nanchang, est un écrivain, poète et calligraphe chinois naturalisé français en 1971.

Nom originel chinois : Cheng Chi-Hsien 程纪贤. Issu d'une famille de lettrés, après des études à l'Université de Nankin, François Cheng arrive à Paris avec ses parents en 1948 lorsque son père obtient un poste à l'Unesco. Alors que sa famille émigre aux États-Unis en1949 en raison de la guerre civile chinoise, il décide de s'installer définitivement en France, motivé par sa passion pour la culture française. Il se consacre à l'étude de la langue et de la littérature françaises en vivant dans le dénuement et la solitude avant de faire dans les années 1960 des études universitaires, en préparant un diplôme de l'École pratique des hautes études (EPHE). Il se lance aussi dans des traductions en chinois de poèmes français puis celles de poèmes chinois en français.
Tout d'abord, il publie de la poésie en chinois à Taïwan et à Hong Kong. Ce n'est que tardivement (en 1977) qu'il écrit en français, sur la pensée, la peinture et l'esthétique chinoises et aussi des ouvrages poétiques. Jugeant avoir acquis assez d'expérience, il peut ensuite se lancer dans l'écriture de romans. Il publie également un album de ses propres calligraphies.
Depuis 2008, il est membre du comité d'honneur de la Fondation Chirac, créée pour agir en faveur de la paix dans le monde. Il est également membre d'honneur de l'Observatoire du patrimoine religieux (OPR), une association multiconfessionnelle qui œuvre à la préservation et au rayonnement du patrimoine cultuel français.

En 2000, il reçoit le prix Roger Caillois pour ses essais et son recueil de poèmes Double Chant. En 2001, François Cheng reçoit le Grand Prix de la francophonie de l'Académie française. Le 13 juin 2002, il devient membre de l'Académie française; premier Asiatique élu, il est le vingtième récipiendaire du fauteuil. Il est membre du Haut Conseil de la Francophonie.
Il a été promu Officier de la Légion d'honneur le 1er janvier 2009.




Discours de réception de François Cheng à l’Académie française (extrait)

  Mais c’est en tant que Français que je m’adresse à vous. Je suis devenu un Français de droit, d’esprit et de cœur, cela depuis plus de trente ans, depuis ma naturalisation bien sûr, surtout à partir de ce moment où j’ai résolument basculé dans la langue française, la faisant l’arme, ou l’âme, de ma création. Cette langue, comment dire tout ce que je lui dois ? Elle est si intimement liée à ma vie pratique comme à ma vie intérieure qu’elle se révèle l’emblème de mon destin. Elle m’a procuré cette distanciation par rapport à ma culture d’origine et à mes expériences vécues et, dans le même temps, elle m’a conféré cette aptitude à repenser le tout, à transmuer ce tout en un lucide acte de re-création. Loin de me couper de mon passé, elle l’a pris en charge. Par ses qualités intrinsèques, elle m’a obligé à toujours plus de rigueur dans la formulation et à plus de finesse dans l’analyse. Grâce à elle, je jouis de l’accès direct à tant de chefs-d’œuvre accumulés, mais aussi à tant de pensées oralement exprimées ou de confidences murmurées, et je me suis installé, moi aussi, au cœur de l’exigence de style si propre à son génie, exigence qui dénote un constant désir de tirer vers le haut.

     Tout ce que je viens d’évoquer prédispose en quelque sorte cette langue à un usage universel. Que, par sa langue et sa culture, la France ait partie liée avec l’idéal de l’universel, cela paraît indéniable, même si nul n’ignore ce que cela signifie de patientes conquêtes, d’éventuelles failles aussi, en raison des faiblesses humaines. La France, à mes yeux, est bien ce « pays du Milieu » de l’Europe occidentale, ouvert à tous les orients. Tel un immense arbre, à partir des souches originelles, elle a reçu apports et influences venus de tous côtés, constituant des contradictions ou des complémentarités. Ses penseurs ont toujours dû polémiquer ou dialoguer. Les plus grands d’entre eux ont su se rehausser à une dimension plus grande que soi, proposer des vues plus généreuses, plus générales, où d’autres peuples se retrouvaient. La France a d’ailleurs très tôt pensé la Chine, au sein de l’Académie même : Voltaire, inspiré par une sorte de sympathie instinctive, Montesquieu, sous forme d’une réflexion critique. Peu à peu, l’évolution sociale aidant, la France s’est créé cette vocation de tendre vers l’universel, vers ce que l’humain porte en lui de plus profondément commun, de plus profondément partageable, donc de plus haut, puisque « tout ce qui monte converge », comme l’a affirmé Teilhard de Chardin. La devise républicaine est là pour nous rappeler qu’aucune autre culture au monde n’a fixé de façon aussi éclatante l’horizon ouvert d’une forme de vie en société. Je me félicite du privilège qui m’est donné de participer à cette extraordinaire aventure humaine.

     À propos de cette spécificité française me reviennent en mémoire deux remarques jadis entendues, et je ne résiste pas à l’envie de vous en faire part. La première a été faite par Paul Valéry, que m’a rapportée sa fille, Mme Agathe Rouart. Selon celle-ci, son père avait l’habitude de dire que la France a fini par devenir un creuset où l’on devient français. Toujours d’après elle, cette formule, dans l’esprit du grand penseur, s’applique non seulement aux Français d’origine étrangère, mais aussi aux Français de naissance, en ce sens que tout Français, à un moment donné, doit faire effort pour prendre conscience de cette vocation spécifique de la France. La seconde remarque émane du grand industriel Paul Berliet, à qui j’avais donné des leçons de chinois. Il m’expliqua que l’esprit français est à ce point hanté par le souci de l’universel que cet esprit est mal à l’aise chaque fois qu’il se trouve devant une décision concrète qui ne marcherait pas partout. En homme d’action, il y voyait un handicap, reprochant à cet esprit son manque de pragmatisme. « Vous demandez à un Français de vous bâtir un poulailler, il vous construira une cathédrale ! », disait-il. Tout en étant d’accord avec lui sur ce qu’il peut y avoir d’inconvénient dans cet état de choses, je ne peux m’empêcher d’y voir une certaine grandeur. C’est peut-être ainsi qu’on a pu avoir, sur le plan littéraire, un Hugo, un Balzac ou un Proust.

     Je parle de la France. Je parle de sa langue, de sa culture et de sa vocation spécifique. Je n’oublie pas son histoire chargée d’événements heureux ou tragiques, ni son terroir si riche et si varié auquel les écrits de Giono, de Colette et surtout de Genevoix m’ont rendu sensible. Au cours de mon existence de plus d’un demi-siècle sur ce sol qui est devenu mien, j’ai eu tout le loisir de m’en imprégner. Homme des fleuves, façonné par le Yang-zi et le fleuve Jaune, j’ai laissé couler dans mes veines maintes rivières de France. J’ai remonté jusqu’à sa source la Loire. J’ai longé la Seine et le Rhône jusqu’à leur embouchure. M’ont charmé Marne la maternelle, Meuse la méandreuse et la nonchalante Charente. Je n’ai garde d’oublier l’Isère, la Dordogne, la Rance...."



Eugène Ionesco, né Eugen Ionescu le 26 novembre 19091 à Slatina (Roumanie) et mort le 28 mars 1994 à Paris, est un dramaturge et écrivain roumain et français. Il passe la majeure partie de sa vie à voyager entre la France et la Roumanie. Représentant du théâtre de l'absurde, il écrit de nombreuses œuvres dont les plus connues sont La Cantatrice chauve, Les Chaises et Rhinocéros.

Eugène Ionesco est le fils d'un juriste roumain travaillant dans l'administration royale. Sa mère, Marie-Thérèse Ipcar, qui lui apprendra le français, est la fille d'un ingénieur français luthérien des chemins de fer qui a grandi en Roumanie. En 1913, la jeune famille émigre à Paris, où le père veut passer un doctorat. Quand, en 1916, la Roumanie déclare la guerre à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie, le père revient au pays, coupant rapidement tous les liens avec sa famille qui le croit mort à la guerre ; à Bucarest, il obtient le divorce et se remarie.
Restés à Paris, Ionesco et sa jeune sœur Marilina sont élevés par leur mère qui les fait vivre grâce à des travaux occasionnels et à l'aide de leur famille française. Eugène est placé dans un foyer d'enfants auquel il ne peut s'habituer. Aussi, de 1917 à 1919, sa sœur et lui sont confiés à une famille de paysans de La Chapelle-Anthenaise, un village proche de Laval (Mayenne). Cette période restera dans son souvenir comme un temps très heureux.

En 1925, le frère et la sœur retournent chez leur père à Bucarest, où ils apprennent le roumain. Leur père a obtenu leur garde, mais ils ne trouvent aucune sympathie chez leur belle-mère restée sans enfant. En 1926, Eugène se fâche avec son père, apparemment très autoritaire, et qui n'a que du mépris pour l'intérêt que son fils porte à la littérature : il aurait voulu en faire un ingénieur. Ionesco entretient une relation exécrable avec ce père magistrat, opportuniste et tyrannique, qui se rangera tout au long de sa vie du côté du pouvoir, et adhérera successivement au nazisme puis au communisme. Ionesco n'acceptera jamais le manque d'amour et le rejet infligés par son père.
Il retourne chez sa mère, revenue elle aussi en Roumanie, et trouve un poste à la banque d'État roumaine. En 1928, il commence des études de français à Bucarest et fait la connaissance d'Émile Michel Cioran et de Mircea Eliade, ainsi que de sa future épouse, Rodica Burileanu, une étudiante en philosophie et en droit appartenant à une famille roumaine influente. Parallèlement, il lit et écrit beaucoup de poésies, de romans et de critiques littéraires en roumain. Après avoir terminé ses études en 1934, il enseigne le français dans différentes écoles et dans d'autres lieux de formation, puis se marie en 1936.

En 1938, Ionesco reçoit de l'institut de français à Bucarest une bourse afin de préparer une thèse de doctorat sur les thèmes du péché et de la mort dans la poésie moderne depuis Baudelaire, ce qui lui permet d'échapper à l'atmosphère étouffante d'une Roumanie nationaliste qu'il supporte mal. De Paris, il fournit des informations aux revues roumaines sur les évènements littéraires de la capitale.
Après la défaite de la France lors de la guerre-éclair (la Blitzkrieg) de mai-juin 1940, lui et son épouse rentrent en Roumanie. En août 1940, le pays a dû céder le Nord de la Transylvanie à la Hongrie et la Bessarabie à l'Union soviétique, mais il peut rester en paix. Considéré comme ressortissant roumain, Ionesco doit passer le conseil de révision, mais n'est pas incorporé dans l'armée.
Tout change après l'alliance de la Roumanie fasciste avec l'Allemagne et son entrée en guerre contre l'Union soviétique. Ionesco fait jouer ses amitiés et parvient à obtenir un poste d'attaché de presse à l'ambassade de Roumanie auprès du régime de Vichy. Ce poste lui permet de retourner en France en mai 1942. Il y reste définitivement avec son épouse, d'abord à Marseille, puis à Paris. C'est là que naît leur unique enfant Marie-France le 26 août 1944. Le couple connaît alors une période de grande gêne financière ; Ionesco entre comme correcteur au service d'une maison parisienne d'édition juridique et y reste jusqu'en 1955.


En automne 1959, paraît chez Gallimard Rhinocéros, nouvelle pièce dans laquelle Ionesco manifeste son effroi devant toutes les formes de totalitarisme : cette pièce (Rhinocéros) reprend, avec de légères modifications, l'action et les personnages de la nouvelle de même nom qui avait été écrite antérieurement (la nouvelle en question sera ultérieurement incorporée (1962) au recueil La Photo du colonel).
La pièce est représentée pour la première fois dans une traduction allemande le 6 novembre 1959 au Schauspielhaus deDüsseldorf, où le public acclame la critique du nazisme.
La pièce est créée dans sa version française à Paris à l'Odéon-Théâtre de France le 22 janvier 1960 dans une mise en scène de Jean-Louis Barrault et des décors de Jacques Noël : pour Ionesco, c'est la consécration.

En avril 1960, Rhinocéros est monté à Londres au Royal Court Theatre dans une mise en scène d'Orson Welles avec Laurence Olivier dans le rôle de Bérenger.


L'entrée « Eugène Ionesco » des encyclopédies retient et entérine la figure - synthétique et minimaliste - d'un dramaturge français d'origine roumaine, chef de file du théâtre de l'absurde aux côtés de Samuel Beckett. Il montrait à son égard de l’admiration, autant que de l’agacement d’être mis en concurrence avec l’auteur irlandais. « En disant que Beckett est le promoteur du théâtre de l’absurde, en cachant que c’était moi, les journalistes et les historiens littéraires amateurs commettent une désinformation dont je suis victime et qui est calculée. » Il insiste sur le fait que En attendant Godot est arrivé trois ans après La Cantatrice chauve, deux ans après la Leçon et un an après Les Chaises.
Dans son expression la plus simple, Ionesco est réduit à « l'auteur de La Cantatrice chauve ». Rien de plus réducteur : le roman, les contes, les nouvelles, les journaux intimes, les pamphlets, les essais politiques et esthétiques de Ionesco ont été trop souvent mésestimés, voire occultés, peut-être à cause de la difficulté à les relier directement à la dramaturgie avant-gardiste de leur auteur. Eugène Ionesco est certes l’auteur des Chaises, de Rhinocéros et de La Soif et la faim (en) ; il est aussi l’auteur d’Antidotes, du Le Solitaire et de La Quête intermittente.



S’adressant à Victor Hugo à propos de sa fille Adèle, la chanson de Serge Reggiani rappelle que les exils peuvent être de toutes sortes. La folie en est un :


Toi, poète et proscrit, tu sais
Qu'il existe, hélas, dans ce monde
D'autres exils que Guernesey.

On pourrait penser aussi qu’en dehors du langage spécifique aux nations les exils seraient moins douloureux. Une langue commune dans certains arts (musique, peinture,…) ou sports permet-elle à coup sûr d’échapper à la nostalgie ? Pas toujours, si on prend l’exemple des échecs, et d’un de leurs plus prestigieux représentants, Alexander Alekhine.


Alexandre Aleksandrovitch Alekhine (en russe : Александр Александрович Алехин), né à Moscou le 31 octobre 1892 et mort à Estoril (Portugal) le 24 mars 1946, est un joueur d'échecs russe naturalisé français en 1927.
Quatrième champion du monde des échecs de 1927 à 1935 et de 1937 à sa mort, il fut le premier champion du monde d'échecs à reconquérir son titre et le seul à mourir en portant son titre. Il a donné son nom à une ouverture, la défense Alekhine, qu'il employa à Budapest en 1921.

Alexandre a un frère aîné Alexeï, contre lequel il joua des parties, et une sœur, Varvara. Il apprend à jouer aux échecs à sept ans. Alekhine fait ensuite de brillantes études et apprend le français et l'allemand au lycée.

En mai 1921, à l'occasion de son mariage, il obtient l'autorisation d'un voyage en Lettonie, il quitte définitivement la Russie d'abord pour Berlin et la France, où il arrive en janvier 1922. En 1921, il remporte les trois tournois auxquels il participe. Par la suite, Alekhine refusera toujours de revenir en Union soviétique.

La Fédération française des échecs intervient en avril 1927 auprès du ministère de la Justice pour qu'Alekhine puisse participer à la tête de l'équipe française au premier « Tournoi des Nations » qui doit avoir lieu en juillet 1927 à Londres. Mais la nouvelle loi sur la naturalisation, facilitant l'acquisition de la nationalité française en raison de la baisse de population consécutive à la Première guerre mondiale, n'est publiée que le 10 août 1927. Le décret de naturalisation d'Alekhine (et de plusieurs centaines d'autres postulants) est signé le 5 novembre et publié au Journal officiel du 14-15 novembre 19275.

Alekhine devint champion du monde en 1927 en battant à Buenos Aires le tenant du titre, le Cubain José Raúl Capablanca, au terme d'un match marathon de plus de 2 mois et 34 parties. En dépit de multiples négociations, le match revanche promis au Cubain ne fut jamais organisé. À l'époque, c'était encore les champions qui choisissaient les challengers.

Alekhine fut enterré au cimetière de Lisbonne le 16 avril 1946. En 1956, ses cendres furent transférées au cimetière du Montparnasse à Paris, dans la 8e division. Sur sa tombe, où son nom est gravé en caractères cyrilliques et romains, est représenté un échiquier. Un bas-relief représente Alekhine devant un jeu d'échecs. Il est inscrit :« Génie des échecs de Russie et de France, 1892-1946. Champion du monde des échecs de 1927 à 1935, et de 1937 à sa mort ».














L’exil est le royaume. C'est en tout cas  une possibilité,et c'est ce que nous disions à propos de Solveig Anspach et de son héroïne : Louise Michel.
(Voir LULU FEMME NUE, 15 mars 2014).











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