4ème séance avec débat
vendredi 12 octobre
UN PEUPLE ET SON ROI
Film historique de Pierre Schoeller avec Louis Garrel, Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Laurent Lafitte, Olivier Gourmet, Isia Higelin, Céline Salette... (2h01)
VENDREDI 28 SEPTEMBRE 2018 (CINE DEBAT)
20H30
En 1789, un peuple est entré en révolution.
Histoire, histoire populaire, Révolution, révolutions, monarchie, République,…
Nous avons la chance de bénéficier pour ce film de l'appréciation de Francis de Leveleye (PAUSE CRITIQUE de septembre 2018). Je la reproduis ici:
Ce n'est pas révolutionnaire. Nous voilà embarqués dans l'histoire de la révolution, de la prise de la Bastille au régicide. Tout cela est montré avec beaucoup d'élégance, le souci appliqué de bien faire, un grand luxe de costumes, des reconstitutions d'époque assez soignées, l'Assemblée Nationale, Versailles, les quartiers populaires, la destruction partielle d'une tour de la Bastille au début du film qui donne lieu à une séquence très appuyée d'un symbolisme sur la lumière qui fait très " Rencontre du 3e type " un peu Raëlien. Cette veine spiritualiste s'exprime encore à travers le feu du souffleur de verre et la réussite par son apprenti d'un " chef d’œuvre ", un orbe parfaitement sphérique et transparent. Tout cela dans un style très téléfilm des années nonante, avec mouvements de foule, quelques cris de la populace, des provocations caricaturales de la noblesse, Louis XVI qui signe en versant une larme, et pour aider le spectateur qui n'a pas son histoire de la révolution française présente à l'esprit, quelques titres, quelques dates en lettres blanches sur fonds noirs qui scandent le film avec le vain espoir de donner des repères historiques que seuls les Jules Michelet des salles obscures déchiffreront clairement.
Il y a de nombreuses scènes de foule, des tentatives louables de jouer " collectif " et quelques fragments de discours un peu théâtraux qui servent de piqûre de rappel sur les enjeux irréconciliables de cette époque. D'excellents acteurs se donnent un mal fou pour incarner les rôles, tant célèbres qu'anonymes et populaires. Si l'on excepte Marat par Denis Lavant, loin encore des rôles du Danton de Wajda, il faut regretter que, tout au long de ces 2 heures, les acteurs n'habitent pas leurs rôles. Avec un sommet pour Olivier Gourmet, insipide plus qu'à son ordinaire, parlant faux, avec une expression de potiron d'Halloween, et comme il ne porte pas de lunettes, l'on voit ses yeux vitreux, ce qui convient peut-être à un souffleur de verre à bout de souffle.
La bande sonore est d'une grande richesse, faites de sons qui se veulent réalistes, des chants révolutionnaires entonnés par les acteurs et la foule, une musique délibérément non imitative, mais qui en devient une sorte d'admonestation sonore qui n'était peut-être pas nécessaire. La photographie est faite sans projecteurs, uniquement grâce à la lumière naturelle, de jour comme de nuit. Ce travail mérite une attention particulière.
Mais ce qui manque le plus au film, c'est sans doute un parti pris, un point de vue, une volonté forte de nous proposer ce que l'histoire peut apporter à l'actualité.
Chacun trouvera dans ce film des moments intéressants ; la décapitation est traitée de façon presque esthétisante, insistante, un peu lourde. Mais passer deux heures avec le passé ne manque pas d'intérêt. Même les coproducteurs, les frères Dardenne, sont arrivés à financer par le Tax Shelter une histoire qui n'a strictement rien de belge. La fuite de l'argent destiné au cinéma belge connaît meilleure fortune que celle de Varennes. Ne lui souhaitons pas une même fin.
Pour retrouver les autres films de PAUSE CRITIQUE du mois:
https://cinegraphe.blogspot.com/2018/09/pause-critique-septembre-2018.html
Quelle aurait été ma réception du film, s’il n’y avait pas eu la phase de communication préalable, au demeurant bien légitime ?...
Avant de répondre, voyons d’abord ce que globalement elle fut : une certaine dose de frustrations.
On nous annonce des discours originaux ? Les voici donc, et en effet Robespierre nous dit son aversion de la peine de mort, en contrepied de l’image habituelle des réactionnaires qui en font complaisamment un tigre altéré de sang et responsable de presque tout le sang versé, qu’on doit plus justement imputer à ses ennemis. Bien cela. Et même chose pour Saint Just, Marat,… On est loin des figures grimaçantes et odieuses faites pour susciter l’horreur chez les foules, même quand c’est le fait des plus grands comme Abel Gance.
On nous annonce la présence du peuple acteur de l’événement ? Le voilà donc, mais un peu étriqué, réduit à quelques figures du faubourg Saint-Antoine. On rêve de fresques plus grandioses. A ce propos, on sera plus indulgent que ceux qui se plaignent que la misère du peuple ait été montrée plus belle au soleil. Mais on peut être pauvre et ne pas forcément se promener avec des haillons alourdis de crasse pittoresque…
Le désamour progressif d’un peuple pour son roi. C’est dit, avec l’évocation de la fuite à Varennes, l’ambiguïté tragique de la fusillade du Champ de Mars (le maintien de l’ordre municipal par l’Assemblée constituante avec la Garde nationale bourgeoise comme instrument : révolution, certes, mais bourgeoise…), les morts du 10 août 92 aux Tuileries, l’évocation aussi de la double menace, aux frontières comme à l’intérieur. Mais là encore, aucune image fort ne reste à ce sujet, et bien terne aussi le rôle de la reine, même si on fustige ici ou là l’Autrichienne. Il est vrai qu’un film pas si lointain lui donnait toute la vedette. Pas vraiment à charge, il est vrai encore…
Les grands épisodes de la grande Révolution, notre patrimoine, qu’on aime à voir représentés ? Force est de constater des lacunes. On attend en vain les va-nu-pieds de 92, les décisifs Valmy et Jemmapes (Jemappes), et même, car tout doit être expliqué, les fameux massacres de septembre 92, les exactions des ennemis de Robespierre, la guerre civile de Vendée...
C’est dire que je n’ai pas trouvé le film assez long, que je suis un peu resté sur ma faim. Mais objectivement, il fait quand même ses deux heures. Pour me satisfaire un tant soit peu, il en eût fallu au moins le double. Il aurait été encore davantage comme une manière d’enfant naturel du Molière d’Ariane Mnouchkine (4 heures et demie, Théâtre du Soleil !...) et de La Commune de Peter Watkins (5 heures !...), l’anachronisme de la narration en moins.
Et comme un effet feed-back de la Commune à la Révolution, on met en avant légitimement l'action des femmes, décisives dans les événements historiques (la marche sur Versailles, où l'escote de la garde nationale est même gommée) comme dans les assemblées (Abel Gance, déjà) et bien évidemment dans la vie quotidienne. Importance des symboles, qu'on peut juger par moment excessivement appuyés: la naissance, la vie, le soleil, la lumière, les Lumières,...
Alors oui, si j’avais vu le film sans communication préalable, je l’aurais reçu intégralement comme une bonne surprise, et jamais je n’aurais boudé mon plaisir de constater simplement qu’il existe et qu’il a bien des mérites. Et j’aurais juste dit : Oui, j’aime ce film, et je souhaite que le réalisateur nous montre bientôt le second volet de sa fresque, en projet encore sous conditions, notamment la condition que cette partie-ci rencontre un minimum d’adhésion du public.
Au moins, on s’éloigne des absurdités du bicentenaire, des thuriféraires des réécritures de François Furet, du procès anachronique de Louis XVI refait à la télé et évidemment gracié par minitel, les pleurs de crocodiles versés sur la famille royale et le duchesse de Lamballe… Heureusement qu’il y eut Jean Ferrat:
Deux siècles après quatre-vingt-neuf
Il fallait oser l’inventer
À la télé on fait du neuf
En acquittant la royauté
D’autres seigneurs veillent au grain
Et toi qui vivais comme un bœuf
Ce sont tes maîtres que l’on plaint
Ce n’est pas déplacé de rappeler ici l’intégralité du texte, avec sa si touchante référence à l’humble personnage créé par Georges Brassens :
Paroles de Bicentenaire
Jean Ferrat
1991 : Dans La Jungle ou dans Le Zoo
ALBUM
J'ai vu des ducs j'ai vu des princes
Des barons des comtes des rois
Des marquises à la taille mince
Qui dansaient au son des hautbois
Dans des châteaux pleins de lumière
Où les fêtes resplendissaient
Où l'on chantait "il pleut bergère"
Dans le velours et dans la soie
Mais dans sa chaumière
Mais dans sa chaumière
Je n'ai pas vu pauvre Martin
Pauvre Martin pauvre misère
Avec sa femme et ses gamins
J'ai tremblé devant la colère
Des va-nu-pieds des paysans
Renversant l'ordre millénaire
Dans la fureur et dans le sang
J'ai vu la terreur apparaître
Les châteaux partir en fumée
Les délateurs régner en maîtres
Dans une France sans pitié
Mais dans sa chaumière
Mais dans sa chaumière
Je n'ai pas vu pauvre Martin
Pauvre Martin pauvre misère
Tremblant de froid mourant de faim
J'ai frémi pour ces grandes dames
Ces beaux seigneurs si émouvants
Qui montraient tant de grandeur d'âme
De noblesse de sentiments
Avant que leurs têtes grimacent
Au bout des piques acérées
Agitées par la populace
Des sans-culottes avinés
Mais dans sa chaumière
Mais dans sa chaumière
Je n'ai pas vu pauvre Martin
Pauvre Martin pauvre misère
Creusant la terre de ses mains
Deux siècles après quatre-vingt-neuf
Il fallait oser l'inventer
A la télé on fait du neuf
En acquittant la royauté
Deux siècles après quatre-vingt-neuf
D'autres seigneurs veillent au grain
Et toi qui vivais comme un bœuf
Ce sont tes maîtres que l'on plaint
A six pieds sous terre
Ton bicentenaire
Ils l'ont enterré bel et bien
Pauvre Martin pauvre misère
C'est toujours le peuple qu'on craint
Pauvre Martin pauvre misère
C'est toujours le peuple qu'on craint
Une vidéo :
Retrouvailles :
Adèle Haenel
César de la meilleure actrice pour Les combattants (voir sur ce blog dans nos archives de septembre 2014), puis revue dans 120 battements par minute (archives d’août 2017).
César de la meilleure actrice pour Les combattants (voir sur ce blog dans nos archives de septembre 2014), puis revue dans 120 battements par minute (archives d’août 2017).
Voir aussi PAUSE CRITIQUE de septembre
2018:
De notre adhérente Catherine:
Hello tout le monde
J'étais donc à Blois aujourd'hui aux Rendez-Vous de l'Histoire, et j'ai pu assister à la masterclass de Pierre Schoeller, le réalisateur d'Un Peuple et son Roi. Il était accompagné de deux historiens : Guillaume Mazeau et Antoine de Baecque. Une rencontre très intéressante.
Voici quelques points sur le film que j'ai notés. Tu peux les mettre sur le blog de Ciné-Rencontres si tu veux, même si le film n'est plus d'actualité.
Mes notes sont en pièce jointe
Bises et bon dimanche
Catherine
Retours de la Masterclass de Pierre Schoeller aux Rendez-Vous de l'Histoire à Blois
(samedi 13 octobre au Conseil départemental)
Pierre Schoeller a évoqué son goût personnel de l'exploration d'univers qui ne sont pas les siens et d'en apprendre le plus possible à l'occasion des tournages. Il a travaillé en collaboration étroite avec plusieurs historiens et historiennes (ils / elles ne sont pas forcément toujours crédité-es au générique). Il souligne l'apport important en particulier de l'historienne Arlette Farge, spécialiste du petit peuple au 18ème siècle. Enfin il considère qu'il n'a pas « rendu » (dixit) leurs places aux femmes dans l'Histoire de la Révolution (et l'Histoire tout court), parce que les femmes ont toujours appartenu à l'Histoire, mais que la tradition du récit historique les a systématiquement occultées.
Denis Lavant en Marat a particulièrement impressionné une des historiennes qui travaillait avec lui. Elle a même déclaré à Schoeller qu'elle avait cru un avoir le « vrai » Marat devant elle.
Il aime prendre le parti de montrer un épisode historique de manière subjective, en adoptant clairement le point de vue d'un personnage. Il a fait la même chose lors d'un film qui retraçait l'assassinat du préfet Eyrignac en reconstituant ouvertement l'attentat à travers le rapport d'un témoin.
Il aurait voulu pouvoir faire parler les différents députés de l'Assemblée en utilisant leurs accents respectifs. Comme Robespierre devait parler avec l'accent d'Arras, Pierre Schoeller avait un temps envisagé (attention, scoop!) de confier le rôle à Dany Boon (grand frisson d'effroi dans la salle à cette idée). Finalement cette histoire des accents a été abandonnée (soulagement dans la salle).
Il a dû renoncer à filmer quelques grands épisodes de la Révolution Française auxquels il tenait, en particulier le Serment du Jeu de paume. La nuit du 4 aout a bien été tournée mais coupée au montage car Schoeller n'en était pas satisfait. Le public et les critiques lui ont beaucoup fait remarquer l'absence des massacres de septembre ; en revanche il est content d'avoir pu montrer le massacre du Champ de Mars qui est selon lui un événement fondamental et très peu souvent représenté au cinéma.
Il revendique pleinement l'usage de l'allégorie dans son film et a pris le temps de développer l'image du verre en fusion / monde en fusion qu'on voit au début du film.
Il a décidé de prendre, en accord avec les historiens, le parti de représenter pour la rectifier l'image de Louis XVI. Au cinéma Louis XVI prend souvent l'allure d'un gros mollasson (ex : Jean-François Balmer). Guillaume Mazeau, l'historien présent et un des principaux collaborateurs de Schoeller sur le film a affirmé que cette représentation dépréciative de Louis XVI a été fabriquée par les révolutionnaires, mais elle ignore que Louis XVI était un des rois les plus réformateurs du XVIIIème siècle.
Il espère bien prolonger son film d'une suite (il a conçu dès le départ son film comme le premier volet d'une œuvre en deux parties), mais la deuxième partie n'est pas d'actualité. Il n'a pas non plus dit qu'elle ne se ferait pas.
Un point intéressant : la séquence du cauchemar du roi (quand Louis XVI «rencontre» Louis XIV, Henri IV et Louis XI) n'est pas le fruit de l'imagination du réalisateur, mais la transposition d'un pamphlet royaliste contre-révolutionnaire de l'époque (disponible sur Gallica sous le titre «Les Entretiens des Bourbons»). Pierre Schoeller avait même un temps pensé exploiter une caricature de Louis XVI en roi-cochon, mais n'a finalement pas retenu l'idée.
Denis Lavant en Marat a particulièrement impressionné une des historiennes qui travaillait avec lui. Elle a même déclaré à Schoeller qu'elle avait cru un avoir le « vrai » Marat devant elle.
Il aime prendre le parti de montrer un épisode historique de manière subjective, en adoptant clairement le point de vue d'un personnage. Il a fait la même chose lors d'un film qui retraçait l'assassinat du préfet Eyrignac en reconstituant ouvertement l'attentat à travers le rapport d'un témoin.
Il aurait voulu pouvoir faire parler les différents députés de l'Assemblée en utilisant leurs accents respectifs. Comme Robespierre devait parler avec l'accent d'Arras, Pierre Schoeller avait un temps envisagé (attention, scoop!) de confier le rôle à Dany Boon (grand frisson d'effroi dans la salle à cette idée). Finalement cette histoire des accents a été abandonnée (soulagement dans la salle).
Il a dû renoncer à filmer quelques grands épisodes de la Révolution Française auxquels il tenait, en particulier le Serment du Jeu de paume. La nuit du 4 aout a bien été tournée mais coupée au montage car Schoeller n'en était pas satisfait. Le public et les critiques lui ont beaucoup fait remarquer l'absence des massacres de septembre ; en revanche il est content d'avoir pu montrer le massacre du Champ de Mars qui est selon lui un événement fondamental et très peu souvent représenté au cinéma.
Il revendique pleinement l'usage de l'allégorie dans son film et a pris le temps de développer l'image du verre en fusion / monde en fusion qu'on voit au début du film.
Il a décidé de prendre, en accord avec les historiens, le parti de représenter pour la rectifier l'image de Louis XVI. Au cinéma Louis XVI prend souvent l'allure d'un gros mollasson (ex : Jean-François Balmer). Guillaume Mazeau, l'historien présent et un des principaux collaborateurs de Schoeller sur le film a affirmé que cette représentation dépréciative de Louis XVI a été fabriquée par les révolutionnaires, mais elle ignore que Louis XVI était un des rois les plus réformateurs du XVIIIème siècle.
Il espère bien prolonger son film d'une suite (il a conçu dès le départ son film comme le premier volet d'une œuvre en deux parties), mais la deuxième partie n'est pas d'actualité. Il n'a pas non plus dit qu'elle ne se ferait pas.
Un point intéressant : la séquence du cauchemar du roi (quand Louis XVI «rencontre» Louis XIV, Henri IV et Louis XI) n'est pas le fruit de l'imagination du réalisateur, mais la transposition d'un pamphlet royaliste contre-révolutionnaire de l'époque (disponible sur Gallica sous le titre «Les Entretiens des Bourbons»). Pierre Schoeller avait même un temps pensé exploiter une caricature de Louis XVI en roi-cochon, mais n'a finalement pas retenu l'idée.
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CINE RENCONTRES.
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Ne vous souciez pas de la date de renouvellement: nous vous contacterons le moment venu.
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Précision utile: les séances Ciné Rencontres sont ouvertes à tous, et pas seulement aux membres de l'association. Même chose pour notre pot d'après débat.
Facile de nous trouver. Il suffit de taper "cinégraphe" sur Google par exemple...
(capture d'écran du 27 septembre 2017).
Tiens... tiens... "abondante et variée"... Et si Ciné Rencontres y était un peu pour quelque chose en fin de compte?...
Autres tarifs au Ciné Lumière:
Berry républicain 2 décembre 2017
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