dimanche 19 avril 2015

VOYAGE EN CHINE

27ème séance avec débat





VOYAGE EN CHINE 



VENDREDI 17 AVRIL 2015
20H30
SOIREE DEBAT






Film de Zoltan Mayer
avec Yolande Moreau, Qu Jing Jing, Ling Dong Fu 


Eloge du public.
Au vu de certaines réactions, on aurait pu craindre qu’on soit paradoxalement privé de Chine, et on s’apprêtait presque à crier à la publicité mensongère devant un titre qui annonçait (trop ?) fièrement « Voyage en Chine ».
En fait, il n’en fut heureusement rien, et sans avoir eu droit à un dépliant touristique sur ce pays continent, nous avons eu une bonne et honnête dose de couleur locale.
Suffisamment en tout cas pour susciter des réactions spontanées de la salle, et plusieurs personnes qui étaient là, ayant même pour certaines un contact régulier avec ce pays, nous ont permis de voyager, grâce à leur témoignage, au même titre qu’avec le film.

D’ailleurs à la suite de cette séance, nous avons (et quand je dis « nous » c’est essentiellement notre trio Edwige, John et moi), nous avons donc constaté, et c’est une heureuse surprise, que nous nous retrouvions d’une façon quasi régulière avec un public fidèle, auquel viennent s’agréger des spectateurs nouveaux attirés spécifiquement par le film proposé ce soir-là. C’est un cocktail particulièrement agréable qui justifie pleinement l’existence de notre association.
Les adhésions nouvelles, et les renouvellements d’adhésions qui fonctionnent bien, font que ce qu’on considérait comme un record - record qu’on pouvait prévoir comme étant provisoire et éphémère avec l’effort particulier qui fut fait en ce sens avec les Rendez-vous du Cinéma en Région Centre -, est en train de se maintenir dans la durée.
Nous sommes, et c’est historique, au-delà de la centaine d’adhérents à jour de leur cotisation depuis plusieurs mois. Nous savons bien que l’audience de l’association va bien au-delà, et que nous avons au moins le double de fidèles qui nous suivent régulièrement et que nous renseignons précisément, nous savons bien aussi que les débats devant une poignée de fidèles ont leur charme et que plusieurs d’entre eux nous ont laissé d’excellents souvenirs, mais nous devons bien avouer que c’est plus confortable ainsi.
Grâce à cette pérennité et cette solidité, nous pourrons encore proposer une programmation spécifique, et le Ciné Lumière de Vierzon pourra continuer à faire état de sa crédibilité dans ce domaine, et même la renforcer.
Ce qui ne se fait pas pour autant, il faut bien le dire, dans la facilité totale pour ceux qui gèrent le cinéma et assurent les bonnes conditions de projection. Certains films en effet ne posent aucun problème, d’autres en revanche, que nous annonçons dans notre programme, donnent des sueurs froides jusqu’au dernier moment, tant il est vrai que si la numérisation a des avantages au moins théoriques, le manque d’uniformisation dans les formats, en particulier, est source de beaucoup de problèmes. Ce qui nous permet de dire cela, ce sont les confidences que nous font les projectionnistes avant ou après la séance. C’est l’occasion de nous féliciter une fois de plus de pouvoir compter, dans la durée là aussi, sur leur compétence et leur gentillesse. Ils sont évidemment pour beaucoup dans les succès de l’association. Le cinéma, c’est un travail d’équipe, c’est bien connu.
Autre signe de cette mayonnaise cinéphilique qui prend bien, le pot final est passé dans les mœurs avec beaucoup de naturel. C’est là qu’on a découvert d’ailleurs que d’autres personnes avaient aussi un contact direct avec la Chine. Etonnants Vierzonnais !
Certains devant la cohésion du groupe assemblé devant le cidre et le jus de fruits pensaient même que la collation était réservée aux adhérents. Que nenni ! Ciné Rencontres ne serait pas Ciné Rencontres s’il fonctionnait d’une façon aussi fermée, et s’il ne privilégiait pas l’accueil chaleureux de ceux qui nous ont fait le plaisir de partager une même séance et un même film. La meilleure façon de consommer le cinéma, c’est encore la collective. En tout cas, ce serait d’une infinie tristesse si elle venait à ne plus exister.


Voyage en Chine brélienne.

Dans le film, Yolande Moreau tentait, exercice particulièrement ardu, de traduire par gestes le mot « raffiné » à l’intention de la jeune Chinoise. La mère dit explicitement que son fils était quelqu’un de raffiné, qu’il ne pouvait s’attacher qu’à une jeune fille elle-même particulièrement raffinée, et que parmi ses goûts musicaux qui prouvent à l’évidence son raffinement culturel, elle cite en bonne place son goût prononcé pour les chansons de Jacques Brel.
Ce n’est pas exactement ce que révèlent les enquêtes sociologiques de référence, en particulier celle de Pierre Bourdieu dans son livre sur La distinction. Pour ces études, ces goûts seraient plutôt le fait de classes moyennes en voie d’ascension sociale et culturelle. Mais qui se plaindra que la distinction culturelle puisse aussi s’accompagner d’un caractère incontestablement populaire ? Pas moi, en tout cas. Même si elle dit qu’elle ne comprend pas comment quelqu’un comme elle a pu donner le jour à quelqu’un comme lui, Yolande Moreau n’a pas pu transmettre à ce fils qu’elle cherche à retrouver par des moyens quasi mystiques un goût esthétique totalement fondé sur le snobisme aristocratique.

On n'épuise pas l'explication de la chanson qui parle de Vierzon dans le film avec le parcours suivant, mais on comprend que ce réalisateur passionné de Chine ait rencontré l'univers de Brel et s'y soit arrêté.
Une piste parmi d'autres :
Beaucoup de ports dans la chanson (Honfleur, Hambourg, Anvers, ne manque plus qu'Amsterdam), et donc beaucoup de marins, et de rêves de marins, qui sont des rêves de Chine d'abord.
Décentrage de Paris  centre du monde en faveur de l'Empire du milieu.

Le moment de citer Le Bateau ivre de Rimbaud:


Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;


Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !



 La Chine onirique, pur décor d'enfance.
Isabelle (1959)

quand Isabelle dort plus rien ne bouge
quand Isabelle dort au berceau de sa joie
sais-tu qu'elle vole la coquine
les oasis du Sahara
les poissons dorés de la Chine
et les jardins de l'Alhambra
quand Isabelle dort plus rien ne bouge


La Chine si lointaine et si proche, 
le paradoxe du lointain plus proche que bien des proches.
Un peu comme dans le film.


Le dernier repas (1964)

à mon dernier repas
je veux voir mes frères
et mes chiens et mes chats
et le bord de la mer
à mon dernier repas
je veux voir mes voisins
et puis quelques Chinois
en guise de cousins



La Chine symbole d'incommunicabilité.
Le pays retranché derrière sa muraille.

Les jardins du casino (1964)

les musiciens sortent leurs moustaches
et leurs violons et leurs saxos
et la polka se met en marche
dans les jardins du casino
où glandouillent en papotant
de vieilles vieilles qui ont la gratouille
et de moins vieilles qui ont la chatouille
et des messieurs qui ont le temps
passent aussi indifférents
quelques jeunes gens faméliques
qui sont encore confondant
l'érotisme et la gymnastique
tout ça dresse une muraille de Chine
entre le pauvre ami Pierrot
et sa fugace Colombine
dans les jardins du casino



La Chine de Malraux et de Corto Maltese. 
Les fumeries d'opium et les trafics en tous genres.

La chanson de Jacky (1965)

même si un jour à Macao
je deviens gouverneur de tripot
cerclé de femmes languissantes
même si lassé d'être chanteur
j'y sois devenu maître chanteur
et que ce soient les autres qui chantent
même si on m'appelle le beau Serge
que je vende des bateaux d'opium
du whisky de Clermont-Ferrand
de vrais pédés de fausses vierges
que j'aie une banque à chaque doigt
et un doigt dans chaque pays
et que chaque pays soit à moi
je sais quand même que chaque nuit
tout seul au fond de ma fumerie
pour un public de vieux Chinois
je leur chanterai ma chanson à moi
celle du temps où je m'appelais Jacky

être une heure une heure seulement
être une heure une heure quelquefois
être une heure rien qu'une heure durant
beau beau beau beau et con à la fois



La Chine onirique décor d'enfance version Baudelaire. 
L'ici décevant et l'ailleurs rêvé.


Mon enfance (1967)

mon enfance passa
les femmes aux cuisines
où je rêvais de Chine
vieillissaient en repas
les hommes au fromage
s'enveloppaient de tabac
flamands taiseux et sages
et ne me savaient pas
moi qui toutes les nuits
agenouillé pour rien
arpégeais mon chagrin
au pied du trop grand lit
je voulais prendre un train
que je n'ai jamais pris



La Chine onirique de l'adulte attardé et vaguement alcoolisé.
La rencontre de Gabin et de Blondin dans Un singe en hiver.



Comment tuer l’amant de sa femme (1968)

comment tuer l'amant de sa femme
quand on a reçu comme moi
la croix d'honneur chez les bonnes soeurs
comment tuer l'amant de sa femme
moi qui n'ose même pas
le lui dire avec des fleurs

comme je n'ai pas le courage
de l'insulter tout le temps
il dit que l'amour me rend lâche
comme il est en chômage
il dit en me frappant
que l'amour le rend imprévoyant
s'il croit que c'est amusant
pour un homme qui a mon âge
qui n'a plus de femme et onze enfants
bien sûr je leur fais la cuisine
je bats les chiens et les tapis
le soir je leur chante Nuits de Chine
mais qui n'a pas ses petits soucis

pourquoi tuer l'amant de sa femme
puisque c'est à cause de moi
qu'il est un peu vérolé
pourquoi tuer l'amant de ma femme
puisque c'est à cause de moi
qu'il est pénicilliné



Même Chine rêve de marin, de Malraux à Verneuil.

Une Ostendaise (1968)

une Ostendaise
pleure sur sa chaise
le chat soupèse
son poids d'amour
dans le silence
son chagrin danse
et les vieux pensent
chacun son tour
à la cuisine
quelques voisines
parlent de Chine
et d'un retour
à Singapour
une Javanaise
devient belle-soeur
de l'Ostendaise


La Chine du raffinement, de la culture et de la politesse millénaires.

Les F[lamingants] (1977)

vous salissez la Flandre mais la Flandre vous juge
voyez la mer du Nord elle s'est enfuie de Bruges
cessez de me gonfler mes vieilles roubignoles
avec votre art flamand italo-espagnol
vous êtes tellement tellement beaucoup trop lourds
que quand les soirs d'orage des Chinois cultivés
me demandent d'où je suis je réponds fatigué
et les larmes aux dents ik ben van Luxembourg
et si aux jeunes femmes on ose un chant flamand
elles s'envolent en rêvant aux oiseaux rose et blanc


La Chine onirique décor d''impostures et de faux-semblants.
Les tripots où l'on triche.

Les remparts de Varsovie (1977)

madame promène son chien un boudin noir nommé Byzance
madame traîne son enfance qui change selon les circonstances
madame promène partout son accent russe avec aisance
c'est vrai que madame est de Valence

tandis que moi comme tous les soirs
je suis vestiaire à l'Alcazar

madame promène son cheveu qui a la senteur des nuits de Chine
madame promène son regard sur tous les vieux qui ont des usines
madame promène son rire comme d'autres promènent leur vaseline
je trouve que madame est coquine
madame promène ses cuites de verre en verre de fine en fine
madame promène les gènes de vingt mille officiers de marine
madame raconte partout que l`on m'appelle tata Jacqueline
je trouve madame mauvaise copine




Le moment de citer la fin du poème de Baudelaire :

Emporte-moi, wagon! enlève-moi, frégate!
Loin! loin! ici la boue est faite de nos pleurs!
- Est-il vrai que parfois le triste coeur d'Agathe
Dise : Loin des remords, des crimes, des douleurs,

Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate?
Comme vous êtes loin, paradis parfumé,
Où sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie,
Où tout ce que l'on aime est digne d'être aimé,
Où dans la volupté pure le coeur se noie!

Comme vous êtes loin, paradis parfumé!
Mais le vert paradis des amours enfantines,
Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,
Les violons vibrant, derrière les collines,
Avec les brocs (le vins, le soir, dans les bosquets,

Mais le vert paradis des Amours enfantines,
L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,
Et l'animer encor d'une voix argentine,
L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs?

(Les Fleurs du Mal, Moesta et errabunda)








Une province de Chine

Secret de tournage sur Voyage en Chine

Tourné dans la région centre-ouest de la Chine appelée le Sichuan, le réalisateur Zoltan Mayer explique qu'il a choisi ce lieu en raison du mélange des religions et de la forte représentation taoïste qui confère à son film une spiritualité correspondant à l'état d'esprit du personnage de Yolande Moreau, qui après avoir perdu son fils, va découvrir la vie qu'il menait en Chine. De plus, l'omniprésence de la végétation dans cette région représente en quelque sorte ce fils décédé qui accompagne sa mère dans son deuil. Il ajoute : "C’est par certains détails végétaux et animaux (par exemple un gecko dans le cadre d’une fenêtre) que le film raconte le cheminement de Liliane. Comme si, après la perte de son fils, elle était conduite par une force qui la dépasse et va peu à peu l’entraîner dans la vie."








Cadrages et surcadrages







PROLONGEMENT
Un rapprochement pertinent, pas seulement parce que c’est la même province chinoise, qui nous a été signalé.


Balzac et la Petite Tailleuse chinoise 
est le premier roman de l'écrivain franco-chinois Dai Sijie, paru en 2000 aux éditions Gallimard et en collection Folio.
Écrit en français, le livre a été traduit en plus de 25 langues, incluant le chinois, malgré la position délicate de la Chine communiste vis-à-vis de cette période de son histoire.
Le roman se déroule en Chine, à l'époque de la révolution culturelle lancée par Mao Zedong. Cette révolution cible essentiellement les intellectuels (comme les parents des deux héros).
L'histoire se déroule dans la montagne du Phoenix du Ciel dans la province du Sichuan durant les années de la Révolution culturelle en Chine. Deux amis de 17 et 18 ans, se connaissant depuis l'enfance, sont envoyés en rééducation en 1971, car ils sont considérés comme des « intellectuels ». Le narrateur a 17 ans au début du récit1, et est plutôt réservé. Son père était pneumologue avant de partir en rééducation et sa mère spécialiste des maladies parasitaires. Il joue du violon, son instrument a une grande importance pour lui et lui permet de s’évader loin de ses soucis. Son meilleur ami se prénomme Luo, il était son voisin de palier avant leur départ pour la rééducation. Luo, beaucoup moins timide, a 18 ans au début du récit, et est également issu du milieu médical : son père, dentiste, a soigné les dents de Mao Zedong, de sa femme, et du président de Chine avant le coup d'État de Mao. Cela lui coûte, ainsi qu'à toute sa famille, d’être « ennemi du peuple ». Luo étant un bon conteur, raconte toutes sortes d'histoires au chef du village, et surtout les films que ce dernier leur demande d'aller voir en ville.



Une adaptation cinématographique, également intitulée Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, est sortie en 2002. Le film est réalisé par Dai Sijie lui-même, avec l'aide de plusieurs cinéastes. Bien que le livre ait été écrit en français, le film est joué en chinois par les acteurs. Il a été tourné dans les montagnes de Zhangjiajie, dans la province natale de Mao, le Hunan. Les plans en ville ont été faits dans la ville ancienne de Fenghuang (le Phénix). Ce film a été diffusé dans de nombreux pays tels que la France et la Chine, où il fut autorisé après quelques modifications, dues à la censure chinoise.







RAPPEL
Avec Ciné-Rencontres, nous avons déjà pris le chemin, direct ou indirect, vers la Chine.


LE PROMENEUR D’OISEAU
Un réalisateur venu tout droit de Chine jusqu’à Vierzon

QU’EST-CE QU’ON A FAIT AU BON DIEU
Avoir un gendre chinois.


LA COUR DE BABEL
Un écrivain d’origine chinoise à l’Académie française
Une écolière d’origine chinoise


SUR LE CHEMIN DE L’ECOLE
Un livre : Le journal de Ma Yan.















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http://cinelumiere-vierzon.info/



Vous n'avez pas manqué de remarquer la rubrique ART ET ESSAI... et le lien
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