EN QUETE DE SENS
VENDREDI 10 AVRIL 2015
20H30
SOIREE DEBAT
Documentaire français de Nathanaël Coste, Marc de la Ménardière avec
Vandana Shiva, Pierre Rabhi, Hervé Kempf... (2014 -1h27)
Vandana Shiva, Pierre Rabhi, Hervé Kempf... (2014 -1h27)
On parlait de confusion idéologique à propos du film
sur l'occupation. Sur un terrain bien différent, c’est aussi une joyeuse confusion
de ce genre qui est touillée dans ce film-là.
Quand, au début, j’ai fait mine d’être resté au débat
précédent qui n’avait pas eu lieu, en défendant par exemple Uranus qui
n’est une œuvre caricaturale qu’en apparence, fort subtile et fort complexe en
réalité, et qui en dit beaucoup plus sur l’époque (sur les époques en fait, celle du roman et celle du film), je
n’avais pas d’autre conscience que de faire une vague plaisanterie au premier
degré.
En réalité, les rapprochements ne me sont venus qu’un peu
plus tard avec un certain esprit de l’escalier. Caricature apparente aussi ce
film, fait d’un fil rouge, celui d’un candide en quête d’une vérité qui lui
échappe constamment, alors qu’il croit la trouver à chaque pas. Croire trouver
une vérité à chaque pas, c’est la meilleurs façon de ne la trouver nulle part.
Mais ne la trouver nulle part, c’est aussi ne se figer dans aucune vérité
éphémère qui sera supplantée par la vérité suivante. J’ai employé le mot
candide, on pense bien sûr à Voltaire, et les silhouettes que le philosophe
lance à travers le monde ne sont des caricatures qu’en apparence. La vision du
monde qui s’y révèle est un miroir de celle des Lumières, et ce n’est pas rien.
Bien sûr, on est très loin de ce niveau avec ce film, mais on y rencontre un
procédé comparable.
Edwige a employé l’expression « cultiver son
jardin », et beaucoup ont fait mentalement le rapprochement. Le jardin de
Voltaire est parfois pris pour un renoncement et un rétrécissement, il est plus
pertinent de le prendre pour le monde lui-même. Cultiver son jardin, c’est
cultiver notre terre, c’est en prendre soin, et la préserver, et si possible
l’améliorer, pour qu’elle soit vivable pour l’homme.
Dans cette soirée, ce côté globe-trotter de la vérité
cherchée, de la quête (apparemment) naïve qui a l’ambition folle de déboucher
sur des vérités exploitables et communicables, je l’avais imagée dans le rapprochement
avec l’odyssée rabelaisienne qui commence au Tiers Livre, et
qui se termine au Cinquième avec la Quête de l’oracle de la Dive Bouteille
(forcément bio), et ce duo de réalisateurs, il se confond spontanément avec le
couple Panurge - Pantagruel.
Ce côté fourre-tout existe dans le
film, avec une même sympathie affichée pour tout et son contraire, pour le
scientisme le plus rigoureux comme pour le mysticisme le plus éthéré, pour
l’analyse quasi marxiste-orthodoxe visant à changer le monde par les rapports
de productions, comme pour son contraire, changer le monde en changeant d’abord
son état d’esprit. Jusqu’à son extrême douteux : la pensée positive, c’est
celle du monde marchand comme l’a bien compris la chaîne de grande surface
Carrefour. Comme je le lisais récemment dans un article, c’est ce qui va comme
un gant au conducteur de train qui mène son convoi de victimes vers Auschwitz.
Plus que douteux en ce cas, dangereux, et absolument scandaleux.
Mais ce ton grave ne sied pas à ce film, qui surfe sur la
vague de la légèreté et sur elle seule. Revenons alors à Rabelais, et
passons-nous une fois de plus les grotesques étapes du Tiers Livre.
« Panurge ira successivement consulter une sibylle,
Nazdecabre – sourd et muet de naissance –, Raminagrobis -vieux poète-, Her
Trippa – astrologue, chiromancien, géomancien –, Hyppothadée – théologien –,
Rondibilis – médecin –, Trouillogan – philosophe – et enfin Triboulet – un fou.
Chaque fois, les sorts répètent la même chose et Panurge refuse d’entendre, il
est aveuglé par ses propres désirs. Il aimerait prendre une épouse « parfaite
», cherchant à se rassurer par les sorts qui finalement l’insécurisent. Sa
décision repose en lui-même, mais il ne parvient pas à choisir. »
Mais la meilleure façon de conclure pour moi, c’est de
reprendre ce qui fut le début. Car ce film a eu au moins le mérite de susciter
le débat d’une façon tout à fait exceptionnelle.
C’est dans des soirées comme celle-là qu’on se rend compte que
Ciné Rencontres peut au moins se féliciter de ce résultat, modeste en soi mais
important à nos yeux : la parole libre, allant avec tolérance et fermeté
dans des directions différentes, directions variées qui légitiment le fait que chacun a le droit
d’avoir vu son film, et qu’il en est l’acteur comme le lecteur d’un roman est d'une certaine façon un co-auteur du livre.
Il s’est dégagé beaucoup d’émotion dans ce témoignage qui mettait en avant l’émotion que le film avait procurée, beaucoup de conviction chez cet autre qui avait vu un film militant incitant le peuple à reconquérir un pouvoir confisqué par une fausse démocratie et une vraie oligarchie financière, il y avait beaucoup de sérénité chez cet autre qui a retrouvé dans le film le calme et la poésie de son propre jardin. On l’aura compris, mon petit potager ne faisait vraiment pas le poids, et ne pouvait rester qu’un jardin secret. Heureusement, et là aussi je conclus en revenant au début : John a magistralement sauvé l’honneur des présentateurs en décrivant un improbable et surréaliste poulailler portatif à roulettes, vraie vedette d’un jardin auto fertilisé où l’on accède par un chemin qui de loin annonce la verdure. Après cela, on pouvait passer tranquillement au cidre d’honneur qui nous attendait dans le hall en brillant de toute sa biotitude.
Il s’est dégagé beaucoup d’émotion dans ce témoignage qui mettait en avant l’émotion que le film avait procurée, beaucoup de conviction chez cet autre qui avait vu un film militant incitant le peuple à reconquérir un pouvoir confisqué par une fausse démocratie et une vraie oligarchie financière, il y avait beaucoup de sérénité chez cet autre qui a retrouvé dans le film le calme et la poésie de son propre jardin. On l’aura compris, mon petit potager ne faisait vraiment pas le poids, et ne pouvait rester qu’un jardin secret. Heureusement, et là aussi je conclus en revenant au début : John a magistralement sauvé l’honneur des présentateurs en décrivant un improbable et surréaliste poulailler portatif à roulettes, vraie vedette d’un jardin auto fertilisé où l’on accède par un chemin qui de loin annonce la verdure. Après cela, on pouvait passer tranquillement au cidre d’honneur qui nous attendait dans le hall en brillant de toute sa biotitude.
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