dimanche 5 avril 2015

SUITE FRANCAISE

25ème séance avec débat

Michelle Willliams
http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18640559.html




SUITE FRANCAISE 



VENDREDI 3 AVRIL 2015
20H30
SOIREE CONFERENCE
avec 
MICHEL JACQUET










Matthias Schoenaerts
















Ce soir-là, le public de Ciné-Rencontres s'est vu gratifier d'une conférence de Michel Jacquet, qui a donné les grandes lignes de son livre Travelling sur les années noires

Rappelons aussi le sous-titre: "L'occupation vue par le cinéma français depuis 1845".
(Alvik éditions, Paris, 2004, réédition 2011).




 Réflexion à part...

Une soirée surprise - même pour moi ! - d’une forme totalement inédite, au cours de laquelle le public de Ciné Rencontres a pu bénéficier d’une conférence de Michel Jacquet que ce dernier peaufine depuis une dizaine d’année, résumant à grands traits le contenu de son livre Travelling sur les années sombres.

Pas trop de frustration j’espère de cette substitution au détriment de nos échanges interactifs habituels sur le film de la soirée. Là, pour le coup, on se rapprochait davantage d’une soirée type Dossiers de l’écran. Mais la nostalgie a son charme, et le public était effectivement charmé de voir reparaître sur le devant de la scène les vedettes disparues qui ont fait la grandeur du cinéma français, d’André Bourvil à Philippe Noiret, de Simone Signoret à Romy Schneider. Les acteurs du film, notamment l’acteur belge qui monte, Matthias Schoenarts, avaient néanmoins leurs inconditionnel(le)s.

Pour aider à effectuer pour soi-même une réflexion qui revienne plus spécifiquement au film de la soirée, je propose quelques pistes sous forme de propositions sommairement notées avec lesquelles on n’est pas obligé d’être d’accord, ce qui est le principe même du débat.

Proposition :
Un film qui mêle allègrement confusions des sentiments et confusions idéologiques, caractéristique qui est surtout perceptible au début, et qui trouve son origine dans le roman inachevé à tendance largement autojustificatrice d’Irène Némirovsky.

(Suite française est le titre d'une série projetée de cinq romans d'Irène Némirovsky, écrivain de langue française, juive, d'origine ukrainienne, morte en déportation en 1942. Œuvre posthume publiée aux éditions Denoël, Suite française a reçu le prix Renaudot en 2004.)


Dans un second temps, le film s’affranchit de sa source, et l’améliore sensiblement en lui donnant une cohérence bienvenue. C’est là qu’on trouve les séquences les plus émouvantes du film, même si nombre d’invraisemblances que le film traîne depuis le début sont loin de disparaître complètement. Nous a-t-on suffisamment conditionnés avec des fausses pistes et des faux indices cousus de fils blancs. Il ne faudrait surtout pas qu’on dise qu’on ignore le rôle de la revanche de classes opprimées dans la collaboration ou au contraire dans l’engagement, sans qu’on dépasse les cas individuels qui ne correspondent pas forcément, c’est même le contraire souvent, à des réalités statistiques. Les riches opprimant cyniquement le prolétariat rural, se révélant d’un courage exemplaire et du bon côté soudain, tombant dans les bras les uns des autres et s’envoyant des messages d’estime et d’amour. Ne jugez pas trop vite sur les apparences, nous dit-on, c’est plus compliqué que cela.  Et si vous n’avez pas encore compris, voyez cette séquence dans la rue où l’héroïne se voit tour à tour insulter avant que sa conduite ne soit louée comme un acte de résistance paradoxal, certes, mais tout à fait exemplaire et courageux. Certes, tout cela a existé, mais tout cela a aussi trop souvent servi de défense à bien des collaborateurs notoires qui ont voulu tourner leurs turpitudes en autant de bonnes actions. Mais à l’aune du scénario, tout finit par se valoir.

Le cliché du Français individualiste et de l’Allemand soumis au collectif.
 Les raisons de résister toujours le résultat d’accident personnel.
Qu’il cesse de tourner autour de ma femme, c’est tout ce que j’ai à dire. Quand je l’ai vue avec les vêtements de Gaston, mon sang n’a fait qu’un tour...
Ce qui est frappé d’individualisme, c’est surtout le point de vue général du film.

Le film a été rapproché à juste titre du Silence de la Mer. Mais en faisant ce rapprochement, j’ai personnellement surtout été frappé par les différences que par les ressemblances. Car chez Vercors et Melville, les digues sont solidement bétonnes et bâties pour résister longtemps. Elles sont plutôt friables dès le départ dans le cas du film, et le moins Sherlock Holmes des spectateurs a suffisamment d’indices dans les regards et les sourires en gros plans de l’héroïne pour savoir que le silence et l’interdiction de parler ne vont pas durer bien longtemps. On est bien dans une situation d’autojustofication, à l’opposé d’une situation de résistance, même si de nombreux éléments sont là pour brouiller les pistes. On en vient vite et fatalement à la citation de la fameuse litote de Chimène interdite d’amour devant Rodigue : « Je ne vous hais pas. » On l’avais deviné, merci.

Et les filles qui ont le  diable au corps devant les corps musclés des occupants maintiennent par comparaison la relation du couple central à un niveau supérieur, celui des sentiments sincères voire élevés, et même coefficientés à l’occasion par un esprit de sacrifice rédempteur. Le soudard se métamorphose en chevalier champion de l’amour courtois. 

Dans la marmite où mijotent les éléments de couleur locale chargés de donner un piment de vérité aux images, on ne se soucie guère de cohérence, on se préoccupe surtout de ne pas tomber sous le coup de l’accusation d’avoir oublié un ingrédient de la recette.
On a les héros et les ordinaires, les raffinés et les brutaux, les avides et les désintéressés, les corbeaux et les honnête,… On n’a oublié ni les lettres de dénonciation ni les armes qu’on aura refusé de rendre à l’occupant, les perquisitions qui font que les filles se précipitent affolées dans les bras de leur vieux père, les laissez-passer piégés, les embuscades, les cachettes d’Anne Frank ou de La Rafle, les risques de la révolte et de la clandestinité, une résistance collective en France évoquée finalement, même si c’est d’une manière tout à fait diaphane.

Mérite toutefois du film : faire réfléchir sur les zones grises de la période. On l’a vue à Ciné Rencontres dans les films  qui donnent de nouveaux points de vue allemands, avec les relations interraciales provoquées par l’occupation américaine, les relations inter-régimes entre l’Est et l’Ouest, les relations obligées avec le « Lebensborn ».

La notion de nouveauté doit d’ailleurs être affinée à ce stade.
Que la lecture ait précédé le cinéma n’est pas seulement affaire de différence de nature et d’ampleur des publics. C’est surtout que la lecture est une activité solitaire, tandis que le cinéma suppose la collectivité. Les implications ne sont plus les mêmes. Lire un texte subversif peut aisément donner l’illusion que sa diffusion est maîtrisée. C’est évidemment plus difficile de le croire devant le spectacle des salles pleines.
Ne pas sous-estimer non plus la capacité d’oubli voire de disparition pure et simple, surtout quand la technique a considérablement évolué entre temps. Pour un jeune de 2015, le fait qu’un thème ait été traité au temps du cinéma muet n’a aucune valeur statistique, ni par conséquent sociologique. Les enseignants savent bien que pour chaque génération qui vient, même l’inusable Albatros de Baudelaire est une nouveauté et une découverte. Les énièmes rediffusions télévisées des mêmes classiques ne sont énièmes que pour les personnes d’un certain âge. Elles sont rencontres inédites pour chaque jeune qui les voit pour la première fois. Même si on a évoqué Monsieur Klein et Les guichets du Louvre à la projection de La rafle (un grand succès de Ciné Rencontres, soit dit au passant, et des plus émouvants au regard du statut de nos invités exceptionnels), on ne pouvait pas raisonnablement se faire d’illusions sur la continuité du thème dans l’esprit du public, et dans la réalité ce fut pour presque tout le monde  comme une révélation.


L’évolution psychologique et idéologique. Le film a des aspects complexes, dans les situations, mais aussi bien des aspects simplistes, dans la psychologie des personnages. On a l’impression qu’il n’ont pas lu les journaux et qu’ils sont à peine au courant qu’il y une guerre, et pourtant ils ne paraissent guère s’étonner le plan suivant quand on bombarde et qu’on empile des morts autour d’eux. Extraordinaire faculté d’adaptation, vraiment.
Phrases clés de l’héroïne de ce point de vue :
Le autres peuvent bien se faire la guerre et se haïr, moi je veux vivre ma vie.
Comment vivre une vie de rêve dans l’horreur ?
Titre possible de ce point de vue : La neuneu héroïque…




Evolution autour d’une hiérarchie théorique « idéaliste » :

la lutte pour la nation
la lutte des classes
les sentiments
la sexualité
les intérêts matériels

Sens général :

Brouillage des cartes initial, puis restructuration qui est le fait du film, pas du roman.

Un film dont on se délecte de relever les insuffisances et les imperfections. Un excellent support à débat, finalement.






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