samedi 25 avril 2015

TAXI TEHERAN

28ème séance avec débat





TAXI TEHERAN 



VENDREDI 24 MARS 2015
20H30
SOIREE DEBAT





Eloge du voleur.
Voleur d'images.
Voleur de films.















(Le voleur)



C’est un film d’espaces (au pluriel). 
D’abord l’espace iranien, espace prison, dans lequel Jafar Panahi est assigné à résidence, et le nôtre, espace de liberté. C’est un film de truchements, d’intermédiaires, de portes réelles ou virtuelles qui permettent plus ou moins concrètement, donc plus plu moins virtuellement, de faire communiquer ces deux mondes programmés pour rester étanches. 
C’est dans cet entre-deux qu’il convient de voler sa liberté. Un vol citoyen, en quelque sorte. D’autant plus qu’il est acte sacrificel individuel pour un résultat collectif. 
Le vol d’un Robin des Bois social et culturel qui prend tous les risques pour nous tous. 















(Vie privée)
Il est dans son taxi comme un poisson dans l'eau. Mais l'eau d'un bocal est précaire. Mieux vaudrait pouvoir rejoindre les eaux vives de la liberté. C'est même, à ce stade, une vraie question de vie et de mort.  Chacun possède, à l’intérieur de ses espaces généraux, son espace intime particulier. 
Lui, c’est son taxi, où il est le plus en sécurité, sans pour autant que la menace en soit totalement absente, nous, c’est notre salle de cinéma. Il a du mal à le quitter, malgré les invitations insistantes : 
« Dommage que vous ne puissiez pas venir chez moi. – Merci. » 
Il ne le quittera vraiment qu’à la fin, quand le film sera fini, et qu’il sera alors temps de le voler. Quand il sera « diffusable », non pas au sens de la censure, mais au sens de la liberté créatrice. 

Et ce qui permet la transmission de l’un à l’autre, c’est bien entendu le film. 
C’est par le film qu’il nous fait savoir ce qui se passe et ce qu’on pense là-bas. Mais on sent bien que le désir d’interaction est plus difficile à satisfaire, et que le chemin du retour est plus problématique. Aussi sommes-nous constamment sollicités. Depuis la rose qui sollicite explicitement notre soutien et qui nous en remercie chaleureusement par avance, jusqu’aux multiples appels, plus ou moins visibles, qui constituent dans la trame du film autant de filigranes authentifiants. 
Les plus apparents sont évidemment ces films dans le film, qu’il faut faire avec tout ce qu’on a sous la main, ou qu’il faut échanger, ou même qu’il faut pirater ou voler. 
Jusqu’à ce vol final dont on a bien pris soin auparavant à nous dire qu’il est fictif, qu’il est lui-même mis en scène, qu’il porte avant tout une signification symbolique. 
Le message final est donc le suivant : Ce film, jusque-là prisonnier dans mon taxi comme je le suis moi-même, prenez-le donc, et mettez-le dans votre espace de liberté. Volez-le, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen, appropriez-vous ce qu’il contient et véhicule. C’est ma seule façon à moi d’être libre. 
Car ce qui est proclamé constamment, c’est le désir de film, à tout prix, par tous les moyens. 
On l’achète à bas prix au vendeur qui lui même a allègrement piraté l’original, on est ami de celui qui en vend des valises entières, et même si on feint de l’être malgré soi, on en est aussi en quelque sorte le partenaire. 














(Ascenseur pour l’échafaud)

Pas étonnant que le mode d’emploi de ce processus tactique nous soit livré dès les tout premiers plans, sous la forme d’une conversation surréaliste d’apparence, mais parfaitement maîtrisée en réalité, entre celle qui se révèle assez vite être une institutrice, et celui qui s’avouera le plus tardivement possible être un voleur à la tire professionnel. 
Car ce voleur a une morale, et paradoxalement deux ou trois condamnations à mort lui paraissent de nature à la faire comprendre aux candidats à la déviance. 

Deux lectures. 
Lecture premier degré : paradoxe absurde d’une morale imposée par une violence d’Etat dont on voit bien qu’elle n’a rien réglé jusque-là, bien au contraire. C’est l’opposition avec l’institutrice qui plaide la proportionnalité des fautes et des punitions. 
Second degré : il existe un vol sinon légitime, du moins excusable par la nécessité où l’on se trouve placé. A la limite, c’est même un devoir, un acte de résistance. Volez le livre qu’on vous interdit de lire, volez le film qu’on vous interdit de voir. Encore plus à la limite, c’est même un plaisir. Comme chez La Fontaine, c’est double plaisir de tromper le trompeur. 
Le problème, c’est qu’il existe un entre-deux qui constitue une zone grise. Voler le riche qui se marie, pour l’enfant qui a faim, c’est quand même voler, même si la « noirceur », dans ce cas, est des plus légères. 
Plus délicate à trancher est la parabole de l’ami qui a reconnu ses agresseurs, mais qui a renoncé à les dénoncer parce qu’ils étaient dans la nécessité et qu’ils sont bien repartis. C’est pourtant cet homme que la nièce trouve sympathique et que le réalisateur regrette de ne pas avoir filmé. « Dommage, j’aurais bien voulu savoir à quoi ressemble un voleur. » Réponse : « A tout le monde, à toi, à moi… » Nous sommes tous des voleurs, comme André Cayatte disait que Nous sommes tous des assassins. A nous de choisir notre type de vol comme on choisit ses films. Le vol positif de libération culturelle de préférence… Et qu’on commençons par « voler », par s’approprier, le film, en train de se faire sous nos yeux, de Jafar Panahi. 



La condition féminine. 
















(Viva Maria)

Que le film soit un objet de convoitise, le film le décline sous toutes ses formes. Même les plus burlesques. Même les plus improbables. 
La femme qui vient de (sur)jouer la scène de l’agonisant qui finit par trépasser. Elle réclame avec insistance le film où le mari a enregistré son testament en sa faveur. « Mais puisqu’il va bien ?! – Peu importe, je le veux pour moi, ça peut toujours servir. Et ne m'appelez surtout que sur mon portable personnel. » 
Qui donc a dit que le cinéma ne servait à rien ? Encore une réfutation magistrale. 
 Ruse dans l’esprit des fabliaux ? Peut-être, mais surtout moyen d’indiquer la nécessité de survivre dans une société qui ne fait pas la part belle aux femmes.
Où l’amour est strictement encadré et ne laisse pas de place aux Roméo et Juliette locaux. Ils ont viré le prétendant de leur fille parce qu’il était afghan. Et pourtant, il s’obstine. Une histoire parallèle dont on ne saura plus rien. 















(Les amants)

















 (Zazie dans le métro)


Zazie dans le taxi. Cette petite Zazie (le film de Louis Malle, d’après Queneau) qui bouleverse les codes avec une insolence calculée, en s’entraînant déjà sur son oncle quasi  tatiesque, signifie assez que la femme est l’avenir, non seulement de l’homme iranien, mais de la nation iranienne tout entière. Elle en a la répartie, et ne sera pas facile à canaliser. J’ai éteint mon téléphone sinon tu aurais téléphoné une excuse et tu ne serais pas venu. 
La vérité, c’est bien connu, sort de la bouche des enfants même si le scénario aide un peu. Elle s'étonne des contradictions, signes d’un monde absurde : Pourquoi ceux qui créent cette réalité nous interdisent-ils de la montrer ? Cynisme : Faites donc appel à votre « bon sens » pour vous autocensurer, en plus de toutes les interdictions officielles qu’on vous transmet explicitement. 
















(La petite)

Le courage. Celui de cette avocate souriante aux bras chargés de roses, lesquelles aspirent résolument à passer d’un espace à l’autre par le truchement du cinéma. Et pourquoi pas, puisqu’on franchit bien l’écran chez Woody Allen, cité pour Midnight in Paris ?














(Le monde du silence)

Deux préceptes nous accompagnent souvent. 
D’abord, que le cinéma parle toujours du cinéma, quel que soit le sujet traité. Ici, point n’est besoin de se battre les flancs pour convaincre. 
Ensuite, qu’il y a deux sortes de films, ceux qui se moquent de leur public, et ceux qui le respectent au contraire,  et qui ne s’aviseraient pas de tricher avec lui. 
Merci à celui-ci d’illustrer magistralement la seconde catégorie, en mêlant la gravité et l’humour, et en donnant, sans avoir l’air d’y toucher, une très belle et très convaincante leçon de cinéma. 
Un cinéma qu’on ne bâillonne pas. Un cinéma qui soit celui de la parole libre, et non pas celui d’un monde du silence. 

Car enfin, ici ou là, on ne demande vraiment pas grand chose. Il s’agirait juste de ne pas être trop distancé dans la course au mieux vivre.
















(La poursuite du bonheur)




Qu’on veuille bien nous pardonner si, dans des séances comme celle-là, nous nous laissons aller à être un peu fiers de notre association de cinéphiles. 
D’ailleurs certains ont été sur place, en Iran,entre les premiers troubles fomentés par Khomeini de 1964 et sa prise de pouvoir effective en 79. Depuis, à en croire les images du film et les souvenirs de notre touriste cinéphile, Téhéran paraît plus « diffusable ». 
Le fait de cette visite, ou de l’autocensure du réalisateur qui ne veut pas en rajouter, ou d’une construction Potemkine qui a les moyens de maintenir derrière les décors ce qui ne doit pas être montré ? Evitons à tout prix l'excès de « noirceur »… 
Le simple fait de voir un tel film et d’être là est en soi un acte militant. On pouvait légitimement imaginer, à la sortie, que nous avions été à Vierzon, dans notre salle 6, dans une salle rebaptisée, le temps de la projection et du débat : SALLE CHARLIE. 















(Place de la République)




Préceptes :
Tous les films méritent d’être vus. Le reste est une question de goût personnel.
Et en effet il (Jafar Panahi, comédien et réalisateur) met son précepte immédiatement en pratique en sélectionnant les films qui sont à son goût. 



Quelques références extérieures.
(Sorte de pense-bête que je me propose de compléter dès que j'en aurai le temps)

La rose pourpre du Caire

Mon oncle

Les frères Lumière

Nestor

Zoroastriens



Tout est bon pour faire et diffuser du film. 
Et les moyens modernes (appareils photos, tablettes, smartphones) donnent bien du fil à retordre aux censeurs. 
Il suffit souvent d’un plan séquence. 
Qu’il soit inventif et raconte une histoire scénarisée, ou qu’il ait l’air d’être tourné au hasard par une caméra posée là, capturant ce qui peut passer dans le champ, à la manière des frères Lumière. 
Et il faut si peu de chose, quand on a du talent, pour que l’histoire racontée ou observée sorte de l’ordinaire. 
















(Histoires extraordinaires)


Le film distancié qui ne trompe pas, tout en disant qu’il pourrait bien s’agir du réel.

« Merci, je vous en prie »
La présence d’expressions françaises dans le dialogue iranien. 

La culture occultée
Pas de prénoms persans pour les personnages positifs. Pas de personnage positif avec une cravate. 

Jeu de dupes ou de poker menteur
Je censure (le réalisateur) mais je récupère (le prestige du cinéma iranien à l’étranger). Quelle est la longueur de la corde avec laquelle l’Etat ligote le réalisateur et le tient en laisse ? Il faut jouer avec les limites sans trop les transgresser. 


Mais enfin, n’y aura-t-il vraiment rien sur Brel cette fois-ci ? 
Rien de direct, l’imaginaire iranien dans Brel, ce n’est pas aussi évident que l’imaginaire chinois. Reste l’option des sas, bien dans la thématique du film. 
Juliette Gréco, qui occupe la première page de mon journal après sa tournée au Printemps de Bourges qu’il ne faut pas qualifier d’adieu, et qui intercéda d’ailleurs si efficacement pour Brel à ses débuts, a chanté le drame de l’incommunicabilité, de l’incompatibilité de deux mondes qui séparent ceux qui aspirent à se rencontrer. 
Mais tout le monde connaît l’histoire du petit oiseau et du petit poisson qui s’aimaient d’amour tendre : Mais comment s’y prendre quand on est dans l’eau, mais comment s’y prendre, quand on est  là-haut ? ...


Le rôle des grandes puissances. 
France, Angleterre, Etats-Unis.
Mossadegh et la nationalisation du pétrole.

Le origines françaises du cinéma iranien.
J’ai brièvement rappelé les origines françaises du cinéma iranien au tout début du XXe siècle, très peu de temps donc après l’invention du cinéma par les frères Lumière.  
Voici les détails: 


Avant l'arrivée du cinéma, observe Morteza Ravadi, les divertissements sont en Iran un luxe réservé à la seule partie aisée de la population.
Le 8 juin 1900, lors d'un voyage en Europe, le chah d'Iran Mozaffaredin Shah assiste à une projection de cinématographe à Contrexéville, en France. Le souverain ordonne à son photographe, Mirza Ebrahim Khan Akkās Bāshi, d'acheter une caméra Gaumont.
Le film tourné à Ostende lors d'un festival floral est sans doute le premier film tourné par un réalisateur iranien. Les premiers films réalisés en Iran sont des films de commande du souverain, comme les films sur les animaux du zoo, des processions de Moharram, des fêtes filmées et projetées à la cour par Akkās Bāshi.
La première salle de cinéma est ouverte en novembre 1904 par Mirza Ebrāhim Sahhāf-Bāshi. Celui-ci, qui a voyagé à l'étranger, projette de courtescomédies et des montages d'images d'actualité — obtenues principalement à Odessa et Rostov-sur-le-Don— pendant un mois. Mehdi Rusi Khān, d'origines anglaise et russe, est un ancien photographe à la cour de Mohammad Ali Shah. Il achète un projecteur et quinze films à la société Pathéafin d'organiser des projections dans le harem royal vers 1907, puis ouvre une salle d'environ deux-cents places dans le centre de Téhéran. Il organise des projections de comédies françaises et de films d'actualités tous les après-midi. En janvier 1909, Rusi Khān produit environ 80 mètres depellicule sur les cérémonies de Mouharram ; projetés en Russie, mais jamais en Iran. Considéré comme un soutien du Shah et un proche de labrigade cosaque persane, Rusi Khān voit sa salle mise à sac au cours de la révolution constitutionnelle en 1909. Mehdi Rusi Khān laisse son matériel à une personne qui organise des représentations itinérantes en province, avant de s'exiler.
Ardāshes Batmāngariān, aussi appelé Ardeshir Khān, travaille chez Pathé à Paris pendant plusieurs années et rapporte en Perse le cinématographe, le phonographe et la bicyclette. En 1913, il ouvre une salle à Téhéran, qui propose parfois un accompagnement des films au piano ou au violon, ainsi que des rafraichissements de saison. À partir de 1920, le nombre de salles commence à augmenter, à la fois à Téhéran et en province. En 1925, est ouvert le Grand Sinemā, d'une capacité de cinq cents places, dans le Grand Hôtel de Téhéran, situé dans la rue Lalezār.


Si vous voulez lire la suite, et constater que les affinités avec la France ne s’arrêtent pas là :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9ma_iranien


Les très riches culture et  poésie persane?
Quelque chose à venir, certainement...




Autobus, carte postale, robe de chambre...Sur les interpénétrations réciproques entre la langue française et la langue persane, voir:
http://www.teheran.ir/spip.php?article1708#gsc.tab=0


Des roses.

Saadi, Notre jardin de roses.
http://www.teheran.ir/spip.php?article703#gsc.tab=0


De l'eau et des poissons
L’eau est un élément nécessaire à la vie de tous les êtres vivants mais l’amour et la révélation sont des sources de vie encore plus puissantes que l’eau qui existe dans la nature. L’eau de l’Amour est pour Mowlânâ "l’eau véritable".
Mowlânâ utilise l’allégorie de l’eau et des poissons dans l’un des poèmes lyriques du Divân de Shams : le poisson, sans eau, n’est qu’une carcasse sans vie ; il est impossible de demander à un poisson de supporter d’être séparé de l’eau. La situation de l’amoureux (celui qui est épris de Dieu) est la même que celle du poisson.
http://www.teheran.ir/spip.php?article69#gsc.tab=0

A Téhéran, circulez, y a tout à voir.
http://www.teheran.ir/spip.php?article91#gsc.tab=0


L'Iran ,une mosaïque de peuples.
http://www.teheran.ir/spip.php?article1916#gsc.tab=0

Comment peut-on être persan?...

Réponses: 
1) On n'a pas le choix.
2) En naissant persan, comme partout.
3) En aimant la Perse.
4) En assumant sa différence. 
Voir la Perse ici chez Voltaire et Montesquieu.
http://www.teheran.ir/spip.php?article1426#gsc.tab=0

Du chiisme et du sunisme. Essai de distinction.
http://www.teheran.ir/spip.php?article1490#gsc.tab=0


Et plein d'autres choses sur Téhéran et sur l'Iran sur ce site...


On  en a bien sûr parlé, et j'allais (bêtement) oublier :

Souvenirs souvenirs…
  
Nous avons reçu un réalisateur iranien à Ciné Rencontres.
NOCES EPHEMERES de REZA SERKANIAN

Nous avons repéré une allusion furtive à la poésie persane… dans le film Diana (si, si !…).


REMARQUE

Dans la liste présentée en vue de constituer notre nouveau programme, figure le film intitulé :
UNE FEMME IRANIENNE.
Voir:
http://cinegraphe.blogspot.fr/2015/04/films-souhaites.html
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=213722.html






COMPLEMENTS, PROGRAMMES, PHOTOS, BANDES ANNONCES,...
    Cliquez sur le lien ou sur l'image.

http://cinelumiere-vierzon.info/



Vous n'avez pas manqué de remarquer la rubrique ART ET ESSAI... et le lien
CINE RENCONTRES.










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