16ème séance avec débat
LES 3 VIES DU CHEVALIER
Docu-fiction français de Dominique Dattola avec Félicien Delon. (2014-1h50)
Au fil de son récit, le réalisateur éclaire l’évolution de la liberté de penser en France depuis l’Ancien Régime jusqu’à aujourd’hui en suivant les rebondissements d’une affaire emblématique : l’Affaire n°23 dite «La Barre» ; un procès arbitraire instruit en France au siècle des Lumières et qui continue de défrayer la chronique depuis plus de 250 ans...
Film sur la liberté de penser, la laïcité, sur les risques encourus dans une société où le pouvoir religieux se confond encore avec le pouvoir politique et judiciaire.
VENDREDI 23 JANVIER à 20h30
CINE RENCONTRE
AVEC DOMINIQUE DATTOLA
REALISATEUR DU FILM
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LA LETTRE
Chevalier de La Barre (Le)
A l'époque d'une France que l'on dit encore fille aînée de l'Eglise, il ne fait pas bon prendre
quelque liberté avec la religion. Avec une simple chanson, par exemple, ou en oubliant de saluer une
procession religieuse, ou encore en
se trouvant par hasard en un endroit
où un vieux crucifix menace ruine et finalement s'écroule. Le supplice et l'exécution sauvage du chevalier de La Barre, âgé de dix-neuf ans,
réputé libre-penseur et bon vivant,
n'ont rien de moins horrible que le sort infligé au malheureux Calas. Il suffit
d’une coïncidence de lieu et de temps pour qu'un délit soit inventé de toutes
pièces et imputé à un jeune homme qui entend vivre librement. Sans aucune
preuve, le chevalier va être victime de rumeurs. Les sourdes jalousies et les
obscures vengeances privées de quelques personnages en vue, qui ont des comptes
à régler, vont à la fois amplifier ces rumeurs et s'en nourrir pour
instruire un procès infâme. Infâme, c'est le
mot de Voltaire pour qualifier le fanatisme religieux et sa dimension meurtrière. «Ecrelinf», c'est d'ailleurs le pseudonyme qu'il se choisit (pour «
écrasons l'infâme »). La calomnie
publique concernant un jeune homme qui
se permet de détenir un exemplaire du Dictionnaire philosophique de
Voltaire va conduire à une des grandes injustices de la France catholique. L'Ancien Régime a scellé l'alliance du trône et de l'autel, pour le pire et pour le pire.
C'est un monitoire de l'évêque
d'Amiens qui a encouragé et déclenché
la dénonciation fatale. Victor Hugo raconte et s'indigne, au cours d'un hommage qu'il rend à Voltaire cent ans après sa mort.
«En 1765, à Abbeville, le lendemain
d'une nuit d'orage et de grand vent, on ramasse à terre sur le pavé d'un pont un
vieux crucifix de bois vermoulu qui depuis trois siècles était scellé au parapet. Qui a jeté bas ce crucifix ? Qui a commis ce sacrilège
? On ne sait. Peut-être un passant.
Peut-être le vent. Qui est le coupable ? L'évêque d'Amiens lance un
monitoire. Voici ce que c'est qu'un monitoire
: c'est un ordre à tous les fidèles, sous peine de l'enfer, de dire ce qu'ils savent ou croient savoir de tel ou tel
fait ; injonction meurtrière du fanatisme à l'ignorance. Le monitoire de l'évêque d'Amiens opère ; le grossissement
des commérages prend les proportions de la dénonciation.
La justice découvre, ou croit découvrir, que dans la nuit où le crucifix
a été jeté à terre, deux hommes, deux
officiers, nommés l'un La Barre, l'autre
d'Etallonde, ont passé sur le pont d'Abbeville, qu'ils étaient ivres, et qu'ils ont chanté une chanson de corps
de garde. Le tribunal, c'est la sénéchaussée d'Abbeville.
Les sénéchaux d'Abbeville valent les capitouls
de Toulouse. Ils ne sont pas moins justes. On décerne deux mandats d'arrêt. D'Etallonde s'échappe, La Barre est pris. On le livre à l'instruction judiciaire. Il nie avoir passé sur le
pont, il avoue avoir chanté la
chanson. La sénéchaussée d'Abbeville le condamne ; il fait appel au parlement de Paris. On l'amène à Paris, la sentence est trouvée bonne et confirmée. On le ramène à Abbeville, enchaîné. J'abrège. L'heure monstrueuse arrive.
On commence par soumettre le
chevalier de La Barre à la question ordinaire et extraordinaire pour lui faire avouer
ses complices ; complices de quoi ? d'être passé sur un pont et d'avoir chanté
une chanson ; on lui brise un genou dans la torture ; son confesseur, en entendant
craquer les os, s'évanouit ; le lendemain, le 5 juin 1766, on traîne La Barre
dans la grande place d'Abbeville ; là flambe un bûcher ardent ; on lit sa sentence
à La Barre, puis on lui coupe le poing, puis on lui arrache la langue avec une
tenaille de fer, puis, par grâce, on lui tranche la tête, et on le jette dans le
bûcher. Ainsi mourut le chevalier de La Barre. Il avait dix-neuf ans. Alors, ô
Voltaire, tu poussas un cri d'horreur, et ce sera ta gloire éternelle ! Alors
tu commenças l'épouvantable procès du passé, tu plaidas contre les tyrans et
les monstres la cause du genre humain, et tu la gagnas. Grand homme, sois à jamais
béni ! »
Victor Hugo, Actes et
Paroles. Depuis l'exil, 1876.
Le chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre, né
le 12 septembre 1745 au château deFérolles-en-Brie et décédé le 1er juillet 1766 à Abbeville
fut un jeune noble français condamné à être torturé puis décapité et brûlé, par
le tribunal d'Abbeville puis par le Parlement de Paris, pour blasphème
et sacrilège.
Le chevalier de La Barre fut supplicié à Abbeville,
le 1er juillet 1766. Il fut soumis le matin à la question ordinaire,
ses jambes furent enserrées entre des ais et l'on enfonça des fers entre les
ais et les genoux pour briser les os (supplice réservé aux empoisonneurs et aux
parricides). La Barre perdit connaissance, on le ranima et il déclara ne pas
avoir de complice. On lui épargna la question extraordinaire pour qu'il eût
assez de force pour monter sur l'échafaud. Il fut conduit sur le lieu de
l'exécution, en charrette, en chemise, la corde au cou. Il portait dans le dos
une pancarte sur laquelle était inscrit « impie, blasphémateur et
sacrilège exécrable ». Le courage du condamné fut tel qu'on renonça à lui
arracher la langue. Le bourreau le décapita d'un coup de hache. Son corps fut
ensuite jeté au bûcher ainsi qu'un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire
cloué sur le torse. Il était âgé de 20 ans. Le trouble suscité par cette
exécution fut tel qu'on renonça à poursuivre les autres accusés.
Plusieurs personnalités dont l’évêque d'Amiens, intervinrent
auprès de Louis XV au
vu de la minceur du dossier d'instruction et du fait que la sentence avait été
rendue en toute illégalité, Louis XIV ayant
ordonné en 1666 que
le blasphème ne fût plus puni de mort. Mais Louis XV refusa d'user de son droit
de grâce.
« Ce sang innocent crie, et moi je crierai aussi ; et je crierai jusqu’à ma mort. »,
À Paris, en 1897, des francs-maçons du Grand Orient de France obtinrent
l’élévation d’une statue du chevalier de La Barre devant la basilique du Sacré-Cœur,
à Montmartre. Déplacée en 1926, square Nadar,
la statue fut déboulonnée le 11 octobre 1941. Le 24 février 2001, le Conseil municipal
de Paris décida d'ériger une nouvelle statue du chevalier de La Barre square
Nadar. Elle est l’œuvre du sculpteur Emmanuel Ball et du fondeur Michel
Jacucha.
Il existe également une « rue du Chevalier-de-La-Barre » derrière le Sacré-Cœur, entre la rue Ramey et la rue du Mont-Cenis.
Il existe également une « rue du Chevalier-de-La-Barre » derrière le Sacré-Cœur, entre la rue Ramey et la rue du Mont-Cenis.
À Abbeville, en 1902, des francs-maçons du
Grand Orient de France déposèrent un bouquet de fleurs à l’endroit du supplice.
Cet acte fut à l’origine de la création du groupe La Barre qui organisait une
manifestation qui traversait le centre-ville d’Abbeville, du monument La
Barre qui fut érigé en 1907, par souscription
volontaire, sur les berges du canal de la
Somme, près de la gare, jusqu’à la place de l'exécution.
En France, en 2014, sortie du film de Dominique
Dattola, Les 3 Vies du Chevalier, qui retrace l'histoire du
chevalier de la Barre à l'écran. La musique originale est interprétée par
l’Orchestre de Picardie. Le film a reçu le prix de l'Initiative laïque aux
Rendez-vous de l’Histoire de Blois en 2013.
Aujourd’hui, le nom, le monument abbevillois et la statue
parisienne de cette victime de l’intolérance religieuse demeurent des points de
ralliement pour les militants libres-penseurs. Trois associations existent
portant le nom du chevalier de La Barre : à Paris, à Abbeville, et la loge
maçonnique du Grand Orient de France à Bergerac.
Il existe des rues, impasses ou places nommées en mémoire du
chevalier de La Barre dans plus de 60 communes.
Color-tinted French postcard circa 1906. Monument to the Chevalier de
La Barre -
Paris, 18th arr. at Sacré-Cœur de Montmartre (later relocated in 1926 and later melted
by Vichy France [and the Third Reich
Occupation Army] . Age spots were digitally corrected with GIMP photo
editor.
Carte postale française colorisée d’environ 1906. Monument
dédié au Chevalier de La Barre – Paris, 18e arrondissement au
Sacré-Cœur de Montmartre (déplacé plus tard en 1926 et ensuite fondu par l'Etat français de Vichy [et l’Armée d’Occupation du IIIe Reich]. Les endroits
dégradés ont fait l’objet d’une correction digitale avec le logiciel de retouche
photo GIMP.
Monument du Chevalier de La Barre - 18e arrondissement de Paris,
Sacré-Cœur de Montmartre, vers 1906.
Statue du chevalier de La Barre, square Nadar,
à Montmartre.
AUTRES « AFFAIRES »
CALAS
Le 22 mars 1761, Voltaire est informé que, par ordre
du parlement de Toulouse, un vieux commerçant
protestant, nommé Calas, vient d’être roué, puis étranglé et
brûlé. Il aurait assassiné son fils, qui voulait se convertir au catholicisme.
Voltaire apprend bientôt qu’en réalité Calas a été condamné sans preuves. Des
témoignages le persuadent de son innocence. Convaincu qu’il s’agit d’une
tragédie de l’intolérance, que les juges ont été influencés par le fanatisme
ambiant, il entreprend la réhabilitation du supplicié et l’acquittement des
autres Calas qui restent inculpés. Pendant trois ans (1762-1765), il mène une
intense campagne : écrits, lettres, mettent en mouvement tout ce qui a de
l'influence en France et en Europe. C'est à partir de l'affaire Calas que le
mot d'ordre « Écrasez l'Infâme » (chez Voltaire, la superstition, le
fanatisme et l'intolérance), abrégé à l'usage en Ecr.linf., apparaît dans
sa correspondance à la fin de ses lettres. Il élève le débat par un Traité sur la tolérance (1763).
SIRVEN
Il réussit de même à faire réhabiliter Sirven,
un autre protestant condamné par contumace le
20 mars 1764 à être pendu, avec sa femme, pour le meurtre de leur fille que
l’on savait folle et qu’on trouva noyée dans un puits. On accusait son père et
sa mère de l’avoir assassinée pour l’empêcher de se convertir. Les deux parents
vont solliciter Voltaire qui obtient leur acquittement après un long procès.
LALLY-TOLLENDAL
Son engagement pour combattre l'injustice va durer jusqu'à
sa mort (réhabilitation posthume de Lally-Tollendal, affaires
Morangiés, Monbailli, serfs du Mont-Jura).
« Il faut dans
cette vie combattre jusqu’au dernier moment ; »,
déclare-t-il en 1775.
Thomas Arthur, baron de Tollendal, comte de Lally, dit
« Lally-Tollendal », baptisé le 13 janvier 1702 à Romans et exécuté
en place de Grève, à Paris, le 9 mai 1766, est
un militaire et haut fonctionnaire français
d’origine irlandaise.
Fait prisonnier, il est conduit à Madras avant
d’être dirigé vers l’Angleterre où, sur son insistance, il obtint sa liberté
sur parole, afin de se rendre à Paris pour se défendre contre les accusations
de lâcheté, de trahison et de corruption formulées à son encontre. La Compagnie des Indes le
défend quelque temps, puis le lâche en pâture à tous ceux qui réclament un
exemple. Bouc émissaire des défaites infligées par
les Anglais, il est enfermé à la Bastille par lettre de
cachet (1762), sans avoir le droit de se choisir un avocat. Il
défend son honneur, publie des Mémoires justificatifs, mais
l’autoritarisme dont il avait fait preuve envers ses troupes, son échec à Madras et
sa reddition à Pondichéry rendent sa défense très difficile. Il demande à
être traduit devant un conseil de guerre, mais c’est le Parlement de Paris qui le juge après une
enquête commencée en 1764. Bussy et d’Aché
déposent contre lui. Le conseiller Pasquier, dans son rapport, arrive à la
conclusion que Lally est coupable d’avoir usurpé une autorité « despotique
et tyrannique ». Le 3 mai 1766, il est condamné à la décapitation pour
« avoir trahi les intérêts du roi8 ».
Après quatre ans de prison, il est conduit au supplice en place de
Grève dans un carrosse drapé de noir. Sa décapitation, œuvre
des bourreaux Sanson père
et fils, tourne presque au Grand Guignol : Sanson manque
son coup, casse la mâchoire avec son épée ainsi que plusieurs dents et doit
recommencer.
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