samedi 17 janvier 2015

TIMBUKTU

15ème séance avec débat


TIMBUKTU



Film Mauritanien de Abderrahmane Sissako avec Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, Abel Jafri... Primé au Festival de Cannes. (2014 - vostf - 1h37)






Heureusement qu’il y a le blog. Ça permet de rattraper ce qu’on avait prévu de dire et que dans le flux de la discussion on a laissé passer. D’autant plus que le rapprochement s’est fait devant l’émotion d’Elisabeth évoquant des situations et des amitiés qui lui sont proches.
Je voulais en effet faire état des larmes émouvantes d’Aberrhamane Sissako présentant son film à Cannes. Le public a confirmé que l’esthétique du film se juxtapose à l’horreur de la situation, mais ne prétend ni la concurrencer ni a fortiori la compenser.



Voir par exemple :
et tout ce qui vient dans un moteur de recherche si vous y introduisez l’expression « les larmes d'Abderrahmane Sissako ».



Nous avons bénéficié de l’expertise – on ne le fait pas toujours exprès mais on a souvent la chance de l’obtenir – de personnes ayant une certaine familiarité, et même une familiarité certaine, avec le Mali ou la Mauritanie. Cela a donné lieu à des témoignages passionnants, et grâce à eux ces pays lointains nous étaient devenus très proches. Beaucoup de remarques pertinentes sur le temps, si différent du nôtre. Sur les femmes, si courageuses et si solides dans le maintient des cohérences familiales et sociales.



Elisabeth était présente, et partait le lendemain pour la Patagonie. On pensait au film Sur le chemin de l’école. Sauf qu’ici, a-t-elle fait remarquer, il n’est malheureusement pas question d’école.

Etonnement devant l’apparence tranquille et sans haine de cette violence que l’on devine plus qu’on ne la voit, excepté, et encore on connaît des cinéastes qui auraient facilement été plus loin dans l’insupportable, de la lapidation. Parti pris voltairien du film : feindre l’indifférence pour mieux susciter la colère et l’indignation du spectateur devant l’intolérable.

Rapprochement utile également avec Loin des hommes. Le fatalisme, la résignation devant une règle qui s’impose et qu’on ne conteste pas.

Imam quasi déiste et voltairien contre le juge religieux imposant des règles irrationnelle pour affirmer son pouvoir. Un choc à l’intérieur de la « même » religion. Etonnant pour nous, tant cette règle paraît inhumaine.




Résonance avec les événements tragiques de l’actualité.

Rapprochements le Cambodge (Le temps des aveux), Viviane Absalem (Le procès de),  la RDA (De l’autre côté du mur) : tout ce qui a un aspect dictatorial et arbitraire.



Réflexion sur la loi, le droit, la conscience, le pouvoir. Référence à Pascal (Pensées).

« La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique. »

Pour davantage de ressources méditatives sur ce thème :




Incrédulité devant le malheur qui vient frapper à votre porte. Côté absurde jusque dans le meurtre-accident, volontairement ( ?) irréaliste. Camus, L’Etranger : quatre coups frappés à la porte du malheur par Meursault.

Une scène jugée irréaliste. Volonté de stylisation du conflit, litote qui correspond à la figure globale du film?




Détresse ou quasi-suicide héroïque des hommes qui ne peuvent plus protéger les femmes devant cette violence étrangère. Là encore, beaucoup passe par les silences.


Le hasard fait que notre film programmé depuis longtemps heurte de plein fouet une actualité tragique. Aussi a-t-il été évoqué la censure de certaines salles, au moins celle de cette ville dont il est question ci-dessous, et .dont la particularité n’est pas tant qu’elle a à sa tête un maire UMP, mais qu’elle a surtout un lien direct avec l’actualité, comme il est précisé dans l’article.  Merci à Jean-Luc de m’avoir fait parvenir cette référence précise.




Actualité Société 
Attentats: le maire de Villiers-sur-Marne 
reporte la programmation du film "Timbuktu"

Publié16-01-2015 à 18h00Mis à jour le 17-01-2015 à 11h35




L'équipe du film "Timbuktu" à Cannes, le 15 mai 2014 (c) Afp




Créteil (AFP) - Par peur de "tensions" après les attentats, le maire UMP de Villiers-sur-Marne, Jacques-Alain Bénisti, a décidé de reporter la programmation du film "Timbuktu" dans une salle de sa commune, ville du Val-de-Marne d'où est originaire Hayat Boumeddiene, la compagne d'Amédy Coulibaly.
"On a eu un certain nombre de tensions inter-ethniques dans nos quartiers à la suite des attentats, et nous avons essayé de les apaiser. On s'est dit qu'il serait bon d'attendre quinze jours que le climat soit plus serein pour reprogrammer le film", a déclaré à l'AFPJacques-Alain Bénisti.
"Les origines villiéraines d’Hayat Boumeddiene suscitent chez certains jeunes Villiérains une sorte de mimétisme qui leur aurait fait perdre le sens premier du film", a expliqué le maire.
"Ca déborde complètement. Certains habitants disent qu'elle est une héroïne, d'autres au contraire pensent qu'elle entache la collectivité", a-t-il ajouté.
Sur les écrans français depuis le 10 décembre, le film "Timbuktu" d'Abderrahmane Sissako est une oeuvre franco-mauritanienne sur la vie quotidienne à Tombouctou au Mali, occupée par les islamistes. Il vient d'être nommé pour l'Oscar du meilleur film étranger et avait été acclamé au dernier festival de Cannes. Il devait être programmé à Villiers de mercredi à dimanche.
Dans les colonnes du Parisien, le maire avait exprimé sa "peur que ce film ne fasse l'apologie du terrorisme". Il précise désormais que "c'est un film qui va dans le bon sens". Mais "ce n'est pas le moment", a-t-il estimé.
Le film sera suivi d'un débat lors de sa nouvelle programmation d'ici une quinzaine de jours, a-t-il assuré.
Dans un communiqué, le Syndicat français de la critique de cinéma a tenu à rappeler que "Timbuktu" était "une oeuvre de cinéma dont le propos pacifiste est limpide". "Le priver d'une exposition sur plusieurs séances pour le cantonner à une unique projection-débat demeure une dérive inquiétante pour la liberté artistique", est-il ajouté.



La résistance par la partie de football mimée.
Ballet extraordinaire, séquence appelée à être d’anthologie.
Précédent dans le sport mimé : Jacques Tati, Parade.











Les chants sous le fouet et la Résistance.
Bara criant "Vive la République", plus récemment ces communards célèbres et anonymes criant "Vive la Commune!" sous les balles des bourreaux, et enfin les héros de L’Affiche rouge d’Aragon :


Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
                        (Strophes pour se souvenir).







Le plan de la verticalité de la danse et de l’horizontalité du terrain avec la droite des deux têtes martyrisées.


De quoi ou de qui la gazelle que l'on chasse et que l'on fatigue pour mieux la tuer est-elle la métaphore?






Retour mal à l’aise sur le mélange étrange d’humanité et de barbarie. Des motifs rationnels ont été avancés, des cas réels cités. Mais aussi et encore il s’agit d’une fiction où le scénario est tout. On se réjouit que la femme au coq déroute les plus barbares et leur pose un problème insoluble. Certes, mais outre le fait qu’il est assez peu optimiste de considérer que dans pareil cas il n’y a pas d’autre refuge que la mort ou la folie, on ne peut s’empêcher de penser que des tout aussi courageux ou inconscients, s’il s’agit bien de folie, ont été éliminés rapidement et n’ont pas embarrassé bien longtemps des meurtriers dont la route jonchée de cadavres n’en est plus à un près. Vertu ou mensonge du cinéma que de nous faire espérer même là où, comme dans l’enfer de Dante, il y a d’abord injonction absolue d’abandonner toute espérance.



Dans le film on plaint les femmes, on plaint les hommes, on plaint les animaux... on plaint aussi les oeuvres d'art, filmées comme des cadavres humains, et dont certaines, debout encore et bouche grande ouverte, criblées de balles, crient notre désespoir.













Contrepoints et prolongements.



Private joke. On l'a cru sans rapport avec le film, eh bien on avait tort. Il a fait connaissance d'une touareg.
Considérations salutaires en décalage avec la gravité du propos. Les mérites des Toyota.



Une réflexion philosophique qui a retenu l'attention.


Philosophe spécialiste des évolutions contemporaines de l'islam et des théories de la sécularisation et post-sécularisation.

Abdennour Bidar est un philosophe et écrivain français né le 13 janvier 1971 à Clermont-Ferrand. Agrégé de philosophie, normalien issu de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, docteur en philosophie (PhD), il a consacré sa thèse de doctorat au développement d'une « pédagogie de l'individuation » ou du « devenir-sujet» à partir de la pensée du philosophe musulman indien Mohamed Iqbal (1873-1938), notamment de son ouvrage The Reconstruction of Religious Thought in Islam (1928-1932). Après plusieurs essais consacrés à la philosophie de la religion, notamment à partir d'études sur l'islam, il publie en 2014 une Histoire de l'humanisme en Occident(éditions Armand Colin).

Abdennour Bidar a enseigné la philosophie en classes préparatoires aux Grandes Écoles de 2004 à 2012. Il est actuellement chargé de mission sur la pédagogie de la laïcité au Ministère de l’Éducation nationale. Il est nommé le 5 avril 2013 membre de l'Observatoire de la laïcité, installé le 8 avril 2013 par le président de la République François Hollande. Il appartient au comité de rédaction de la revue Esprit. De septembre 2012 à juin 2013, il a produit et animé l'émission de débat sur le thème du vivre ensemble et de l'identité -Cause commune, tu m'intéresses le dimanche de 16h à 17h sur France Inter. Durant l'été 2014, il a été le producteur et le présentateur de l'émission France Islam : questions croisées sur France Inter. Il est l'initiateur du groupe facebookRepenser l'islam avec Abdennour Bidar.










3 commentaires:

  1. Ce film est une ode à la vie. Bien que la situation était difficile, les habitants de Tombouctou ont lutté avec honneur contre les intégristes islamistes. De plus, certains islamistes appliquaient la loi (la charia) sans vraiment savoir pourquoi ! La scène avec le juge islamiste qui juge à la va-vite Kidane (le père de famille Touareg Tamashek) pour le meurtre d'Amadou est simplement hallucinante. [spoiler]Kidane dit qu'il n'a pas peur de la Mort mais ce qu'il a peur c'est que sa femme et sa fille reste sans protection. Le juge lui répond en arabe pour ne pas qu'il comprenne "C'est triste qu'une fille de 12 ans soit orpheline"[/spoiler]. De plus les paysages sont d'une beauté irréelle. J'avais peur de trouver un film assez dur mais j'ai trouvé un film poétique sur la vie et le temps qui passe.

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  2. de Jonathan Lefeuvre: dans un commentaire précédent, j'ai expliqué pourquoi j'ai aimé le film. Je ne l'avais pas signé de mon nom. Sinon, si vous n'êtes pas au courant voici quelques anecdotes sur ce film vu sur Allociné. Voici le lien : http://www.allocine.fr/film/fichefilm-225923/secrets-tournage/

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    1. Merci Jonathan pour ta contribution. Oui je suis au courant pour les secrets de tournage d'Allociné, souvent précieux et largement relayés sur notre blog.

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