CONFERENCE A L'AUBERGE DE JEUNESSE
Café repaire
Mardi 2 décembre 19h : JAURES
Où est Jean Jaurès sur cette photo? Facile : c'est le Castrais barbu en canotier qui est à la droite... du Vierzonnais Edouard Vaillant en chapeau melon.
Délégation de la SFIO (Section Française de l’Internationale
Ouvrière) au mur des Fédérés, Cimetière du Père Lachaise, mai 1913.
Jaurès est
assassiné l’année suivante, Vaillant meurt deux ans après. Eh oui,
2015 sera l’année du centenaire pour l’illustre Vierzonnais !
Que reste-t-il de JAURES,
100 ans après son assassinat ?
C'est Charles SILVESTRE,
auteur du livre "La victoire de Jaurès"(éditions du Privat, 2013), qui animera la conférence débat.
Charles Silvestre publie un ouvrage majeur, riche d'illustrations et de réflexions historiques précises au
coeur du débat politique actuel. Un hommage au tribun socialiste. Il fallait l'expérience du journalisme politique, tout comme la profonde connaissance de l'histoire de Charles Silvestre pour rentrer sur cette hypothétique victoire. Pari assurément réussi, qui part de la biographie personnelle de l'auteur, rendant le propos d'autant plus entraînant et attachant. Alors que bien d'autres livres consacrés à Jaurès répètent nombre d'aspects déjà bien connus, l'auteur met en scène des combats ultérieurs (la Résistance, la lutte contre la guerre d'Algérie, celles des Fralib, etc.) en miroir avec les propos et les espérances de Jaurès.
Il est journaliste, ancien rédacteur en chef de L'Humanité et secrétaire national de la société des Amis de L'Humanité.
"La Victoire de Jaurès" fait suite à son premier essai, "Jaurès, la passion du journaliste" (Le Temps des Cerises, 2010). Il est également l'auteur de "La Torture aux aveux" (Au Diable Vauvert, 2004) sur la guerre d'Algérie.
ATTENTION : Le café repaire commence maintenant à 19h"La Victoire de Jaurès" fait suite à son premier essai, "Jaurès, la passion du journaliste" (Le Temps des Cerises, 2010). Il est également l'auteur de "La Torture aux aveux" (Au Diable Vauvert, 2004) sur la guerre d'Algérie.
C'est toujours à l'Auberge de jeunesse de Vierzon, 1, place François Mitterrand.
En fin de séance, on partage toujours ce que chacun a pu apporter (boisson ou nourriture).
Amicalement, pour le café repaire,
M-H Lasserre.
Depuis Bourges, Le mouvement de la Paix (Annie Frison) s'y associe et propose un co-voiturage.
La commémoration de l’assassinat de Jean Jaurès, le 31
juillet 1914, implique une reconnaissance de la lucidité de l’homme de combats
qu’il fut, pour la République, la paix et la justice sociale, mais aussi la
continuation de son héritage au présent.
On
dit que Jaurès a été assassiné parce qu’il était pacifiste. C’est vrai. Mais le
meurtre de Jaurès, quand Raoul Villain, le 31 juillet 1914, lui tire à bout
portant, à Paris, par une des fenêtres du Café du Croissant, deux balles dans
la tête, va plus loin que le premier coup de cymbale de la guerre.
En
exécutant Jaurès, tout un vilain monde croit exécuter un monde en train de
naître : un monde « réconcilié », comme le nommait lui-même le fondateur de
l’Humanité, entre les individus, entre les classes, entre les nations, un monde
d’harmonie avec la nature, d’harmonie des formes, un monde d’audace sociale et
d’audace artistique indissolublement associées.
31
JUILLET 1914, LE FONDATEUR DE L’HUMANITÉ EST ASSASSINÉ.
CENT ANS APRÈS SA VOIX
DÉRANGE TOUJOURS.
Ce
projet, nouveau pour cette époque, encore inouï aujourd’hui, est inscrit, mot
pour mot, dans l’éditorial fondateur de l’Humanité. Le premier numéro, qui
paraît le 18 avril 1904, invite les socialistes, tous les socialistes, à
quelque tendance qu’ils appartiennent, à « réaliser l’humanité par des moyens
d’humanité », à confronter leurs conceptions, le journal se réservant le droit
de juger des méthodes « les plus efficaces », sans tomber dans « le venin des
querelles », mais aussi à accueillir les communications ouvrières et la pensée
des maîtres écrivains.
C’est
cette « audace », cette « évolution révolutionnaire », comme il qualifie sa
proposition de révolution sociale, ce monde futur que les oligarchies de
l’argent, les cupides, les «maquignons de la patrie » ont cru pouvoir éliminer.
Ils ont tiré sur le député socialiste des ouvriers de Carmaux. Ils ont tiré sur
le défenseur fondamental du capitaine juif Dreyfus. Ils ont tiré sur un artisan
majeur de la séparation des Églises et de l’État. Ils ont tiré sur la
République.
Et
ils ont encore tiré sur un Jaurès devenant, en fin de vie, comme un
couronnement, universaliste. Cela faisait beaucoup pour « eux »... Cela fait
beaucoup pour nous !
La guerre a été un règlement de comptes entre oligarchies
qui se disputaient leurs possessions, leurs colonies et leurs zones
d’influence, au début du XXe siècle, comme le traité de Versailles, signé le
28 juin 1919, véritable « paix des vainqueurs », en apportera la preuve.
Mais
la guerre a été aussi un règlement de comptes entre ces oligarchies et les peuples
qui cherchaient, difficilement, douloureusement, depuis la Commune de Paris de
1871, leur chemin vers plus de liberté, d’égalité, de justice.
Tantôt, il s’agissait d’empires, comme en Russie, en
Autriche-Hongrie, en Allemagne, au Royaume-Uni, tantôt il s’agissait d’une
République, comme en France, à la tête, cependant, d’un empire colonial.
Le
besoin et le désir de justice sociale
Mais, au-delà de ces
enveloppes institutionnelles différentes, le besoin et le désir de justice
sociale frappaient à la porte de tous les régimes, à Saint-Pétersbourg, à
Vienne, à Berlin, à Londres, à Paris. On oublie trop souvent que les forces du
renouveau, au printemps de 1914, étaient en pleine ascension. Le syndicalisme
montait en puissance, particulièrement des deux côtés du Rhin. Les socialistes
français, de Jaurès et Guesde [et Vaillant !], avaient
obtenu plus de députés que jamais, les socialistes allemands recueillaient, en
1912, les suffrages d’un électeur sur trois !
Pour un historien comme
Henri Guillemin, qui ne mâchait pas ses mots, les guerres, à commencer par
celle de 1914-1918, auront été des répliques aux révolutions qui, comme la
célèbre taupe de Marx, creusaient leurs galeries… Jaurès avait lui-même devancé
cette approche avec sa formule célèbre : « Toujours votre société
violente et chaotique porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte
l’orage. » Ces intérêts sordides ont été recouverts par les passions,
les hystéries nationalistes, dans lesquelles des Français, et non des moindres,
se sont distingués.
Un éditorialiste de Paris-Midi,
un journal qui compte à l’époque, écrit : « S’il se trouve un général qui
commande à un caporal et à trois hommes de troupe de coller au mur Jaurès et de
lui mettre le plomb qui lui manque dans la cervelle, croyez-vous qu’il faudra
le regretter ? Non, et je l’y aiderai. » Maurras, le royaliste de l’Action
française, appelle à tuer Jaurès, Charles Peguy, hélas, grand écrivain, ami
du député de Carmaux, aussi.
Il y a eu une meute pour
aboyer, il y a eu un personnage veule, borné, un « inachevé », un Raoul
Villain, pour exécuter, dira-t-il, « le grand professeur de lâcheté ». Le pire
sera dans l’acquittement du meurtrier, à l’issue de son procès, le
28 mars 1919, au nom de l’Union sacrée de la victoire qui devait, selon
son avocat, « réconcilier tous les Français » et prendre la forme d’une
« amnistie généreuse et générale ».
Drôle de victoire, amère victoire, de Poincaré, de
Clemenceau, le Père la victoire, victoire qui se paiera cher par la violence du
XXe siècle dont la guerre de 1914-1918 aura été, note l’historien Marc Ferro,
la « matrice ».
Jaurès
a eu raison, sur toute la ligne, il faut que cela soit dit.
Aujourd’hui, il est courant de
constater que la Grande Guerre a été un massacre (Apocalypse, la Première
Guerre mondiale), qu’elle a eu comme motif « l’appât du gain et du pouvoir »
(exposition « Entre les lignes et les tranchées »), qu’elle n’était pas
« inévitable » (Les Somnambules, de Christopher Clark).
Donc
Jaurès avait vu juste. Et si Jaurès a eu raison, sur toute la ligne, il
faut que cela soit dit, jusqu’au plus haut niveau de l’État. Sinon, il sera,
d’une certaine façon, encore trahi… C’est ainsi, en condamnant, une bonne fois
pour toutes ce massacre, que l’on rendra hommage aux combattants de 14-18, à
ceux venus de toutes les latitudes, aux Européens, aux Américains, aux
Africains, aux Asiatiques, pour être jetés dans cette sanglante mêlée. Il faut,
ce 31 juillet 2014, honorer le grand clairvoyant qui a fait ce journal.
Merci camarade Jaurès !
Charles Silvestre
En France, les universités populaires
naissent
dans le contexte de l’affaire Dreyfus.
Face à la déraison que manifestent les idées antisémites, face aux passions qui se déchaînent alors, les universités populaires tentent d’apporter une réponse humaniste. Autre élément du contexte : les lois scolaires mises en place par Jules Ferry. Si celles-ci permettent dès lors un enseignement gratuit, elles ne touchent évidemment pas les adultes. Les universités populaires essaient donc dès l’origine de combler cette lacune en s’adressant à un public qui n’a pu bénéficier auparavant de « l’instruction publique ».
Complément programme :
Pour 2015, voici les dates à venir :
- 06 janvier : Anne Steiner, une histoire de l'anarchisme
- 3 février : Aurélien Bernier, le Front National face à la Gauche
SUITE plus bas.
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Berry républicain 18 12 2014
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Berry républicain 18 12 2014
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L'UP soutient une représentation théâtrale
Madame, Monsieur,
Contactée par le théatre de la Girandole de Montreuil,
l'Université populaire du pays de Vierzon a souscrit avec grand plaisir
à son projet et vous transmet, ce jour, l'information suivante. Nous
souhaitons à la compagnie de la Girandole tout le succès mérité.
Hugues Dallois
UP du pays de Vierzon
Madame, Monsieur,
Nous avons l’honneur de vous inviter à la représentation du
spectacle le Récit d’un fracassé de guerre, de la Compagnie la
Girandole :
Samedi 13 décembre 2014 à 17h30
salle Paul Langevin
124 rue bis Félix Pyat
à Vierzon
Cette représentation gratuite est proposée par le Théâtre
de la Girandole de Montreuil, les services municipaux et les acteurs
associatifs de Vierzon.
Nous prévoyons également de finir la représentation par un
banquet.
A cet effet nous vous invitons à apporter de quoi boire et/ou manger, afin que cette rencontre se clôture sur un moment d'échange convivial.
A cet effet nous vous invitons à apporter de quoi boire et/ou manger, afin que cette rencontre se clôture sur un moment d'échange convivial.
Très cordialement,
Le Théâtre de la Girandole
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Pas question d'oublier Francis.
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Pas question d'oublier Francis.
Berry républicain 8 12 2014
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CONFERENCE SUR L'ASTRONOMIE A L'UNIVERSITE POPULAIRE
Bonjour,
Nous nous
permettons de vous transmettre en pièce jointe l'information sur notre
prochaine conférence astronomie, qui pourrait intéresser vos adhérents...
Si vous
estimez que tel est le cas, merci de ce que vous pourrez faire en la diffusant
auprès d'eux.
Cordialement,
Le bureau de
l'UP.
Accès : plan de Vierzon ci-dessus.
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Après le salon du livre de Vierzon
Berry républicain 15 12 2014
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Ce n'est pas une annonce, mais un prolongement du film Discount qui concerne non pas les prix, mais l'orthographe. Ce qui est le plis étonnant, c'est sans doute que le mot accueil soit correctement écrit. Hypothèse: une traduction automatique qui a particulièrement du mal avec les différentes graphies du son "é" en français?
(Pas de délation, disons simplement: une grande surface orléanaise en U...).
On casse les prix et l'orthographe. (Envoi JMB) |
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JAURES suite et fin.
Quel rapport?
Berry républicain 2 décembre 2014 |
Celui-ci, bien sûr :
C'est la chanson qui a terminé la cérémonie pour la paix devant le monument aux morts
du square Lucien Beaufrère le 11 novembre dernier.
La soirée du 2 décembre au Café repaire
Marie-Hélène fait les présentations d'usage.
J’étais vendredi dernier aux Bains douches de Lignières avec
les Amis de la Commune pour préparer l’année 2015, et notamment la
commémoration locale et nationale de l’année Vaillant, puisque c’est le
centenaire de sa mort. A cet occasion, un comité Vaillant a été mis en place,
avec les meilleurs spécialistes de la question, et nous attendons avec
impatience, particulièrement à Vierzon, la concrétisation de leurs travaux.
Au cours de la discussion, arriva naturellement sur la table
la question explosive du pacifisme et de l’Union sacrée, comme si on
s’apprêtait imprudemment de jeter du sodium dans l’eau. Pour couper court
aussitôt, Michel piqua une crise : « Surtout pas d’uchronie (piquant
pour le créateur de Patouchard !), on ne fait pas parler les morts. Jaurès
est mort le 31 juillet 1914, on ne peut rien dire après cela ! »
Bien sûr qu’il avait raison dans le contexte, mais dans
l’absolu c’était un peu court et de généralisation hasardeuse. Comme je suis
très bavard et que les réunions se terminent toujours trop tôt pour nos
obligations et nos nécessités de base (se nourrir et dormir, par exemple), j’ai
l’habitude de retour chez moi de prolonger pour moi-même le débat en notant quelques réflexion par écrit.
Ce jour-là, entre autres, j’ai noté ceci :
Je sais bien qu’il ne faut pas faire parler les morts, que
ce n’est ni de bonne santé intellectuelle ni de bonne discipline historique.
Mais, cela étant dit, il importe aussitôt de clarifier les contours dans
lesquels ce précepte aussi abstrait que salutaire s’inscrit dans la réalité.
- D’abord tenir compte des anticipations faites par les
acteurs eux-mêmes (avant de mourir, Jaurès peut, comme aux échecs, prévoir le coup suivant et dire
quelle serait alors son attitude).
- Ensuite quel est l’intérêt d’étudier la période si ce
n’est que pour n’en tirer aucune leçon pour le présent ? S’interdire le
moindre rapprochement serait suicidaire. Recherche érudite pour la recherche
érudite. C’est évidemment le contraire de ce que fait en permanence, et c’est
sa raison d’être militante, de l’association des Amis de la Commune. Si on fait
entendre la parole de Jaurès et de tant d’autres lors des commémorations du 11
novembre, c’est que cela a un sens dans l’actualité brûlante de notre époque.
- Ces personnages sont-ils pour nous des morts qu’il faut
laisser en terre, ou encore vivants et utiles ? Quand Michelet secouait la
poussière des archives pour en ressortir les morts illustres qui s’y trouvaient
enfouis et faire entendre de nouveau leurs voix puissantes aux oreilles de ses
contemporains et de tous les contemporains à venir, et donc aussi des nôtres,
c’était bien pour qu’ils parlent comme des êtres vivants parmi d’autres êtres
vivants et pour les êtres vivants.
Et voilà que ce mardi Charles Silvestre fait exactement écho
à ces propos. Il a commencé sa conférence par « Certes, il ne faut pas
faire parler les morts ». Puis a expliqué pourquoi Jaurès était notre
contemporain, qu’il avait tout prévu des événements futurs bien plus clairement
que Nostradamus. C’est aussi le propos de son livre.
Le « Père la
Victoire », Clémenceau, est en quelque sorte un usurpateur, le véritable
vainqueur devant l’histoire, car il avait la seule position saine qui tienne
aux yeux de nos contemporains, c’est Jaurès. Paradoxe polémique qui peut bien
sûr se discuter, mais qui n’est ni inintéressant ni dépourvu d’arguments.
D’ailleurs la salle a applaudi très chaleureusement, ce qui
est amplement mérité tant la passion de Charles Silvestre est sincère et
communicative.
Il n’est que trop facile de relever le travers d’une telle
attitude, et le conférencier l’a souligné à plusieurs reprises comme pour s’en
dédouaner. Bien sûr, a-t-il rappelé, il n’a pas tout inventé ni tout fait tout
seul. Il y en avait d’autres… qu’il n’a pas nommés. La position pacifique, la
consolidation des valeurs républicaines, la marche vers la laïcité lois 1905,
l’unité du parti socialiste à la même époque,… c’est presque d’abord Jaurès
seul, puis, après timide correction, Jaurès parmi d’autres. J’avais envie
d’ajouter, parfois, Jaurès moins que d’autres, mais il ne fallait le faire que
mentalement, ce n’eût pas été correct. Question de contexte et de courtoisie.
Parmi ces « autres », dont la présence-absence est
considérable, ceux qui me connaissent devinent déjà que je place Edouard
Vaillant. Je le place même résolument au premier rang.
Revenons sur quelques propos de la conférence. Verbatim.
Jaurès est le meilleur guide sur la guerre de 14-18. En un
sens, il est le premier mort de la guerre.
Prémonitoire. Article de décembre 1912. On conviendra
d’abord que la guerre est une folie. Puis on obligera à la faire. Puis on aura
recours aux châtiments en cas de refus.
L’armée nouvelle, 1911. Prévoit une guerre longue, de masse,
meurtrière. Totale.
Pour moi, le grand homme de la guerre 14-18, c’est Jaurès.
Pas Clémenceau. J’ai bien conscience en disant cela que j’adopte une attitude
polémique.
Jaurès d’origines paysannes. Connotation : harmonie de
la nature, des classes, des nations.
[Il en est d’autres : conservateurs, les ruraux de la
Commune massacreurs des ouvriers parisiens ne sont chronologiquement pas loin.
Harmonie des classes : n’est-ce pas un peu loin des concepts marxistes de
la lutte des classes ?]
Jaurès s’est déclaré collectiviste. Il a lu le Capital.
[Certes, mais cela ne va pas très loin, et tout ce qui le
sépare de Marx est d’un bien autre poids. ]
D’ailleurs il est dans la ligne des socialistes utopiques
français du XIXe siècle, comme Fourier.
[Voilà, tout est dit : ce n’est pas le même bord.
Pour être honnête, Gracchus Babeuf a été cité, ce qui fait un peu moins
éloigné.]
Carmaux, la métamorphose fondatrice. « Et c’est du côté
des dirigés que se sont retrouvées les qualités dirigeantes. » La
République sera sociale ou ne sera pas.
[Sans doute le grand temps fort de la conférence. Et quand
cette remarque a-elle trouvé son illustration éclatante pour la première
fois ? Pendant la Commune de Paris, quand tout était fait pour
désorganiser la capitale, et que des hommes qui n’étaient pas préparés à cela
ont accompli un travail remarquable pour assurer la continuité, et même le
progrès, des institutions.]
Depuis que Gambetta proclame la République au balcon de
l’Hôtel de Ville [Il avait auparavant proclamé la déchéance de la dynastie impériale au Palais Bourbon], on a affaire à une
IIIe République qui est une République en mouvement constant, appuyée
sur la montée en puissance de la classe ouvrière. Où sont ces deux éléments de
nos jours ?…
[N’occultons surtout
pas la complexité et l’ambiguïté de ces origine, avant de pouvoir dire
comme Jaurès avec quelque crédibilité : « La République sera sociale
ou elle ne sera pas. » Sans parler des ambiguïtés du développement futur.
Après sa proclamation, Gambetta est vite éjecté comme obstacle fâcheux
avec sa guerre à outrance par les Jules au pouvoir (dont Jules Ferry) qui ne
voulaient que capituler et d’abord châtier le prolétariat qui combattait encore,
potentiel ennemi de l’intérieur et première cible. Plutôt Prussien que rouge.
Relisez Maupassant : éclairante concordance des temps, là aussi.]
Jaurès homme de culture.
[C’est indéniable, et bien des rapprochements s’imposent
immédiatement à l’esprit. }
Pour lui, un homme en vaut un autre quelle que soit sa
position sociale. Anecdote de l’enfant qui se fait obéir de vaches plus grosses
que lui : Oui, mais c’est un petit homme. Chaque homme est représentatif,
c’est profondément vrai pour Jaurès, de toute la condition humaine.
[Les Lumières, bien sûr, mais aussi la Renaissance et
c’est comme un écho de Montaigne, avec un but premier assez différent il est
vrai, mais aux conséquences semblables : « Chaque homme porte la
forme entière de l’humaine condition. » On n’a pas mieux dit depuis.]
Il change d’avis, dans l’affaire Dreyfus, en entendant des
témoignages qui le bouleversent (Lucien Herr, Emile Zola,…) et en suivant
minutieusement le fil des événements depuis le début.
[C’est Jaurès en Voltaire, dans un très bon remake de
l’affaire Calas.]
Il combat pour la laïcité.
[Comme Victor Hugo avant lui, dans ses duels fameux avec
le comte Alfred de Falloux.]
La loi de séparation vient des Lumières et de la Révolution.
[C’est un avis que je partage. Diderot est ici au premier
rang. Ce qui fait une différence avec le précédent conférencier qui est
intervenu sur 1789 et Robespierre, qui trouvait impossible, inopérante et
anachronique une telle filiation.
Voir sur le blog (23 février 2014, « Transition
1789 ») : http://cinegraphe.blogspot.fr/2014/02/transition_23.html
Et sur les causes économiques et financières : (27
avril 2014, « Actu avril 2014 Synarchie » : http://cinegraphe.blogspot.fr/2014/04/actu-avril-2014.html
].
Et puis, comme il fallait finir, un rendez-vous a été pris
au moins formellement. Et j’ai pris rendez-vous bien sûr sur les questions qui
fâchent et qui ont été occultées malgré leur importance fondamentale. Le
ministérialisme par exemple. Et là aussi, j’ai rappelé l’existence de Vaillant
né à une poignée de kilomètres du lieu de la conférence. C’est le grand occulté
qu’il faudra bien remettre un jour dans la pleine lumière qu’il mérite, et
l’année 2015 est l’occasion ou jamais de le faire, il ne faudra surtout pas la
manquer. Vaillant donc, dont je préfère
le positionnement. Mais cela, bien sûr, va sans dire !
"Pour E..." Ce n'est pas vraiment indiscret de ne lire par-dessus l'épaule que jusque-là. |
Prolongements, le soir même (encore!).
Témoignage d'André Barre : souvenirs étonnants de la maison de
Vaillant devenu lieu religieux (baptêmes, communions, enterrements) appartenant
au Diocèse.
Ce n’étais pas Ciné-Rencontres mais presque, tant on y
retrouvait un grand nombre d’habitués : cette porosité-là me plaît. Une
rencontre imprévue toutefois m’a agréablement occupé une bonne partie de la
soirée au moment du pot. Un des frères Carré devenu Mulhousien et retrouvant
ses racines. On a évoqué l’enfance, le frère Christian qui nous avait fait
découvrir les enregistrements de Brel à la Maison de la culture de Bourges à
l’occasion de notre soirée Brel, et tout cela nous a amenés à parler des « marches »
(zones de contact) de la France pendant les guerres. Certes, le nord est,
l’Alsace, la Lorraine et ses environs. sont en première ligne. Mais aussi Vierzon, dont la position centrale
ne doit pas masquer son statut, depuis le moyen âge, de ville « frontière »,
voire de ville coupée en deux. En 1870, après avoir franchi la Loire (pour
évoquer le livre d’Alain Rafesthain), les uhlans prussiens s’arrêtèrent au pont
de Chaillot avant d’obliquer vers Bourges. Et c’est bien là que tout a
commencé, les brutalités, les haines, les exactions, les viols, les massacres
d’otages, les méthodes dignes des bourreaux de la seconde guerre mondiale parfois
illustrées par des officiers français ayant pignon sur rue dans les
gouvernements républicains de la fin du XIXe siècle, notamment l’ultra-sinistre
général Galliffet.
Le point de départ serait la volonté, notamment de
Clémenceau, de mettre l’Allemagne à genoux ? Mais la France à genoux,
c’était avant. D’où le commencement de l’idée de revanche. D’où le
déclenchement de l’engrenage fatal. La victoire allemande au XIXe siècle était
grosse de ses débâcles désastreuses au XXe siècle. Je ne peux mieux faire ici
que de citer les derniers mots du livre référence de Michael Howard (The
franco-prussian War 1870-1871, London and New-York, 1961) :
It has been
left to a German historian of our own generation, writing nearly a century
later, to see the full significance of the struggle: how during its course
there emerged for the fist time “that sinister problem of modem national War,
from which the great catastrophes of our epoch have developed, and on which we
have foundered twice in succession”.1 It is this
which makes the Franco-Prussian War an event of importance far transcending the
specialist field of the military historian, or even the historian of
nineteenth-century Europe. Germany's magnificent and well-deserved Victory was,
in profound and unforeseeable sense, a disaster : for herself. and for the
entire world.
1
Gerhard Ritter, Staatskunt und Kriegshandwerks I 329.
Eléments pour un débat
(Petits meurtres entre amis)
La question du ministérialisme
Une définition
Participation d’un parti
politique se réclamant du mouvement
ouvrier
à un gouvernement
qu’il considère comme bourgeois.
La première grande crise de l’Internationale était née de
la question du « ministérialisme » posée par l’entrée, en France, du socialiste
Millerand, en 1900, dans un gouvernement bourgeois. — (Henry Halphen,
“Comment l’opportunisme a submergé la social-démocratie allemande”, Informations ouvrières, nº 311 (2704),
semaine du 24 au 30 juillet 2014, p. IV).
C’est donc une question importante, qui agite en profondeur le mouvement socialiste européen
au tournant du siècle.
La querelle Jaurès – Vaillant
Il faut bien commencer. Pourquoi pas par cette lettre de
Jaurès à Georg von Vollmar (socialiste allemand).
Lettre de Jaurès à Vollmar
Cher camarade Vollmar,
Vous pouvez affirmer de la façon la plus catégorique que
Millerand a consulté le groupe socialiste de la Chambre. Aucun compte rendu
de la séance du groupe n’a été publié : mais personne en France n’oserait
contester le fait : et je ne puis comprendre comment Kautsky a pu
commettre une erreur pareille.
Moi-même, personnellement, j’avisai aussitôt le citoyen
Dubreuil (du Parti socialiste révolutionnaire), et le citoyen Farjat (du Parti
ouvrier français), en les priant de transmettre d’urgence cet avis à leur
organisation : et comme dès ce moment il était question de Galliffet, non
pas comme ministre de la Guerre, mais comme chef de cabinet d’un ministre de la
Guerre civil, je mentionnai expressément ce détail pour qu’il n’y eut aucune
surprise.
Aucun socialiste, aucun ne lui conseilla de refuser.
Vaillant et Sembat, ami de Vaillant, lui exprimèrent toutes leurs sympathies et
lui dirent qu’ils le suivraient de tout cœur dans ce nouveau combat. Ils
ajoutèrent qu’il valait mieux dans l’intérêt du parti qu’il n’y eût aucune
décision officielle, mais que leur concours le plus bienveillant lui était
assuré. Cadenat, député de Marseille (et alors membre du Parti ouvrier
français), déclara alors que le groupe socialiste manquait de courage.
[Cadenat voulait que le parti soit tout entier derrière
Millerand, et trouvait que Vaillant faisait bien des histoires en osant s’y
opposer].
L’article de Vollmar
Le socialiste allemand Vollmar
écrit dans les Sozialistische Monatshefte (Cahiers socialistes mensuels)
que, après les déclarations de Millerand devant le groupe parlementaire
socialiste, «aucun député socialiste ne conseilla à Millerand de
refuser ».
La réaction de Vaillant : Lettre au Mouvement socialiste (au « citoyen Lagardelle »)
Paris, 28 janvier [1901].
Cher citoyen rédacteur,
A l’instant seulement, je lis, dans Le Mouvement socialiste
du 1er janvier, la traduction d’un article de Vollmar : « A propos du cas
Millerand » publié par les Sozialistische Monatshefte. C’est avec
stupéfaction que j’y lis ce qu’il dit de moi et de l’attitude du groupe
socialiste. Je ne supposais pas que de telles inventions, contraires non seulement
å la vérité, mais même au bon sens et à des faits certains, connus, pussent
être imaginées. Les paroles qui me sont prêtées sont autant de faux. Mais je ne
discute pas de telles assertions; je me contente de leur opposer un démenti
formel. Je leur oppose aussi le récit suivant que j’ai fait bien des fois
publiquement, de vive voix et par écrit, que j’ai rappelé au congrès de 1900,
que j'ai envoyé à la citoyenne Rosa Luxemburg qui l’a publié dans la Neue
Zeit.
Divers socialistes ministériels ont écrit et affirmé que
Millerand avait avisé ou cherché à avertir le groupe socialiste et les députés
socialistes des offres qui lui avaient été faites de participer à une
combinaison ministérielle. C’est faux.
Aucun des présents, ni Millerand, ni aucun autre membre du
groupe socialiste, ne prononça le nom de Galliffet, ne parla d'une combinaison
où Galliffet participât.
Ce n’est que le lendemain jeudi, à trois heures, que je fus
avisé par un ami que, depuis la veille, un ministère
Waldeck-Rousseau-Millerand-Galliffet avait été décidé, était maintenant
constitué. J’envoyai aussitôt à Millerand une carte- télégramme lui disant que
je n’y pouvais croire, que je le priais de revenir sur sa décision qui effaçait
même tout ce qui avait été dit au groupe socialiste, que son entrée dans une
combinaison où était Galliffet était une impossibilité morale, etc. Je ne reçus
la réponse télégraphique de Millerand que le lendemain matin vendredi, en même
temps que les journaux publiant les noms des nouveaux ministres du ministère constitué
la veille par Waldeck-Rousseau-Millerand-Galliffet.
Lettre de Jaurès à Vollmar
Paris, le 15 février [1901]
Cher citoyen Volmar,
Or, admettons sur tous les points l’exactitude des souvenirs
de Vaillant : il reste vrai, il reste indiscutable que nul n’a proposé au
groupe ce jour-là de formuler contre toute participation d’un socialiste au
pouvoir bourgeois une décision de principe. Ceux qui comme Vaillant ont dit à
Millerand qu’il ne pouvait être ministre que sur sa responsabilité personnelle
n’ont pas annoncé le moins du monde l’intention de protester. La lettre que
Vaillant a écrite à Millerand le lendemain et que vous trouverez ci-incluse est
décisive pour tout homme de bonne foi. Il en résulte avec évidence que ce n’est
pas au nom de la lutte de classe que Vaillant protestait : c’est uniquement
la présence de Galliffet qui le scandalisait et il est clair que Galliffet
écarté, Vaillant n’avait plus aucune objection de principe contre la
combinaison. C’est plus tard que les raisons de principe ont été imaginées.
Il est clair jusqu’à l’extrême évidence que Vaillant et ses
amis, sans engager la responsabilité officielle du parti socialiste,
auraient assisté avec un silence bienveillant et sympathique à l’expérience de
Millerand s’il n’y avait pas eu Galliffet.
Et au point de vue de la tactique générale du parti, c’est
cela qui importe.
Lettre de Jaurès au Mouvement socialiste
Jaurès répondit à la lettre de Vaillant en écrivant le 7
avril 1901 au même Mouvement socialiste. Jaurès ne prétend pas que
...Vaillant a formellement approuvé, le mercredi 21, l’entrée
éventuelle d'un socialiste dans un ministère. Mais il est bien clair que, du
moins, il n'avait pas fait une déclaration de guerre. Il est bien clair que
tout en dégageant la responsabilité collective du parti, il n’avait marqué ni
colère, ni répulsion contre une combinaison qui appelait un socialiste au
pouvoir. Ce n'est donc pas une question de principe, c'est l’émotion toute
naturelle et toute légitime, provoquée en lui par l’avènement du général de
Galliffet, qui a déterminé la manifestation violente du citoyen Vaillant.
[Lettre publiée dans
Le Mouvement socialiste le 15 avril 1901].
Lettre de Vaillant au Mouvement socialiste
[Vaillant réfuta cette interprétation de son attitude par
une seconde lettre, du 25 avril 1901, au Mouvement socialiste.]
Paris, le 25 avril [1901].
Cher citoyen Lagardelle,
Le citoyen Jaurès me répond. Il admet que j’ai fait à la
participation de Millerand au ministère les réserves nécessaires, mais, suivant
lui, personnelles, alors que ce n’était pas pour moi, mais pour le parti, que
je les faisais et dans des conditions qui les rendaient, pour le moment,
suffisantes. Il n’a su qu”indirectement ce qui s'était passé ã la Chambre; il
n’est donc pas étonnant que son exposé et ses conclusions manquent
d’exactitude.
Ce que j'ai raconté, ce qui est attesté par tous les députés
du PSR, de l'AC et du POF, dont une partie assistait à la réunion du groupe
parlementaire, la veille de la constitution du ministère n'est pas contesté,
n’est pas contestable. C'est l’essentiel.
Il importe de se remettre en mémoire la pensée de la plupart
des socialistes à cette époque. Bien peu pouvaient être étonnés de l’entrée de
Millerand dans un ministère. La plupart étaient depuis longtemps convaincus
qu’il guettait une occasion ministérielle.
Le ministère était en effet constitué. Millerand me
répondait le soir même, par un télégramme écrit au sortir du premier conseil
des ministres, que l’avenir le jugerait.
Dans mon télégramme à Millerand, je disais - ce qui a été souligné par Jaurès - que ce
qui avait été dit au groupe socialiste était effacé par son association avec
Galliffet, l’assassin des Communeux, si par malheur elle se réalisait. J’entendais
par là que non seulement ainsi s”effaçaient les paroles de sympathie
personnelle, mais que surtout je ne considérais plus comme suffisante une
déclaration qui dégageât le parti, qu’il fallait en outre et nécessairement une
protestation, qui, vu les circonstances, ne pouvait être trop éclatante. C'est
l'application logique, nécessaire, de faits qui suivirent.
Voilà pourquoi le lendemain matin vendredi, quand je reçus
le télégramme de Millerand et en même temps les journaux qui donnaient la liste
des nouveaux ministres, je courus chez les élus du PSR et de FAC, et dès le
matin même nous publiions une protestation qui annonçait que nous nous
séparions du groupe socialiste et formions un groupe socialiste révolutionnaire
distinct.
Certains que le groupe parlementaire ne nous suivrait pas
dans cette voie, nous n’avions pas cru pouvoir donner plus de valeur et d'éclat
à notre protestation qu'en nous séparant de lui. Je ne rencontrai que
l'après-midi les élus du POF. Ils prenaient une décision semblable et se
constituaient en fraction séparée.
A sa séance, le mardi suivant, le CRC nous approuvait et
lançait sa première protestation à laquelle répondaient, par des protestations
semblables, tous les groupes du PSR et de l'AC. A la Chambre, le ministre était
accueilli par nous aux cris de : Vive la Commune! et à la tribune, je
protestais avec Zévaès contre la présence sur les bancs du gouvernement de
l’égorgeur de Paris socialiste et ouvrier.
Il est certain que la présence de Galliffet au ministère,
l’horreur qu'elle nous causait, l’acceptation d'un tel voisinage par un homme
qui, quelques heures auparavant, était encore membre du groupe parlementaire et
du Parti socialiste, étaient les motifs de ces protestations immédiates et
véhémentes. Il n'en restait pas moins qu’après comme avant, nous considérions qu’en
dehors de toutes ces questions d’ordre personnel, il était de devoir étroit
pour nous, de nécessité première pour le Parti, de nous dégager de toute
participation gouvernementale, ministérielle, impossible sous le régime actuel.
C’est contre ce ministérialisme, cette déviation si
périlleuse du socialisme, que de nouvelles déclarations et protestations
devenaient nécessaires et que le Parti socialiste révolutionnaire, avec le
Parti ouvrier français et l’Alliance communiste, publia son manifeste de défense,
de salut et d’honneur socialistes. C'est pour la même raison que nous avons
applaudi de tout coeur et avec une joie reconnaissante aux admirables articles
de Rosa Luxemburg, dans la Neue Zeit. Quoi qu'on dise et fasse, par les
contradictions mêmes, la vérité s'affirme. J’ai cherché, ici aussi, à
l’exprimer exactement en répétant, quelque peu, en expliquant davantage et en
maintenant ce qu’antérieurement j’avais écrit et dit au même propos.
[Charles Silvestre a mentionné Rosa Luxemburg dans sa conférence
comme une révolutionnaire exemplaire massacrée honteusement par un gouvernement
traître à son peuple. Mais qui donc, ici comme ailleurs, est le plus près de
Rosa Luxemburg : Jaurès ou Vaillant ? ]
La morale et la politique
Résumons, en grossissant le trait :
Peu importe Galliffet, vient de dire Jaurès. Ce qui importe, c'est la tactique générale du parti.
Dans une autre querelle (celle des "fiches") qui fera tomber le ministère Combes en 1905, Péguy, l'homme qui opposait la mystique et la politique. dira :« Je suis l’adversaire le plus résolu de son
ministérialisme. » Ce qui est sûr, c'est qu'il n'est pas le seul prétendant.
Leurs
infiniment plus nombreuses
positions convergentes
Ils sont coude à coude idéologiquement et métaphoriquement
comme ils le sont physiquement sur la photo. Ce sont bien deux militants d’un
même combat.
Pour grandes que paraissent les vagues, elles ne peuvent
faire oublier l’immensité profonde et massive de l’océan qui les porte. C’est
dans ces mêmes proportions qu’il faut comprendre les désaccords et les
similitudes de pensée entre Jaurès et Vaillant. Aucune recherche légitime des
nuances qui les séparent ne parviendra à occulter le fait qu’ils sont du même
camp et qu’ils défendent les mêmes couleurs. Les citations où ils diffèrent
seraient en nombre infime face au grand nombre de celles où tous les deux ils
s’accordent.
Contentons-nous de donner un exemple inspiré par
l’actualité.
Ce matin (12 décembre 2014, sur France Info, j’ai entendu
Marisol Touraine, ministre des Affaires
sociales, de la Santé et des Droits des Femmes, interviewée par un journaliste
qui lui suggérait que les actions de charité hors étatiques, individuelles ou
collectives, étaient peut-être le signe d’une carence de l’Etat républicain qui
devrait avoir d’autres idéaux et surtout une autre efficacité. Elle a répondu
avec une grande fermeté que pour sa part elle n’opposait pas l’action de l’Etat
qui est considérable et les actions des citoyens qui s’investissent
bénévolement et qu’elle a qualifiées d’actions de solidarité. La solidarité,
c’est une lutte collective contre un Etat hostile, une dictature par exemple,
ou lors d’une catastrophe qui submerge les institutions normales, une catastrophe
naturelle hors norme par exemple. Rien de tel normalement ici, à moins de
considérer l’économie dérégulée comme une catastrophe naturelle contre laquelle
on ne peut lutter. Dans ce cadre, ce que font tous ces gens dont parle la
ministre, c’est de la charité.
On ne peut s’empêcher de se souvenir aussi qu’en lançant les
Restos du Cœur en 1985 Coluche a déclaré que, s’ils existaient encore dix ans
plus tard, ce serait le signe d’un grave échec et une honte pour la société.
Si la ministre se refuse d’opposer, Jaurès, alors que le gouvernement à laquelle elle appartient s'en réclame constamment, oppose lui radicalement.
Les hommes n’ont pas besoin de la charité, qui est une
forme de l’oppression ; ils ont besoin de la justice.
Quant à Vaillant, on m’a même demandé après la conférence
s’il existait des écrits de lui, tant il est méconnu dans sa propre ville
natale. Il en a laissé, en effet, et pour les citations suivantes, point n’est
besoin d’exemples précis tirés de l’actualité. Le quotidien global actuel y
pourvoit suffisamment.
Aujourd’hui comme autrefois, la majorité des hommes est
condamnée à travailler pour l'entretien de la jouissance d'un petit nombre de
surveillants et de maîtres.
Les antécédents historiques,
l’inintelligence, l’incapacité, l'égoïsme féroce de la bourgeoisie semblent
indiquer que plutôt que d'abdiquer, elle aura recours à tous les attentats et
aux dernières violences, au moment où elle sentira lui échapper ses privilèges
et son pouvoir politique.
Au lieu de nous abstraire de la
réalité sociale vivante, il faut y entrer activement.
Il n'y a que quand on est battu
qu’on évacue le champ d'action… Ce n'est pas pour cela qu'est constitué le
Parti socialiste réduit alors, en ce cas, à n'être que l’agent recruteur
électoral de ses candidats et de ses élus.
LA POLITIQUE MORALE DE JAURES
VINCENT
DUCLERT
Jean Jaurès, une politique morale
ROBERT LINDET
Jaurès 1859-1914. La
politique et la légende, de Vincent
Duclert.
Éditions Autrement, 2013, 288 pages, 21 euros.
Avec le soutien de la Fondation Jean-Jaurès
et du Centre
national et musée de Castres. À l’approche de ce qui devrait être une
fructueuse année jaurésienne, l’historien Vincent Duclert publie un essai vif
et enlevé intitulé Jaurès, la politique et la légende. Son livre ressemble
et se différencie à la fois de la Victoire de Jaurès que vient de faire
paraître le journaliste Charles Silvestre chez Privat. Tous deux réfléchissent
sur la force des imaginaires, sur la présence de Jaurès dans l’histoire après
l’assassinat du 31 juillet 1914. Chacun à sa manière, ils évoquent un Jaurès
porteur de fraternité, ferment de révolte et de réalisation, appel à la
lucidité et au courage, l’homme de « l’évolution révolutionnaire », dont la vie
et la pensée sont plus que jamais d’actualité, comme le montre la récente
anthologie éditée par l’Humanité. En historien, Vincent Duclert décrit le
passage d’un âge légendaire à l’écriture de l’histoire aujourd’hui. En
jaurésien, il sait que les deux s’interpénètrent et c’est cette tension entre
histoire et politique qu’il entreprend d’interroger… Il revisite ainsi un
siècle d’usages divers de la figure de Jaurès, en livres, citations,
évocations, images ou cérémonies, avant de brosser un rapide portrait
biographique. L’auteur prend à bras-le-corps Jaurès, d’hier à aujourd’hui,
suscitant réflexion ou débat, débouchant sur une politique morale
émancipatrice par les exigences posées. Il poursuit la grande tradition d’un
« libéralisme » de gauche, au sens anglo-saxon du terme, déjà incarné par Élie
Halévy ou Pierre Mendès France ou, de manière nettement plus radicale, par l’historien
américain Harvey Goldberg. Vincent Duclert se montre fort critique à
l’égard de la tradition socialiste institutionnelle, ses errements politiques,
voire ses crimes coloniaux. Il l’est au moins autant pour la tradition
communiste, et notamment la révolution soviétique. Pour ma part, il ne me
semble pas que ce soit l’emploi de la force qui aurait le plus posé problème à
Jaurès, héritier passionné de la Révolution française, compréhensif envers les
aléas des mouvements révolutionnaires. En revanche, c’est la question de la
démocratie en son sein, l’absence de « partis », d’orientations alternatives et
de choix, qui auraient soulevé les plus fortes objections de principe, sans
qu’il soit besoin d’évoquer les massacres de la période stalinienne. Jaurès l’explique
de manière assez prémonitoire dans une de ses conférences d’Argentine en 1911 :
« Là où (…) il n’y a pas face à ceux qui gouvernent d’opposition saine,
directe, et déclarée, on court le risque que les oligarchies se substituent à
la classe même au nom de laquelle elles gouvernent. »
Ceux qui souhaitent en connaître davantage sur Vaillant peuvent recourir à ce blog destiné à célébrer l'année du centenaire de son décès.
http://vaillantitude.blogspot.fr/
LES STATS DU MOIS DERNIER
(3 novembre - 3 décembre)
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