dimanche 14 décembre 2014

A LA VIE

12ème séance avec débat



A LA VIE

Film  français de Jean-Jacques Zilbermann. (2014 - 1h44)
Avec Julie Depardieu, Suzanne Clément, Johanna ter Steege.

VENDREDI 12 DECEMBRE 2014

Préparation en cours :
(cliquer sur l'image)






Il n’y a pas de pub sur notre blog, sauf celle, absolument gratuite, que nous faisons librement pour des raisons cinématographiques. C'est le cas présentement.




Curieux hasard, car à la fin du film, Christine m’a demandé ce que j’allais bien pouvoir mettre dans ce compte-rendu, vu que le film avait déjà été présenté dans le cadre des Rendez-vous du Cinéma en Région Centre, et qu’il avait déjà à ce titre fait l’objet d’une relation. Mais on peut toujours, avec l’aide des réactions du public, trouver sans trop de peine quelque chose de nouveau. Et donc j’avais quelques éléments en tête.
Mais finalement je diffère l’entrée de cette page telle que je l’avais initialement prévue en me focalisant une fois de plus sur les plages de Beck.
Je préfère commencer par remercier Charly de fournir l’occasion d’une heureuse diversion imprévue en passant par Paris.
La capitale en effet est présente dans ce jeu d’oppositions que nous présente le film : avant/après, liberté/captivité, gravité/loisir,  amour/haine, souffrance/plaisir, riches/pauvres (Y pas qu’les riches qui ont droit à la mer), culpabilité/bonne conscience, et enfin, après tant d’autres possibles que je laisse en suspens, la plage périphérique et la ville capitale. Voici donc son mail, d’autant plus volontiers qu’il est bien sympathique :

Salut,
   J'ai regardé les photos...bravo Soraya, ça me plaît beaucoup...
   Petite question pour le spécialiste...Dans le film, Girardot travaille dans un restaurant nommé " Chartier"...Est-ce cette ancienne cantine pour ouvriers et employés qui existe toujours et qui s'appelle "le bouillon Chartier" et où je suis allé à plusieurs reprises ? Dans le bas de la rue du Faubourg Montmartre, dans le 9ème, pas loin du musée Grévin...
  Merci et vive le cinéma...( le bon )...!
              Charly.








Spécialistes, oui on l'est bien, mais collectivement. Et en voici une preuve de plus. 
Il est même bien possible que grâce à Charly on doive ajouter ce filmage dans la rubrique culturelle de Wikipédia consacrée au célèbre restaurant.

Le Bouillon Chartier est un restaurant de Paris fondé en 1896, situé 7 rue du Faubourg-Montmartre dans le 9e arrondissement et classé monument historique en 1989.

Le restaurant est créé en 1896 par deux frères, Frédéric et Camille Chartier, dans un ancien hall de gare sous l'enseigne « Le Bouillon » à proximité des Grands Boulevards, de l'Hôtel Drouot, du musée Grévin et du Palais de la Bourse. En plus de cent ans d'existence, seuls quatre propriétaires se sont succédé à la tête du restaurant.
La conservation de l'architecture du bâtiment et de la décoration Belle Époque de la salle a permis son classement aux monuments historiques en1989.


Représentation dans la culture
En 1939, le restaurant est évoqué ainsi par Fernandel dans la chanson Félicie aussi d'Albert Willemetz :

« Afin d'séduire la petite chatte. Je l'emmenai dîner chez Chartier
Comme elle est fine et délicate. Elle prit un pied d'cochon grillé »

Dans Les Beaux QuartiersLouis Aragon fait mention du bouillon Chartier : le jeune Edmond Barbentane, étudiant en médecine, y déjeune régulièrement.

La scène finale de La Chose publique de Mathieu Amalric se déroule au bouillon Chartier.



La galerie à droite, où Henri (Hippolyte Girardot) va entendre la déclaration d'Hélène (Julie Depardieu).
La caisse à gauche où il va demander en vain une liberté qui lui coûtera sa place. 



Le bas de l'escalier, le lieu de leur rencontre. 

Dextérité professionnelle.
Hippolyte Girardot ne s'en sortait pas mal non plus. 






Revenons maintenant à nos échos de la séance.

On a suivi principalement deux pistes, la piste de la glace, et la piste des lunettes. Bien sûr il y eut aussi des pistes complémentaires.

Lunettes.
Rose, la Canadienne : Mon mari est un vendeur formidable. On avait un stock de moufles dépareillées, rien que des mains gauches. Il a réussi à tout vendre.  Il vendrait des lunettes à un aveugle…
- Mais tu sais, ma chérie, tous les aveugles ont des lunettes.

Adultère.
Drame de la jalousie en direct dans la salle. Le courage de s’avouer un amoureux déçu.  Avant j’aimais beaucoup Julie Depardieu, mais maintenant beaucoup moins. Aux dernières nouvelles on pense que Julie s’en remettra.

Les femmes dans la salle, sans pitié pour les peines de cœur du jeune moniteur : Comme il est beaucoup plus jeune, ça ne prête pas à conséquence…
ça promet pour 50 nuances de Gray !

Résilience et permanence de l’angoisse.
Le panoramique en plongée sur Hélène , les haut parleurs qui lui rappellent les camps.
Voix de Thorez, mais filmé lors d’une  fête de LO (mentionné au générique).
Marche sur l’affiche, fin de la fête, manque : solitude.
La solidarité et l’amour-amitié du bon camarade ne comble pas le vide.

Une mise en scène qui n’est en rien, contairement à beaucoup d’autres, influencée par Xavier Dolan. Beaucoup plus sage. Mais si le point de vue du réalisateur est diffus dans le film (étant jeune à l’époque et invitant le spectateur à adopter ce point de vue), il peut aussi se retrouver par projection dans le jeune du club Mickey. Auquel cas on n’a peut-être pas affaire au fils du club Mickey, mais à un remake d’Œdipe aveugle (prétexte pour le retrouver : « J’ai oublié mes lunettes de soleil, je vais les chercher », dit Hélène à son mari). 
A son mari, qui à ce moment-là a les yeux occultés par des lunettes de soleil noires. Il ne les a plus lorsqu’il aperçoit les deux amants.

Elle a croqué la … glace.
Variante estivale de croquer la pomme.
Le marchand de glace qui fait la promotion de Berck et de ses plages. Vous battez pas pour mes boules mesdemoiselles ! Vous êtes mes premières clientes, je vous les offre !
Jean-François, Bernard scandalisés par l’infidélité !
Fracture : les filles sont compréhensives, les garçons nettement moins…
Le retour inopiné d’Hippolyte : D’où viens-tu ? J’ai été acheter une glace.  Tout est dit…

Transition qui joue sur les mots
Après le récit de la libération du camp.
Et toi, comment tu t’es libéré ?
J’ai fait du chantage à ma patronne. J’ai dit c’est ça ou ma démission. Elle a accepté ma démission.


Les amies féministe - mais pas qu’elles - poussent à la roue. Fais-toi plaisir, arrête de te sacrifier au nom du politiquement correct.
Argument exprimé : T’en as pas marre d’assurer le service après vente d’Auschwitz ?

Il n’y a qu’elles qui puissent le dire et même en rire.
Toujours remercier la donatrice à la fin de la chanson. Celle-là est morte en déportation…Mais c’était quand même une vraie salope  (rires).

Suzanne Clément
Déjà dans  Mommy. Déjà libérée. Le baiser à Xavier pour ceux qui veulent le revoir. http://cinegraphe.blogspot.fr/2014/10/mommy.html



Les rancunes à surmonter. Les querelles.
Les souvenirs divergents. Tu portais une veste. – Pas du tout, j’avais pris une couverture. – Mais non, souviens-toi, je suis sûre que tu avais une veste.

John a vu un documentaire sur la musique yiddish.
Ce serait le déclin, sinon la fin, de la musique yiddish. Dommage si c’est confirmé, car elle fut très appréciée dans le film et ailleurs.

Bernard a vu De l’autre côté du mur
La position de faire l’amour (debout contre un mur) qui ne convainc pas tout le monde.

Voir la filmographie de Johanna ter Steege

Une histoire drôle parmi d’autres.
Sur Hitler et Moïse tournés depuis Berck vers l’Angleterre. Pour envahir l’Angleterre, je veux traverser la mer, comment tu as fait, toi ? - J’ai levé mon bâton, comme ça, et la mer s’est ouverte.  - Et il est où, ton bâton ? - Le bâton, il est là, en face, au British Museum.

Un mot clé.
Résilience. Chacun a sa méthode, qui fonctionne plus ou moins bien.

Le point de vue d’un enfant sur cette époque.
Il retient des clichés, il ne sait pas tout, il découvre. C’est le réalisateur.

Le Mickey ballon de baudruche crevé par le cigare incandescent.
Exactement ce qu’il reste de virilité symbolique pour relayer celle non éteinte du cerveau…

Autre plaisanterie.
Pourquoi a-t-on épousé des déportés ?
- Sûrement l’attrait des pyjamas rayés…

Le déni.
Côté pile. J’ai un mari aimant et irréprochable, des enfants charmants…
Côté face. Il fait des cauchemars afffreux, il faut peur à tout le monde… Il hurle la nuit…


Acceptation de tout se dire pour que la relation soit durable.
Je t’en ai voulu…
Reproches de Lili. Les chaussures jetées dès tes premiers pas alors qu’on les a prises avec plein de remords à une pauvre jeune mourante.
Reproches d’Hélène. J’ai marché de colère parce que tu m’abandonnais en ne pensant qu’à ta famille,…


Les femmes sans pitié
Après le jeune, le vieux (Henri) s’en remettra : Il a survécu au camp, il survivra bien à ça !

Le jeune moniteur.
La tuberculose et l’hôpital : Son camp à lui, dont il a également survécu.

Lili féministe et écrivaine.
Je refuse de changer mon titre, ce sera bien Rabine et rien d’autre.
Contrairement au réalisateur, qui a dû le faire : Auswitch-plage  donnait des boutons au producteur. Et puis, demander à la caisse des billets pour Auschwitz…

Lili et Raymond (Mathias Mlekutz).
Tu es d’accord avec le traitement des Juifs par Staline ?
Je suis d’accord avec Staline qui a permis de gagner la guerre.
 (Hélène renchérit ): Après tout, ce sont les Russes nous ont libérées…


Bio du réalisateur.
Passage dans les postes. Raymond, dans les PTT, peut faire avoir le téléphone en 15 jours au lieu de deux ans. Un vieux truc, les technologies de la modernité comme adjuvant de la drague.
Projectionniste.
Cinéphile. Exploitant d’une salle de cinéma.


Filmographie.
Adultère de la mère. Tendance à répéter le schéma.

Ses films de l’enfance.

Les 400 coups, Les disparus de Saint-Agil, Zéro de conduite,…



Difficulté de parler de la déportation.
Le bébé perdu qui permet la survie, la montée de lait qui fait souffrir,…
Vous devez nous prendre pour des folles ?
- Un peu, oui…
(Toujours l’enfant qui était le témoin privilégié de leurs excentricités et qui ne les comprenait pas…).

Le premier film avec Télérama.

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes

Septembre 1958 : Irène, mère de famille, milite avec ardeur pour le Parti communiste et pour la victoire du « non » au référendum de De Gaulle. Sa passion politique agace Bernard. L'arrivée en ville des Choeurs de l'Armée rouge bouleverse cette « guerre froide » domestique...
Dès le titre, Jean-Jacques Zilbermann rend un hommage tendre et moqueur à sa mère, militante au PC. Et à toutes ces petites gens qui vendaient L'Humanité au coin des rues et croyaient avec ferveur que l'homme nouveau était en train de naître, quelque part à l'Est. Balasko est épatante, mi-pasionaria mi-popote. Et tant pis pour les quelques personnages secondaires peu étudiés ou caricaturaux ! C'est un film plein de charme, affectueux mais pas complaisant, qui se feuillette comme un album de photos de famille. — Cécile Mury

L'un à côté de l'autre, dans le lit conjugal, Irène et Bernard lisent leur journal. Lui, c'est France-Soir ; elle, L'Humanité. A la Une du premier : " Approuvons la Constitution de la Ve République " (nous sommes en 1958). A la Une du second : " Non ! Franchement non ! " Voilà résumée la vie de couple de Bernard et Irène. Elle est communiste. Il est gaulliste. L'histoire est autobiographique. L'auteur, alors, ignorait l'existence des goulags et les horreurs du totalitarisme. Il voyait tout avec les yeux de l'amour, et c'est avec ce même regard qu'il a reconstitué son enfance. Elle est formidable, cette mère militante, dévouée, énergique, infatigable... Et accueillante au point d'organiser les réu nions de cellule dans le modeste appartement où elle vit avec Bernard, Petit Léon (leur fils) et l'oncle Charlot. On s'amuse franchement au spectacle de cette guéguerre civile en famille. On rit quand Bernard donne la pièce à son fils pour qu'il crie " Vive de Gaulle ! " dans la cuisine, où sa mère papote avec une militante. On est tout chose quand Irène, l'irréprochable Irène, se laisse troubler par le charme du beau soliste des Choeurs de l'armée Rouge, qui l'embrasse " à la Russe ". Quelle bonne idée, aussi, d'avoir donné le rôle d'Irène à la Balasko ! C'est en grande partie grâce à elle que ce film est plein de chaleur. Et, forcément... d'humanité.
Bernard Génin


Un avis critique négatif.
Lorsqu’on pense à ce que de grands auteurs français ont pu écrire pour tenter de rendre compte de l’indicible (notamment Marguerite Duras dans La Douleur puis son ex-mari Robert Anthelme dans L’Espèce humaine), il est difficile de pardonner à Zilbermann un tel manque d’ambition en misant exclusivement sur la force évocatrice du sujet. Ce n’est pas faire honneur à la mémoire de nos disparus.
(« L’HORREUR PLATE », par Clément Graminiès, Kritikat)



Une réponse glanée sur Internet.
J'ai failli ne pas aller voir ce film à cause des mauvaises critiques et cela aurait été bien dommage. Presque toutes les critiques sont faites par des hommes et je comprend qu'ils soient insensibles à la finesse, la subtilité, la sensibilité, la modestie, exprimés dans ce film. Peut être que c'est un film qui touche en majorité des femmes . En tous les cas toutes mes amies qui l'ont vu l'ont aimé, et aussi quelques amis hommes. La gravité, la gaieté et l'envie de vivre de ces femmes sont très émouvantes et le réalisateur a très bien rendu tous les sentiments contradictoires qui les agitent.


Mes dates clés,
par Jean-Jacques ZILBERMANN
Libération. 3 NOVEMBRE 2004

INTERVIEW
 "Juillet 1969. J'ai 14 ans, en colonie de vacances. Je vois Z de Costa Gavras. Je découvre qu'un film peut changer le monde. Je rentre à Paris, j'achète l'Avant-Scène Cinéma (seule manière de «revoir» un film avec son scénario complet, les cassettes vidéo n'existant pas !) et récite tous les dialogues du film sur la musique de Mikis Theodorakis. Le film retourne l'opinion publique américaine, la dictature en Grèce est renversée. Je veux devenir metteur en scène.
1974. Aucun lycée ne veut plus de moi. Mon père, livreur au BHV, m'achète à crédit ma première caméra super-huit et un projecteur. Je dépose ma candidature aux PTT. Trois jours plus tard, je suis engagé au centre de tri de la gare de Lyon et crée le groupe de cinéma militant Kinopravda avec des collègues postiers. Enfin, je peux réaliser mon rêve : la mise en scène contre la dictature ! On se met tous en congé maladie et on part au Portugal filmer la révolution des OEillets.
Mai 1978. La gauche perd les élections législatives. Tous les postiers rentrent au travail en pleurant. Malgré le discours de Michel Rocard, je n'y crois plus. Je quitte les PTT et, sans le savoir encore, mon engagement à l'extrême gauche.
Janvier 1980. Je suis coursier intérimaire. Je n'en peux plus. Un soir de grande déprime, je rentre au cinéma Daumesnil dont je suis l'un des fidèles spectateurs et demande par hasard au patron, Laurent Carrignon, qui tient la caisse, s'il n'a pas un job pour moi. Un poste de projectionniste est libre. Il m'embauche immédiatement. Très vite, je travaille aussi avec lui sur la programmation. Je gagne pour la première fois ma vie dans le cinéma. J'essaye d'écrire dans la cabine de projection mon premier long métrage de fiction. Je n'y arrive pas. Sur l'écran, tous les jours, il n'y a que des chefs-d'oeuvre qui passent, c'est excitant et décourageant.
Mai 1980. Je retrouve par hasard deux amis de lycée. J'ai les clés du Daumesnil. Je leur offre une projection privée qui dure toute la nuit. Je leur parle de l'Escurial qui est à vendre ­ c'est le distributeur des glaces Gervais qui m'a fait passer l'info. Après six mois d'âpres négociations, le 1er janvier 1981, j'ouvre le cinéma Escurial avec Brigitte Aknin et Vincent Mellili. Notre association durera vingt ans.
1981. L'Escurial tourne à plein régime. A minuit, je projette Eraserhead de David Lynch avec, en première partie, le Bunker de la dernière rafale de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro. L'après-midi, Marguerite Duras téléphone, elle veut savoir combien elle a eu de spectateurs pour l'Homme atlantique. Je rencontre beaucoup de cinéastes, je vois des centaines de films, je confonds le jour et la nuit. Même les dimanches sont des jours de fête. Quand je n'ai pas le courage de rentrer me coucher, je m'endors dans les fauteuils de la salle. Le matin, je me lave dans les toilettes du cinéma. Le cinéma devient à lui seul le monde entier.
1987. Après un an de travaux, j'ouvre le Max Linder Panorama. J'aime les chantiers, cela ressemble beaucoup à un tournage de film.
1991. Du scénario jusqu'à la vente des chocolats glacés, tout m'intéresse dans le cinéma. Je commence l'écriture de mon premier long métrage, Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes.
Mai 1993. Premier jour de tournage. L'équipe m'attend au tournant. Le directeur de production est prêt à diriger le film à ma place à la première hésitation. L'ambiance est tendue. J'étouffe. A la fin de la matinée, Josiane Balasko envoie chier tout le monde avec son franc-parler et n'accepte de discuter qu'avec le metteur en scène. Je respire.
1997. Je rencontre Antoine De Caunes en préparant L'homme est une femme comme les autres. Il me demande comment je vais filmer ça. Je lui dis «comme une femme». Il me répond «c'est parfait». J'ai trouvé mon acteur.
2002. Je mets en scène au théâtre The Shop Around the Corner de Lubitsch. Au cinéma, c'est la pellicule qui imprime. Au théâtre, ce sont les acteurs. J'apprends à parler théâtre avec mon langage de cinéma. Au cinéma, on dit «joue-le avec plus de naturel» ; au théâtre le naturel n'existe pas, on doit dire «joue-le avec plus de simplicité». Je songe en me cognant la tête contre les murs à écrire un dictionnaire bilingue.
2004. Je retourne dans mon ancien pensionnat filmer les Fautes d'orthographe. A la fin du montage, je projette le film sur la façade de l'école. J'aime retourner sur les lieux du malheur pour les transformer en bonheur."


  

Retour sur
LES FAUTES D’ORTHOGRAPHE
(Cinemotions.com)

Comment est née l’idée de faire ce film ?
J.-J. Z. : Pour avoir toujours énormément aimé les films mettant en scène des enfants, je rêvais depuis longtemps d’en faire un à mon tour et de le faire du point de vue d’un enfant : raconter ce qui se passe dans les cours de récréation, raconter les drames qui s’y déroulent tous les jours sans que, bien souvent, les adultes en prennent conscience ou les considèrent comme vraiment importants. Alors, bien sûr, j’avais un certain nombre de films en tête au début de l’écriture, des films comme ZÉRO DE CONDUITE, L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE, LES DISPARUS DE SAINT-AGIL, LES QUATRE CENTS COUPS ou LA GUERRE DES BOUTONS. Mais j’avais surtout en tête de faire un film qui m’appartienne vraiment. Quand j’ai parlé à Philippe Lasry des films qui m’avaient marqué, c’était pour mieux les évacuer : pour ne plus avoir à y revenir, ne plus y penser ensuite.
Et, maintenant que le film est terminé, je pense pouvoir dire que LES FAUTES D’ORTHOGRAPHE ne s’appuie sur aucune référence. Si de bons fantômes planent au-dessus de lui, cela tient davantage aux hasards de la vie : celui qui veut, par exemple, qu’Yves Robert ait tourné la dernière scène de LA GUERRE DES BOUTONS dans le dortoir n°6 du Collège Adolphe-Chérioux, soit très précisément le dortoir où j’avais mon lit quand j’étais petit, et où j’ai tourné mon film.

Quelle est la part autobiographique des FAUTES D'ORTHOGRAPHE ?
J.-J. Z. : La part la plus autobiographique réside peut-être dans le choix du lieu de tournage : ce Collège Adolphe-Chérioux dont j’ai été le pensionnaire, de la 6ème à la 3ème. Les 2.000 enfants qui y passaient chaque année étaient issus de milieux sociaux et/ou familiaux très défavorisés - ils se trouvaient presque tous en situation d’échec scolaire. C’est pourquoi, en désespoir de cause, on les aiguillait vers cet établissement. Les élèves avaient interdiction d’aller dans le parc, ils étaient accompagnés dans tous leurs déplacements ; l’éducation était considérée comme un dressage, les châtiments corporels avaient toujours cours ; la nourriture était infâme ; et l’intimité dans les dortoirs, les douches ou les toilettes, n’existait pas.

Le Collège Adolphe-Chérioux s'est-il tout de suite imposé à vous pour le tournage des FAUTES D'ORTHOGRAPHE ?
J.-J. Z. : J’y ai retrouvé plein de choses : les couloirs, les escaliers, les bruits qui résonnent de façon métallique de part et d’autre du bâtiment, les fantômes du pensionnat… La responsable de l’administration du collège, Roselyne Bocq - qui était déjà régisseur sur le domaine dans les années 1960 - m’a fourni des photos de l’établissement datant de l’époque. Des photos grâce auxquelles nous avons pu reconstituer le dortoir dans une ancienne cuisine et le réfectoire dans un préau. Un endroit qui, le temps d’un tournage, s’est transformé en un véritable petit Cinécitta.

Au-delà du Collège Adolphe-Chérioux, qu'est-ce qui est directement inspiré de votre enfance dans LES FAUTES D'ORTHOGRAPHE ?
J.-J. Z. : Dans cet univers fermé qu’était le Collège Adolphe-Chérioux, je suis moi-même passé de l’enfance à l’âge adulte de manière très dure et très violente. Dans ce pensionnat, j’avais d’énormes problèmes d’orthographe, et les plus grandes difficultés à vivre sans la moindre intimité, j’y ai créé une coopérative. Et c’est en grande partie grâce à cette coopérative que je suis finalement parvenu à relever la tête, à m’en sortir sans trop de dommages. Les éléments autobiographiques ne manquent pas, comme vous pouvez le constater… Et pourtant, au stade de l’écriture, le moment est vite arrivé où je n’ai plus fait la distinction entre ce qui était inventé et ce qui ne l’était pas. Je ne savais même pas comment l’histoire allait finir quand, avec Philippe, nous nous sommes attelés au scénario. J’ai suivi l’intrigue pour elle-même.

Comment définiriez-vous le personnage de Daniel ?
J.-J. Z. : Daniel se trouve résumé dans le titre du film : LES FAUTES D’ORTHOGRAPHE. Ce titre, avec Philippe Lasry, nous l’avons décliné au sens étymologique : "qui ne sait pas écrire la norme". Daniel ne sait pas écrire sans faire de fautes et cela suffit à faire de lui un mauvais élève dans toutes les matières car toutes ses copies s’en trouvent entachées. Ne pas savoir écrire sans faire de fautes d’orthographe est un véritable cauchemar car les effets collatéraux en sont nombreux. Daniel n’est pas non plus dans la norme au niveau physique car sa puberté accuse un sérieux retard. De la même façon qu’il est sans cesse à cacher sa très mauvaise orthographe, il est constamment à dissimuler son corps de la vue des autres. Et, bien entendu, tout le monde veut lui baisser le pantalon.

Malgré cela Daniel ne baisse jamais vraiment la tête.
J.-J. Z. : Daniel est une éponge qui absorbe tout. Il rebondit d’une personne à l’autre pour sauver son orthographe ; il s’approprie la judaïté de Richard Zygelman ; il s’empare des idées de révolte de son camarade anarchiste ; il se sert des méthodes de son père pour se retourner contre lui - avec, pour point d’orgue, la création d’une coopérative. Daniel vampirise tout et tout le monde, et c’est ainsi qu’il devient lui-même.


Défense et illustration du yiddish

Berry républicain 17 novembre 2014


 




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