MON AME PAR TOI GUERIE
VENDREDI 6 DECEMBRE 20H30
Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois, Marie Payen,
François Dupeyron
lors du photocall du film "Mon âme par toi guérie"
lors du 61e San Sebastian Film Festival, le 22 Septembre 2013
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Et pas de sorcier, non plus, pas de thaumaturge ? Quelque vieux berger sentant le bouc qui guérit par l'imposition des mains?
Le Docteur
Autrefois, peut être, mais plus maintenant.
Knock
En somme l'âge médical peut commencer. »
Mais j'avoue aussi qu'après avoir consulté les "secrets de tournage" d'Allociné, mon intérêt s'est éveillé: mon côté Don Quichotte sans doute, face aux problèmes presque toujours tortueux et douloureux du financement des films.
Son incroyable galère
Secret de tournage sur Mon âme par toi guérie
Le réalisateur François Dupeyron a sué sang et eau pour produire ce
film. Aucune chaîne publique n’a voulu investir de l’argent et tous les
distributeurs consultés ont rejeté le projet du cinéaste. Des producteurs
voulaient supprimer des dialogues jugés trop crus, d’autres trouvaient que le
sujet n’était pas traité, certains ont même qualifié le scénario de "merde".
Le metteur en scène était sur le point de plaquer définitivement le cinéma
quand un de ses amis l’a mis en contact avec Paulo Branco, un producteur indépendant
qui a tout de suite accueilli le projet à bras ouverts.
Le couteau sous la
gorge
Secret de tournage sur Mon âme par toi guérie
François Dupeyron n’hésite pas à faire part de son
ras-le-bol quant aux producteurs de chaînes de télévision : "On est dans un système soviétique,
la Télé dit oui, tu fais le film, elle dit non… tu peux aller te coucher, va
crever la gueule ouverte. C’est ça qui m’arrive, je suis en train de
crever…", explique-t-il. Il va jusqu’à comparer la télévision au parti
communiste tchécoslovaque tant les réalisateurs en sont selon lui dépendants.
Savoir s’adapter
Secret de tournage sur Mon âme par toi guérie
Mon âme par toi guérie est une adaptation du roman
"Chacun pour soi, Dieu s’en fout" publié en 2009 et rédigé par
le cinéaste en personne.
Indignez-vous !
Secret de tournage sur Mon âme par toi guérie
En
parallèle avec la sortie du film, François Dupeyron souhaite également rappeler à tous l’éternelle
lutte dans laquelle les réalisateurs s’engagent pour trouver un financement : "J’ai une faveur à vous
demander, vous, les journalistes, la Presse. Aidez-nous ! Entendez ces mots
comme un cri. Faites savoir ce contre quoi on doit se battre (…) Aidez-nous !
On a besoin de vous pour retrouver un minimum de liberté, et de dignité."
Joyeuses
Retrouvailles
Secret de tournage sur Mon âme par toi guérie
Mon âme par toi guérie est l’occasion pour le metteur en
scène François Dupeyron de
collaborer à nouveau avec Yves Angelo,
déjà directeur de la photographie pour Aide-toi le ciel t’aidera, Inguelezi et Un Cœur qui bat.
Indignez-vous? Dans le domaine de la censure au cinéma, beaucoup plus indirecte que directe dans nos pays et à notre époque, c'est assurément un vieux problème. L'un des plus éloquents indignés, en son temps (1973), fut assurément le célèbre Jean-Louis Bory.
Frédi a perdu sa mère. Cette dernière lui a transmis un don, dont il ne veut pas entendre parler. Mais il se trouve peu à peu contraint de reconnaître que ses mains guérissent…
On peut penser que, pour un cinéaste, se référer à Baudelaire pour invoquer la lumière et la couleur, matières premières de base, c'est peut-être un peu court. La tentation est grande alors de se remémorer l'ensemble du poème, afin de se préparer à d'autres rapprochements possibles. Ténèbres, voluptés, mystères, sorcellerie, ... Vers 1860, date de cette pièce 68 des Fleurs du Mal, Baudelaire est au plus fort de son goût pour l'étrange. Dès 1857, il écrivait, dans ses Notes nouvelles en tête des Nouvelles Histoires extraordinaires d'Edgar Poe : "cet élément inattendu, l'étrangeté, qui est comme le condiment indispensable de toute beauté." Il est aisé de repérer au passage dans le poème suivant les expressions qui vont dans ce sens.
Indignez-vous? Dans le domaine de la censure au cinéma, beaucoup plus indirecte que directe dans nos pays et à notre époque, c'est assurément un vieux problème. L'un des plus éloquents indignés, en son temps (1973), fut assurément le célèbre Jean-Louis Bory.
Sous prétexte que le
film risque de donner le «mauvais exemple», il est traité en suspect et
présumé coupable. Avant même
d'exister. Dès qu'il arrive au monde, il
passe obligatoirement en accusé devant un
tribunal. Qui fonctionne comme un tribunal de la Mafia : dans l'ombre, sans
qu'aucune publicité soit donnée au
débat, en dehors de tout contrôle démocratique, en l'absence de l'auteur responsable et d'avocats. Il juge « en son âme et conscience »,
c'est-à-dire en ses ignorances,
limites de son goût, déformations professionnelles,
préjugés, manies, vices mentaux. Ce tribunal « nocturne » acquitte ou
condamne — à mort, ou à la prison
temporaire, ou à divers châtiments corporels
comparables à ces mutilations que les tribus
barbares autrefois infligeaient à leurs malfaiteurs qu'elles purifiaient, en le leur retranchant, du membre qui avait fauté, un bras, une jambe, les
mains, le sexe. Cette juridiction de
la pensée et de ses moyens
d'expression unit police et justice : le censeur est à la fois juge et argousin.
Autocensure, précensure, censure. La police de la pensée cinématographiée surveille à tous les
étages. Particulièrement vigilante aux
goulets d'étranglement. Avec une
préférence marquée pour cette intervention
préalable et indirecte qui s'appelle l'autocensure. Et que s'inflige le
réalisateur sous pression ou non de son
producteur ou de ses futurs distributeurs.
L'État n'éprouve même pas le besoin de
sortir de la coulisse, il en est bien content, soulagé d'éviter au gouvernement un
rôle impopulaire. Lorsque Louis Daquin, dans le film qu'il tirait de Bel-Ami, prétendit
souligner la
satire de la démocratie capitaliste que Maupassant avait aiguisée dans
son roman, « on » obligea Daquin à émasculer son adaptation — ce qui fut
dommage pour nous, pour le
film et plus encore pour Daquin (1955). L'inventeur
d'idées a peur de ses idées. Le dialoguiste a peur de ses mots, même s'ils ne figurent pas sur la liste noire
des mots tabous (il n'en reste plus beaucoup, mais
il y en a : avortement, par exemple). L'opérateur a peur de ses images.
Le comédien a peur de compromettre ses
grimaces. Et le producteur a peur de tout le monde. Il a raison : la police de la pensée a le pouvoir pour une image, pour un mot (ajoutons les bruits depuis La Grande Bouffe — demain certaines bosses
ou certaines fragrances), de décréter
l'interdiction totale d'un film, donc
la ruine du bailleur de fonds.
Changeons maintenant de référence: le titre
est emprunté à Baudelaire. Simple clin d’œil ou correspondances
ambitieuses ? Dans les deux cas, d’ailleurs, la démarche est parfaitement légitime.
Camille Esnault semble pencher plutôt en faveur de la seconde option.
Frédi a perdu sa mère. Cette dernière lui a transmis un don, dont il ne veut pas entendre parler. Mais il se trouve peu à peu contraint de reconnaître que ses mains guérissent…
Mon âme par toi guérie : une promesse lumineuse face à
l’obscurité de la vie...
François Dupeyron adapte à l’écran son propre roman Chacun
pour soi, Dieu s’en fout. Il devient Mon âme par toi guérie, promesse lumineuse face à
l’obscurité de la vie que le réalisateur décrit. Un film traversé par des moments
de grâce...
Mon âme par toi guérie, par toi Lumière et Couleur ! Ainsi
se terminait le poème de Baudelaire auquel François Dupeyron emprunte le titre.
Si Baudelaire en faisait sa conclusion, Dupeyron en fait son introduction et
imprime sur la pellicule cette lumière et cette couleur, dès les premiers
instants. Ces dernières entourent la présence de Frédi, être extraordinaire
éclatant, il sait guérir les corps et apaiser les âmes, parmi l’obscur
ordinaire du quotidien des mobiles-homes, des hommes qui abandonnent femme et
enfant sans en sentir le moindre remords ou encore des femmes qui passent leur
journée à boire pour ne plus ressentir. Cette lumière a du mal à subsister dans
ce si banal quotidien et nous brûle parfois les yeux, comme elle le fait avec
la pellicule souvent surexposée. Pourtant Frédi ne peut faire autrement, cette
lumière il la porte en lui et reconnaîtra ceux qui en sont dotés comme lui. Céline Sallette en fait, partie, irradiante dès son
apparition à l’écran, c’est son corps déformé, traumatisé que Frédi guérira
mais surtout son âme traumatisée par le deuil.
Mais pour en arriver jusque là François Dupeyron passera par
bien des détours, jusqu’à s’égarer parfois dans des intrigues secondaires qu’il
ne conduit alors jamais à leur fin. Le long-métrage contient des longueurs bien
inutiles traversées par autant de moments de grâce, dans lesquels il s’envole
et nous rattrape. Au détour d’une scène sur la plage entre un père et sa fille
qui pleure pour tous les malheurs des autres ou d’une rencontre, avec une mère
en deuil, entre deux portes d’un hôpital bercées par les rayons du soleil,
François Dupeyron justifie le choix poétique de son titre. Sa mise en scène, sa
photographie, certains dialogues, appuyés par le choix d’une musique violente
et mélancolique, construisent le film en forme de travail poétique atteignant
souvent son but : nous bouleverser.
Ce but ne pourrait être atteint sans une composition
d’acteurs presque sans faute. Comme Frédi irradie le monde, son
interprète Grégory Gadebois le fait avec l’image. Son physique si
banal, bourru et puissant tranche avec son jeu si travaillé, délicat et
fragile. Il porte alors parfaitement la poésie de l’ensemble teintée toujours
d’un cynisme aussi mêlé à un humour parfois lourd, mais témoin d’une ironie
nécessaire face au tragique de la vie.
Mon âme par toi guérie, par toi Lumière et Couleur !
Par Camille Esnault (TOUTLECINE.COM)°On peut penser que, pour un cinéaste, se référer à Baudelaire pour invoquer la lumière et la couleur, matières premières de base, c'est peut-être un peu court. La tentation est grande alors de se remémorer l'ensemble du poème, afin de se préparer à d'autres rapprochements possibles. Ténèbres, voluptés, mystères, sorcellerie, ... Vers 1860, date de cette pièce 68 des Fleurs du Mal, Baudelaire est au plus fort de son goût pour l'étrange. Dès 1857, il écrivait, dans ses Notes nouvelles en tête des Nouvelles Histoires extraordinaires d'Edgar Poe : "cet élément inattendu, l'étrangeté, qui est comme le condiment indispensable de toute beauté." Il est aisé de repérer au passage dans le poème suivant les expressions qui vont dans ce sens.
Chanson d'après-midi
Quoique tes sourcils méchants
Te donnent un air étrange
Qui n'est pas celui d'un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,
Je t'adore, ô ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du prêtre pour son idole.
Le désert et la forêt
Embaument tes tresses rudes,
Ta tête a les attitudes
De l'énigme et du secret.
Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d'un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude.
Ah ! les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la caresse
Qui fait revivre les morts !
Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.
Quelquefois, pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser ;
Tu me déchires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon coeur
Ton oeil doux comme la lune.
Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie,
Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,
Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie !
Te donnent un air étrange
Qui n'est pas celui d'un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,
Je t'adore, ô ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du prêtre pour son idole.
Le désert et la forêt
Embaument tes tresses rudes,
Ta tête a les attitudes
De l'énigme et du secret.
Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d'un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude.
Ah ! les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la caresse
Qui fait revivre les morts !
Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.
Quelquefois, pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser ;
Tu me déchires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon coeur
Ton oeil doux comme la lune.
Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie,
Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,
Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie !
Alors, poésie ou sorcellerie? Et pourquoi pas poésie et sorcellerie mêlées?...
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