lundi 9 décembre 2013

MON AME PAR TOI GUERIE

16e séance avec débat







            Le débat était déjà bien engagé sur la pertinence des guérisseurs, quand quelqu’un posa la question du sujet : le film ne parlait-il pas aussi d’autre chose ? Si, bien sûr, et le vrai sujet était peut-être ailleurs : la tendresse, la compassion, la sympathie, l’empathie,… ou encore l’esthétique, la couleur, la lumière, la beauté,… ou bien enfin la difficulté de vivre, l’imperfection des choses et des êtres, la présence du mal, de la maladie et de la mort dans le monde,…

Le père et le fils se parlent : « Quel chantier » en perspective ! Où les mènera-t-il ?





            Trop vaste et trop général, ce sujet ? On peut le ramener à des préoccupations (apparemment) beaucoup plus terre à terre.
            Le film est fait pour que sa réplique centrale : « Je vais faire pipi ! », nous apparaisse hautement poétique et humaine. Ceux qui ont vu le film prendront cela comme une évidence. Ceux qui ne l’ont pas vu y verront logiquement une incongruité lamentable.

Le guérisseur et l’alcoolique se soignent l’un l’autre. 


            A moins qu’on n’y repère en son coeur, comme dans le précédent film Nos héros sont morts ce soir, une citation rimbaldienne : « Je voudrais être un autre… ». 
            C’est d’ailleurs une des caractéristiques du film que de passer sans transition d’une situation et des propos d’une grande trivialité à des fulgurances soudaines d’une vraie poésie, comme ces étoiles qui nettoient l’atmosphère la nuit pour qu’on puisse respirer de nouveau le lendemain. Ce qui sous-entend également que l’atmosphère, en ce monde, a de grandes propensions à vite devenir irrespirable. Malaise profond et désir de soin.




            Après avoir vu ce film, on se prend à penser à une analyse filmique qui aurait pour modèle une analyse d’urine. On aurait ensuite l’illusion de trouver dans ses différentes séquences, tantôt troubles tantôt limpides ce dont souffrent les humains.





Ce qui conduirait, immédiatement après, à l’illusion d’en trouver le remède, apporté par quelque guérisseur miraculeux. Peu importerait au fond son habillage méthodologique.
Il serait taiseux sur le don qui ferait de lui un être au-dessus des autres, qui lui conférerait une sorte de grâce efficace qui serait en même temps une étrange malédiction, pour lui comme pour ceux qui le côtoient.
Il serait au contraire bavard et un brin charlatanesque, avec des emprunts volubiles aux derniers concepts savants, cyniquement volés à cette science qualifiée d’officielle, que par ailleurs il dénoncerait sans vergogne pour sa prétendue étroitesse d’esprit.


            J’ai emprunté cette illustration, que j’ai aussitôt détournée, à une thèse de médecine on ne peut plus sérieuse et savante consacrée aux guérisseurs et assimilés. On la retrouvera, éhontément pillée, plus loin dans cet article.

            Parmi les films récents que l’on a proposés dans le cadre de nos ciné-rencontres, le rapprochement de mon point de vue se fait surtout avec Nos héros sont morts ce soir et Un château en Italie. On y est aux prises avec un mal  de vivre qui tente de s’habiller, comme les petites vieilles de Goya, de dentelles qui paraissent immédiatement dérisoires. Qu’elles soient empruntées au traditions et remèdes de bonnes femmes venus de la nuit des temps, qu’elles soient le produit de notre moderne époque de consommation geek et hi-tech, elles accentuent surtout par contraste la misère qu’elles prétendent masquer.

            Si la sorcellerie est ambivalente, elle est tout de même le plus souvent perçue négativement. Il faut tout le talent d’un Michelet pour réhabiliter ces femmes qui en savaient plus que les autres et qui souvent les soignaient ou les aidaient à vivre, avant qu’on ne les brûlât au nom de valeurs inhumaines et prétendument divines (La sorcière, 1862).






            La plupart du temps, ces personnages maléfiques sont à combattre et le Don Quichotte brélien s’y emploie résolument :

                   Regardez-moi
                   Vous les dragons les sorciers les sorcières
                   Votre règne se meurt aujourd`hui
                   Regardez-moi
                   La vertu flambe dans ma bannière
                   Regardez-moi
                   Un chevalier vous défie
                   Oui c'est moi Don Quichotte
                   Seigneur de la Mancha
       Pour toujours au service de l'honneur
                                    (Jacques Brel,
                                            L’Homme de la Mancha, 1968).


Seuls remèdes un peu efficaces, peut-être, mais combien fragiles et délicats à manier tant il est difficile de faire du bon cinéma avec de bons sentiments, ceux que nous avons déjà évoqués : l’amour, la tendresse, la compassion, etc. etc. C’est-à-dire, finalement, le don de sympathie ou d’empathie.

            Il peut donc exister des « charlatans » sympathiques, à condition qu’il n’y ait pas mieux qu’eux là où ils sont, et qu’ils s’appliquent honnêtement à faire le plus de bien possible autour d’eux. Hommage obligé à Edouard Molinaro qui vient de mourir : on citera dans cette catégorie le Docteur Minxit, grand observateur des propriétés des urines (Mon oncle Benjamin, 1969).




M. Minxit était du reste un homme d'esprit, il était doué d'une bonne dose d'intelligence et, à défaut de science imprimée, il avait beaucoup de savoir des choses de la vie. Comme il ne savait rien, il comprit que pour réussir il fallait persuader à la multitude qu'il en savait plus que ses confrères, et il s'adonna à la divination des urines. Après vingt ans d'étude dans cette science, il était parvenu à distinguer celles qui étaient troubles de celles qui étaient limpides, ce qui ne l'empêchait pas de dire à tout venant qu'il reconnaîtrait un grand homme, un roi, un ministre, à son urine. Comme il n'y avait ni rois, ni ministres, ni grands hommes dans les environs, il ne craignait pas qu'on le prît au mot.








Hors concours dans cette catégorie ceux qui ont su rester le plus près possible de l’enfance :

Mais fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers
Fils de l'amour fils d'amourette
Tous les enfants sont des poètes
Ils sont bergers ils sont rois mages
Ils ont des nuages pour mieux voler
Fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers
                                    (Jacques Brel, Fils de, 1967)


            Frédi (Grégory Gadebois) est d’abord un parfait étranger au monde. Comme celui de Camus, il connaît son troublant éblouissement meurtrier, chute dans un trou blanc pour Meursault, dans un trou noir où s’incrustent des flashes médiumniques pour Frédi. Comme celui de Baudelaire, il a des trouvailles poétiques émouvantes et sans pathos, ainsi que des aspirations non viles. L’auteur a fourni le titre du film, n’hésitons pas à en faire une référence privilégiée :

- Qui aimes-tu le mieux, homme enigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
-Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!
                                                    (L’Etranger)


            La bière naturaliste et prolétaire qui apparaît de façon particulièrement insistante a fait couler beaucoup de salive lors du post-débat. Pour ma part, je préfère tirer l’interprétation vers le haut, ce qui donne une fois encore l’occasion de revisiter le même recueil de  Baudelaire (Le spleen de Paris, Les petits poèmes en prose) :

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous! Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge ; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
                          (Enivrez-vous)


            Tout ce politiquement incorrect éthylique ne doit pas beaucoup embarrasser François Dupeyron. Il en a vu et fait d’autres, et ce n’est pas pour rien qu’il est le cofondateur, avec Mireille AbramoviciJean-Denis BonanRichard Copans et Guy-Patrick Sainderichin, du collectif de cinéma militant d'extrême-gauche Cinélutte (1973-1976). Il est vrai qu’en l’occurrence il fait assez peu couleur locale méridionale, mais le créateur a tous les droits. Plus réaliste sur ce point, mais aussi imaginatif pour le reste, Brel la resituait, la bière, dans son aire géographique naturelle.


C'est plein d'Uylenspiegel
Et de ses cousins
Et d'arrière-cousins
De Breughel l'Ancien
C'est plein de vent du nord
Qui mord comme un chien
Le port qui dort
le ventre plein

Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière Dieu qu'on est bien
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière donne-moi la main

(…)

C'est plein de finissants
Qui soignent leurs souvenirs
En mouillant de rires
Leurs poiluchons blancs
C'est plein de débutants
Qui soignent leur vérole
En caracolant
De prosit en schol

Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière Dieu qu'on est bien
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière donne-moi la main

                                                (Jacques Brel, La bière, 1968)



            On y croit ou on n’y croit pas. Le film est un délice quand on se laisse porter par son rythme et son univers étrange, ou un supplice quand on attend impatiemment l’élagueur salutaire qui tranchera les longueurs superflues (dans le film, Frédi élagueur se fait renvoyer pour cause d’épilepsie ; dans la production du film, l’élagueur n’a sans doute jamais été embauché). Le résultat est un mixe entre film naturaliste et conte philosophique.
« Le naturel des situations est désormais confronté à l'émouvant récit d'une rédemption tout autant qu'à une sorte de conte de fées vériste. Cette hybridation au dosage subtil fait toute la singularité du nouveau long-métrage de François Dupeyron. »
(Jean-François Rauger, Le Monde).


Il est faux ici de penser, malgré Aznavour, que « la misère serait moins pénible au soleil », même celui de la côté méditerranéenne. La côte d’Azur, d’abord, avec tous ses films qui évoquent le french sun, mais aussi la côte ouest, avec l’inscription Guissan sur le mobile home qui désigne la plage de Narbonne et qui renvoie immanquablement les cinéphiles à 37°2 le matin.

Les connaisseurs de l’âme humaine du film ne manquent pas d’ascendants cinématographiques. Je privilégierais sans hésitation Un roi sans divertissement : comme lumière et couleur on ne fait pas mieux (Voir Jacques Meny, Giono et le cinéma). Sur ce plan, Giono nous apprend qu’une ancienne prostituée grenobloise peut en savoir aussi long qu’un procureur royal en retraite. Un guérisseur n’est pas moins légitime dans le rôle.



Le cinéma, comme toute œuvre d’art, est guérisseur. De quel mal cherchait à guérir le réalisateur du film ? Et chacun des spectateurs de cette soirée ?




Edouard Molinaro vient de nous quitter, et Georges Lautner, peu avant lui. Quelques formules dans le film, humoristiques et graves à la fois, sur la connerie humaine - autre nom de l’absurde dans le cinéma populaire – que le réalisateur des Tontons flingueurs n’aurait pas reniées.

Merveilleuse physique quantique, dont les singularités au niveau des particules élémentaires alimentent en carburant inépuisable  le moteur à métaphores des sciences approximatives au niveau de nos macroscopiques existences, plus sûrement que les vaisseaux intergalactiques de Star Trek.

            La parole est à la science, et en priorité à la science médicale. Je suis tombé sur un travail particulièrement utile pour faire le point sur la question. Il s’agit d’une thèse de médecine que l’on peut trouver aisément sur Internet et qui se lit comme un roman.


Sylvie MAURIN.
Pourquoi a-t-on encore recours aux guérisseurs à l’heure actuelle ?
135 f.,15 ill.,7 tabl.
Th. Méd. : Lyon 2006 ; n°
RESUME
Le recours aux guérisseurs persiste, c’est ce que nous illustrons par une enquête menée auprès de dix guérisseurs et une revue de littérature.
L’étude des représentations populaires de la maladie permet d’expliquer en partie ce recours car elles conditionnent le rapport du malade avec sa maladie et les moyens qu’il met en oeuvre pour la combattre.
Nous constatons, par ailleurs, que c’est face à une médecine trop technique et déshumanisée que des patients s’orientent vers d’autres modes thérapeutiques.
En effet la confiance accordée aux guérisseurs est liée à la recherche d’une écoute empathique, à la reconnaissance des mêmes référents symboliques, à l’usage du même langage tant sur la maladie que sur son vécu.
Enfin, certains patients font appel aux guérisseurs simplement par tradition familiale, ou par convictions idéologiques.
Mais la plupart du temps la consultation du guérisseur vient en complément de la consultation du médecin ou relève de l’ultime espoir lorsque la médecine a échoué.
MOTS CLES
- Ethnomédecine
- Guérisseurs
- Relation médecin-patient

Bibliographie importante en fin d’ouvrage. Particulièrement :

WINCKLER M. La Maladie de Sachs. Paris, P.O.L., 1998, 474 p.

Références des illustrations :
P 82 (Analyse d’urine), P 86 (J’ai opté pour le traitement éclaté ), Le chat a encore frappé,
Album n°13, Philippe GELUCK, Edition Casterman, 2005.
P 90 (Dr, Je me sens seul), Le meilleur du chat, Album Best of, Philippe GELUCK, Edition
Casterman, 1994.
P 108 Alternative Santé, La place cachée des guérisseurs, 01/09/1998, n°248, pp 14 – 16.






            On aurait pu conclure ainsi, puis se souvenir que les romans, comme les films, connaissent parfois deux conclusions possibles, l'une optimiste, l'autre pessimiste. Bien entendu, comme il se doit, on ne dira rien ici de la fin du film. Mais on peut choisir une conclusion optimiste. Une fois n'est pas coutume, on la trouvera chez Baudelaire.


Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,
A la très belle, à la très bonne, à la très chère,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri ?
- Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son oeil nous revêt d'un habit de clarté.
Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,
Que ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau.
Parfois il parle et dit: "Je suis belle, et j'ordonne
Que pour l'amour de moi vous n'aimiez que le beau;
Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone."

                 (Les Fleurs du Mal, XLII)






COMPLEMENTS

           En cherchant une illustration pour Mon oncle Benjamin, je suis tombé sur cet article d'Alain Riou. Je suis tellement d'accord avec lui que je tiens à me l'approprier ici.




LE NOUVEL OBSERVATEUR

Par Alain Riou 8 décembre 2013

Le réalisateur de "La Cage aux folles", "Hibernatus" ou "Beaumarchais l'insolent" s'est éteint samedi. Il avait 85 ans.

La critique l’ignorait. Les acteurs l’adoraient. Le public l’aimait sans doute, mais sans le savoir. Il y a un mystère Molinaro dont la mort suscite aujourd’hui plus d’hommages qu’aucun de ses films ne lui en a jamais valu.
Ce mystère, c’est probablement le fruit de sa propre discrétion. En matière de cinéma, cet art buissonnier, qui, dans le domaine de la comédie s’apparente de près à un chahut, l’enfance est une clé essentielle. Or, "Doudou", comme l’appelaient ses intimes, resta toujours l’enfant sage que lui avaient appris à être ses parents bordelais. Même sa passion du cinéma, qui le dévora très tôt fut canalisée – sur les conseils de sa famille - par la pratique du cinéma d’amateur. Un genre très civilisé, qui était alors aux possesseurs de caméras, engins coûteux, ce que l’Automobile Club de France fut aux propriétaires de grosses conduites intérieures. Il réalise ses courts métrages à 20 ans, bien plus jeune que le feront un peu plus tard ses confrères de la Nouvelle vague, mais il les tourne sur des sujets convenus, d’après une grammaire bien apprise, sans aucun désir de révolution. Il devient assistant de réalisateurs plus que classiques, comme Robert Vernay, sans jamais avoir envie de s’aventurer chez les débutants plus sauvages. Quand on aime infiniment son père, on ne dézingue pas le cinéma de papa.
Or, cet apprentissage académique porta ses fruits. Au moment où surgit le cinéma de Chabrol, Godard, Truffaut il était déjà titulaire d’un énorme bagage technique, qui lui assura une suprématie marquée sur tous les réalisateurs de son âge : c’était le moment où les films français étaient presque tous des films de genre. "Le Dos au mur", coup d’essai qu’il tourne à 30 ans, en 1958, demeure un excellent polar, comme "Un témoin dans la ville", deux ans plus tard, qui contribue solidement à l’ascension de Lino Ventura. Mais derrière son impeccable sûreté artisanale, Doudou cache une vertu cinématographique essentielle : la finesse, le sens des personnages, qui vient justement de sa discrétion, de son attention aux autres. Maurice Clavel, écrivain fascinant, humaniste douloureux aux goûts (parfois) de playboy le choisit pour mettre en scène "Une fille pour l’été", d’après son roman qui donne une sorte de mysticisme aux noceurs de Saint Tropez. Et c’est ainsi que Molinaro tourne, dans la foulée, "La Mort de Belle", qui est peut-être le meilleur Simenon jamais tourné. Le réalisateur, auquel les cinéphiles s’intéressent depuis ses débuts, en raison justement de ce mélange de technique et de pénétration des âmes parait à l’aube d’une très grande carrière – celle que fera, par exemple, Claude Sautet dont il n’est pas éloigné.
Le problème, c’est que Doudou ne peut oublier sa bonne éducation, son milieu qui a horreur des éclats. Son talent, auquel les comédiens ne résistent pas, tient dans la manière délicate avec laquelle il les amène à mettre dans leurs rôles une part insoupçonnée d’eux-mêmes. Ce qui n’échappe pas aux producteurs de comédies, qui se retrouvent souvent avec des scripts artificiels qu’ils ont payé très cher. Molinaro est trop poli pour leur dire non, et accepte de mettre son talent au service d’histoires à dormir debout, peuplées de dérisoires pantins auxquels il arrive à donner une certaine épaisseur humaine. Et c’est ainsi que, parfait médecin il sauvera des dizaines de cas désespérés, s’endormant un peu dans le confort, et oubliant peu à peu ses ambitions personnelles.
Sa chance est d’être parfois tombé, pas très souvent hélas, sur de vrais bons scénaristes :Francis Veber (pour "L’Emmerdeur"), Jean-Claude Brisville ("Le Souper"), Sacha Guitry (son "Beaumarchais", que transcende Fabrice Luchini a été cruellement sous-estimé). Et d’avoir su transcender de grands acteurs réputés difficiles. Il a tourné des De Funès triomphants, des Poiret et Serrault extravagants, des Auteuil, des Jugnot, et même deux Jacques Brel qui révèlent chez le sombre chanteur de "Ne me quitte pas" une dimension comique furieuse ("L’emmerdeur"), et une sorte de philosophie du bonheur fragile, "Mon Oncle Benjamin", d’après Claude Tillier, auteur libertin du 18ième siècle (sic), film qui déborde d’ardeur et où la grande sagesse du réalisateur trouve exceptionnellement à s’employer. Il faut revoir ce film. Le seul où Edouard Molinaro s’est lâché.




          Cher Alain, même les meilleurs – la preuve – sont susceptibles de confondre un instant le temps de l’histoire racontée et le temps de l’écriture. Rectifions donc amicalement. Claude Tillier, ancien pensionnaire du lycée de Bourges, né à Clamecy où il reviendra comme instituteur, publie son roman le plus célèbre en 1843, avant de mourir à Nevers l’année suivante. Il est du XIXe siècle, quand son personnage, lui, « vivait » sous Louis XV. Ces guillemets sont presque de trop d’ailleurs, Benjamin ayant un « modèle » réel. Mais l'important, c'est de lire ce livre et de donner envie de le lire, comme Brassens qui, en 1967, dans une émission de Michel Polac (Bibliothèque de poche),  a déclaré : « Quiconque n’a pas lu Mon oncle Benjamin ne peut se dire de mes amis. »




Je ne sais pas dans quelle mesure le réalisateur a eu recours au thème du guérisseur, comme simple métaphore commode pour dépeindre le mal-être de notre époque, ou comme implication personnelle. Dans ce dernier cas, s’il accède à ce blog, il sera peut-être intéressé par les extraits qui suivent.

Je pourrais vous renvoyer directement à la lecture de l’ensemble du texte (et d’ailleurs je le fais :   ). Je peux aussi, si cela vous facilite l’entrée dans le contenu global, vous passer mes extraits de lecture.


thèse de Sylvie Maurin

21 Son don lui a été transmis par une tante vivant dans le Berry. A ce moment là « ma fille s'était brûlée, mon mari m'a poussée à consulter la grande tante qui levait le feu, j'ai alors découvert ces pratiques ancestrales et j'ai souhaité être initiée. »

22 La douleur est alors rapidement soulagée mais la cicatrisation aussi est facilitée et sans séquelles. « Je suis considérée comme une sorcière par ma famille et mes amis. »

26  « J'ai horreur du terme de guérisseur, simplement parce que ça englobe tous types de personnes avec beaucoup de charlatans. Ce sont ceux qui en font commerce, ils profitent des pauvres malades en situation désespérée pour leur faire miroiter un avenir meilleur, les rendent dépendants, ce qui les incite à consulter régulièrement et à chaque fois ils doivent payer....Nous ne sommes plus qu'une petite poignée d'honnêtes et vrais guérisseurs. »

Pour ce qui est de considérer sa pratique comme un exercice illégal de la médecine Monsieur G ne s'en soucie guère, « Que voulez vous qu'ils me fassent ? Qu'ils me mettent en prison, j'irai et ça ne m'empêchera pas de continuer à soigner les gens !
Avant de nous condamner, le conseil de l'ordre des médecins ferait mieux d'organiser une mise à l'épreuve pour mieux nous juger. Je suis prêt à passer devant un jury de grands professeurs de médecine, qu'ils me mettent face à un malade, une luxation de l'épaule par exemple, je pense qu'à la sortie ils pourront me délivrer un certificat d'aptitude à exercer mon don. »

27
Mr L travaille depuis 15 ans, il était initialement installé en milieu plutôt urbain. Il semblerait que l'intégration en milieu rural ait été assez naturelle. « Les gens sont ici culturellement et intuitivement proches de notre pratique, ils ont toujours connu les rebouteux et autres guérisseurs, ils sont plus sensibles et plus tolérants qu'en ville. »

Pour chaque soin on commence par s'humidifier les mains car si pour le feu la plus haute transformation c'est l'électricité et bien pour l'eau c'est le magnétisme et au cours du soin on est obligé de se mouiller souvent les mains. D'ailleurs avant les magnétiseurs buvaient beaucoup on a maintenant cette parade de se mouiller les mains.

[La bière de Brel, Enivrez-vous de Baudelaire]

29
« Les patients sont en demande d'autre chose, ce n'est jamais formulé verbalement mais on le sent dans l'échange que nous avons, la principale lacune de la médecine c'est la déshumanisation du soin, les patients n'ont pas le temps de se confier, vous allez chez un médecin il vous garde 10 minutes, le stylo à la main, nous on garde les patients 1 heure. »

Mr L n'a aucune conviction religieuse, « j'ai seulement une croyance aux forces environnantes et à leur influence sur l'organisme. »

32
J'ai le don d'avoir du magnétisme, en fait tout le monde a du magnétisme mais il faut le travailler. Je me suis rendu compte à l'âge de 20 ans de la capacité de mes fluides. En fait on fait ça depuis 3 générations dans ma famille. Mais par exemple mon arrière grand-mère elle faisait ça comme un rituel toujours le même quelque soit le patient, elle imposait les mains et récitait une prière, sans savoir pourquoi ou comment elle était efficace. Moi j'ai acheté beaucoup de livres de médecine que j'ai beaucoup étudiés, j'ai appris la localisation des organes, leur fonctionnement.

34
« J'aurais pu être voyant mais ça ne m'intéressait pas. Un jour en serrant la main d'un client qui rentrait à Lyon, je lui dis « fais attention sur la route je vois une roue de camion traverser la voie ». Sur l'autoroute le client s'arrête dans une station essence puis il repart et quelques kilomètres plus loin il voit un camion renversé et un pneu qui vient d'exploser. Le client m'a rappelé pour me remercier, mais je ne me souvenais pas du tout de l'avoir mis en garde. »

37
Monsieur R est conscient que sa pratique est un exercice condamnable par la loi mais « dès l'instant que vous ne dépassez pas ce que vous avez le droit de faire, vous ne risquez rien, je ne fais aucune prescription, je ne pose pas de diagnostic…»
« Je crois qu'il est temps que nous obtenions un diplôme d'état qui officialiserait notre pratique, ceci permettrait de régler le problème du charlatanisme et rendrait le patient plus libre de choisir la médecine qui lui convient. Nous sommes 190 magnétiseurs guérisseurs déclarés auprès du SNAMAP et plus de 3000 à exercer…»

42
…notre thèse de départ d’un recours aux guérisseurs persistant voire prenant de l’ampleur.

43
Pour définir la population ayant recours aux guérisseurs et ses motivations nous nous appuierons sur l’enquête menée en 1997 par le CREDES (Centre de Recherche et de Documentation en Economie de Santé).

L’étude prospective, a porté sur 3800 ménages, soit un peu plus de 11000 personnes interrogées au cours de l’année 1997, ce qui a permis d’obtenir 9080 réponses.

(tableau)

47

Traditionnelle” ou “récente”ces appellations correspondent aussi à des différences sur le plan financier. En effet les prix demandés à l’issue de la séance sont nettement moins élevés pour les praticiens traditionnels que pour les autres.
Pour les praticiens traditionnels, les prix oscillent entre 90 francs soit 14 euros pour les rebouteux et 170 francs soit 26 euros pour les magnétiseurs avec un prix moyen de 118 francs soit 18 euros.
Pour les praticiens de pratiques plus récentes le prix moyen est de 222 francs soit 34 euros.
18 % des séances de praticien traditionnel et 5% de celles des autres praticiens récents sont gratuites.
4% des séances de praticien traditionnel ont un prix supérieur à 200 francs soit 30 euros contre 53% pour les praticiens récents.

48
Compte tenu des prix relativement élevés de ces séances et de l’absence de prise en charge par l’assurance maladie, le recours aux soins parallèles tend donc à augmenter avec le revenu par unité de consommation jusqu’à un revenu de 6000 francs soit 915 euros. Ensuite il se stabilise puis décroît.
Cette courbe moyenne résulte de comportements différents vis-à-vis des pratiques traditionnelles ou récentes. En effet, le taux de recours à des pratiques récentes augmente avec le revenu, alors que le recours aux pratiques traditionnelles stagne ou diminue au-delà d’une revenu de plus de 3000 francs soit 457 euros par unité de consommation.


50
Ce sont essentiellement des affections chroniques ou récidivantes qui motivent le recours à ce type de pratiques. Ce sont effectivement des affections qui souvent engendrent une gêne quotidienne voire un véritable handicap.
Plus de la moitié de ces affections (54%) sont des pathologies de l’appareil ostéo-articulaire parmi lesquelles dans plus de deux tiers des cas on compte les affections du rachis type sciatalgies, lombalgies, arthrose lombaire, etc…
Viennent ensuite les troubles mentaux. Ils représentent 12% des motifs de recours. Il s’agit dans la moitié des cas de problèmes de dépression, puis viennent les angoisses, et les troubles du sommeil.
Les traumatismes et leurs séquelles (luxations, entorses) représentent 9% des motifs de recours.
Enfin citons les troubles digestifs (maux d’estomac) qui représentent 5% des taux de recours, puis les pathologies dermatologiques type eczéma représentent également 5% des taux de recours, et enfin les allergies et les problèmes liés à la fatigue.

51
Ce sont les symptômes plutôt que la maladie elle-même qui motivent le patient à se tourner vers les pratiques traditionnelles, principalement les symptômes chroniques, la douleur et la gêne fonctionnelle.
Les guérisseurs ne sont sollicités que pour certains symptômes, l’enquête montre une faible fréquence du recours pour la prise en charge de pathologies cancéreuses ou cardiovasculaires.


53
Pour illustrer ce regain de confiance envers les pratiques traditionnelles, nous citerons une enquête menée par la SOFRES pour le compte de la Cité des sciences de la Villette, du journal Le Monde, et de Fondation Electricité de France, en 01/1993, sur un échantillon de 1500 personnes.
A cette époque le journaliste Jean François AUGEREAU constate que : “Loin de plier sous les coups de boutoir d’un rationalisme scientifique omniprésent, les para sciences se développent. (…) Plus qu’hier les français croient aux tables tournantes, à l’explication des caractères par les signes astrologiques, à l’inscription de la destinée dans les lignes de la main, aux fantômes, aux revenants et aux guérisons par magnétiseur et imposition des mains.
Le sondage révèle que 55% des français pensent que la guérison de leurs maux dépend des passes de magnétiseur ou d’une habile imposition des mains.
Ces chiffres sont en augmentation par rapport à ceux de l’enquête SOFRES réalisée en 1988 pour le compte du FIGARO Magazine.
L’analyse des sondés montre que le phénomène touche plus les femmes que les hommes et qu’il séduit plus les jeunes 18-25 et 25-35 que leurs aînés.
Par ailleurs les adeptes des para sciences se recrutent plus facilement chez les militants et les sympathisants des VERTS ou de GENERATION ECOLOGIE que chez les socialistes ou les sympathisants de droite.
Enfin les adeptes des para sciences -dont les agriculteurs sont singulièrement absents- se recrutent pour une bonne part dans les milieux diplômés.
Deux catégories sociales semblent sensibles aux para sciences : les classes moyennes, en particulier les salariés, et une fraction des catégories supérieures, à dominante intellectuelle.

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les mots clés suivants ont été utilisés : « acupuncture, alternative medecine, aromathérapy, chiropractic, complementary medecine, herbalism, homeopathy, hypnotherapy, massage therapy, naturopathy, osteopathy,phytomedecine, reflexology, relaxation therapy, surveys, yoga ».

Dans toutes les études les usagers de ces médecines parallèles sont en majorité : des femmes, riches, d'âge moyen, bien élevées, et blanches.
Une large proportion n'informe pas leur médecin sur ce fait et utilise les médecines parallèles en complément de la médecine scientifique, plus dans un but de prévention que de traitement d'une maladie.
Le coût de ces pratiques peut être considérable, malgré tout leur popularité semble s'accroître.

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Le développement de ces pratiques ne va pas sans soulever quelques inquiétudes...C'est pourquoi nous poursuivons en citant ce bulletin d'information de l'OMS.
Le 23 juin 2004, l’ OMS publiait une mise en garde contre les risques des médecines et des médicaments traditionnels ou alternatifs dont l’utilisation s’est fortement accrue ces dernières années dans la plupart des pays.

L’ OMS souhaite aussi mettre en garde contre les effets indésirables que peuvent parfois provoquer ces thérapeutiques. Ainsi le centre de surveillance de l’ OMS à UPPSALA (Suède) a recensé des pneumothorax provoqués par des acupuncteurs non qualifiés, des cas de paralysie provoqués par des thérapeutes manuels, des hémorragies opératoires lors de traitements suivis par ginkgo bi loba et non mentionnés par le patient.
L’ OMS met en garde : « Le préjugé selon lequel la médecine traditionnelle ou dite naturelle est sans danger n’est pas exact».

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II. DEFINITION DES GUERISSEURS
Il existe toujours dans les campagnes françaises des praticiens qui traitent les maladies par « secret ». Selon les régions, on les appelle : (LAPLANTINE, 1978)
des remégueux, des persigueux, des barreurs, des panseurs, des leveurs de maux dans le
Berry ;
des endevinaires en Languedoc ;
des signadori en Corse ;
des rhabilleurs en Bretagne ;
des toucheurs en Poitou ;
des cogneux et des charmeux dans le Morvan et le Nivernais
des cougnous dans le Forez et le Bourbonnais
Le terme de guérisseur est imprécis et englobe de nombreuses pratiques thérapeutiques. Selon Le Robert, dictionnaire historique de la langue française: « « personne qui guérit » (XIV ème siècle, gariseur) s'applique depuis le XVII ème siècle à un médecin (médecin guérisseur). Il se Le Robert, dictionnaire historique de la langue française: « « personne qui guérit » (XIV ème siècle, gariseur) s'applique depuis le XVII ème siècle à un médecin (médecin guérisseur). Il se spécialise (av. 1721), en opposition à médecin, réservé aux thérapeutes formés et reconnus par l'institution universitaire, et peut-être avec une intention ironique à leur égard, pour désigner une personne qui fait profession de guérir, sans avoir la qualité officielle de
médecin. »
« Pour l'homme de la rue le guérisseur apparaît comme un personnage mystérieux qui se différencie du commun des mortels parce qu'il possède le « don » ».
Au sens traditionnel le guérisseur est l' « héritier des pratiques de la médecine populaire, il reste un personnage mystérieux et puissant investi par le groupe d'un pouvoir magicoreligieux (le Don) mais par ailleurs menacé des foudres de la loi pour exercice illégal de la médecine. » (BERTRAND, psychologie médicale, 1984)
Bien entendu il existe différents types de spécialisation selon les guérisseurs. Comme nous l'avons découvert au cours de nos entretiens tous ne soignent pas tout ni la même chose.
Certains utilisent des techniques d’ordre magico-religieux d’autres préfèrent des procédés plus empiriques.

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« Dans le temps, j'étais toucheux. Quand quelqu'un s'était chauffé sur le macadam en tombant à vélo ou qu’ un queniot s'était brûlé en mettant la main sur la cuisinière à bois, on me l'amenait et j'y arrêtais le feu. Après, ça guérissait comme ça pouvait, fallait que la nature fasse, mais au moins ça brûlait plus. Alors évidemment, la Mère elle était toute fière, vu que dans le temps y avait pas de médecin à la porte, et ça coûtait. Les gens venaient de tout le bourg, parfois même des autres bourg autour de Play, et je faisais pas payer, parce que mon grand-père m'avait dit que j'avais un don mais que si je le vendais, rien qu 'une fois je le perdrais. Mais les gens étaient contents, forcément, et ils voulaient me rendre la pareille, alors je disais qu'ils me donnent ce qu'ils veulent mais pas tout de suite, plus tard, quand j'aurais oublié que je les avais vus. Et y en a qui revenaient six mois plus tard, aux beaux jours, avec des paniers de cerises ou avec un faisan et qui les donnaient à la Mère quand j'étais pas là. » (La maladie de Sachs, WINCKLER)

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portraits
plantes

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Le traitement de certaines maladies est parfois dévolu à des saints ou des lieux sacrés (fontaines, rochers, …) qui font alors l’objet de pèlerinages.
Exemples :
La Vierge Marie est invoquée dans les cas de stérilité féminine, ou pour la délivrance des couches difficiles. (Un château en Italie)
Saint Eutrope est invoqué pour les enfants estropiés, ou les problèmes d’hydropisie.
Saint Roch est invoqué dans les maladies de peau.
Saint Aubin est invoqué en Normandie et en Bretagne contre les fièvres.
Saint Claude est prié pour la guérison des maux de tête et des méningites.


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Nous n’abordons pas ici la classification des médecines dites « parallèles » puisqu’elles ne sont pas l’objet de notre travail. Une définition et une liste précise de ces médecines ont été réalisées dans un travail de thèse de pharmacie intitulé « Le don, guérisseurs et radiesthésistes en pays cigalois »( Jean Christophe Tetu, Montpellier I, 1997). Nous citerons à titre indicatif :
les homéopathes, la mésothérapie, l’acupuncture, les hypnotiseurs, les vertébrothérapeutes, les ostéopathes, les iridologues, les métallothérapeutes, l’anthroposophie, l’oligothérapie, l’auriculothérapie…

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Le don

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Après réception du don, le guérisseur doit se conformer à quelques obligations : outre, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’obligation de garder le secret et de se conformer à la lettre au rituel du « pansement », il a une obligation morale de soin, il ne peut se dérober à la tâche, enfin le guérisseur rend un service bénévole, il ne doit jamais exiger de compensation financière (CAMUS, 1990).


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C’est à partir du IV ème siècle, avec la christianisation de la Gaule, que l’église essaya de détourner certains cultes païens à son profit, en installant par exemple l’image d’un saint dans une petite niche au-dessus d’une fontaine étant réputée pour ses vertus thérapeutiques. Mais elle ne réussit pas à ébranler les croyances populaires.


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Au cours du Moyen Age et jusqu’à laRenaissance, face à l’impuissance de la médecine, les malades continuent à recourir aux guérisseurs, aux « leveurs » de sorts et à leurs incantations mystérieuses, pour améliorer leurs conditions de vie. L’église, elle, explique la maladie comme un châtiment divin, fruit des péchés des malades, et recommande alors de recourir aux exorcismes et prières officielles
seules capables de lever les maléfices.
A partir du XII ème siècle l’église radicalise sa position et diabolise toutes ces croyances « hérétiques ». Elle s’associe avec les tribunaux de l’Etat, et sorciers et devins, accusés d’avoir pactisé avec le diable, sont condamnés au bûcher. C’étaient les prêtres qui possédaient le pouvoir de guérison, accru par leurs relations privilégiées avec Dieu, le « curé guérisseur » exerçait « pour le bien » (en luttant contre la sorcellerie).


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Ce sera le siècle des Lumières qui marquera un véritable tournant avec d’un côté les possesseurs de la raison et le progrès scientifique, et de l’autre les croyances obscurantistes et le peuple analphabète.
A la fin de l’Ancien Régime les guérisseurs sont montrés du doigt. Malgré les progrès de la médecine les pratiques des guérisseurs sont toujours vivaces, même si on note une forte tentative de rationalisation de celles-ci, on ne parle plus de Dieu et de Démon mais de fluide magnétique et d’énergie vitale.

E. Le statut juridique
Rappelons la législation en vigueur en France : Ordonnance n°2000-548 du 15 juin 2000, Page 61 / 135 Article L.4161-1 :

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L’exercice du guérisseur est donc condamnable au titre d’exercice illégal de la médecine. De même qu’un médecin qui adresserait un patient à un guérisseur pourrait être considéré comme complice d’un exercice illégal de la médecine.

Le risque, en consultant un guérisseur, étant pour le patient de retarder la prise en charge d’une pathologie grave ou d’entraîner l’arrêt d’un traitement médical, il n’y a a priori pas de dangerosité du traitement en lui-même.


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On ne peut que constater à l’heure actuelle, que les plaintes sont beaucoup plus fréquentes contre les médecins. Sans doute pardonne-t-on plus aisément à celui dont on n’attend pas l’infaillibilité car on sait qu’il n’a pas de diplôme, et attend-t-on davantage du médecin …


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L'expérience morbide de la maladie suscite chez l’individu de nombreuses questions : pourquoi moi ?, pourquoi maintenant ?... Et les représentations populaires de la maladie sont des modèles explicatifs de la maladie visant à répondre à ces questions. C’est-à-dire des discours élaborés par les malades pour donner un sens à leurs symptômes, aux causes qu’ils leur attribuent, aux circonstances dans lesquelles la maladie apparaît, aux traitements qu’ils reçoivent.

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Si autrefois la conception du corps était celle d’un microcosme soumis au macrocosme de l’univers, de nos jours la physiopathologie populaire a une vision mécaniste du corps : le corps est une machine mue par une énergie transportée par les nerfs et le sang.


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Mais, à l’époque, le recours à l’église pallie aussi l’impuissance médicale face à la maladie.
Lorsque toute action humaine est impossible on fait appel à Dieu. Dieu seul peut guérir le mal qu’il a envoyé.
Après le XVIII ème siècle, en même temps que l’emprise de l’église se relâche, les idées de faute et de rédemption perdent de leur impact. Le sentiment de la mort, lui aussi, se transforme et l’effroi qu’elle provoque ne peut plus être contenu par le rituel religieux.

Enfin, lorsqu’au XIX ème siècle se développe la croyance en la science et que s’opère, accompagnée ou non d’efficacité, la montée de l’activisme médical, le médecin et le malade cessent de se sentir dominés par la volonté divine. Ils se pensent confrontés à des processus organiques que l’on peut connaître et maîtriser. La résignation s’efface donc devant le désir de vivre à tout prix. Le sentiment de la faute, l’acceptation de la volonté divine, l’espoir du salut cessent de régler les attitudes envers le mal.
Tandis que le médecin prend partout la place du prêtre et de la religieuse pour traiter les malades, la conception chrétienne de la maladie et de la mort peu à peu cède du terrain.


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Dans ce concept la notion de maladie se charge de connotations morales. La maladie résulte de la transgression d’interdits moraux, en matière de sexualité, d’alliance, de comportement social. La maladie est devenue en elle même une faute ce n’est plus une punition. Le malade n’est plus un pêcheur, il a cependant failli, non plus dans son âme mais dans son corps.
(HERZLICH, 1984)


Au XVIII ème et XIX ème siècle, la maladie trouve son origine dans la transgression d’interdits de notoriété publique. Par exemple :
Mettre le pain à l’envers sur la table enverra des coliques au maître de maison.
Laisser s’embrasser deux enfants du même âge ne marchant pas encore les rendra bègues ou muets. ( BOUTEILLER, 1987)

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Malgré la neutralité des concepts génétiques de ces dernières années les notions populaires d’hérédité ont peu évoluées : lorsque l’individu est en quête de sens, « le mode de vie », et non l’ADN, est au coeur des représentations de la maladie. Le malade est la victime d’un aïeul fautif ou d’une lignée, ou encore la victime du hasard, mais dans tous les cas il n’est en rien responsable de cette maladie qui le touche.

Mais plus encore que par les notions d’hérédité, de terrain ou de disposition, à toute époque, l’âme, l’humeur, - gaieté ou tristesse-, le moral, le psychisme de l’individu passent pour responsables du déclenchement des maladies. Par exemple à l’époque des grandes épidémies Page 74 / 135 il était largement admis que l’homme heureux n’attrapait pas la peste.( HERZLICH, 1984)


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Pourtant le fatalisme ne fut jamais total : dès l’Antiquité on essaya de lutter. A travers les siècles nous pouvons observer la variété des registres de cette résistance contre ce destin inévitable : les mesures sanitaires, les prières, le recours aux guérisseurs, les pratiques de sorcellerie et les remèdes médicaux.
Aujourd’hui l’idée de l’action toujours possible et de la prévention qui exige de savoir « avant », a considérablement gagné dans nos esprits et l’on ne voit plus guère s’affirmer de façon tranchée l’idée qu’on ne peut rien faire et que mieux vaut l’ignorance. La résignation désabusée ou l’acceptation stoïque nous est devenue étrangère. Pour beaucoup d’entre nous, l’impuissance devant la maladie est un échec insupportable, voire quelque peu scandaleux.


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Accepter sans se plaindre la maladie et la mort mais ne pas être « un malade », telle était, il y a quelques décennies, la réponse au fatum biologique. Aujourd’hui au contraire on accepte d’être « un malade ». On suit avec minutie, toutes les prescriptions ; on respecte toutes les conduites associées à cette identité désormais assumée. Mais tout se passe comme si on refusait de mourir. L’impuissance, naguère évidente, est aujourd’hui intolérable. La mort est moins l’issue « naturelle » de la maladie que l’échec de la conduite du malade et du médecin.
Reste qu’elle finit toujours par l’emporter.

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A travers la description de ces représentations populaires de la maladie on comprend mieux le recours au guérisseur puisque ce dernier revendique une prise en charge plus globale de l'individu et de sa maladie en rétablissant les liens entre celle-ci et le contexte social, professionnel, environnemental, et familial du malade.

Il pourra comprendre et entendre la conception de la maladie et l'origine qui lui est attribuée par le malade, peut être mieux que le médecin aveuglé par sa formation scientifique, parce qu'il se situera sur le même mode de pensée.

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Par ailleurs dans une société où le travail physique était éprouvant et représentait la source de revenu, il était recommandé de s’endurcir au mal. Il n’y avait pas de place pour l’état intermédiaire entre l’état de santé et la maladie déclarée, et aller chez le médecin à titre préventif ou lors des tous premiers symptômes de la maladie aurait été interprété comme une façon excessive de s’écouter.
Aujourd’hui la tendance est inversée et les normes de santé sont telles que pour reprendre Ivan ILLITCH : “La médicalisation du dépistage précoce, (…)entraîne le patient potentiel à se comporter en permanence comme un objet dont le médecin a la charge (…) Il se transforme en patient à vie.”( FLOCH’HLAY, 1992 )
On assiste ainsi à l’émergence d’une nouvelle catégorie sociale : “le malade”.
Etre malade dans la société d’aujourd’hui a cessé de désigner un état purement biologique pour définir l’appartenance à un statut, voire à un groupe.”(HERZLICH, 1984). En effet tel individu sera identifié par son cercle de connaissance “diabétique” presque de la même façon que “professeur” ou “maçon”.

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Cette individualité de la maladie renforce la solitude du malade. Il n’existe plus le même mécanisme de défense et de sauvegarde de la communauté qui était à l’oeuvre dans les épidémies. Autrefois, la maladie naissait au contact de l’autre. Aujourd’hui le malade est seul parce que les autres n’étant plus menacés de devenir comme lui ne sont pas concernés par son état.

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Cependant l’ensemble des transformations de la pathologie n’a pas fait disparaître un phénomène du passé : la cristallisation des angoisses des sociétés industrielles sur une “maladie-fléau”, associée à la mort. Cette maladie actuellement c'est le cancer. C'est la maladie moderne produite par la vie moderne.

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De façon générale le médecin spécialiste s’adresse à la maladie plus qu’à l’homme malade et ce dernier plus à un technicien de la maladie qu' à un être humain.
Et comme à la campagne plus qu’ailleurs le spécialiste est littéralement un étranger “au pays”, cette relation est d'autant plus déséquilibrée, il en résulte souvent un sentiment de frustration, une agressivité contre celui qui n’écoute que la demande anatomique, contrairement à “mon médecin qui lui me connaît et me comprend bien” et a fortiori au guérisseur paysan….
Et pourtant, comme nous l'avons déjà exprimé, la confiance structure la relation thérapeutique et entre dans une proportion non négligeable dans le processus de guérison.


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« D'habitude, les docteurs ne prennent pas le temps d'attendre que les malades guérissent, ils n'aident pas les malades à prendre leur mal en patience. Les docteurs, ça n'est pas très patient. » (La maladie de Sachs, WINCKLER)

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Le médecin par sa science peut souvent localiser et décrire la pathologie qui s’offre à ses yeux, ses connaissances lui indiquent comment est survenue et se déroule la maladie. Le malade par contre recherche avant tout le pourquoi de celle-ci. Alors que la médecine permet souvent de donner une explication physique de la maladie, le malade se demande quel est son sens métaphysique.

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A l’heure actuelle, le public, tout en admirant les progrès remarquables de la médecine, exprime son désenchantement de la profession médicale. Les praticiens sont accusés de ne pas prendre le temps d’entendre les dilemmes de leurs patients, de devenir des techniciens, plutôt que des humanistes, et de souvent manquer de compassion. « Le médecin progresse, la médecine régresse. » (psychologie médicale, 1984). Tout ceci contribue à la survivance et au développement des pratiques de soins des guérisseurs.


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Dépositaire d’un savoir et des croyances populaires, le guérisseur se préoccupe moins des maladies que des malades. Son diagnostic n’est pas fondé sur l’accumulation antérieure de données scientifiques mais sur sa connaissance intuitive des individus. Et malgré, ou en raison, de son ignorance, le guérisseur se trouve crédité d’un savoir différent mais plus vaste que celui du médecin, puisqu’on le pense capable de sonder l’ensemble de la personne humaine, corps et âme réunis.(LOUX,1983)


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Considérons le guérisseur traditionnel. Il met son don au service de la communauté et il se doit de l’exercer pour guérir et non pour en tirer profit. Ses pouvoirs ne sont pas commercialisés. Quant aux médecins, ils « vivent du malheur des gens et ont tout intérêt à ce qu’il y ait des malades »(CAMUS, 1990).
C'est ainsi que les sociologues rapportent de leurs études de la société rurale ancienne des proverbes relatifs au médecin assez péjoratifs. On mettait alors en balance les dépenses nécessaires à la vie quotidienne avec celles qu’entraînait le médecin : « Mieux vaut tuer un médecin que piétiner un aileron de raisin » ou « Mieux vaut payer le boulanger que le médecin » ou encore « La note du médecin est plus chargée que l’âne du meunier »(CAMUS, 1990). Le médecin coûtait cher, d’autant plus qu’efficace ou non il fallait le payer... Certaines sentences étaient particulièrement féroces : « Dieu guérit, et le médecin encaisse ».

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Le recours aux pratiques des guérisseurs est souvent fondé sur l’ignorance. Soit l’ignorance de base, associée à des croyances archaïques plus ou moins magiques, ou bien l’ignorance d’une situation médicale qui n’a pas été clairement exposée (psychologie médicale, 1984).

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De façon générale le recours aux guérisseurs se fait après un premier contact plein d’anxiété avec la médecine officielle ; ou en cas d’échec de celle-ci donc en dernier recours. « Je suis la dernière roue de la charrette » constate Monsieur V (entretien n°1).
Pour la médecine, la recherche de thérapeutiques alternatives, et plus encore l’appel aux guérisseurs, ne peuvent être qu’une conduite marquée par le signe de l’irrationalité, entièrement différente dans ses fondements et sa logique du recours au traitement médical.
(HERZLICH, 1984)


Le poids de la rationalité s’effondre rapidement devant la maladie et la mort, devant l’angoisse et l’incompréhensible, et cela d’autant plus quand la médecine échoue, qu‘il s’agisse d’affections chroniques, de maladies incurables, ou de troubles fonctionnels.

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Mais le guérisseur regrette parfois ce statut de dernier recours, se sentant bien impuissant à son tour face à la demande des patients : « …encore bien trop souvent je ne suis que le dernier recours, les gens viennent vous voir et ils vous prennent pour le bon Dieu. La semaine dernière j’ai vu une dame, lorsqu’elle est partie j’ai noté sur sa fiche : espérance de vie 24 heures et 24 heures plus tard elle était morte. Elle souffrait d’un cancer généralisé que vouliez vous que je fasse… » Monsieur R (entretien n°8)


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Enfin, il y a les maladies pour lesquelles on va trouver le guérisseur par tradition, le recours n'obéit à aucune logique mais correspond plutôt à l'imitation de l'exemple familial.
Il s’agit essentiellement de troubles assez bénins, mais douloureux ou handicapants et pour lesquels la médecine n’a pas vraiment de solution :
les maladies ou troubles désignés de l'expression fourre-tout de psychosomatique,
les troubles digestifs notamment les troubles du transit : constipation, ballonnements...,
les troubles nerveux comme l'insomnie,
les séquelles douloureuses d'entorses, de fractures, de tendinites, les dorsalgies, les lombalgies...,
les affections dermatologiques comme : les brûlures, le zona, l'eczéma, le psoriasis, les verrues,
les morsures de vipères, les piqûres de guêpes…


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Nous pouvons aussi citer ici l'exemple du service d'urgence de Thonon les Bains, où comme nous avons pu le voir sur le reportage de Claude CARRE pour TF1, les médecins n'hésitent pas dès l'entrée de patients pour prise en charge d'une brûlure à faire appel aux compétences d'un guérisseur qui conjure la brûlure par téléphone. Bien entendu ceci est complété par des soins d'asepsie locale et n'est pratiqué qu'avec l'accord du patient et en l'absence de pronostic vital engagé!


Le guérisseur est envisagé comme un adjoint, un auxiliaire réconfortant le malade, l'aidant à supporter son traitement. Ceci notamment dans des situations nécessitant un soutien psychologique : lors de maladies chroniques, lors d’affection à caractère « dépassé », ou lors de troubles psychosomatiques ou fonctionnels.
Il existe donc des médecins qui adressent leurs patients aux guérisseurs et les guérisseurs n'hésiteront pas à renvoyer leurs consultants vers leur médecin s’ils se sentent incompétents.
Il existe des guérisseurs soignés par des médecins tout comme il existe des médecins soignés par des guérisseurs.
Mais il n’existe à priori pas d’échanges « professionnels » entre les guérisseurs et les médecins.

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Quelque soit (sic) l'attitude adoptée hostilité, ignorance ou bienveillance il faut bien admettre l'existence et même la multiplication des guérisseurs. Il apparaît que tout positionnement radical soit de rejet soit de soumission au guérisseur pourrait avoir des retentissements peu souhaitables sur la relation médecin-malade. Il serait surtout nécessaire d’essayer de comprendre ce phénomène.


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Dans le passé, les guérisseurs étaient au peuple ce que les médecins sont devenus aujourd'hui : incontournables. La médecine évolue depuis plus de deux siècles sur un mode scientifique, au niveau des connaissances des affections, des procédés diagnostiques de plus en plus sophistiqués et des traitements. Riches ou pauvres, les français sont devenus les clients assidus des médecins et des consommateurs impénitents de médicaments, sans pour autant abandonner leurs anciennes pratiques.
Les guérisseurs, malgré leur statut illicite, exercent leur don : de façon traditionnelle respectant un rituel transmis de générations en générations, ou d'une façon plus moderne ayant acquis leurs compétences par des formations plus théoriques. Ces pratiques sont sans fondement scientifique mais fondées sur la croyance au don, d'origine surnaturelle.

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L'angoisse, révélée à l'occasion de difficultés particulières de l'existence, comme lors de la maladie, expose le sujet à une régression vers la dépendance. Or le médecin ne prend pas toujours en compte cette anxiété, liée à la peur de la mort, de la souffrance, à la perte du sentiment de sécurité et d'intégrité de l'individu. Tandis que le guérisseur assume cette part d'irrationalité, en « prenant le mal sur lui », et le patient lui fait confiance.

En tout état de cause le recours au guérisseur n'est pas en voie de disparition, il est rattaché à la survivance du primitif en nous tous. Ce recours est malgré tout pour la plupart le dernier, lorsqu'il n'y a plus rien à espérer de la médecine officielle ou lorsqu'elle a échoué.

Ainsi, alors que le patient est en quête d'une relation plus humaine, d'un temps d'écoute plus important, et d'une prise en charge plus globale du corps « aujourd'hui, on incite les médecins à tout engouffrer dans un ordinateur, à des fins épidémiologiques, statistiques, comptables.
Mais personne ne semble vouloir graver dans sa mémoire le nom et le visage des gens, se rappeler la première rencontre, les premiers sentiments, les étonnements, les détails comiques, les histoires tragiques, les incompréhensions, les silences. J'ai vu passer des milliers de personnes, mais en cet instant même, je ne pourrais spontanément en évoquer qu'une douzaine, vingt en me détendant, cinquante peut-être en me forçant un peu, mais guère plus... » (La maladie de Sachs, WINCKLER)


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Il est habituel de mettre l'accent sur le fait que le clinicien moderne a de plus en plus tendance à développer ses techniques et à valoriser l'organe au détriment de l'être total. Il oublie que, comme nous l’enseigne BALINT, un des médicaments les plus fréquemment utilisés en médecine générale c'est le médecin lui-même.


Sites Internet consultés :
www.gnoma.com.
www.science-et-magie.com. Histoire des Guérisseurs
www.sante.gouv.fr
www.biosoin.free.fr

www.TFI.fr, CARRE C. Coupeurs de feu, guérisseurs et autres rebouteux .Reportage vidéo.





Collectif Cinélutte

(1973-1977)



Le collectif Cinélutte est officiellement créé en 1973, sous la forme d'une association non subventionnée, à la faveur du mouvement lycéen et étudiant contre la "loi Debré" sur la conscription militaire.
Il résulte du regroupement de deux classes d'âge, séparées de quelques années, qui vont se développer parallèlement avant de cohabiter.
Trois de ses membres (Mireille Abramovici, Jean- Denis Bonan et Richard Copans) ont tour à tour participé en Mai 68 aux réalisations de l'Atelier de recherche cinématographique (ARC), à celles des États généraux du cinéma français ainsi qu'à diverses productions militantes. Les plus jeunes (François Dupeyron, Alain Nahum et Guy-Patrick Sainderichin) sont élèves à Paris dans une des deux écoles publiques d'enseignement professionnel, l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC).
Au cours de ses huit années d'existence, le groupe produit, tourne et diffuse en marge du système sept films de court et moyen métrages, inscrits dans les luttes sociales et politiques des années 1970, qui témoignent, à partir de situations et d'expériences concrètes, des formes possibles de résistance et de démocratie ouvrières.
Bonne chance la France (1974-1975. 100 mn) regroupe trois moyens métrages (L'Autre façon d'être une banque, Comité Giscard, Un simple exemple) sur la période précédant les élections présidentielles de 1974 et est présenté au Festival de Cannes 1976 dans la sélection "Perspectives du cinéma français".
S'il se réclame du marxisme-léninisme et si l'influence maoïste y est prégnante (" Au service de la Gauche ouvrière, contre le révisionnisme ", écrivait-on alors), le groupe ne dépend d'aucun parti ni d'aucune organisation.
Ont participé à la production et à la diffusion des films de Cinélutte : Daniéla Abadi, Mireille Abramovici, Olivier Altman, Jean-Jacques Bernard, Vincent Blanchet, Jean-Denis Bonan, Richard Copans, François Dupeyron, Dominique Faysse, Denis Gheerbrant, Hélène Kohen, Serge Le Péron, Françoise Liffran, François Margolin, Babette Mosche, Alain Nahum, Maggie Perlado, Eric Pittard, Franssou Prenant, Jean-Henri Roger, Guy-Patrick Sainderichin, Jean-Pierre Thorn, Françoise Varin, Paule Zajdermann.

Source :
* Sébastien Layerle. Introduction à "Un cinéma de lutte pour des gens en lutte".

Filmographie :

1973

Jusqu'au bout


Documentaire. 0h40.
La question des immigrés, esquissée dès les films de mai 68, va prendre une place grandissante dans le cinéma militant qui suivit, encore amplifiée par la circulaire du 23 février 1972, dite Marcellin-Fontanet, interdisant " la régularisation de tout étranger entré sur le territoire sans autorisation de travail et sans attestation de logement ". En 1973, dans l'église de Ménilmontant, 56 travailleurs tunisiens entament une grève de la faim, première de ce type en France. Cinélutte filme leur combat.


1973

La grève des ouvriers de Margoline


(1973. 41 mn). La première grève victorieuse en France des sans-papiers de l'entreprise Margoline de Nanterre et Gennevilliers en mai 1973 pour leur régularisation et la reconnaissance de leurs droits de salariés. Produit pour la CFDT dans le cadre du groupe Cinélutte, le film sera l'un des premiers à se pencher sur la condition des travailleurs immigrés sans papiers en France, et à leur donner la parole. Face à la caméra, en français ou en arabe, les ouvriers dénoncent une situation devenue absurde. Et ce notamment depuis la circulaire Marcellin - Fontanet de 1972 qui subordonne l'entrée sur le territoire français à celle d'un contrat de travail, et interdit les régularisations de sans papiers. Ayant malgré tout passés la frontière, des milliers d'immigrés se retrouvent ainsi dans l'incapacité d'obtenir un contrat de travail, puisque sans papiers, et ne peuvent non plus obtenir des papiers, puisque sans contrat.


1974

Petites têtes, grandes surfaces


(1974. 36 mn). Le travail dans une grande surface de la région parisienne, notamment celui des caissières, révélateur des mécanismes du commerce et de rapports de classes.


1974

L'autre façon d'être une banque


Documentaire.
l'action des grévistes du Crédit Lyonnais à Paris


1975

Portrait ou Comité Giscard


Documentaire.
la vie quotidienne d'un comité de soutien de quartier au candidat Valéry Giscard d'Estaing dans le 17e arrondissement


1975

Un simple exemple


Documentaire. 0h45.
En février 1974, les ouvriers de l'imprimerie Darboy à Montreuil, refusant leur licenciement sans indemnités, décident d'occuper leur entreprise, de se passer de leur patron et, sur le modèle clairement revendiqué des LIP à Besançon, vivent, mangent, travaillent et luttent ensemble pendant trois mois. A l'évidence, la présence complice d'une équipe de Cinélutte, filmant comme on souffle sur les braises, leur a donné quelques idées. Après trois mois de lutte, le sindémnités sont versées et l'usine repart avec un nouveau patron


1977

A pas lentes


Documentaire. 0h40.
Quatre ans après le conflit à l'usine Lip de Besançon, fierté de l'industrie horlogère française et théâtre de la grève la plus emblématique de l'après-68, une équipe de Cinélutte donne la parole aux ouvrières, à Renée et Christiane en particulier, figures inoubliables. Elles parlent des conditions de travail, de l'éducation des enfants, de leur rapport aux hommes, et là, soudain tout bascule, de la lutte des classes à la guerre des sexes, offrant à Cinélutte son plus beau film.
                                                            (Site du Ciné-Club de Caen)



L'action démythifiante de la science 

Voici l'actualité scientifique sur la question des "dons" selon la revue Science et Vie de juin 2014 :





Décès du réalisateur 

Berry républicain du 27 février 2016


























            

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