Le débat
était déjà bien engagé sur la pertinence des guérisseurs, quand
quelqu’un posa la question du sujet : le film ne parlait-il pas aussi
d’autre chose ? Si, bien sûr, et le vrai sujet était peut-être
ailleurs : la tendresse, la compassion, la sympathie, l’empathie,… ou
encore l’esthétique, la couleur, la lumière, la beauté,… ou bien enfin la
difficulté de vivre, l’imperfection des choses et des êtres, la présence du mal,
de la maladie et de la mort dans le monde,…
Le père et le fils se parlent : « Quel
chantier » en perspective ! Où les mènera-t-il ?
|
Trop vaste
et trop général, ce sujet ? On peut le ramener à des préoccupations
(apparemment) beaucoup plus terre à terre.
Le film est
fait pour que sa réplique centrale : « Je vais faire
pipi ! », nous apparaisse hautement poétique et humaine. Ceux qui ont
vu le film prendront cela comme une évidence. Ceux qui ne l’ont pas vu y
verront logiquement une incongruité lamentable.
Le guérisseur et l’alcoolique se soignent l’un l’autre. |
A moins
qu’on n’y repère en son coeur, comme dans le précédent film Nos héros sont
morts ce soir, une citation rimbaldienne : « Je voudrais être un
autre… ».
C’est
d’ailleurs une des caractéristiques du film que de passer sans transition d’une
situation et des propos d’une grande trivialité à des fulgurances soudaines
d’une vraie poésie, comme ces étoiles qui nettoient l’atmosphère la nuit pour
qu’on puisse respirer de nouveau le lendemain. Ce qui sous-entend également que
l’atmosphère, en ce monde, a de grandes propensions à vite devenir
irrespirable. Malaise profond et désir de soin.
Après avoir
vu ce film, on se prend à penser à une analyse filmique qui aurait pour modèle
une analyse d’urine. On aurait ensuite l’illusion de trouver dans ses
différentes séquences, tantôt troubles tantôt limpides ce dont souffrent les
humains.
Ce qui conduirait, immédiatement
après, à l’illusion d’en trouver le remède, apporté par quelque guérisseur
miraculeux. Peu importerait au fond son habillage méthodologique.
Il serait taiseux sur le don qui
ferait de lui un être au-dessus des autres, qui lui conférerait une sorte de
grâce efficace qui serait en même temps une étrange malédiction, pour lui comme
pour ceux qui le côtoient.
Il serait au contraire bavard et
un brin charlatanesque, avec des emprunts volubiles aux derniers concepts
savants, cyniquement volés à cette science qualifiée d’officielle, que par
ailleurs il dénoncerait sans vergogne pour sa prétendue étroitesse d’esprit.
J’ai emprunté
cette illustration, que j’ai aussitôt détournée, à une thèse de médecine on ne
peut plus sérieuse et savante consacrée aux guérisseurs et assimilés. On la
retrouvera, éhontément pillée, plus loin dans cet article.
Parmi les
films récents que l’on a proposés dans le cadre de nos ciné-rencontres, le rapprochement de mon point de vue se
fait surtout avec Nos héros sont morts ce soir et Un château en
Italie. On y est aux prises avec un mal
de vivre qui tente de s’habiller, comme les petites vieilles de Goya, de
dentelles qui paraissent immédiatement dérisoires. Qu’elles soient empruntées
au traditions et remèdes de bonnes femmes venus de la nuit des temps, qu’elles
soient le produit de notre moderne époque de consommation geek et hi-tech,
elles accentuent surtout par contraste la misère qu’elles prétendent masquer.
Si la
sorcellerie est ambivalente, elle est tout de même le plus souvent perçue
négativement. Il faut tout le talent d’un Michelet pour réhabiliter ces femmes
qui en savaient plus que les autres et qui souvent les soignaient ou les
aidaient à vivre, avant qu’on ne les brûlât au nom de valeurs inhumaines et
prétendument divines (La sorcière, 1862).
La plupart
du temps, ces personnages maléfiques sont à combattre et le Don Quichotte
brélien s’y emploie résolument :
Vous les dragons les sorciers les sorcières
Votre règne se meurt aujourd`hui
Regardez-moi
La vertu flambe dans ma bannière
Regardez-moi
Un chevalier vous défie
Oui c'est moi Don Quichotte
Seigneur de la Mancha
Pour toujours
au service de l'honneur
(Jacques Brel,
L’Homme de la Mancha, 1968).
L’Homme de la Mancha, 1968).
Seuls remèdes un peu efficaces,
peut-être, mais combien fragiles et délicats à manier tant il est difficile de
faire du bon cinéma avec de bons sentiments, ceux que nous avons déjà
évoqués : l’amour, la tendresse, la compassion, etc. etc. C’est-à-dire,
finalement, le don de sympathie ou d’empathie.
Il peut
donc exister des « charlatans » sympathiques, à condition qu’il n’y
ait pas mieux qu’eux là où ils sont, et qu’ils s’appliquent honnêtement à faire
le plus de bien possible autour d’eux. Hommage obligé à Edouard Molinaro qui
vient de mourir : on citera dans cette catégorie le Docteur Minxit, grand
observateur des propriétés des urines (Mon oncle Benjamin, 1969).
M. Minxit était du reste un homme d'esprit, il était doué d'une bonne dose d'intelligence et, à défaut de science imprimée, il avait beaucoup de savoir des choses de la vie. Comme il ne savait rien, il comprit que pour réussir il fallait persuader à la multitude qu'il en savait plus que ses confrères, et il s'adonna à la divination des urines. Après vingt ans d'étude dans cette science, il était parvenu à distinguer celles qui étaient troubles de celles qui étaient limpides, ce qui ne l'empêchait pas de dire à tout venant qu'il reconnaîtrait un grand homme, un roi, un ministre, à son urine. Comme il n'y avait ni rois, ni ministres, ni grands hommes dans les environs, il ne craignait pas qu'on le prît au mot.
Hors concours dans cette
catégorie ceux qui ont su rester le plus près possible de l’enfance :
Mais fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers
Fils de l'amour fils d'amourette
Tous les enfants sont des poètes
Ils sont bergers ils sont rois mages
Ils ont des nuages pour mieux voler
Fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers
(Jacques Brel, Fils de, 1967)
Frédi
(Grégory Gadebois) est d’abord un parfait étranger au monde. Comme celui de
Camus, il connaît son troublant éblouissement meurtrier, chute dans un trou
blanc pour Meursault, dans un trou noir où s’incrustent des flashes
médiumniques pour Frédi. Comme celui de Baudelaire, il a des trouvailles
poétiques émouvantes et sans pathos, ainsi que des aspirations non viles.
L’auteur a fourni le titre du film, n’hésitons pas à en faire une référence
privilégiée :
- Qui aimes-tu le
mieux, homme enigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
-Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
-Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!
(L’Etranger)
La bière
naturaliste et prolétaire qui apparaît de façon particulièrement insistante a
fait couler beaucoup de salive lors du post-débat. Pour ma part, je préfère
tirer l’interprétation vers le haut, ce qui donne une fois encore l’occasion de
revisiter le même recueil de Baudelaire
(Le spleen de
Paris, Les petits poèmes en prose) :
Il faut être
toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir
l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ?
De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous! Et si
quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous
vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la
vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge ; à tout ce qui fuit, à tout ce qui
gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez
quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous
répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés
du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à
votre guise.
(Enivrez-vous)
Tout ce
politiquement incorrect éthylique ne doit pas beaucoup embarrasser François Dupeyron. Il
en a vu et fait d’autres, et ce n’est pas pour rien qu’il est le cofondateur,
avec Mireille Abramovici, Jean-Denis
Bonan, Richard Copans et Guy-Patrick Sainderichin, du collectif de
cinéma militant d'extrême-gauche Cinélutte (1973-1976). Il est vrai
qu’en l’occurrence il fait assez peu couleur locale méridionale, mais le
créateur a tous les droits. Plus réaliste sur ce point, mais aussi imaginatif
pour le reste, Brel la resituait, la bière, dans son aire géographique naturelle.
C'est plein d'Uylenspiegel
Et de ses cousins
Et d'arrière-cousins
De Breughel l'Ancien
C'est plein de vent du nord
Qui mord comme un chien
Le port qui dort
le ventre plein
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière Dieu qu'on est bien
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière donne-moi la main
(…)
C'est plein de finissants
Qui soignent leurs souvenirs
En mouillant de rires
Leurs poiluchons blancs
C'est plein de débutants
Qui soignent leur vérole
En caracolant
De prosit en schol
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière Dieu qu'on est bien
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière donne-moi la main
(Jacques
Brel, La bière, 1968)
On y croit
ou on n’y croit pas. Le film est un délice quand on se laisse porter par son
rythme et son univers étrange, ou un supplice quand on attend impatiemment
l’élagueur salutaire qui tranchera les longueurs superflues (dans le film,
Frédi élagueur se fait renvoyer pour cause d’épilepsie ; dans la
production du film, l’élagueur n’a sans doute jamais été embauché). Le résultat
est un mixe entre film naturaliste et conte philosophique.
« Le naturel des situations est désormais
confronté à l'émouvant récit d'une rédemption tout autant qu'à une sorte de
conte de fées vériste. Cette hybridation au dosage subtil fait toute la
singularité du nouveau long-métrage de François Dupeyron. »
(Jean-François Rauger, Le Monde).
Il est faux ici de penser, malgré
Aznavour, que « la misère serait moins pénible au soleil », même
celui de la côté méditerranéenne. La côte d’Azur, d’abord, avec tous ses films
qui évoquent le french sun, mais aussi la côte ouest, avec l’inscription
Guissan sur le mobile home qui désigne la plage de Narbonne et qui renvoie
immanquablement les cinéphiles à 37°2 le matin.
Les connaisseurs de l’âme humaine
du film ne manquent pas d’ascendants cinématographiques. Je privilégierais sans
hésitation Un roi sans divertissement : comme lumière et
couleur on ne fait pas mieux (Voir Jacques Meny, Giono et le cinéma).
Sur ce plan, Giono nous apprend qu’une ancienne prostituée grenobloise peut en
savoir aussi long qu’un procureur royal en retraite. Un guérisseur n’est pas moins légitime dans le rôle.
Le cinéma, comme toute œuvre
d’art, est guérisseur. De quel mal cherchait à guérir le réalisateur du
film ? Et chacun des spectateurs de cette soirée ?
Edouard Molinaro vient de nous
quitter, et Georges Lautner, peu avant lui. Quelques formules dans le film,
humoristiques et graves à la fois, sur la connerie humaine - autre nom de
l’absurde dans le cinéma populaire – que le réalisateur des Tontons
flingueurs n’aurait pas reniées.
Merveilleuse physique quantique, dont les
singularités au niveau des particules élémentaires alimentent en carburant
inépuisable le moteur à métaphores des
sciences approximatives au niveau de nos macroscopiques existences, plus
sûrement que les vaisseaux intergalactiques de Star Trek.
La parole
est à la science, et en priorité à la science médicale. Je suis tombé sur un
travail particulièrement utile pour faire le point sur la question. Il s’agit
d’une thèse de médecine que l’on peut trouver aisément sur Internet et qui se
lit comme un roman.
Sylvie
MAURIN.
Pourquoi a-t-on encore
recours aux guérisseurs à l’heure actuelle ?
135 f.,15 ill.,7 tabl.
Th. Méd. : Lyon 2006 ; n°
RESUME
Le
recours aux guérisseurs persiste, c’est ce que nous illustrons par une enquête
menée auprès
de dix guérisseurs et une revue de littérature.
L’étude
des représentations populaires de la maladie permet d’expliquer en partie ce recours
car elles conditionnent le rapport du malade avec sa maladie et les moyens
qu’il met
en oeuvre pour la combattre.
Nous
constatons, par ailleurs, que c’est face à une médecine trop technique et déshumanisée
que des patients s’orientent vers d’autres modes thérapeutiques.
En effet
la confiance accordée aux guérisseurs est liée à la recherche d’une écoute empathique,
à la reconnaissance des mêmes référents symboliques, à l’usage du même langage
tant sur la maladie que sur son vécu.
Enfin,
certains patients font appel aux guérisseurs simplement par tradition
familiale, ou par
convictions idéologiques.
Mais
la plupart du temps la consultation du guérisseur vient en complément de la consultation
du médecin ou relève de l’ultime espoir lorsque la médecine a échoué.
MOTS
CLES
-
Ethnomédecine
-
Guérisseurs
- Relation médecin-patient
Bibliographie importante en fin d’ouvrage.
Particulièrement :
WINCKLER M. La Maladie de Sachs. Paris, P.O.L., 1998, 474 p.
Références des illustrations :
P 82
(Analyse d’urine), P 86 (J’ai opté pour le traitement éclaté ), Le chat a
encore frappé,
Album
n°13, Philippe GELUCK, Edition Casterman, 2005.
P 90
(Dr, Je me sens seul), Le meilleur du chat, Album Best of, Philippe GELUCK,
Edition
Casterman, 1994.
P 108 Alternative Santé, La place cachée des guérisseurs,
01/09/1998, n°248, pp 14 – 16.
On aurait pu conclure ainsi, puis se souvenir que les romans, comme les films, connaissent parfois deux conclusions possibles, l'une optimiste, l'autre pessimiste. Bien entendu, comme il se doit, on ne dira rien ici de la fin du film. Mais on peut choisir une conclusion optimiste. Une fois n'est pas coutume, on la trouvera chez Baudelaire.
Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,
A la très belle, à la très bonne, à la très chère,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri ?
Que diras-tu, mon coeur, coeur autrefois flétri,
A la très belle, à la très bonne, à la très chère,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri ?
- Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son oeil nous revêt d'un habit de clarté.
Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son oeil nous revêt d'un habit de clarté.
Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,
Que ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau.
Parfois il parle et dit: "Je suis belle, et j'ordonneQue ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau.
Que pour l'amour de moi vous n'aimiez que le beau;
Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone."
(Les Fleurs du Mal, XLII)
COMPLEMENTS
En cherchant une illustration pour Mon oncle Benjamin, je suis tombé sur cet article d'Alain Riou. Je suis tellement d'accord avec lui que je tiens à me l'approprier ici.
LE NOUVEL OBSERVATEUR
Par Alain
Riou 8 décembre 2013
Le réalisateur de "La Cage aux folles",
"Hibernatus" ou "Beaumarchais l'insolent" s'est éteint
samedi. Il avait 85 ans.
La critique l’ignorait. Les acteurs l’adoraient. Le public l’aimait sans
doute, mais sans le savoir. Il y a un mystère Molinaro dont la mort
suscite aujourd’hui plus d’hommages qu’aucun de ses films ne lui en
a jamais valu.
Ce mystère, c’est probablement le fruit de sa propre discrétion.
En matière de cinéma, cet art buissonnier, qui, dans le domaine de la comédie
s’apparente de près à un chahut, l’enfance est une clé essentielle. Or,
"Doudou", comme l’appelaient ses intimes, resta toujours l’enfant
sage que lui avaient appris à être ses parents bordelais. Même sa passion
du cinéma, qui le dévora très tôt fut canalisée – sur les conseils de sa
famille - par la pratique du cinéma d’amateur. Un genre très civilisé, qui
était alors aux possesseurs de caméras, engins coûteux, ce que l’Automobile
Club de France fut aux propriétaires de grosses conduites intérieures. Il
réalise ses courts métrages à 20 ans, bien plus jeune que le feront un peu
plus tard ses confrères de la Nouvelle vague, mais il les tourne sur des sujets
convenus, d’après une grammaire bien apprise, sans aucun désir de révolution.
Il devient assistant de réalisateurs plus que classiques, comme Robert Vernay,
sans jamais avoir envie de s’aventurer chez les débutants plus sauvages. Quand
on aime infiniment son père, on ne dézingue pas le cinéma de papa.
Or, cet apprentissage académique porta ses fruits. Au moment où
surgit le cinéma de Chabrol, Godard, Truffaut il était déjà titulaire d’un
énorme bagage technique, qui lui assura une suprématie marquée sur tous les
réalisateurs de son âge : c’était le moment où les films français étaient
presque tous des films de genre. "Le Dos au mur",
coup d’essai qu’il tourne à 30 ans, en 1958, demeure un excellent polar,
comme "Un témoin dans
la ville", deux ans plus tard, qui contribue solidement
à l’ascension de Lino Ventura.
Mais derrière son impeccable sûreté artisanale, Doudou cache une vertu
cinématographique essentielle : la finesse, le sens des personnages, qui
vient justement de sa discrétion, de son attention aux autres. Maurice Clavel,
écrivain fascinant, humaniste douloureux aux goûts (parfois) de playboy le
choisit pour mettre en scène "Une fille pour
l’été", d’après son roman qui donne une sorte de mysticisme aux
noceurs de Saint Tropez. Et c’est ainsi que Molinaro tourne, dans la foulée,
"La Mort de Belle",
qui est peut-être le meilleur Simenon jamais tourné. Le réalisateur, auquel les
cinéphiles s’intéressent depuis ses débuts, en raison justement de ce mélange
de technique et de pénétration des âmes parait à l’aube d’une très grande
carrière – celle que fera, par exemple, Claude Sautet dont il n’est pas éloigné.
Le problème, c’est que Doudou ne peut oublier sa bonne
éducation, son milieu qui a horreur des éclats. Son talent, auquel les
comédiens ne résistent pas, tient dans la manière délicate avec laquelle il les
amène à mettre dans leurs rôles une part insoupçonnée d’eux-mêmes. Ce qui
n’échappe pas aux producteurs de comédies, qui se retrouvent souvent avec des
scripts artificiels qu’ils ont payé très cher. Molinaro est trop poli pour leur
dire non, et accepte de mettre son talent au service d’histoires à dormir
debout, peuplées de dérisoires pantins auxquels il arrive à donner une
certaine épaisseur humaine. Et c’est ainsi que, parfait médecin il sauvera
des dizaines de cas désespérés, s’endormant un peu dans le confort, et oubliant
peu à peu ses ambitions personnelles.
Sa chance est d’être parfois tombé, pas très souvent
hélas, sur de vrais bons scénaristes :Francis Veber (pour "L’Emmerdeur"), Jean-Claude
Brisville ("Le Souper"), Sacha Guitry (son "Beaumarchais", que
transcende Fabrice Luchini a été cruellement sous-estimé).
Et d’avoir su transcender de grands acteurs réputés difficiles. Il
a tourné des De Funès triomphants, des Poiret et Serrault extravagants,
des Auteuil, des Jugnot, et même deux Jacques Brel qui révèlent chez le sombre
chanteur de "Ne me quitte pas" une dimension comique furieuse ("L’emmerdeur"),
et une sorte de philosophie du bonheur fragile, "Mon Oncle Benjamin",
d’après Claude Tillier,
auteur libertin du 18ième siècle (sic), film qui déborde
d’ardeur et où la grande sagesse du réalisateur trouve exceptionnellement
à s’employer. Il faut revoir ce film. Le seul où Edouard Molinaro s’est lâché.
Je ne sais pas dans quelle mesure
le réalisateur a eu recours au thème du guérisseur, comme simple métaphore
commode pour dépeindre le mal-être de notre époque, ou comme implication
personnelle. Dans ce dernier cas, s’il accède à ce blog, il sera peut-être
intéressé par les extraits qui suivent.
Je pourrais vous renvoyer
directement à la lecture de l’ensemble du texte (et d’ailleurs je le
fais : ). Je peux aussi, si cela
vous facilite l’entrée dans le contenu global, vous passer mes extraits de
lecture.
thèse de Sylvie Maurin
21
Son don lui a été transmis par une tante vivant dans le Berry. A ce moment là «
ma fille s'était brûlée, mon mari m'a poussée à consulter la grande tante
qui levait le feu, j'ai alors découvert ces pratiques ancestrales et j'ai souhaité être
initiée. »
22 La
douleur est alors rapidement soulagée mais la cicatrisation aussi est facilitée
et sans séquelles. « Je suis considérée comme une sorcière par ma
famille et mes amis. »
26 « J'ai horreur du terme de guérisseur,
simplement parce que ça englobe tous types de personnes
avec beaucoup de charlatans. Ce sont ceux qui en font commerce, ils profitent
des pauvres
malades en situation désespérée pour leur faire miroiter un avenir meilleur,
les rendent
dépendants, ce qui les incite à consulter régulièrement et à chaque fois ils
doivent payer....Nous ne sommes plus qu'une petite poignée
d'honnêtes et vrais guérisseurs. »
Pour
ce qui est de considérer sa pratique comme un exercice illégal de la médecine
Monsieur G ne
s'en soucie guère, « Que voulez vous qu'ils me fassent ? Qu'ils me mettent
en prison, j'irai
et ça ne m'empêchera pas de continuer à soigner les gens !
Avant
de nous condamner, le conseil de l'ordre des médecins ferait mieux d'organiser
une mise
à l'épreuve pour mieux nous juger. Je suis prêt à passer devant un jury de
grands professeurs
de médecine, qu'ils me mettent face à un malade, une luxation de l'épaule par exemple,
je pense qu'à la sortie ils pourront me délivrer un certificat d'aptitude à
exercer mon don. »
27
Mr L
travaille depuis 15 ans, il était initialement installé en milieu plutôt
urbain. Il semblerait que l'intégration en milieu rural ait été assez naturelle. « Les gens sont ici
culturellement et intuitivement
proches de notre pratique, ils ont toujours connu les rebouteux et autres guérisseurs, ils sont plus sensibles et plus tolérants
qu'en ville. »
Pour
chaque soin on commence par s'humidifier les mains car si pour le feu la plus
haute transformation
c'est l'électricité et bien pour l'eau c'est le magnétisme et au cours du soin on est
obligé de se mouiller souvent les mains. D'ailleurs avant les magnétiseurs
buvaient beaucoup on a maintenant cette parade de se mouiller les
mains.
[La
bière de Brel, Enivrez-vous de Baudelaire]
29
«
Les patients sont en demande d'autre chose, ce n'est jamais formulé verbalement
mais on le sent
dans l'échange que nous avons, la principale lacune de la médecine c'est la déshumanisation
du soin, les patients n'ont pas le temps de se confier, vous allez chez un médecin il vous garde 10 minutes, le stylo à la main,
nous on garde les patients 1 heure. »
Mr L
n'a aucune conviction religieuse, « j'ai seulement une croyance aux forces environnantes et à leur influence sur l'organisme. »
32
J'ai
le don d'avoir du magnétisme, en fait tout le monde a du magnétisme mais il
faut le travailler.
Je me suis rendu compte à l'âge de 20 ans de la capacité de mes fluides. En
fait on fait
ça depuis 3 générations dans ma famille. Mais par exemple mon arrière
grand-mère elle faisait
ça comme un rituel toujours le même quelque soit le patient, elle imposait les
mains et récitait
une prière, sans savoir pourquoi ou comment elle était efficace. Moi j'ai
acheté beaucoup
de livres de médecine que j'ai beaucoup étudiés, j'ai appris la localisation
des organes, leur fonctionnement.
34
« J'aurais
pu être voyant mais ça ne m'intéressait pas. Un jour en serrant la main d'un
client qui
rentrait à Lyon, je lui dis « fais attention sur la route je vois une roue de
camion traverser la
voie ». Sur l'autoroute le client s'arrête dans une station essence puis il
repart et quelques kilomètres
plus loin il voit un camion renversé et un pneu qui vient d'exploser. Le client m'a rappelé pour me remercier, mais je ne me souvenais pas du
tout de l'avoir mis en garde. »
37
Monsieur
R est conscient que sa pratique est un exercice condamnable par la loi mais « dès l'instant
que vous ne dépassez pas ce que vous avez le droit de faire, vous ne risquez
rien, je ne
fais aucune prescription, je ne pose pas de diagnostic…»
«
Je crois qu'il est temps que nous obtenions un diplôme d'état qui
officialiserait notre pratique,
ceci permettrait de régler le problème du charlatanisme et rendrait le patient
plus libre
de choisir la médecine qui lui convient. Nous sommes 190 magnétiseurs
guérisseurs déclarés auprès du SNAMAP et plus de 3000 à exercer…»
42
…notre
thèse de départ d’un recours aux guérisseurs persistant voire prenant de
l’ampleur.
43
Pour
définir la population ayant recours aux guérisseurs et ses motivations nous
nous appuierons
sur l’enquête menée en 1997 par le CREDES (Centre de Recherche et de Documentation en Economie de Santé).
L’étude
prospective, a porté sur 3800 ménages, soit un peu plus de 11000 personnes interrogées au cours de l’année 1997, ce qui a permis d’obtenir
9080 réponses.
(tableau)
47
“Traditionnelle”
ou “récente”ces appellations correspondent aussi à des différences sur
le plan
financier. En effet les prix demandés à l’issue de la séance sont nettement
moins élevés pour
les praticiens traditionnels que pour les autres.
Pour
les praticiens traditionnels, les prix oscillent entre 90 francs soit 14 euros
pour les rebouteux
et 170 francs soit 26 euros pour les magnétiseurs avec un prix moyen de 118
francs soit
18 euros.
Pour
les praticiens de pratiques plus récentes le prix moyen est de 222 francs soit
34 euros.
18 %
des séances de praticien traditionnel et 5% de celles des autres praticiens
récents sont gratuites.
4%
des séances de praticien traditionnel ont un prix supérieur à 200 francs soit
30 euros contre 53% pour les praticiens récents.
48
Compte
tenu des prix relativement élevés de ces séances et de l’absence de prise en
charge par
l’assurance maladie, le recours aux soins parallèles tend donc à augmenter avec
le revenu par
unité de consommation jusqu’à un revenu de 6000 francs soit 915 euros. Ensuite
il se stabilise
puis décroît.
Cette
courbe moyenne résulte de comportements différents vis-à-vis des pratiques traditionnelles
ou récentes. En effet, le taux de recours à des pratiques récentes augmente
avec le
revenu, alors que le recours aux pratiques traditionnelles stagne ou diminue
au-delà d’une revenu de plus de 3000 francs soit 457 euros par unité de
consommation.
50
Ce
sont essentiellement des affections chroniques ou récidivantes qui motivent le
recours à ce type
de pratiques. Ce sont effectivement des affections qui souvent engendrent une
gêne quotidienne
voire un véritable handicap.
Plus
de la moitié de ces affections (54%) sont des pathologies de l’appareil
ostéo-articulaire parmi
lesquelles dans plus de deux tiers des cas on compte les affections du rachis
type sciatalgies,
lombalgies, arthrose lombaire, etc…
Viennent
ensuite les troubles mentaux. Ils représentent 12% des motifs de recours. Il
s’agit dans
la moitié des cas de problèmes de dépression, puis viennent les angoisses, et
les troubles du
sommeil.
Les
traumatismes et leurs séquelles (luxations, entorses) représentent 9% des
motifs de recours.
Enfin
citons les troubles digestifs (maux d’estomac) qui représentent 5% des taux de
recours, puis
les pathologies dermatologiques type eczéma représentent également 5% des taux
de recours, et enfin les allergies et les problèmes liés à la
fatigue.
51
Ce
sont les symptômes plutôt que la maladie elle-même qui motivent le patient à se
tourner vers
les pratiques traditionnelles, principalement les symptômes chroniques, la
douleur et la gêne fonctionnelle.
Les
guérisseurs ne sont sollicités que pour certains symptômes, l’enquête montre
une faible fréquence du recours pour la prise en charge de pathologies
cancéreuses ou cardiovasculaires.
53
Pour
illustrer ce regain de confiance envers les pratiques traditionnelles, nous
citerons une enquête
menée par la SOFRES pour le compte de la Cité des sciences de la Villette, du journal
Le Monde, et de Fondation Electricité de France, en 01/1993, sur un échantillon
de 1500
personnes.
A
cette époque le journaliste Jean François AUGEREAU constate que : “Loin de
plier sous les
coups de boutoir d’un rationalisme scientifique omniprésent, les para sciences
se développent.
(…) Plus qu’hier les français croient aux tables tournantes, à l’explication
des caractères
par les signes astrologiques, à l’inscription de la destinée dans les lignes de
la main,
aux fantômes, aux revenants et aux guérisons par magnétiseur et imposition des mains.”
Le
sondage révèle que 55% des français pensent que la guérison de leurs maux
dépend des passes
de magnétiseur ou d’une habile imposition des mains.
Ces
chiffres sont en augmentation par rapport à ceux de l’enquête SOFRES réalisée en
1988 pour
le compte du FIGARO Magazine.
L’analyse
des sondés montre que le phénomène touche plus les femmes que les hommes et qu’il séduit plus les jeunes 18-25 et 25-35 que leurs aînés.
Par
ailleurs les adeptes des para sciences se recrutent plus facilement chez les
militants et les sympathisants
des VERTS ou de GENERATION ECOLOGIE que chez les socialistes ou les sympathisants
de droite.
Enfin
les adeptes des para sciences -dont les agriculteurs sont singulièrement
absents- se recrutent pour une bonne part dans les milieux diplômés.
Deux
catégories sociales semblent sensibles aux para sciences : les classes
moyennes, en particulier les salariés, et une fraction des catégories
supérieures, à dominante intellectuelle.
54
les
mots clés suivants ont été utilisés : « acupuncture, alternative medecine,
aromathérapy, chiropractic, complementary medecine, herbalism, homeopathy,
hypnotherapy, massage therapy, naturopathy, osteopathy,phytomedecine,
reflexology, relaxation therapy, surveys, yoga ».
Dans
toutes les études les usagers de ces médecines parallèles sont en majorité :
des femmes, riches,
d'âge moyen, bien élevées, et blanches.
Une
large proportion n'informe pas leur médecin sur ce fait et utilise les
médecines parallèles en
complément de la médecine scientifique, plus dans un but de prévention que de
traitement d'une
maladie.
Le coût de ces pratiques peut être considérable, malgré tout
leur popularité semble s'accroître.
55
Le
développement de ces pratiques ne va pas sans soulever quelques inquiétudes...C'est pourquoi
nous poursuivons en citant ce bulletin d'information de l'OMS.
Le 23
juin 2004, l’ OMS publiait une mise en garde contre les risques des médecines
et des médicaments
traditionnels ou alternatifs dont l’utilisation s’est fortement accrue ces dernières années dans la plupart des pays.
L’
OMS souhaite aussi mettre en garde contre les effets indésirables que peuvent
parfois provoquer
ces thérapeutiques. Ainsi le centre de surveillance de l’ OMS à UPPSALA (Suède) a
recensé des pneumothorax provoqués par des acupuncteurs non qualifiés, des cas
de paralysie
provoqués par des thérapeutes manuels, des hémorragies opératoires lors de traitements
suivis par ginkgo bi loba et non mentionnés par le patient.
L’
OMS met en garde : « Le préjugé selon lequel la médecine traditionnelle ou
dite naturelle est sans danger n’est pas exact».
58
II. DEFINITION DES GUERISSEURS
Il
existe toujours dans les campagnes françaises des praticiens qui traitent les
maladies par «
secret ». Selon les régions, on les appelle : (LAPLANTINE, 1978)
– des remégueux, des persigueux, des barreurs,
des panseurs, des leveurs de maux dans le
Berry
;
– des endevinaires en Languedoc ;
– des signadori en Corse ;
– des rhabilleurs en Bretagne ;
– des toucheurs en Poitou ;
– des cogneux et des charmeux dans le Morvan et
le Nivernais
– des cougnous dans le Forez et le Bourbonnais
Le
terme de guérisseur est imprécis et englobe de nombreuses pratiques
thérapeutiques. Selon Le
Robert, dictionnaire historique de la langue française: « « personne qui
guérit » (XIV ème siècle, gariseur) s'applique depuis le XVII ème siècle à
un médecin (médecin guérisseur). Il se Le
Robert, dictionnaire historique de la langue française: « « personne qui
guérit » (XIV ème siècle,
gariseur) s'applique depuis le XVII ème siècle à un médecin (médecin
guérisseur). Il se spécialise
(av. 1721), en opposition à médecin, réservé aux thérapeutes formés et reconnus par
l'institution universitaire, et peut-être avec une intention ironique à leur
égard, pour désigner
une personne qui fait profession de guérir, sans avoir la qualité officielle de
médecin.
»
« Pour
l'homme de la rue le guérisseur apparaît comme un personnage mystérieux qui se différencie
du commun des mortels parce qu'il possède le « don » ».
Au
sens traditionnel le guérisseur est l' « héritier des pratiques de la
médecine populaire, il reste
un personnage mystérieux et puissant investi par le groupe d'un pouvoir
magicoreligieux (le
Don) mais par ailleurs menacé des foudres de la loi pour exercice illégal de la médecine.
» (BERTRAND, psychologie médicale, 1984)
Bien
entendu il existe différents types de spécialisation selon les guérisseurs.
Comme nous l'avons
découvert au cours de nos entretiens tous ne soignent pas tout ni la même
chose.
Certains
utilisent des techniques d’ordre magico-religieux d’autres préfèrent des
procédés plus empiriques.
59
« Dans
le temps, j'étais toucheux. Quand quelqu'un s'était chauffé sur le macadam en tombant
à vélo ou qu’ un queniot s'était brûlé en mettant la main sur la cuisinière à
bois, on me
l'amenait et j'y arrêtais le feu. Après, ça guérissait comme ça pouvait,
fallait que la nature fasse,
mais au moins ça brûlait plus. Alors évidemment, la Mère elle était toute
fière, vu que dans
le temps y avait pas de médecin à la porte, et ça coûtait. Les gens venaient de
tout le bourg,
parfois même des autres bourg autour de Play, et je faisais pas payer, parce
que mon grand-père
m'avait dit que j'avais un don mais que si je le vendais, rien qu 'une fois je
le perdrais.
Mais les gens étaient contents, forcément, et ils voulaient me rendre la
pareille, alors
je disais qu'ils me donnent ce qu'ils veulent mais pas tout de suite, plus
tard, quand j'aurais
oublié que je les avais vus. Et y en a qui revenaient six mois plus tard, aux
beaux jours,
avec des paniers de cerises ou avec un faisan et qui les donnaient à la Mère
quand j'étais pas là. » (La maladie de Sachs, WINCKLER)
60
portraits
plantes
64
Le
traitement de certaines maladies est parfois dévolu à des saints ou des lieux
sacrés (fontaines,
rochers, …) qui font alors l’objet de pèlerinages.
Exemples
:
– La Vierge Marie est invoquée dans les cas de
stérilité féminine, ou pour la délivrance des couches
difficiles. (Un château en
Italie)
– Saint Eutrope est invoqué pour les enfants
estropiés, ou les problèmes d’hydropisie.
– Saint Roch est invoqué dans les maladies de
peau.
– Saint Aubin est invoqué en Normandie et en
Bretagne contre les fièvres.
– Saint Claude est prié
pour la guérison des maux de tête et des méningites.
66
Nous
n’abordons pas ici la classification des médecines dites « parallèles »
puisqu’elles ne sont
pas l’objet de notre travail. Une définition et une liste précise de ces
médecines ont été réalisées
dans un travail de thèse de pharmacie intitulé « Le don, guérisseurs et radiesthésistes en
pays cigalois »( Jean Christophe Tetu, Montpellier I, 1997). Nous citerons à
titre indicatif :
les
homéopathes, la mésothérapie, l’acupuncture, les hypnotiseurs, les
vertébrothérapeutes, les
ostéopathes, les iridologues, les métallothérapeutes, l’anthroposophie, l’oligothérapie, l’auriculothérapie…
67
Le don
69
Après
réception du don, le guérisseur doit se conformer à quelques obligations :
outre, comme nous
l’avons mentionné ci-dessus, l’obligation de garder le secret et de se
conformer à la lettre
au rituel du « pansement », il a une obligation morale de soin, il ne peut se
dérober à la tâche,
enfin le guérisseur rend un service bénévole, il ne doit jamais exiger de
compensation financière (CAMUS, 1990).
70
C’est
à partir du IV ème siècle, avec la christianisation de la Gaule, que l’église
essaya de détourner
certains cultes païens à son profit, en installant par exemple l’image d’un
saint dans une
petite niche au-dessus d’une fontaine étant réputée pour ses vertus
thérapeutiques. Mais elle ne réussit pas à ébranler les croyances populaires.
71
Au
cours du Moyen Age et jusqu’à laRenaissance, face à l’impuissance de la
médecine, les malades continuent à recourir aux guérisseurs,
aux « leveurs » de sorts et à leurs incantations mystérieuses, pour améliorer
leurs conditions
de vie. L’église, elle, explique la maladie comme un châtiment divin, fruit des péchés
des malades, et recommande alors de recourir aux exorcismes et prières
officielles
seules capables de lever les maléfices.
A
partir du XII ème siècle l’église radicalise sa position et diabolise toutes
ces croyances «
hérétiques ». Elle s’associe avec les tribunaux de l’Etat, et sorciers et
devins, accusés d’avoir
pactisé avec le diable, sont condamnés au bûcher. C’étaient les prêtres qui possédaient le
pouvoir de guérison, accru par leurs relations privilégiées avec Dieu, le « curé
guérisseur » exerçait « pour le bien » (en luttant contre la
sorcellerie).
71
Ce
sera le siècle des Lumières qui marquera un véritable tournant avec
d’un côté les possesseurs de la raison et le progrès scientifique, et de
l’autre les croyances obscurantistes et le peuple analphabète.
A la
fin de l’Ancien Régime les guérisseurs sont montrés du doigt. Malgré les
progrès de la médecine
les pratiques des guérisseurs sont toujours vivaces, même si on note une forte tentative
de rationalisation de celles-ci, on ne parle plus de Dieu et de Démon mais de
fluide magnétique et d’énergie vitale.
E. Le
statut juridique
Rappelons
la législation en vigueur en France : Ordonnance n°2000-548 du 15 juin 2000, Page
61 / 135 Article L.4161-1 :
72
L’exercice
du guérisseur est donc condamnable au titre d’exercice illégal de la médecine.
De même
qu’un médecin qui adresserait un patient à un guérisseur pourrait être
considéré comme complice d’un exercice illégal de la médecine.
Le
risque, en consultant un guérisseur, étant pour le patient de retarder la prise
en charge d’une pathologie grave ou d’entraîner l’arrêt d’un traitement
médical, il n’y a a priori pas de dangerosité du traitement en lui-même.
74
On ne
peut que constater à l’heure actuelle, que les plaintes sont beaucoup plus
fréquentes contre
les médecins. Sans doute pardonne-t-on plus aisément à celui dont on n’attend
pas l’infaillibilité car on sait qu’il n’a pas de diplôme, et
attend-t-on davantage du médecin …
77
L'expérience
morbide de la maladie suscite chez l’individu de nombreuses questions : pourquoi
moi ?, pourquoi maintenant ?... Et les représentations populaires de la maladie
sont des
modèles explicatifs de la maladie visant à répondre à ces questions.
C’est-à-dire des discours
élaborés par les malades pour donner un sens à leurs symptômes, aux causes
qu’ils leur
attribuent, aux circonstances dans lesquelles la maladie apparaît, aux
traitements qu’ils reçoivent.
79
Si
autrefois la conception du corps était celle d’un microcosme soumis au
macrocosme de l’univers,
de nos jours la physiopathologie populaire a une vision mécaniste du corps : le corps est une machine mue par une énergie transportée par
les nerfs et le sang.
81
Mais,
à l’époque, le recours à l’église pallie aussi l’impuissance médicale face à la
maladie.
Lorsque
toute action humaine est impossible on fait appel à Dieu. Dieu seul peut guérir
le mal qu’il
a envoyé.
Après
le XVIII ème siècle, en même temps que l’emprise de l’église se relâche, les
idées de faute
et de rédemption perdent de leur impact. Le sentiment de la mort, lui aussi, se transforme et l’effroi qu’elle provoque ne peut plus être
contenu par le rituel religieux.
Enfin,
lorsqu’au XIX ème siècle se développe la croyance en la science et que s’opère, accompagnée
ou non d’efficacité, la montée de l’activisme médical, le médecin et le malade cessent
de se sentir dominés par la volonté divine. Ils se pensent confrontés à des
processus organiques que l’on peut connaître et maîtriser. La
résignation s’efface donc devant le désir de
vivre à tout prix. Le sentiment de la faute, l’acceptation de la volonté
divine, l’espoir du salut
cessent de régler les attitudes envers le mal.
Tandis
que le médecin prend partout la place du prêtre et de la religieuse pour
traiter les malades, la conception chrétienne de la maladie et de la
mort peu à peu cède du terrain.
82
Dans
ce concept la notion de maladie se charge de connotations morales. La maladie
résulte de la
transgression d’interdits moraux, en matière de sexualité, d’alliance, de
comportement social.
La maladie est devenue en elle même une faute ce n’est plus une punition. Le
malade n’est
plus un pêcheur, il a cependant failli, non plus dans son âme mais dans son
corps.
(HERZLICH, 1984)
Au
XVIII ème et XIX ème siècle, la maladie trouve son origine dans la
transgression d’interdits
de notoriété publique. Par exemple :
– Mettre le pain à l’envers sur la table enverra
des coliques au maître de maison.
– Laisser s’embrasser deux enfants du même âge
ne marchant pas encore les rendra bègues ou muets. ( BOUTEILLER, 1987)
84
Malgré
la neutralité des concepts génétiques de ces dernières années les notions
populaires d’hérédité
ont peu évoluées : lorsque l’individu est en quête de sens, « le mode de vie »,
et non
l’ADN, est au coeur des représentations de la maladie. Le malade est la victime
d’un aïeul fautif
ou d’une lignée, ou encore la victime du hasard, mais dans tous les cas il
n’est en rien responsable de cette maladie qui le touche.
Mais
plus encore que par les notions d’hérédité, de terrain ou de disposition, à
toute époque, l’âme,
l’humeur, - gaieté ou tristesse-, le moral, le psychisme de l’individu passent
pour responsables
du déclenchement des maladies. Par exemple à l’époque des grandes épidémies Page
74 / 135 il était largement admis que l’homme heureux n’attrapait pas
la peste.( HERZLICH, 1984)
86
Pourtant
le fatalisme ne fut jamais total : dès l’Antiquité on essaya de lutter. A
travers les siècles
nous pouvons observer la variété des registres de cette résistance contre ce
destin inévitable
: les mesures sanitaires, les prières, le recours aux guérisseurs, les
pratiques de sorcellerie
et les remèdes médicaux.
Aujourd’hui
l’idée de l’action toujours possible et de la prévention qui exige de savoir «
avant », a considérablement gagné dans nos esprits et l’on ne voit plus guère
s’affirmer de façon
tranchée l’idée qu’on ne peut rien faire et que mieux vaut l’ignorance. La
résignation désabusée
ou l’acceptation stoïque nous est devenue étrangère. Pour beaucoup d’entre
nous, l’impuissance devant la maladie est un échec insupportable,
voire quelque peu scandaleux.
87
Accepter
sans se plaindre la maladie et la mort mais ne pas être « un malade », telle était,
il y a
quelques décennies, la réponse au fatum biologique. Aujourd’hui au contraire on
accepte d’être
« un malade ». On suit avec minutie, toutes les prescriptions ; on respecte
toutes les conduites
associées à cette identité désormais assumée. Mais tout se passe comme si on refusait
de mourir. L’impuissance, naguère évidente, est aujourd’hui intolérable. La
mort est moins
l’issue « naturelle » de la maladie que l’échec de la conduite du malade et du
médecin.
Reste qu’elle finit toujours par l’emporter.
88
A
travers la description de ces représentations populaires de la maladie on
comprend mieux le recours
au guérisseur puisque ce dernier revendique une prise en charge plus globale de l'individu
et de sa maladie en rétablissant les liens entre celle-ci et le contexte
social, professionnel, environnemental, et familial du malade.
Il
pourra comprendre et entendre la conception de la maladie et l'origine qui lui
est attribuée par
le malade, peut être mieux que le médecin aveuglé par sa formation scientifique,
parce qu'il se situera sur le même mode de pensée.
91
Par
ailleurs dans une société où le travail physique était éprouvant et
représentait la source de revenu,
il était recommandé de s’endurcir au mal. Il n’y avait pas de place pour l’état intermédiaire
entre l’état de santé et la maladie déclarée, et aller chez le médecin à titre préventif
ou lors des tous premiers symptômes de la maladie aurait été interprété comme
une façon
excessive de s’écouter.
Aujourd’hui
la tendance est inversée et les normes de santé sont telles que pour reprendre Ivan
ILLITCH : “La médicalisation du dépistage précoce, (…)entraîne le patient
potentiel à se
comporter en permanence comme un objet dont le médecin a la charge (…) Il se transforme
en patient à vie.”( FLOCH’HLAY, 1992 )
On
assiste ainsi à l’émergence d’une nouvelle catégorie sociale : “le malade”.
“Etre
malade dans la société d’aujourd’hui a cessé de désigner un état purement
biologique pour
définir l’appartenance à un statut, voire à un groupe.”(HERZLICH, 1984). En
effet tel individu
sera identifié par son cercle de connaissance “diabétique” presque de la même
façon que “professeur” ou “maçon”.
92
Cette
individualité de la maladie renforce la solitude du malade. Il n’existe plus le
même mécanisme
de défense et de sauvegarde de la communauté qui était à l’oeuvre dans les épidémies.
Autrefois, la maladie naissait au contact de l’autre. Aujourd’hui le malade est
seul parce
que les autres n’étant plus menacés de devenir comme lui ne sont pas concernés
par son état.
93
Cependant
l’ensemble des transformations de la pathologie n’a pas fait disparaître un phénomène
du passé : la cristallisation des angoisses des sociétés industrielles sur une “maladie-fléau”,
associée à la mort. Cette maladie actuellement c'est le cancer. C'est la maladie moderne produite par la vie moderne.
98
De
façon générale le médecin spécialiste s’adresse à la maladie plus qu’à l’homme
malade et ce
dernier plus à un technicien de la maladie qu' à un être humain.
Et
comme à la campagne plus qu’ailleurs le spécialiste est littéralement un
étranger “au pays”, cette
relation est d'autant plus déséquilibrée, il en résulte souvent un sentiment de
frustration, une
agressivité contre celui qui n’écoute que la demande anatomique, contrairement
à “mon médecin
qui lui me connaît et me comprend bien” et a fortiori au guérisseur
paysan….
Et
pourtant, comme nous l'avons déjà exprimé, la confiance structure la relation
thérapeutique et entre dans une proportion non négligeable dans le
processus de guérison.
100
« D'habitude,
les docteurs ne prennent pas le temps d'attendre que les malades guérissent,
ils n'aident
pas les malades à prendre leur mal en patience. Les docteurs, ça n'est pas très patient. » (La maladie de Sachs, WINCKLER)
103
Le
médecin par sa science peut souvent localiser et décrire la pathologie qui
s’offre à ses yeux,
ses connaissances lui indiquent comment est survenue et se déroule la maladie.
Le malade
par contre recherche avant tout le pourquoi de celle-ci. Alors que la médecine
permet souvent
de donner une explication physique de la maladie, le malade se demande quel est
son sens métaphysique.
107
A
l’heure actuelle, le public, tout en admirant les progrès remarquables de la
médecine, exprime
son désenchantement de la profession médicale. Les praticiens sont accusés de
ne pas prendre
le temps d’entendre les dilemmes de leurs patients, de devenir des techniciens,
plutôt que
des humanistes, et de souvent manquer de compassion. « Le médecin progresse,
la médecine
régresse. » (psychologie médicale, 1984). Tout ceci contribue à la
survivance et au développement des pratiques de soins des guérisseurs.
108
Dépositaire
d’un savoir et des croyances populaires, le guérisseur se préoccupe moins des maladies
que des malades. Son diagnostic n’est pas fondé sur l’accumulation antérieure
de données
scientifiques mais sur sa connaissance intuitive des individus. Et malgré, ou
en raison,
de son ignorance, le guérisseur se trouve crédité d’un savoir différent mais
plus vaste que
celui du médecin, puisqu’on le pense capable de sonder l’ensemble de la
personne humaine, corps et âme réunis.(LOUX,1983)
110
Considérons
le guérisseur traditionnel. Il met son don au service de la communauté et il se doit
de l’exercer pour guérir et non pour en tirer profit. Ses pouvoirs ne sont pas commercialisés.
Quant aux médecins, ils « vivent du malheur des gens et ont tout intérêt à
ce qu’il
y ait des malades »(CAMUS, 1990).
C'est
ainsi que les sociologues rapportent de leurs études de la société rurale
ancienne des proverbes
relatifs au médecin assez péjoratifs. On mettait alors en balance les dépenses nécessaires
à la vie quotidienne avec celles qu’entraînait le médecin : « Mieux vaut
tuer un médecin
que piétiner un aileron de raisin » ou « Mieux vaut payer le boulanger
que le médecin
» ou encore « La note du médecin est plus chargée que l’âne du meunier »(CAMUS, 1990).
Le médecin coûtait cher, d’autant plus qu’efficace ou non il fallait le
payer... Certaines sentences étaient particulièrement féroces : « Dieu
guérit, et le médecin encaisse ».
113
Le
recours aux pratiques des guérisseurs est souvent fondé sur l’ignorance. Soit
l’ignorance de
base, associée à des croyances archaïques plus ou moins magiques, ou bien
l’ignorance d’une situation médicale qui n’a pas été clairement exposée
(psychologie médicale, 1984).
114
De
façon générale le recours aux guérisseurs se fait après un premier contact
plein d’anxiété avec
la médecine officielle ; ou en cas d’échec de celle-ci donc en dernier recours.
« Je suis la dernière
roue de la charrette » constate Monsieur V (entretien n°1).
Pour
la médecine, la recherche de thérapeutiques alternatives, et plus encore
l’appel aux guérisseurs,
ne peuvent être qu’une conduite marquée par le signe de l’irrationalité, entièrement
différente dans ses fondements et sa logique du recours au traitement médical.
(HERZLICH, 1984)
Le
poids de la rationalité s’effondre rapidement devant la maladie et la mort,
devant l’angoisse et l’incompréhensible, et cela d’autant plus quand la
médecine échoue, qu‘il s’agisse d’affections chroniques, de maladies
incurables, ou de troubles fonctionnels.
115
Mais
le guérisseur regrette parfois ce statut de dernier recours, se sentant bien
impuissant à son
tour face à la demande des patients : « …encore bien trop souvent je ne suis
que le dernier
recours, les gens viennent vous voir et ils vous prennent pour le bon Dieu. La
semaine dernière
j’ai vu une dame, lorsqu’elle est partie j’ai noté sur sa fiche : espérance de
vie 24 heures
et 24 heures plus tard elle était morte. Elle souffrait d’un cancer généralisé
que vouliez vous que je fasse… » Monsieur R (entretien
n°8)
116
Enfin,
il y a les maladies pour lesquelles on va trouver le guérisseur par tradition,
le recours n'obéit
à aucune logique mais correspond plutôt à l'imitation de l'exemple familial.
Il
s’agit essentiellement de troubles assez bénins, mais douloureux ou
handicapants et pour lesquels
la médecine n’a pas vraiment de solution :
– les maladies ou troubles désignés de
l'expression fourre-tout de psychosomatique,
– les troubles digestifs notamment les troubles
du transit : constipation, ballonnements...,
– les troubles nerveux comme l'insomnie,
– les séquelles douloureuses d'entorses, de
fractures, de tendinites, les dorsalgies, les lombalgies...,
– les affections dermatologiques comme : les
brûlures, le zona, l'eczéma, le psoriasis, les
verrues,
– les morsures de
vipères, les piqûres de guêpes…
119
Nous
pouvons aussi citer ici l'exemple du service d'urgence de Thonon les Bains, où
comme nous
avons pu le voir sur le reportage de Claude CARRE pour TF1, les médecins
n'hésitent pas
dès l'entrée de patients pour prise en charge d'une brûlure à faire appel aux
compétences d'un
guérisseur qui conjure la brûlure par téléphone. Bien entendu ceci est complété
par des soins
d'asepsie locale et n'est pratiqué qu'avec l'accord du patient et en l'absence
de pronostic vital engagé!
Le
guérisseur est envisagé comme un adjoint, un auxiliaire réconfortant le malade,
l'aidant à supporter
son traitement. Ceci notamment dans des situations nécessitant un soutien psychologique
: lors de maladies chroniques, lors d’affection à caractère « dépassé », ou
lors de
troubles psychosomatiques ou fonctionnels.
Il
existe donc des médecins qui adressent leurs patients aux guérisseurs et les
guérisseurs n'hésiteront
pas à renvoyer leurs consultants vers leur médecin s’ils se sentent
incompétents.
Il
existe des guérisseurs soignés par des médecins tout comme il existe des
médecins soignés par
des guérisseurs.
Mais
il n’existe à priori pas d’échanges « professionnels » entre les guérisseurs et
les médecins.
121
Quelque
soit (sic) l'attitude adoptée hostilité, ignorance ou bienveillance il
faut bien admettre l'existence
et même la multiplication des guérisseurs. Il apparaît que tout positionnement radical
soit de rejet soit de soumission au guérisseur pourrait avoir des
retentissements peu souhaitables
sur la relation médecin-malade. Il serait surtout nécessaire d’essayer de comprendre ce phénomène.
122
Dans
le passé, les guérisseurs étaient au peuple ce que les médecins sont devenus
aujourd'hui : incontournables.
La médecine évolue depuis plus de deux siècles sur un mode scientifique, au niveau
des connaissances des affections, des procédés diagnostiques de plus en plus sophistiqués
et des traitements. Riches ou pauvres, les français sont devenus les clients assidus
des médecins et des consommateurs impénitents de médicaments, sans pour autant abandonner
leurs anciennes pratiques.
Les
guérisseurs, malgré leur statut illicite, exercent leur don : de façon traditionnelle respectant
un rituel transmis de générations en générations, ou d'une façon plus moderne ayant
acquis leurs compétences par des formations plus théoriques. Ces pratiques sont
sans fondement scientifique mais fondées sur la croyance au don,
d'origine surnaturelle.
123
L'angoisse,
révélée à l'occasion de difficultés particulières de l'existence, comme lors de
la maladie,
expose le sujet à une régression vers la dépendance. Or le médecin ne prend pas toujours
en compte cette anxiété, liée à la peur de la mort, de la souffrance, à la
perte du sentiment
de sécurité et d'intégrité de l'individu. Tandis que le guérisseur assume cette
part d'irrationalité, en « prenant le mal sur lui », et le
patient lui fait confiance.
En
tout état de cause le recours au guérisseur n'est pas en voie de disparition,
il est rattaché à la
survivance du primitif en nous tous. Ce recours est malgré tout pour la plupart
le dernier, lorsqu'il n'y a plus rien à espérer de la médecine
officielle ou lorsqu'elle a échoué.
Ainsi,
alors que le patient est en quête d'une relation plus humaine, d'un temps
d'écoute plus important,
et d'une prise en charge plus globale du corps « aujourd'hui, on incite les
médecins à
tout engouffrer dans un ordinateur, à des fins épidémiologiques, statistiques,
comptables.
Mais
personne ne semble vouloir graver dans sa mémoire le nom et le visage des gens,
se rappeler
la première rencontre, les premiers sentiments, les étonnements, les détails comiques,
les histoires tragiques, les incompréhensions, les silences. J'ai vu passer des milliers
de personnes, mais en cet instant même, je ne pourrais spontanément en évoquer qu'une
douzaine, vingt en me détendant, cinquante peut-être en me forçant un peu, mais
guère plus... » (La maladie de Sachs, WINCKLER)
124
Il
est habituel de mettre l'accent sur le fait que le clinicien moderne a de plus
en plus tendance à
développer ses techniques et à valoriser l'organe au détriment de l'être total.
Il oublie que, comme
nous l’enseigne BALINT, un des médicaments les plus fréquemment utilisés en médecine générale c'est le médecin lui-même.
Sites
Internet consultés :
www.gnoma.com.
www.science-et-magie.com.
Histoire des Guérisseurs
www.sante.gouv.fr
www.biosoin.free.fr
www.TFI.fr, CARRE C. Coupeurs de feu, guérisseurs et autres
rebouteux .Reportage vidéo.
Collectif Cinélutte
(1973-1977)
Le
collectif Cinélutte est officiellement créé en 1973, sous la forme d'une
association non subventionnée, à la faveur du mouvement lycéen et étudiant
contre la "loi Debré" sur la conscription militaire.
Il résulte
du regroupement de deux classes d'âge, séparées de quelques années, qui vont se
développer parallèlement avant de cohabiter.
Trois de
ses membres (Mireille Abramovici, Jean- Denis Bonan et Richard Copans) ont tour
à tour participé en Mai 68 aux réalisations de l'Atelier de recherche
cinématographique (ARC), à celles des États généraux du cinéma français ainsi
qu'à diverses productions militantes. Les plus jeunes (François Dupeyron, Alain
Nahum et Guy-Patrick Sainderichin) sont élèves à Paris dans une des deux écoles
publiques d'enseignement professionnel, l'Institut des hautes études
cinématographiques (IDHEC).
Au cours
de ses huit années d'existence, le groupe produit, tourne et diffuse en marge
du système sept films de court et moyen métrages, inscrits dans les luttes
sociales et politiques des années 1970, qui témoignent, à partir de situations
et d'expériences concrètes, des formes possibles de résistance et de démocratie
ouvrières.
Bonne
chance la France (1974-1975. 100 mn) regroupe trois moyens métrages (L'Autre
façon d'être une banque, Comité Giscard, Un simple exemple) sur la période
précédant les élections présidentielles de 1974 et est présenté au Festival de
Cannes 1976 dans la sélection "Perspectives du cinéma français".
S'il se
réclame du marxisme-léninisme et si l'influence maoïste y est prégnante ("
Au service de la Gauche ouvrière, contre le révisionnisme ", écrivait-on
alors), le groupe ne dépend d'aucun parti ni d'aucune organisation.
Ont
participé à la production et à la diffusion des films de Cinélutte : Daniéla
Abadi, Mireille Abramovici, Olivier Altman, Jean-Jacques Bernard, Vincent
Blanchet, Jean-Denis Bonan, Richard Copans, François Dupeyron, Dominique
Faysse, Denis Gheerbrant, Hélène Kohen, Serge Le Péron, Françoise Liffran,
François Margolin, Babette Mosche, Alain Nahum, Maggie Perlado, Eric Pittard,
Franssou Prenant, Jean-Henri Roger, Guy-Patrick Sainderichin, Jean-Pierre
Thorn, Françoise Varin, Paule Zajdermann.
Source :
*
Sébastien Layerle. Introduction à "Un cinéma de lutte pour des gens en
lutte".
Filmographie
:
1973
Jusqu'au bout
Documentaire.
0h40.
La
question des immigrés, esquissée dès les films de mai 68, va prendre une place
grandissante dans le cinéma militant qui suivit, encore amplifiée par la
circulaire du 23 février 1972, dite Marcellin-Fontanet, interdisant " la
régularisation de tout étranger entré sur le territoire sans autorisation de
travail et sans attestation de logement ". En 1973, dans l'église de Ménilmontant,
56 travailleurs tunisiens entament une grève de la faim, première de ce type en
France. Cinélutte filme leur combat.
1973
La grève des ouvriers de Margoline
(1973. 41
mn). La première grève victorieuse en France des sans-papiers de l'entreprise
Margoline de Nanterre et Gennevilliers en mai 1973 pour leur régularisation et
la reconnaissance de leurs droits de salariés. Produit pour la CFDT dans le
cadre du groupe Cinélutte, le film sera l'un des premiers à se pencher sur la
condition des travailleurs immigrés sans papiers en France, et à leur donner la
parole. Face à la caméra, en français ou en arabe, les ouvriers dénoncent une
situation devenue absurde. Et ce notamment depuis la circulaire Marcellin -
Fontanet de 1972 qui subordonne l'entrée sur le territoire français à celle
d'un contrat de travail, et interdit les régularisations de sans papiers. Ayant
malgré tout passés la frontière, des milliers d'immigrés se retrouvent ainsi
dans l'incapacité d'obtenir un contrat de travail, puisque sans papiers, et ne
peuvent non plus obtenir des papiers, puisque sans contrat.
1974
Petites têtes, grandes surfaces
(1974. 36
mn). Le travail dans une grande surface de la région parisienne, notamment
celui des caissières, révélateur des mécanismes du commerce et de rapports de
classes.
1974
L'autre façon d'être une banque
Documentaire.
l'action
des grévistes du Crédit Lyonnais à Paris
1975
Portrait ou Comité Giscard
Documentaire.
la vie
quotidienne d'un comité de soutien de quartier au candidat Valéry Giscard
d'Estaing dans le 17e arrondissement
1975
Un simple exemple
Documentaire.
0h45.
En février
1974, les ouvriers de l'imprimerie Darboy à Montreuil, refusant leur
licenciement sans indemnités, décident d'occuper leur entreprise, de se passer
de leur patron et, sur le modèle clairement revendiqué des LIP à Besançon,
vivent, mangent, travaillent et luttent ensemble pendant trois mois. A
l'évidence, la présence complice d'une équipe de Cinélutte, filmant comme on
souffle sur les braises, leur a donné quelques idées. Après trois mois de
lutte, le sindémnités sont versées et l'usine repart avec un nouveau patron
1977
A pas lentes
Documentaire.
0h40.
Quatre ans
après le conflit à l'usine Lip de Besançon, fierté de l'industrie horlogère
française et théâtre de la grève la plus emblématique de l'après-68, une équipe
de Cinélutte donne la parole aux ouvrières, à Renée et Christiane en
particulier, figures inoubliables. Elles parlent des conditions de travail, de
l'éducation des enfants, de leur rapport aux hommes, et là, soudain tout
bascule, de la lutte des classes à la guerre des sexes, offrant à Cinélutte son
plus beau film.
(Site du Ciné-Club de Caen)
Décès du réalisateur
Berry républicain du 27 février 2016
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire