séance avec débat
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cinématographiques vierzonnaises :
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Bonne écoute.
Jean-Luc
«Le roi est mort, vive la reine !»
Leila, la véritable reine de la famille, obligée de s'ériger contre son père Esmail, prêt à dilapider sa « fortune » pour devenir parrain du clan Jourablou. Leila, « mère » de ses quatre frères qui vivent tous dans la misère et qu'elle tente de sauver en investissant l'argent du père détesté, dans l'achat d'une boutique dans un centre commercial luxueux. Neuf mètres carrés d'anciennes toilettes, un objet de pure spéculation dans un Iran miné par les tweets de Trump et le non-accord sur le nucléaire. Esmail se battra pour garder sa couronne contre des « chiottes » roi d'un jour mais objet de mépris des membres plus riches du clan.
Leila, qui voit ses parents « dormir toute la nuit et rêver de bien dormir le jour », la seule à se tourner vers un avenir meilleur et la mort symbolique du père avec cette magistrale gifle, scène pivot du film.
Elle n'est pas dans l'artifice, dans la vie spectacle, son combat n'est pas dans les matchs de catch à la télévision et leurs héros hyper-testosteronés et bourrés de stéroïdes, la mal-bouffe américaine et les séries frelatées, le défilé des top-models dans les boutiques de luxe qui font baver ses frères. Elle pense avoir atteint le point de bascule, malgré les propos de son frère Alireza qui estime que « l'on ne peut pas remonter t que l'on n'a pas touché le fond ». Pourtant, seul Alireza se mettra au diapason de sa soeur par moments et se rendra compte de la perspicacité de ses propos. Alireza qui a peur des moments de bonheur, sachant que cela ne durera pas.
Un beau film avec des moments très forts, tout en contrepoint, le vrai se superposant au factice, les silences et non-dits au vacarme d'une famille qui implose. Les aiguilles de la mésothérapie de Leila contre les matraques des forces de l'ordre qui chassent les ouvriers de leur usine. De magnifiques prises de vue, la course poursuite des travailleurs dans les coursives de l'usine, les regards furtifs d'Alireza et son ex-femme, l'anniversaire de la fin du film, j'en passe. Plusieurs films en un seul, j'ai beaucoup apprécié et j'étais loin d'être le seul dans la salle.
John
Le réalisateur iranien et son public
De par ses conditions de production, le cinéma iranien est un cinéma en tension et sous tension. S’il a acquis une vraie compétence dans les relations psychologiques et familiales, ce n’est certainement pas à confondre avec le nombrilisme qu’on reproche souvent aux productions hexagonales. Là-bas, le vrai objectif demeure largement inaccessible, tout simplement parce qu’il est interdit. La censure conditionne la manière dont le réalisateur et son film peuvent exister… ou pas. C’est une partie d’échecs où tous les coups sont des coups risqués, et où l’enjeu est considérable. On est très loin des jeux gratuits auxquels nous sommes habitués.
Si on part dans une démarche déductive, et d’une généralité radicalement assumée, on reprendra la vieille formule qui veut que le cinéma parle d’abord du cinéma.
Voilà pourquoi je vois Leila comme la représentation du réalisateur à l’intérieur de sa fiction.
Les qualités qu’il faut au réalisateur, elle les possède pratiquement toutes, avec la circonstance aggravante d’être une femme dans une société patriarcale : sens de la stratégie, obstination pour mener à bien son projet, humanisme garant des améliorations collectives à apporter. Et tout cela dans un environnement qui lui est constamment défavorable, à des degrés divers et à des moments imprévus, comme quand ses alliés potentiels mêmes peuvent se retourner contre elle. Les garçons sont incapables, sans Leila, de dépasser par la révolte leur syndrome de Stockholm ; sans elle, ils se contenteraient de subir.
C’est tout le sens de la scène de la fameuse gifle, assurément le climax du film. C’est le moment où tous ses frères, jusque-là prêts à la suivre, se retournent violemment contre elle, au point que l’un d’eux menace même de la tuer.
C’est que les frères sont le public de Leila.
Elle s’efforce, en prenant constamment des risques, de les libérer de leur aliénation, et son combat est épuisant. Le tabou inculqué au plus profond de l’éducation, à savoir que le patriarche est intouchable même quand c’est un salaud des plus nuisibles, demeure encore quand toutes les autres digues ont commencé à céder.
Lucide, elle avait pointé la difficulté de la tâche : Quand on est gouverné par la tradition, on est privé de la réflexion. Leila s’adresse à ses frères, mais bien entendu cette parole relève d’une double énonciation : le réalisateur l’adresse en même temps à son public, c’est-à-dire à toute la société.
Et cette société, comme les frères qui lui reviendront, a les moyens d’évoluer sous l’effet de ce catalyseur cinématographique. Leila décrypte les sens cachés derrière les apparences trompeuses avec l’intelligence que procurent les nécessités d’une vie clandestine. Elle voit bien que, par-delà la famille, on parle de toute la société ; que par-delà la tyrannie hypocrite d’un individu, on doit repérer celle d’une nation. Par-delà le portrait psychologique, le message est politique.
Omniprésente, l’hypocrisie n’est pas de même nature. Celle du dominant qui prétend faussement agir pour le bien commun est tournée vers l’oppression ; celle du dominé, celle du résistant, est une arme qui lui permet de survivre, et, dans le meilleur des cas, de conquérir sa liberté.
C’est bien naturellement que le réalisateur, par le truchement de Leila, utilise des chemins détournés, prend des risques en se retenant au maximum d’aller trop loin, use de ruses et d’euphémismes. On fustige la tradition sans attenter au pouvoir religieux en place, mais qui est dupe ? Même Donald Trump, le méchant de service et qui par ailleurs le mérite bien, n’est qu’un leurre. La situation économique catastrophique, certes aggravée par ce dernier, est loin d’être de son seul fait. La mère n’est pas dupe : Ça fait soixante-dix ans que je suis dans ce pays, et je n’ai jamais vu un prix baisser. Où était Trump en effet, il y a soixante-dix ans ?...
Leila fait le travail d’éducation à la fois maternel, par son amour, et paternel, par son autorité, que les parents, centrés sur eux-mêmes et incapables de générosité, n’ont pas fait. Tout cela se transpose aisément au niveau du réalisateur, et du cinéma iranien en général.
On l’a dit, elle part avec de gros handicaps, et la tâche est écrasante. Si les frères, heureusement, ne sont pas irrécupérables, ils ont les tares de leur éducation et de leur tempérament. L’un d’eux, pas le plus démuni de bonne volonté par ailleurs, souffre de se vivre comme un des « vitelloni » peints par Fellini : Nous sommes des veaux, avoue-t-il avec lucidité. Il faudra le relever pour qu’il avance de nouveau, il sera armé pour cela : sous l’impulsion de sa sœur, lui qui soupirait avec fatalisme : Vieillir, c’est renoncer à ses désirs, retrouvera le goût de la lutte et de la vie.
Un autre souffre de son obésité, qu’il présente avec fatalité comme une maladie. Son altruisme de bon colosse le sauvera. L’autre est sportif et robuste, mais donne prise aux railleries faciles : avoir des abdos et pas de cerveau. Mais en Iran le cliché ne tient pas longtemps : la force y est une qualité, le peuple iranien est traditionnellement un peuple fier de sa force et les médailles olympiques récoltées dans les épreuves de lutte ou d’haltérophilie en portent témoignage. Pas question de retirer la force, il sera préférable d’ajouter la jugeotte aux muscles pour devenir enfin efficace.
Parmi les critiques sociales hors du domaine purement familial qu’on se permet à certains moments, il en est qui pourraient aisément, entrant dans le cadre d’une mondialisation malheureuse, nous être familières. Ainsi de l’hôpital redouté : Quelle cohue ! Mais c’est ça, l’hôpital public, et ça pourrait même être pire ! De même la séquence surréaliste au point qu’elle pourrait paraître gratuite, et qui a dû passer la censure comme interprétée uniquement sous l’angle d’une satire du monde vie américain : les mannequins glamour vêtues de luxe et de mépris qui toisent la pauvreté ambiante en sortant de leur rutilante berline noire. Mais la société violemment inégalitaire, où les pauvres sont abandonnés et les riches prospèrent, elle n’a rien d’exotique en Iran, comme partout où s’exhibent les profiteurs de crises.
C’est le moment de remarquer que le film est orienté de façon toute linéaire.
On débute en fanfare dans un montage parallèle efficace, avec surtout des plans d’ensemble relativement anonymes, où les effets de foule frappent à la fois par leur virtuosité et l’inquiétude qu’ils dégagent. On remarque aussi le vieillard patelin dont on devine déjà toute l’ambiguïté et, pour l’inquiétude dans le domaine de Leila, la bande son qui semble faire écho aux coups de matraques de la répression policière à l’usine.
Au milieu, on peut retenir les étonnantes scènes de disputes, au désordre assumé, la caméra semblant courir vainement, de haut en bas, de gauche à droite, et même en diagonale, après les sources de paroles davantage criées qu’échangées. C’est évidemment dans ce long entre-deux qu’on peut trouver des passages qui traînent quelque peu en longueur.
Rien de tel en revanche après la fameuse gifle, où le tyran domestique reçoit son châtiment et dévoile toute sa turpitude. Là règnent désormais les gros plans; on a pris de temps de comprendre en profondeur la psychologie des personnages et leurs rôles respectifs. Là s’opposent le visage lumineux de Leila, émouvante, humaine, déterminée, sensible, et celui du vieillard qui finira par mourir, capté dans un lent panoramique qui le prend comme il était avant, c'est-à-dire ambigu, et qui le conduit progressivement vers la révélation de sa figure inhumaine, dure, effrayante, révélant définitivement au grand jour l’hypocrisie, les fausses modestie et bonhomie qu’il présentait jusque-là au monde.
Comme dans La Veronica, le personnage toxique avance masqué, et, sous des dehors séduisants, pour l’une, et attendrissants, pour l’autre, évolue un être monstrueux dont il convient de se protéger.
Si j’avais adopté à l’inverse une démarche inductive, j’aurais certainement adopté des portes d’entrée à l’incongruité apparente assumée.
La première, c’est la couleur locale iranienne d’un prénom, celui d’Alireza. J’ai immédiatement pensé à « notre » Alireza : le prodige chartrain, comme on surnomme Alireza Firouzja, joueur d’échecs iranien qui, bridé dans ses activités en Iran, a été accueilli en France dans le club de Chartres et a pris la nationalité française, devenant le 3e joueur mondial et le 1er joueur français. Il vient de remporter haut la main un tournoi prestigieux du top 10 mondial. L’Iran ne produit pas que des hommes physiquement forts et, à sa manière, Leila aussi est une championne.
La seconde, c’est le rapprochement avec Le Parrain de Coppola, qui n’a rien à voir. Quoique… Si on veut bien accepter que l’un et l’autre film ne se décryptent vraiment qu’en faisant mentalement le va-et-vient entre le milieu restreint qui nous est montré et la société plus large qui en est le cadre, l’un étant la condition d’existence de l’autre et réciproquement, on trouvera plus d’un point commun intéressant.
Si je devais proposer un rapprochement culturel familier pour ce film, après la littérature a-morale et d’art pour l’art du film précédent, je retiendrais sûrement les études de mœurs de Balzac, en ajoutant Zola pour l’appréhension des foules.
Jean-Marie
COMPLEMENTS
https://www.chess-and-strategy.com/2022/09/alireza-firouzja-gagne-le-gtc-et-la-sinquefield-cup.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Varzesh-e_Pahlavani
Berry républicain 23 septembre 2022
Attention: Plus de film le jeudi pendant 3 jeudis de suite. Alors les séances sont reportées à vendredi.
Nous aurons LIBRE GARANCE le mardi 18 octobre avec la réalisatrice.
Le 21 :Revoir Paris
Le 28 : Walden
festival films répertoire PLAY IT AGAIN du 14 au 27 septembre.
4 films
semaine du 14 au 20 septembre : Fric Frac de Maurice Lehman (1939) (horaires à confirmer) + La Vie de Château de Jean-Paul Rappeneau (1966) (horaires à confirmer)
semaine du 21 au 27 septembre : Le Jouet de Francis Veber (1976) (horaires à confirmer) + La Chance d'être Femme de Alessandro Blasetti (vo- 1955) (horaires à confirmer)
+ FILMS DEMANDES
(Jean-Marie)
Les filles du soleil
« Bonjour, du 22 au 30/10 j'ai appris qu'il y avait le festival de la Palette du Monde à Vierzon (je connais un peu le président !) , on pourrait cumuler expo d'un artiste kurde et ciné débat ???? Laurent Ziegelmeyer »
(pour après les vacances)
(Edwige)
Un film soutenu par France Culture
MIZRAHIM, LES OUBLIÉS DE LA TERRE PROMISE
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=294914.html
et un film dont j'ai lu un petit article sur l'humanité.
LE PRINCE, de Lisa Bierwirth, un film allemand.
(John)
Suite à THE DUKE le 23 juin je rajoute quelques possibilités. On a le choix. Je vais passer une bonne partie des mois de juillet et août à Vierzon et je veux bien continuer les séances du jeudi soir si possible.
L’ECOLE DU BOUT DU MONDE
LES PASSAGERS DE LA NUIT. ( s’il n‘est pas encore passé à Vierzon)
FUIS MOI JE TE SUIS
LIMBO
SAIS-TU POURQUOI JE SAUTE ?
L’HYPOTHESE DEMOCRATIQUE
De nouvelles propositions.
22 septembre. REVOIR PARIS
29 septembre. WALDEN
6 octobre ou 13 octobre. LIBRE GARANCE. Voir mail précédent ce matin
13 octobre. SIMONE LE VOYAGE DU SIECLE
15 octobre. Le film de Gilles Perret. (c’est calé)
20 octobre. QUI A PART NOUS ?
27 octobre. L’HYPOTHESE DEMOCRATIQUE
Pour la suite. Dans le cadre du FESTIVAL SOLIDARITES on me demande le film « LETTRE A G »
Trois dates possibles. LE 17 ou 24 novembre ou le 1er décembre
J’aurai le soutien du SECOURS POPULAIRE DE VIERZON et d’un collectif d’associations de Bourges
Pour la suite je note. ARMAGEDDON TIME. Et NOSTALGIA. Sorties en novembre
Cliquez sur le lien ou sur l'image.
http://cinelumiere-vierzon.info/
CINE RENCONTRES.
Ne vous souciez pas de la date de renouvellement: nous vous contacterons le moment venu.
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