dimanche 6 novembre 2016

MOI, DANIEL BLAKE

Septième séance avec débat







MOI, DANIEL BLAKE

Film anglais de Ken Loach avec Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan... Palme d’Or Festival de Cannes. (2016 - 1h39 - vostf)




VENDREDI 4 NOVEMBRE (CINE DEBAT)
20H30

Palme d'Or Cannes 2016, classe ouvrière, injustices sociales, aberrations administratives,...
Les tribulations d'un menuisier anglais frappé par une maladie cardiaque.




   I Daniel (dans la fosse aux lions)   Blake (poète anglais )

     
Un voilier passe…   de WILLIAM BLAKE


Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin,
et part vers l'océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit : « il est parti ! »

Parti vers où ?
Parti de mon regard, c'est tout !
Son mât est toujours aussi haut,
sa coque a toujours la force de porter
sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
pas en lui.

Et juste au moment où quelqu'un prés de moi
dit : «il est parti !»
il en est d'autres qui le voyant poindre à l'horizon
et venir vers eux s'exclament avec joie :
« Le voilà ! »

C'est ça la mort !
Il n'y a pas de morts.
Il y a des vivants sur les deux rives.



     Chômeur en recherche d'emploi     TAPER 1
     Invalide suite à une maladie           TAPER 2

      Homme sincère, chevalier errant défenseur des causes perdues, âme sensible à l'écoute des personnes fragiles          TAPER  39689      mais vous serez mort avant d'atteindre cette case.


    L'absurdité de cette première scène du film où on entend l'entretien médical qui doit déterminer la gravité de la condition de Daniel pour faire reconnaître ses droits, tourné dans le noir absolu. Des questions sur sa capacité à lever sa main pour mettre un chapeau, sur son transit intestinal, il manque une question sur son pouvoir érectile.    

    Une vie de menuisier, apprécié par ses collègues de travail, par ses voisins, longtemps au service de sa femme malade et puis suite au décès celle-ci la maladie qui le frappe à son tour. Crise cardiaque qui le rend inapte au travail selon son médecin de famille mais les experts-décisionnaires du Ministère doivent trancher et lui accorder le statut d'invalide lui assurant ses droits aux indemnités prévues. Avant cela un dédale numérique de formulaires, de preuves, de questionnaires que Daniel ne saura compléter avec son crayon de menuisier .

    Le système commence à le broyer comme il tentera de broyer Katie et ses deux enfants  rencontrés au Pôle Emploi en lui refusant l'étude de son cas et donc de l'octroi de moyens pour faire vivre sa famille, simplement parce qu'elle arrive avec dix minutes  de retard à son entretien.

    Ken Loach comme d'habitude met dans la balance comme contrepoids au monstre aveugle que représente l'Etat et ses sbires les sentiments humains, la considération d'autrui, le respect de soi-même et des autres.

    Exagéré peut-être, manichéen sans doute mais de ce manichéisme-là je suis friand. Du côté des opprimés, des sans-voix, des victimes, Loach reçoit le Palme d'Or 2016 pour son film et c'est largement mérité.   


JOHN


(Ce poème est souvent attribué à William Blake (?), à Bishop Charles Henry Brent, ou encore à un anonyme)

“What is dying?
I am standing in the sea shore,
a ship sails to the morning breeze
and starts for the ocean.
She is an object of beauty
and I stand watching her
till at last she fades
on the horizon
and someone at my side says,
‘She is gone.’
Gone! Where?
Gone from my sight--that is all.
She is just as large in the masts, hull and spars
as she was when I saw her,
and just as able to bear her load of living
freight to its destination.
The diminished size and total loss of sight is in me,
not in her;
and just at the moment when someone at my side says,
'she is gone’
there are others who are watching her coming,
and others take up a glad shout--
‘There she comes!’ - and that is dying."




On a pu rêver un instant recevoir Ken Loach à Vierzon en tant que parrain de notre Arlésienne locale, le Festival du Film Social Vierzonnais. Bien sûr, ce ne fut pas le cas, mais rien n’empêche d’imaginer au moins en substance le contenu de son intervention. J’imagine qu’il aurait pu nous dire à peu près ceci.






    
J’entends souvent dire, et c’est logique, que mon film est un film triste, qui ne donne pas le moral, puisqu’il montre une réalité objectivement désespérante et que les personnages auxquels nous nous attachons sont agressés de toutes parts. 
Je voudrais au moins essayer de prendre le contrepied de ce point de vue. 

Pour moi, en effet, ce qui me déplaît profondément, c’est l’habituelle propagande médiatique qui présente le système libéral de l’Angleterre moderne comme une réussite absolue, où de prétendues réformes consistent essentiellement à casser les protections sociales et les services publics au nom de la libération des énergies productives et des nécessaires économies à effectuer. Un seul critère règne alors en maître : le faible taux de chômage : vous avez un emploi, vous êtes heureux. Mais moi, ce qui me fait du bien, c’est de rappeler fortement que l’important c’est de vivre dans de bonnes conditions. C’est avoir de bonnes conditions de travail, des loisirs, une vie de famille, un niveau de vie décent, un environnement favorable, un accès aux soins et à l’éducation, une espérance de vie qui ne soit pas dérisoire. 
Quand les cerveaux sont tordus dans le sens du libéralisme béat, il est bon de les tordre dans l’autre sens, et de montrer l’envers du décor : leur monde est celui de la précarité pour le plus grand monde, de la déshumanisation. Un esclave a beau connaître le plein emploi, il n’a pas de vie propre ni d’existence véritable. Dire cela, qui est atypique dans nos médias, c'est véritablement ce qui me paraît de nature à faire le plus de bien chez ceux qui pensent comme moi.

Bien sûr j’ai confronté mes personnages à des malheurs qui ne sont pas le quotidien de tous les sujets britanniques, mais cela existe aussi et si je ne le montre pas, qui le fera ? C’est ce que j’appelle redresser les cerveaux dans le bon sens. 
Complémentairement, Michael Moore allait dans le même sens que moi en montrant avec une insistance inhabituelle les bienfaits de tout ce qu’on voulait supprimer : les loisirs, les services publics,… Il rappelait que l’Amérique qui avait « inventé » des droits fondamentaux pour les travailleurs et les femmes, donc pour la famille, se trouvait désormais sur la pente d’une régression totale dans ces domaines. 
Semblablement mon pays, qui se trouvait historiquement en pointe en ce qui concerne les libertés individuelles, ne laisse plus aux individus privés des solidarités institutionnelles que le choix de subir ou de périr. Pourtant notre fameux Bill of Rights, réponse aux attaques contre notre précieux Habeas corpus, est de cent ans antérieur à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Révolution française.
Ce n’est pas par hasard que les séquences fortes du film sont celles où la mère de famille craque dans la banque alimentaire, et quand elle lit la lettre de son ami : J’accuse l’Etat de m’avoir privé de mes droits et de m’avoir tué. 

Or ce mauvais coup n’est pas le fait d’une fatalité transcendante et aveugle, il a des coupables car il est bien le fait des hommes eux-mêmes agissant contre d’autres hommes, voire bêtement ou servilement, contre eux-mêmes. Notre XXIe siècle si orgueilleux de ses progrès ressemble en fait de plus en plus au XIXe. Je n’ai alors qu’à reprendre les arguments classiques, ceux du Hugo des Misérables s’élevant contre la misère des enfants privés d’éducation et vivant comme Gavroche, des femmes poussées à la prostitution comme Fantine, ou des hommes condamnés pour tenter de survivre, comme Jean Valjean. On pense aussi à Zola montrant la misère ouvrière. Thatcher et Major, puis Blair, à la suite de Reagan, ont laissé derrière eux ces dévastations sinistres. 
En ce sens, dénoncer ces exactions et clouer au pilori les responsables, c’est faire acte de salubrité publique. On s’en trouve soulagé comme à la fin d’un roman policier quand le meurtrier est démasqué. Il est vrai qu’on s’en trouverait mieux encore s’il était définitivement mis hors d’état de nuire, ce qui est encore loin d’être le cas. 
Mon film, qui défend l’humain avant tout dans ce monde de cerveaux déshumanisés et robotisés, qui glorifie les solidarités de base en attendant qu’elles s’élargissent à l’ensemble du corps social, est bien un film résolument humaniste, et en conséquence, oui, je peux bien dire que c’est un sacré feel good movie. 

Mon point de vue n’est jamais mystérieux, je le revendique hautement, bref à quatre-vingts ans, je persiste et signe : ces personnages sont des héros, ils ont su gagner pleinement leur droit à la dignité auprès des spectateurs, et je proclame résolument qu’ils peuvent être fiers d’eux et de leur existence où rien ne leur a été épargné.  

 




Pour les hommes vêtus de blanc mais à l'âme noire, ce sont les injustices scandaleuses qui sont normales, et c'est écrire sur un mur qui est proprement inouï.
Il est certes des personnes qui compatissent et qui souhaitent aider - le manichéisme n'est jamais total - mais ce ne sont pas elles qui ont le pouvoir, et ce n'est pas un hasard.







Enfin, je reprends ici la remarque que je faisais en son temps à propos de Toni Erdmann, le film allemand de Maren Ade : 

Les réalisateurs les plus intéressants, ceux qui ont vocation à fournir des films à Ciné Rencontres, sont souvent ceux qui traquent les raisons de mauvaise conscience de leur société. Ainsi de Michael Moore à venir, ou de David Lynch pour ce même pays. Nous avons rencontré à la Fête des Associations un Iranien appartenant à une famille de cinéastes contestataires. Et aussi un acteur qui a tourné avec Mocky, une référence pour ce qui concerne la France, comme l’ont été Chabrol ou Godard en leur temps. En littérature, Hugo Claus a réveillé son pays avec Le chagrin des Belges. 


Il faut maintenant ajouter Ken Loach pour l'Angleterre, et c'est bien le moins.

Les précédents :
https://cinegraphe.blogspot.fr/2016/10/where-to-invade-next.html

https://cinegraphe.blogspot.fr/2016/09/toni-erdmann.html


Mieux vaut tard que jamais... vraiment?...

En se réveillant ce lundi 7 novembre, à trois jours du départage électoral aux Etats-Unis, voilà qu'on voit sur nos écrans Hillary Clinton marteler d'un ton péremptoire: "Je pense qu'il faudrait consolider le salaire minimum, car il n'est pas normal qu'on travaille à plein temps et qu'on soit dans la pauvreté!"
Ben voyons... Il est temps de se réveiller, en effet.
La semaine dernière, elle proposait de le relever de 7,25 à 12 dollars de l'heure. Pour obtenir un salaire comparable au salaire de base français, de 9,61 euros, il faudrait suivre les recommandations de Bernie Sanders qui voulait aller jusqu'à 15 euros. Quant aux modalités pratiques d'accès à ce graal minimum, mieux vaut ne pas en parler.



Berry républicain 26 octobre 2016













Et pour ne pas oublier...

N’hésitez pas à visiter la page de l’actualité de novembre,
 qui concerne :

Le salon du livre de Vierzon
L'Université populaire du Pays de Vierzon
Le café repaire
Le musée de Vierzon
Le cycle Cinéma et psychanalyse

https://cinegraphe.blogspot.fr/2016/11/actu-novembre-2016.html





COMPLEMENTS, PROGRAMMES, PHOTOS, BANDES ANNONCES,...
    Cliquez sur le lien ou sur l'image.

http://cinelumiere-vierzon.info/



Vous n'avez pas manqué de remarquer la rubrique ART ET ESSAI... et le lien
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NOUVEAU. Tarif de 5 euros sur présentation de la carte d'adhérent de Ciné-rencontres à la caisse.  (Ce tarif est appliqué uniquement sur les films sélectionnés dans le programme de Ciné-rencontres.)
N'hésitez pas à nous la demander.
Rappel du tarif d'adhésion: 10 euros pour un an (de date à date) avec possibilité d'affilier 2 personnes si on le souhaite pour ce montant (chacune aura sa carte, ce qui revient à 5 euros l'adhésion avec cette option couple" au sens très large: amis, relations,...). 5 euros pour étudiant ou chômeur (possibilité également d'adhésion "couple", ce qui revient alors à 2,50 euros).
Ne vous souciez pas de la date de renouvellement: nous vous contacterons le moment venu. 












Vous pouvez remplir cette fiche chez vous, après l'avoir copiée et collée (par exemple) dans un traitement de texte (Word,...). 


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Précision utile: les séances Ciné Rencontres sont ouvertes à tous, et pas seulement aux membres de l'association. Même chose pour notre pot d'après débat.




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