18ème séance avec débat
50 NUANCES DE GREY
Film américain de Sam Taylor-Johnson
Genre : érotique, drame.
avec Jamie Dornan, Dakota Johnson... (2014 - 1h50)
CINE DEBAT VENDREDI 13 FEVRIER à 20h30
Le gris, c’est entre le blanc et le noir. En fait, on a
décliné toute la gamme dans le débat avec le peu qui restait du public si
énorme pourtant au départ dans cette grande salle 1. On s’est regroupés en bas,
sans micros devenus du coup inutiles. Comme la dame qui pensait que ce serait
difficile de parler juste après un tel film. Mais on a l’habitude. Les jeunes
qui s’expriment surtout par leurs mimiques ou leurs regards, et à qui on prête
trop rapidement des opinions que visiblement ils n’ont pas. Les couples où le
mari reste impénétrable et sur la réserve tandis que la femme à côté approuve
énergiquement de la tête. Celle qui a supporté très mal les six coups de fouets
violents, et qui ne veut pas entendre qu’ils sont « maîtrisés » par
la femme et qu'ils mettent surtout en valeur la révolte libératrice de cette
dernière. Débat inégal d’où fuit le plus grand nombre, où la majorité restante
trouve le film mauvais voire nuisible, où une toute petite minorité se bat les
flancs pour montrer quel est son intérêt et se fait l’avocat du diable. Mais
personnellement, comme Piaf, je trouve cela instructif à observer et à
constater, et comme Piaf, Non, rien de rien, non, je ne regrette rien !
Alors, plutôt que de rester dans le gris moyen où l’on
parvient à force de confronter ses opinions en tête à tête après des
concessions réciproques, je préfère incarner des opinions volontairement
radicalisées dans des nuances de Grey capables d’embrasser une large gamme.
Mais sans doute pas jusqu’à 50 (je ne vais pas compter).
50 nuances de Grey (ou presque).
Grey Porn. Film
décevant. On m’a annoncé des scènes de sexe, eh bien on n’en voit pratiquement
pas. Rien que du soft, effectivement les Français ont raison, c’est tout juste
bon pour émoustiller quelques ados boutonneux à peine au-delà de 12 ans. Sans
doute que plusieurs de ceux-là arrivent sur la page « Lulu femme
nue » de notre blog et repartent
semblablement déçus.
Grey Soft. Film remarquable. Rien vu de plus réussi depuis Emmanuelle.
Dakota Johnson et Sylvia Kristel même combat. Restera sans l’histoire du cinéma
comme une date majeure. Rien à voir avec ces films de mauvais goût qui ont fait
scandale en leur temps, comme le Dernier Tango, La Grande Bouffe, ou plus
récemment le trop sulfureux Possession d’Andrzej Zulawski, réalisateur pervers
qui a imposé son sadisme à la pauvre Isabelle Adjani.
Grey Libert. Moyen. L’ambivalence sadienne est à l’œuvre.
Attitude dégueulasse de sale type si on le prend au premier degré, mais
explosif et progressiste si on le prend comme un message artistique. Français,
encore un effort pour devenir républicains, disait Sade. Une provocation, édulcorée pour les foules modernes, des Liaisons dangereuses de Choderlos
de Laclos et de Stephen Frears. Valmont et Merteuil. Le libertin digne de ce nom
réussit à ne pas se laisser contaminer par l’amour. Ici, l’amour au sens un peu
midinette du terme l’emporte un peu trop facilement. Mais il y a des éléments
intéressants à considérer. Le libertinage comme arme de guerre contre les
absolutismes de l’ancien régime et les pouvoirs religieux complices. Et il y a
encore bien des Bastilles à prendre.
Grey Milit. Plutôt un bon film. On part sur un truc macho
rempli de clichés de sitcoms sur le mec riche qui tombe toutes les nanas
hystérisées par son fric. En fait, il tombe sur un os alors qu’il voulait un
godemiché (pardon…). La nana-objet montre qu’elle a des armes et qu’elle sait
s’en servir. Elle fait sauter en éclat les règles puériles et odieuses du macho
et impose les siennes qui sont celles de l’humanisme et de la dignité féminine.
Comme ces films iraniens où l’homme qui parade dans la rue file comme un toutou
dans le foyer où règnent les femmes. Un
film à montrer à toutes les femmes battues qui trouveront là motif à ne pas
accepter la violence de leur conjoint sous prétexte qu’elles ont leur homme
dans la peau. S’il y avait un prix Simone de Beauvoir au cinéma, je le
donnerais sans hésiter à ce grand film féministe.
Grey Educ. Une leçon moderne d’éducation sentimentale. A
faire voir à toutes les jeunes filles qui ont peur que leur copain inoffensif
qui leur prend si tendrement la main en public ne se révèle une brute à la
sexualité rude genre DSK en privé. Le fait de coucher à côté ne suffit pas à
conférer le label du faire l’amour positif (DSK n’était pas à des kilomètres de
ses proies). La baise n’est pas réservée à la salle de jeu (délicat
euphémisme…). Lisez Perrault quand même dans la foulée (Le Petit Chaperon Rouge
et son loup, Barbe-Bleue et son placard,…). Comment appréhender le danger. Le
prix de la Rosière ou de la Catherinette du cinéma.
Grey Prem. Celui qui prend tout au premier degré. S’ennuie
profondément. Ne trouve rien à quoi se raccrocher.
Grey Subt. Un film subtil (eh oui !) qui joue
habilement des clichés pour mieux vous piéger et stimuler votre intérêt en vous
lançant des défis permanents. Fait semblant de vous prendre pour un con. La
voiture, elle est pour moi. Ah ! non, c’est trop… alors qu’il est
plein aux as. Je mets mon argent au service des déshérités parce que j’ai
connu la faim… c’est peut-être vrai mais ce n’est pas le moment si on veut
être un minimum crédible. Mais les regards où se jouent véritablement les
rapports de force, les échanges amoureux avec fêlures, risques, fragilités,
failles,… expriment une réalité sur un tout autre niveau. Riche matière à
psychanalyse dans les failles de cet enfant de prostituée maltraité qui porte
ses stigmates, qui se sent dangereux sans pouvoir s’en empêcher et qui voudrait
sans réussite en préserver celle que malgré lui il aime. Complexe, non ?
Les grands films hollywoodiens sur l’inquiétude diffuse ne sont pas loin. Hantise,
de George Kukor (Charles Boyer, Ingrid Bergman), presque tout Hitchcock (si
sadique avec la grand-mère Tippi Hedren), Fritz Lang Le secret derrière la
porte.
Grey Fantast. Pas besoin de pousser beaucoup pour faire les
rapprochements avec ces métaphores de l’attrait/risque amoureux dans le genre
fantastique. Les contes, bien sûr, la mythologie, les séries US,… Le jeune
homme séduisant vampire ou loup garou (Eloigne-toi de moi…). La Bête et la
Belle (ou l’inverse).
Grey Cinéph. Les référence cinéphiliques dont le film est
émaillé et qui sert d’antidote à ceux qui seraient tenté de dormir. La jeune
fille conduite au monstre de Frankenstein à la fois dangereux et si profondément
humain, à King Kong dans le cas extrême (Max mon amour…), à Dracula ou
Nosfératu. Et le serviteur
intermédiaire à la fois complice de la victime et serviteur fidèle des
perversions de son maître. Sans parler de la grande comédie américaine, ombres
de Cary Grant, Spencer Tracy, Katherine Hepburn. Les femmes promptes à
renverser les rôles de soumises où on voudrait les confiner. Howard Hawks,
l’indépassable référence.
Grey Esthet. Une mise en scène sans imagination mais léchée
cependant et sans grande faille. Se laisse voir, mais trop complaisante aussi
ce qui entraîne pas mal de longueurs propices à sécréter une bonne dose
d’ennui. Dans les meilleurs moments, fait penser à l’esthétisant et coréen L’ivresse
de l’argent. Cependant, question mise en scène, n’est pas non plus Bernardo Bertolucci qui veut…
Grey Evol. Tout dans ce film (parfois un peu trop) nous
montre que les rapports entre les personnages évoluent dans un sens
progressiste et humaniste, en faveur de la femme et de la partie sensible qui
est dans l’homme. La scène de la porte de l’ascenseur qui se ferme, motif
récurrent qui souligne à quel point ces plans si semblables sont dans des
contextes bien différents, et les chansons : Je t’ai jeté
un sort au début, Tu es ma sorcière préférée ensuite.
Tout est dit dans le changement des rapports de force. Plus les femmes imposent
leur dignité, plus la société avance sur le chemin de la civilisation.
Rabelais, si grossier pour beaucoup de délicats, ne disait pas autre chose.
Grey Socio. Un phénomène sociologique indéniable dont il
faudra bien que les pisse-froid qui méprisent le populo rendent compte d’une
manière ou d’une autre. Se boucher le nez en faisant le délicat ne facilite pas
la compréhension de ses contemporains. Pas le choix, on vit avec.
Grey Polit. Toutes ces société dictatoriales et rétrogrades
qui maintiennent leur pouvoir médiéval en faisant de la femme un objet de
consommation privée voient arriver ce film d’un œil mauvais. Film libérateur,
comme le rire dans le scriptorium du Nom de la Rose, Rabelais dans la Renaissance, Voltaire dans les Lumières.
Au cinéma, le prix Charlie est à créer d’urgence. Il n’y a qu’à voir ces
critères d’interdiction où les décapitations atroces, les massacres à la
tronçonneuse, les pires tortures, les
sévices les plus dégradants, la propagande nazie, les jeux de guerre
réalistes,… sont considérés comme plus acceptables pour la jeunesse que la vue
d’un sein ou d’un corps dénudé. La carte des projections du film montrera en
blanc les zones de dictatures liberticides. On n’est pas obligé d’aimer, mais
le pire serait bien la censure de ce film. Fim thermomètre politique fiable.
Grey Rom. Romantique je suis et romantique veux être.
Désolé, mais mes ébats sont privés. Les voir étalés à l’écran avec cette
crudité casse le charme. Pas pour moi, merci. Aucun goût pour les perversions
ni les partouses. Je circule, je ne veux pas voir. Aux faisceaux des phallus on
verra pas la mien , comme disait Brassens. Bande à part sacrébleu c’est ma
règle et j’y tiens. Messieurs les voyeurs, bonsoir !
Grey Tartuf. Bon d’accord, on a peut-être perdu
définitivement notre public sur ce coup-là. ils étaient bien peu dans cette
foule étrange rétive aux débats intellectuels après les ébats d’où ils sortent
repus ou déçus, c’est selon. Mais c’est pas notre faute, c’est Francis qui nous
a entraînés dans cette galère. En ne se dégonflant pas, en relevant ce genre de
défis idiots, on s’est coulés, et peut-être définitivement noyés.
Grey Lefranc. Cachons au moins notre poltronnerie d’un voile
un peu moins médiocre, et assumons nos choix. On a assez répété qu’on était
prêts à débattre avec n’importe quel film, qu’il soit bon ou non, qu’on
l’apprécie ou qu’on veuille le jeter à la poubelle. Pas sûr qu’on ne cite pas
un jour ce film comme un exemple éclatant de notre ouverture d’esprit, de notre
absence d’esprit sectaire cinématographiquement parlant, de notre minimum de
courage enfin. Comme on utilise bien l’alibi du Da Vinci code pour prouver
qu’on ne s’enferme pas dans le ghetto étroit de l’art et essai. Ouvrons la
fenêtre, au risque de l’air pur… ou de l’air pas vraiment très pur. Mais
ouvrons la fenêtre !
Une réaction hyperbolique de JMB,
et si je n’ai pas
rougi en voyant le film, c’est maintenant fait devant tant de compliments !
Cette séance de cinéma était indispensable . En effet elle a
permis que de la plume de JMF sorte à gros bouillons une encre libératrice
accouchant de ce morceau d'anthologie ! Quel régal de lire et relire cet
"exercice de style"...Repose toi ,ô Jean-Marie , tu as bien mérité de
la langue française , de la critique cinématographique , de l'érotismophilie,
de ciné rencontre, qui en toi, a retrouvé les parfums de Queneau et d'Edmond
Rostand . Ce texte mérite ,ô combien , de franchir une notoriété régionale .
L'Anastasie du prolo
François Béranger
Tango de l’ennui
(la fin)
S'engouffrer au vestiaire, cavaler pour pointer
Enlever sa casquette devant l'chef
Faire tourner la machine, baigner toute la journée
Dans l'huile polluée, quelle santé
Surtout ne pas parler
Mais ne pas trop réver
C'est comme ça qu'les accidents arrivent
Et puis le soir venu repartir dans l'autre sens
Pour le même enthousiasmant voyage
Anastasie, l'ennui m'anesthésie
Heureusement un jour, sur le Pont de Sévres Montreuil
Dans le bain de vapeur quotidien
Dans la demi conscience, au hasard d'un chaos
J'ai senti dans mon dos tes deux seins
Je me suis retourné
Je t'ai bien regardée
Et j'ai mis mes deux mains sur tes seins
Tu m'as bien regardé et tu n'a pas bronché
Bien lieux tu a souri et j'ai dit:
Anastasie, l'ennui m'anesthésie
Tu t'appelais Ernestine ou peut-être Honorine
Mais moi je préfére Anastasie
On a été chez moi, ça a duré des mois
J'ai oublié d'aller chez Ptit Louis
Qu'est-ce qu'on peut voyager
Dans une petite carrée
Tu m'as emmené partout ou c'est bon
Et puis un jour comme ça pour éviter l'ennui
On a décidé d'se séparer
Anastasie, l'ennui m'anesthésie
La morale de c'tango tout à fait utopique
Mais c'est pas interdit de réver
C'est que si tous les prolos au lieu d'aller pointer
Décidaient un jour de s'arréter
Pour aller prendre leur pied ou que ça leur plairait
Ca serait bien moins polluant que l'ennui
Y'aurait plus d'gars comme moi
Comme j'étais autrefois
qui se répéteraient tout le temps pour tuer l'temps
Anastasie, l'ennui m'anesthésie
Pas de printemps pour Anastasia? Pas si sûr. Attendons les suites qui ne manqueront pas d'être tournées prochainement.
Anastasia contre Anastasie. La liberté conquise contre la censure.
Spécialiste
A un moment, on s’est posé la question d’avoir un
spécialiste sur le sujet. Pour ma part, je n’en connais qu’un, et c’est bien sûr Woody
Allen.
Et enfin, pour tenter d'introduire un peu de douceur kitch dans ce monde de rudes, je vous propose un petit voyage dans le village berrichon voisin de Saint-Valentin dans l'Indre.
Commentaires difficiles?
On m'a signalé qu'on ne parvenait pas à laisser des commentaires sur ce blog. Je crois qu'on peut y parvenir (merci Jonathan qui me l'a signalé) en utilisant dans le menu déroulant la signature du bas qui est Anonyme.
Comment laisser un commentaire? C'est expliqué en bas de cette page. On peut signer comme on veut dans le message. Par exemple je rajoute:
RépondreSupprimerJMF