samedi 14 février 2015

50 NUANCES DE GREY



18ème séance avec débat

«Ciné Rencontres» ne recule devant rien et propose un Ciné Débat exceptionnel autour de l’adaptation du roman sulfureux à succès...

50 NUANCES DE GREY

Film  américain de Sam Taylor-Johnson 
Genre : érotique, drame.

avec Jamie Dornan, Dakota Johnson... (2014 - 1h50)



CINE DEBAT VENDREDI 13 FEVRIER à 20h30


Le gris, c’est entre le blanc et le noir. En fait, on a décliné toute la gamme dans le débat avec le peu qui restait du public si énorme pourtant au départ dans cette grande salle 1. On s’est regroupés en bas, sans micros devenus du coup inutiles. Comme la dame qui pensait que ce serait difficile de parler juste après un tel film. Mais on a l’habitude. Les jeunes qui s’expriment surtout par leurs mimiques ou leurs regards, et à qui on prête trop rapidement des opinions que visiblement ils n’ont pas. Les couples où le mari reste impénétrable et sur la réserve tandis que la femme à côté approuve énergiquement de la tête. Celle qui a supporté très mal les six coups de fouets violents, et qui ne veut pas entendre qu’ils sont « maîtrisés » par la femme et qu'ils mettent surtout en valeur la révolte libératrice de cette dernière. Débat inégal d’où fuit le plus grand nombre, où la majorité restante trouve le film mauvais voire nuisible, où une toute petite minorité se bat les flancs pour montrer quel est son intérêt et se fait l’avocat du diable. Mais personnellement, comme Piaf, je trouve cela instructif à observer et à constater, et comme Piaf, Non, rien de rien, non, je ne regrette rien !

Alors, plutôt que de rester dans le gris moyen où l’on parvient à force de confronter ses opinions en tête à tête après des concessions réciproques, je préfère incarner des opinions volontairement radicalisées dans des nuances de Grey capables d’embrasser une large gamme. Mais sans doute pas jusqu’à 50 (je ne vais pas compter).

50 nuances de Grey (ou presque).

Grey Porn. Film décevant. On m’a annoncé des scènes de sexe, eh bien on n’en voit pratiquement pas. Rien que du soft, effectivement les Français ont raison, c’est tout juste bon pour émoustiller quelques ados boutonneux à peine au-delà de 12 ans. Sans doute que plusieurs de ceux-là arrivent sur la page « Lulu femme nue »  de notre blog et repartent semblablement déçus.

Grey Soft. Film remarquable. Rien vu de plus réussi depuis Emmanuelle. Dakota Johnson et Sylvia Kristel même combat. Restera sans l’histoire du cinéma comme une date majeure. Rien à voir avec ces films de mauvais goût qui ont fait scandale en leur temps, comme le Dernier Tango, La Grande Bouffe, ou plus récemment le trop sulfureux Possession d’Andrzej Zulawski, réalisateur pervers qui a imposé son sadisme à la pauvre Isabelle Adjani.

Grey Libert. Moyen. L’ambivalence sadienne est à l’œuvre. Attitude dégueulasse de sale type si on le prend au premier degré, mais explosif et progressiste si on le prend comme un message artistique. Français, encore un effort pour devenir républicains, disait Sade. Une provocation, édulcorée pour les foules modernes, des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et de Stephen Frears. Valmont et Merteuil. Le libertin digne de ce nom réussit à ne pas se laisser contaminer par l’amour. Ici, l’amour au sens un peu midinette du terme l’emporte un peu trop facilement. Mais il y a des éléments intéressants à considérer. Le libertinage comme arme de guerre contre les absolutismes de l’ancien régime et les pouvoirs religieux complices. Et il y a encore bien des Bastilles à prendre.

Grey Milit. Plutôt un bon film. On part sur un truc macho rempli de clichés de sitcoms sur le mec riche qui tombe toutes les nanas hystérisées par son fric. En fait, il tombe sur un os alors qu’il voulait un godemiché (pardon…). La nana-objet montre qu’elle a des armes et qu’elle sait s’en servir. Elle fait sauter en éclat les règles puériles et odieuses du macho et impose les siennes qui sont celles de l’humanisme et de la dignité féminine. Comme ces films iraniens où l’homme qui parade dans la rue file comme un toutou dans le foyer où règnent les femmes.  Un film à montrer à toutes les femmes battues qui trouveront là motif à ne pas accepter la violence de leur conjoint sous prétexte qu’elles ont leur homme dans la peau. S’il y avait un prix Simone de Beauvoir au cinéma, je le donnerais sans hésiter à ce grand film féministe.

Grey Educ. Une leçon moderne d’éducation sentimentale. A faire voir à toutes les jeunes filles qui ont peur que leur copain inoffensif qui leur prend si tendrement la main en public ne se révèle une brute à la sexualité rude genre DSK en privé. Le fait de coucher à côté ne suffit pas à conférer le label du faire l’amour positif (DSK n’était pas à des kilomètres de ses proies). La baise n’est pas réservée à la salle de jeu (délicat euphémisme…). Lisez Perrault quand même dans la foulée (Le Petit Chaperon Rouge et son loup, Barbe-Bleue et son placard,…). Comment appréhender le danger. Le prix de la Rosière ou de la Catherinette du cinéma.

Grey Prem. Celui qui prend tout au premier degré. S’ennuie profondément. Ne trouve rien à quoi se raccrocher.

Grey Subt. Un film subtil (eh oui !) qui joue habilement des clichés pour mieux vous piéger et stimuler votre intérêt en vous lançant des défis permanents. Fait semblant de vous prendre pour un con. La voiture, elle est pour moi. Ah ! non, c’est trop… alors qu’il est plein aux as. Je mets mon argent au service des déshérités parce que j’ai connu la faim… c’est peut-être vrai mais ce n’est pas le moment si on veut être un minimum crédible. Mais les regards où se jouent véritablement les rapports de force, les échanges amoureux avec fêlures, risques, fragilités, failles,… expriment une réalité sur un tout autre niveau. Riche matière à psychanalyse dans les failles de cet enfant de prostituée maltraité qui porte ses stigmates, qui se sent dangereux sans pouvoir s’en empêcher et qui voudrait sans réussite en préserver celle que malgré lui il aime. Complexe, non ? Les grands films hollywoodiens sur l’inquiétude diffuse ne sont pas loin. Hantise, de George Kukor (Charles Boyer, Ingrid Bergman), presque tout Hitchcock (si sadique avec la grand-mère Tippi Hedren), Fritz Lang Le secret derrière la porte.

Grey Fantast. Pas besoin de pousser beaucoup pour faire les rapprochements avec ces métaphores de l’attrait/risque amoureux dans le genre fantastique. Les contes, bien sûr, la mythologie, les séries US,… Le jeune homme séduisant vampire ou loup garou (Eloigne-toi de moi…). La Bête et la Belle (ou l’inverse).

Grey Cinéph. Les référence cinéphiliques dont le film est émaillé et qui sert d’antidote à ceux qui seraient tenté de dormir. La jeune fille conduite au monstre de Frankenstein à la fois dangereux et si profondément humain, à King Kong dans le cas extrême (Max mon amour…), à Dracula ou Nosfératu.  Et le serviteur intermédiaire à la fois complice de la victime et serviteur fidèle des perversions de son maître. Sans parler de la grande comédie américaine, ombres de Cary Grant, Spencer Tracy, Katherine Hepburn. Les femmes promptes à renverser les rôles de soumises où on voudrait les confiner. Howard Hawks, l’indépassable référence.

Grey Esthet. Une mise en scène sans imagination mais léchée cependant et sans grande faille. Se laisse voir, mais trop complaisante aussi ce qui entraîne pas mal de longueurs propices à sécréter une bonne dose d’ennui. Dans les meilleurs moments, fait penser à l’esthétisant et coréen L’ivresse de l’argent. Cependant, question mise en scène,  n’est pas non plus Bernardo Bertolucci qui veut…

Grey Evol. Tout dans ce film (parfois un peu trop) nous montre que les rapports entre les personnages évoluent dans un sens progressiste et humaniste, en faveur de la femme et de la partie sensible qui est dans l’homme. La scène de la porte de l’ascenseur qui se ferme, motif récurrent qui souligne à quel point ces plans si semblables sont dans des contextes bien différents, et les chansons : Je t’ai jeté un sort au début, Tu es ma sorcière préférée ensuite. Tout est dit dans le changement des rapports de force. Plus les femmes imposent leur dignité, plus la société avance sur le chemin de la civilisation. Rabelais, si grossier pour beaucoup de délicats, ne disait pas autre chose.

Grey Socio. Un phénomène sociologique indéniable dont il faudra bien que les pisse-froid qui méprisent le populo rendent compte d’une manière ou d’une autre. Se boucher le nez en faisant le délicat ne facilite pas la compréhension de ses contemporains. Pas le choix, on vit avec.

Grey Polit. Toutes ces société dictatoriales et rétrogrades qui maintiennent leur pouvoir médiéval en faisant de la femme un objet de consommation privée voient arriver ce film d’un œil mauvais. Film libérateur, comme le rire dans le scriptorium du Nom de la Rose, Rabelais dans  la Renaissance, Voltaire dans les Lumières. Au cinéma, le prix Charlie est à créer d’urgence. Il n’y a qu’à voir ces critères d’interdiction où les décapitations atroces, les massacres à la tronçonneuse,  les pires tortures, les sévices les plus dégradants, la propagande nazie, les jeux de guerre réalistes,… sont considérés comme plus acceptables pour la jeunesse que la vue d’un sein ou d’un corps dénudé. La carte des projections du film montrera en blanc les zones de dictatures liberticides. On n’est pas obligé d’aimer, mais le pire serait bien la censure de ce film. Fim thermomètre politique fiable.

Grey Rom. Romantique je suis et romantique veux être. Désolé, mais mes ébats sont privés. Les voir étalés à l’écran avec cette crudité casse le charme. Pas pour moi, merci. Aucun goût pour les perversions ni les partouses. Je circule, je ne veux pas voir. Aux faisceaux des phallus on verra pas la mien , comme disait Brassens. Bande à part sacrébleu c’est ma règle et j’y tiens. Messieurs les voyeurs, bonsoir !

Grey Tartuf. Bon d’accord, on a peut-être perdu définitivement notre public sur ce coup-là. ils étaient bien peu dans cette foule étrange rétive aux débats intellectuels après les ébats d’où ils sortent repus ou déçus, c’est selon. Mais c’est pas notre faute, c’est Francis qui nous a entraînés dans cette galère. En ne se dégonflant pas, en relevant ce genre de défis idiots, on s’est coulés, et peut-être définitivement noyés.

Grey Lefranc. Cachons au moins notre poltronnerie d’un voile un peu moins médiocre, et assumons nos choix. On a assez répété qu’on était prêts à débattre avec n’importe quel film, qu’il soit bon ou non, qu’on l’apprécie ou qu’on veuille le jeter à la poubelle. Pas sûr qu’on ne cite pas un jour ce film comme un exemple éclatant de notre ouverture d’esprit, de notre absence d’esprit sectaire cinématographiquement parlant, de notre minimum de courage enfin. Comme on utilise bien l’alibi du Da Vinci code pour prouver qu’on ne s’enferme pas dans le ghetto étroit de l’art et essai. Ouvrons la fenêtre, au risque de l’air pur… ou de l’air pas vraiment très pur. Mais ouvrons la fenêtre !




Qui est le plus diabolique, Sade ou l’Inquisition ?




Une réaction hyperbolique de JMB
et si je n’ai pas rougi en voyant le film, c’est maintenant fait devant tant de compliments !

Cette séance de cinéma était indispensable . En effet elle a permis que de la plume de JMF sorte à gros bouillons une encre libératrice accouchant de ce morceau d'anthologie ! Quel régal de lire et relire cet "exercice de style"...Repose toi ,ô Jean-Marie , tu as bien mérité de la langue française , de la critique cinématographique , de l'érotismophilie, de ciné rencontre, qui en toi, a retrouvé les parfums de Queneau et d'Edmond Rostand . Ce texte mérite ,ô combien , de franchir une notoriété régionale .






L'Anastasie du prolo




François Béranger
Tango de l’ennui
     (la fin)

S'engouffrer au vestiaire, cavaler pour pointer
Enlever sa casquette devant l'chef
Faire tourner la machine, baigner toute la journée
Dans l'huile polluée, quelle santé
Surtout ne pas parler
Mais ne pas trop réver
C'est comme ça qu'les accidents arrivent
Et puis le soir venu repartir dans l'autre sens
Pour le même enthousiasmant voyage

Anastasie, l'ennui m'anesthésie

Heureusement un jour, sur le Pont de Sévres Montreuil
Dans le bain de vapeur quotidien
Dans la demi conscience, au hasard d'un chaos
J'ai senti dans mon dos tes deux seins
Je me suis retourné
Je t'ai bien regardée
Et j'ai mis mes deux mains sur tes seins
Tu m'as bien regardé et tu n'a pas bronché
Bien lieux tu a souri et j'ai dit:

Anastasie, l'ennui m'anesthésie

Tu t'appelais Ernestine ou peut-être Honorine
Mais moi je préfére Anastasie
On a été chez moi, ça a duré des mois
J'ai oublié d'aller chez Ptit Louis
Qu'est-ce qu'on peut voyager
Dans une petite carrée
Tu m'as emmené partout ou c'est bon
Et puis un jour comme ça pour éviter l'ennui
On a décidé d'se séparer

Anastasie, l'ennui m'anesthésie

La morale de c'tango tout à fait utopique
Mais c'est pas interdit de réver
C'est que si tous les prolos au lieu d'aller pointer
Décidaient un jour de s'arréter
Pour aller prendre leur pied ou que ça leur plairait
Ca serait bien moins polluant que l'ennui
Y'aurait plus d'gars comme moi
Comme j'étais autrefois
qui se répéteraient tout le temps pour tuer l'temps

Anastasie, l'ennui m'anesthésie








Pas de printemps pour Anastasia? Pas si sûr. Attendons les suites qui ne manqueront pas d'être tournées prochainement. 




Anastasia contre Anastasie. La liberté conquise contre la censure.





 Spécialiste
A un moment, on s’est posé la question d’avoir un spécialiste sur le sujet. Pour ma part, je n’en connais qu’un, et c’est  bien sûr Woody Allen.
























Et enfin, pour tenter d'introduire un peu de douceur kitch dans ce monde de rudes, je vous propose un petit voyage dans le village berrichon voisin de Saint-Valentin dans l'Indre. 













Photos Soraya Aliche






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1 commentaire:

  1. Comment laisser un commentaire? C'est expliqué en bas de cette page. On peut signer comme on veut dans le message. Par exemple je rajoute:
    JMF

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