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séance avec débat |
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En l’occurrence le hasard fait plutôt mal les choses : c’est la deuxième fois qu’on passe un film sur l’Irlande pendant que notre référent naturel est éloigné à Cannes. La première fois, c’était pour The quiet girl, basé, autre hasard, sur une nouvelle de la même autrice que pour ce film-ci, Claire Keegan. Son titre en français était Les Trois Lumières, et en anglais Foster, mot qui dénote l’idée de « placement ». Ici également l’idée de placement est au cœur du film, mais il faut en retenir toute la gamme des connotations, car s’il est des placements très heureux, il en est aussi de parfaitement scandaleux. Cette fois, le roman inspirant s’intitule en français Ce genre de petites choses, en anglais Small Things like These, et en Grande-Bretagne c’est également le titre retenu pour le film. La polysémie du mot « chose », surtout en anglais mais pas seulement (on pense au Petit chose de Daudet) nous invite à considérer des objets (comme un cadeau de noël, un puzzle par exemple), des abstractions (comme la fatalité ou la solitude), ou encore des enfants (des filles surtout ici, mais aussi des garçons). Toutes ces « choses » sont lourdement chargées d’un potentiel d’émotion considérable, bien rendu par l’expression « poor little things » que le contexte du film ne peut qu’interpréter dans le sens d’une immense pitié et d’une grande colère.
La sobriété de la mise en scène, qui n’a pas manqué de convoquer les parentés avec Bresson ou Dreyer, et le jeu tout en retenu de Cillian Murphy, donnent encore plus de force à une violence sourde, et d’autant plus insupportable qu’elle ne peut s’exprimer au grand jour. Elle se révèle donc là encore par des « petites choses », comme cette petite larme qui lui échappe de temps à autre, et qui coule lentement sur son visage figé dans la douleur.
La cause de tout cela ? La misère, certes, qui colle à la peau de l’Irlande depuis les temps immémoriaux, cible privilégiée des agressions de son puissant voisin anglais, mais aussi du fait de l’hypocrisie d’un système de gouvernement répressif allié à un pouvoir religieux acteur sans vergogne d’une exploitation qui confine à l’esclavage. Car le Seigneur est bon et miséricordieux, mais seulement pour ceux qui le craignent. Et on est présumé ne pas le craindre, dès lors qu’on est marginalisé par ce qui est réputé être une tare sociale, comme le fait d’être fille-mère, d’avoir subi un viol, d’être une orpheline. Celles-là sont les proies toutes désignées des sœurs de charité qui sont en réalité des sœurs d’oppression. Bien sûr les classes sociales pauvres sont concernées en grande majorité, mais dans des familles aisées on rejette aussi l’enfant qui peut attirer, par son destin malheureux ou son comportement déviant, la honte sur le clan familial tout entier.
Bill, homme bon par nature, n’adhère pas à cet état de fait. Mais il est piégé par les contraintes de son environnement. J’avais soupçonné que la banale traduction du sous-titre (« les sœurs ont le bras long » ne rendait pas pleinement la force du propos en anglais (« les sœurs ont le doigt dans votre tarte »), et Helen, en l’absence de John, a précisément confirmé le surcroît d’emprise sur la vie des gens, jusque dans leur intimité, véhiculé par l’expression anglaise. Je suis déjà trop long, mais je ne peux pas ne pas évoquer la force des silences, la tension dans les regards échangés, par exemple avec ce jeune garçon surpris à boire de l’eau dans un récipient ramassé par terre. On est d’emblée chez Dickens, dont le roman David Copperfield n’est pas mentionné dans le film par hasard.
Pendant une dizaine d’années encore le linge sale de la bonne société, au propre et au figuré, sera lavé par ces jeunes filles esclaves ignominieusement sacrifiées. Il faudra d’autres prise de conscience, après celle de Bill, pour ce scandale irlandais cesse. Intérêt pour notre temps ? Que cela ne se reproduise plus, d’abord, et que les victimes encore en vie obtiennent une réparation, même nécessairement insuffisante.
Des liens pour qui voudrait approfondir :
https://cinegraphe.blogspot.com/2023/05/the-quiet-girl.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Couvent_de_la_Madeleine
https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Magdalene_Sisters
https://www.amazon.fr/Poor-Little-Thing-Shall-Endure/dp/1660088186
https://dictionary.langeek.co/en/word/213229?entry=have%20a%20finger%20in%20the%20pie
https://fr.wikisource.org/wiki/La_L%C3%A9gende_des_si%C3%A8cles/Les_Pauvres_gens
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Zone_d%27int%C3%A9r%C3%AAt
Jean-Marie
(Le lendemain soir): Je sors de voir le film de Cédric Klapisch La venue de l'avenir. Si je peux me permettre une recommandation, je dirai: Si vous allez bien, et plus encore si vous n'avez pas trop le moral, allez voir ce film, il vous fera du bien.
J'avais envie de voir ce film, grâce à votre mail nous y sommes allés cet après midi.
Oui, on est en Irlande, oui, la misère y est tenace à cet époque d'exil, mais j'y vois plus une justification de ce qu'on appelle " la servitude volontaire " des humbles gens face à l'Autorité du Pouvoir, la bistrotière le met en garde et de se taire, et la Mère supérieure lui donne une belle somme pour l'inciter au silence, et cela nous ramène au récent épisode de l'affaire Bétharram et les oublis de Bayrou !!!, comme quoi l'Histoire n'est qu'un éternel recommencement depuis la nuit des temps > à la fin de la vie sur notre bonne vieille Terre......... la fin du film (est une bouffée d'oxygène et d'espoir) où Bill rejoue (ce qu'il aurait dû faire lors de sa première rencontre) le sauvetage de cette pauvre fille sur le tas de charbon, et enceinte dans un lieu aussi fermé, bizarre !!! ce doit être le Père Noël qui a pu passer par le conduit de la cheminée ou alors un abbé qui ne craint pas Dieu puisqu'il a la faculté de pardonner les péchés à la place de Dieu (ce que nous, les protestants n'avons pas d’intermédiaire entre nous et Dieu et évite les magouilles).
Bonne soirée
Michel (Chappuis)
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