J’avoue avoir vécu ce film avec une relative absence d’empathie spontanée à l’égard des personnages, mais il y eut heureusement des compensations d’autre sorte. D’abord la beauté des plans, plans fixes en noir et blanc très soignés, surtout les gros plans où la caméra aime à caresser le visage de l’actrice principale. Plans fixes, mais à une exception près : quand on explique que les étoiles dans le ciel sont mouvantes ici (contrairement à l’Afghanistan), la caméra bouge constamment de manière redondante au propos tenu. On est d’emblée dans une expérience à la fois individuelle et universelle.
Ensuite, l’esprit se laisse embarquer dans un film puzzle qui se construit à partir d’éléments apparemment disparates, mais dont on joue bien vite à repérer les effets d’échos parsemés de loin en loin. La thématique principale se construit ainsi par petites touches, le fil directeur étant l’amour, l’ouverture aux autres, la reconquête du langage pour sortir du traumatisme mutique initial. Amour sentimental, souligné par les métamorphoses de la réception d’un simple café, d’abord sèchement décliné par Donya (« Je n’aime pas le café », puis payé abusivement en dollars (ici se greffe également le thème social et les rapports de classes inégalitaires), et enfin accepté avec délice dans un échange gratifiant de sentiments réciproques. L’amour physique part de considérations sur le lit à une place qui est censé suffire, mais le lit à deux places doit finalement s’imposer. Au centre on trouve le conseil péremptoire : « Ne va pas aimer un con ! », et la petite inscription du psychiatre qu’on lit au milieu de toutes celles qui sont soigneusement alignées sur sa table : « L’amour est la seule vraie aventure. »
L’aventure, elle est ici évoquée sur différents plans, à la fois individuellement et collectivement. Pour cela, le livre de Jack London utilisé par le psychiatre à des fins thérapeutiques joue un rôle essentiel. Croc blanc, souligne-t-il, n’est pas un chien, mais au trois-quarts un loup. Individuellement, cette enfant-loup provisoirement privée de langage est appelée, à partir de cet état, à retrouver la civilisation et le langage. Elle ne fera en cela que retrouver ses compétences originelles. C’est une traductrice que ceux qui l’ont utilisée ont finalement trahie, donc une intellectuelle provisoirement traumatisée, qui se rêve bientôt en « écrivain », par un passage transitoire modeste d’« écrivain sur gâteaux ». Autre aphorisme capital du psy tiré du livre : « Le bateau au port est en sécurité, mais les bateaux ne sont pas construits pour ça. »
Collectivement, on retrouve l’attachement du réalisateur aux peuples premiers, les humains d’autant plus précieux qu’ils sont plus difficiles à domestiquer au service du « monde moderne », mais qui ont leurs valeurs et leurs civilisations.
A ce sujet, Dorian a pensé à un film intitulé Tabou, et moi à un autre ayant le même titre.
On ne voit pas dans cette ville ceux qui dominent, ceux qui commandent et qui prospèrent, ceux de la Silicon Valley toute proche, de San Francisco où on va travailler (la si moderne voiture Tesla se construit là-bas), ceux qui abandonnent sans scrupule, dès qu’ils ne leur sont plus utiles, ceux qu’ils ont exploité, aussi bien sur place que dans les lointaines guerres afghanes. On voit des déclassés ou des cabossés de la vie qui se battent pour survivre, et la tendresse du réalisateur va d’abord vers ceux-là. On songe à d’autres manières de vivre collectivement, en n’écrasant pas son semblable, mais en coopérant avec lui pour le bien du plus grand nombre. Ce n’est sans doute pas un hasard si le quartier d’Oakland, lieu d’une célèbre tentative de commune vite réprimée, est tout proche lui aussi. Fremont est dans une géographie et une histoire particulières, pleines de contrastes saisissants. N’oublions pas que c’est le titre, et que cette ville doit être interrogée comme un des personnages essentiels du film.
Par rapport au personnage de Ma France à moi, vu récemment, Donya, elle aussi traductrice trahie qui a du potentiel et qui va s’en servir, malgré les points communs évidents, vit dans un tout autre univers. Ici, la légèreté et la frivolité ne sont pas de mise, le noir et blanc donne souvent du gris et nie les effets de couleurs kitchs, et en plus, comme elle le souligne « je suis une femme ». Ce qui ne la prive cependant jamais de son potentiel de révolte, autre fil directeur du film. Alors qu’on la culpabilise en retournant contre elle l’accusation de traîtrise, elle trouve la force de s’affirmer spectaculairement en répondant au voisin macho: « Je ne l’ai fait que pour l’argent et pour nourrir ma famille, et rien d’autre, connard ! »
Il semblerait là que le langage puisse exploser d’un coup, mais il sera bien le résultat d’un long processus de reconquête. Pour sortir d’un tel mutisme, deux vieux assumés et bienveillants seront d’un grand secours, celui qui la regarde manger, et le patron chinois qui l’emploie et qui lui confie la responsabilité de l’écriture des aphorismes insérés dans les cookies. Tout cela aboutira à l’union de deux jeunes gens capables de surmonter leur solitude (autre fil directeur du film) pour se construire un avenir de solidarité et de responsabilité. On sort de la salle en ayant l’impression que tout cela est à la fois léger et dense, léger d’une trame narrative souvent aisément prévisible, et dense des silences prolongés à dessein, des longueurs voulues, et surtout de ces regards qui en disent souvent beaucoup plus que les paroles.
Jean-Marie
https://www.cineclubdecaen.com/realisateur/jalali/jalali.htm
https://en.wikipedia.org/wiki/Fremont,_California?oldid=585026393
The General Motors automotive assembly plant in South Fremont was the town's largest employer, and Fremont was known for its drag strip. In the 1980s the GM plant became a joint venture automotive assembly plant of Toyota and General Motors called NUMMI. Toyota and NUMMI shut down its operations in early 2010. Part of the plant was acquired in June 2010 by Tesla Motors as its primary production plant, known as the Tesla Factory.
The racial makeup of Fremont was:
108,332 (50.6%) Asian (consisting of 18.1% Indian, 17.8% Chinese, 6.7% Filipino, 2.5% Vietnamese, 1.8% Korean, 1.0% Pakistani, 0.8% Japanese, 0.6% Burmese, 0.1% Thai),
70,320 (32.8%) White, (The town is home to the largest population of Afghan Americans in the United States. Non-Hispanic Whites were 26.5% of the population in 2010,[12] down from 85.4% in 1970.[13])
31,698 (14.8%) Hispanic or Latino of any race. (consisting of 11.0% Mexican, 0.6% Puerto Rican, 0.5% Salvadoran).
13,605 (6.4%) from other races,
12,584 (5.9%) from two or more races
7,103 (3.3%) African American,
1,169 (0.5%) Pacific Islander,
976 (0.5%) Native American,
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=201930.html
Miguel Gomes 2012
A Lisbonne, Aurora, une vieille femme au fort tempérament, demande avant de mourir à sa voisine altruiste, Pilar, et à sa femme de ménage, Santa, de retrouver un certain Ventura qu'elle tient à revoir. Mais l'homme arrive trop tard. Il se confie toutefois aux deux femmes et leur relate la grande passion qui l'a lié autrefois à leur défunte voisine. Une histoire d'amour née en Afrique dans les années 1960 alors qu'il était un musicien en tournée tandis qu'Aurora, mariée et enceinte, gérait une ferme près du mont Tabou¿ Cette fresque romanesque dévoile un mélodrame envoûtant invitant à une grande histoire d'amour sur fond d'empire colonial portugais en Afrique.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tabou_(film,_1931)
Friedrich Wilhelm Murnau et Robert Flaherty 1931.
Dans l'île de Bora-Bora, un jeune pêcheur de perles, Matahi, et une merveilleuse jeune fille, Reri, tombent amoureux. Au vu de sa grande beauté, Hitu, le sorcier l'a choisie comme prêtresse sacrée. Elle doit donc selon la tradition, rester vierge et il la déclare tabou.
Rien n'y fait, les deux amants décident de s'échapper, ils fuient, poursuivis par Hitu.
Le film se découpe en deux parties :
Le Paradis
Le Paradis perdu
https://cinegraphe.blogspot.com/search?q=ma+france
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