lundi 28 mai 2018

NI JUGE NI SOUMISE

40ème séance avec débat








NI JUGE NI SOUMISE
 Film documentaire franco-belge de Jean Libon, Yves Hinant. (1h39)




VENDREDI 25  MAI 2018  (CINE DEBAT)
20H30  




Le long métrage "à la Strip Tease" sur la justice.
Crime et justice, farce et outrance, comédie et réalisme, pertinence et mauvais goût,…



  «  Dura lex sed lex »       

La loi toute la loi et rien que la loi ?  

Mais heureusement il reste la juge comme interface bien que le titre du film nie son existence partiellement. Soumise ? A sa condition d'être humain avec toutes ses aspirations, contraintes et contradictions.

    Visiblement une femme à  fort tempérament traversant triomphalement Bruxelles dans sa 2CV portée par la Marche de Radetzky. Pétrie d'un humanisme à fleur de peau on la sent à la fois si forte et si faible, consciente des limites de la loi et de sa capacité à conduire les gens vers des comportements raisonnables et socialement constructifs. Nous sommes invités à visionner toute la misère du monde mise à nu dans le bureau du juge d'instruction. On pense bien sûr aux films de Raymond Depardon  « La 10ème Chambre » et « 12 jours ».
     Une réflexion d'une spectatrice concernant le consentement des prévenus filmés ouvre un débat plus large sur le cinéma et  son modus operandi . Le cinéaste opère un choix de séquences filmées qui ne sont jamais neutres et constituent des moments porteurs de message ; alors ce choix ne fausse-t-il pas la réalité, l'effet de loupe ne servant qu'à soutenir une thèse par essence subjective ?  Sans parler de l'effet caméra. Comment change-t-elle le comportement des personnes filmées ? On a l'impression que notre juge force sans doute le trait et « joue » un rôle qui surligne son aura, certains « malfrats » en jouent aussi sans doute. Donc quelle réalité perçoit-on dans l'échantillon sélectionné pour la salle de cinéma, quelle tranche de vie ?
     En photographie le choix de certains filtres et des poses très longues permettent de gommer tout mouvement . Ainsi Le rond-point de l'Arc de Triomphe photographié pendant 20 minutes laisse paraître sur le cliché final uniquement l'arc de Triomphe, c'est aussi une forme de réalité choisie, comme le film.
    Ma frustration en quittant la salle concerne le constat de l'échec d'une société qui laisse tant de personnes incapables de s'insérer et de s'intégrer. Ma colère concerne la sur-représentation chez la juge des gens issus des minorités ethniques. Un énième plan banlieue et plan anti-drogue présenté cette semaine en France nous ramène à la réalité française peu glorieuse et des séances filmées au tribunal de Bobigny seraient sans doute un copier-coller de ce document belge.


QUELQUES CITATIONS  

Les lois sont des toiles d'araignées à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. » — Honoré de Balzac


« Les gens gueulent : « j'ai voté pour celui-là, et au lieu de mettre de l'argent dans les écoles, il met de l'argent dans les prisons ». Si y'a une chose de sûre, quand on est ministre, c'est qu'on retournera pas à l'école, tandis qu'en prison, faut voir… » — La politique, Coluche

« La vérité et la justice sont souveraines, car elles seules assurent la grandeur des nations. » — L'Affaire Dreyfus : la vérité en marche, Émile Zola

 En 2011, notre étude sur l’impartialité de la justice a montré que les libérations sur parole accordées par les tribunaux varient de 65% (après une restauration) à pratiquement zéro relaxe obtenue avant la pause déjeuner. » — Shai Danziger, chercheur au sein de l’Université de Ben Gourion (Israël), La Recherche, nº 473, Mars 2013.
John








Encore une citation? Voici: 

La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.
(Pascal, Pensées)


Curiosité linguistique qui en dit peut-être plus que ça en a l'air au premier abord.
La domination sur l'autre passe largement par le langage, et une bonne part du jargon judiciaire a bien l'air, au-delà de sa technicité nécessaire, d'être fait pour impressionner. D'où les plaisanteries habituelles dans ce genre de film où on rappelle le sens des mots à ceux qui les prennent spontanément au sens familier.
Sauf que parfois ça marche à l'envers, sans que le film ne rectifie quoi que ce soit. Ainsi, la juge se croit autorisée à corriger le langage de la prévenue pour faire respecter les lois de la grammaire. "Après que la lune s'est levée" rectifié sèchement en "Après que la lune se soit levée". SVP!
Sauf que là, c'est la "populaire" qui avait raison, et, à la différence d'"Avant que", on sait très bien, au pays de Maurice Grevisse où on parle généralement le français plus correctement qu'en France, que la locution conjonctive "Après que" régit l'indicatif et non le subjonctif. Même si ce dernier fait tout de suite plus savant. C'est ce qu'en grammaire on appellerait une hypercorrection, et qu'en sociologie on pourrait appeler une abusive hypercorrection de classe (sociale) ...



Quant au débat sur la gène occasionnée par la sur-représentation des minorités ethniques dans le documentaire du côté de la délinquance, assortie de menaces explicites à la vengeance dans le cadre d'un contexte terroriste (la Syrie...), il n'est pas difficile d'en trouver au moins un début d'explication entre Molenbeek (avant) et Liège (après). On comprend, ou du moins on ne s'étonne pas, qu'un pays s'interroge sur ce sujet quand il met en scène sa justice, sous quelque angle d'attaque que ce soit, en l'occurrence ici entre le comique et le tragique.


Je rappelle par ailleurs que ce film a fait l'objet d'un article dans PAUSE CRITIQUE (Francis de Laveleye) de février 2018, article reproduit ci-dessous avec sa référence:



Ni juge ni soumise de Jean Libon et Yves Hinent

A voir absolument car ce film va faire le buzz, il est hilarant et exhale un petit parfum de belgitude " franchouillarde " que le seul mot de Strip-Tease, prononcé avec la complicité de " ceux qui savent " et un regard plein de nostalgie, devrait rendre sympathique. Au vu de la bande annonce, je n'imaginais même pas qu'il puisse s'agir d'un documentaire, d'un reportage aux longs cours, qui nous permet de suivre le quotidien d'une juge d'instruction. Et toutes les personnes filmées le sont avec leur accord.

Et c'est là que cela bascule dans l'odieux, l'insupportable. Que Strip Tease s'en prenne à des individus ou des groupes d'individus complaisants  (plus cons que plaisants, la plupart du temps) soit, chacun prend ses responsabilités et la fascination du selfie narcissique prend alors des allures de symphonie visuelle parce que le sujet est traité dans une forme noble, celle du cinématographe. Ici, l'on patauge dans le purin.
Les " justiciables " sont tous de pauvres hères, dont les réalisateurs s'emparent de façon perfide pour faire rire (aux éclats) sur le dos de ces gens qui méritent le respect, et pas que l'on en fasse des guignols sans défense.
A cette vilénie s'ajoute deux choses très irritantes à mes yeux, masquées par l'hilarité ambiante : la propension à " surjouer ", à en remettre, de la part de beaucoup d'entre-eux, la juge en particulier, qui est montrée comme une poule faisane qui déploie sans cesse ses talents pour la ligue d'impro, sans aucun sens de la retenue que devrait imposer les situations évoquées, ni de la dignité que l'on croit être l'apanage de sa fonction. A cela s'ajoutent quelques balades en 2CV, des musiques choisies pour leur incongruité et quelques moments " privés " qui n'ajoutent rien, sauf à créer l'effroi induit par une souris de compagnie.

L'autre chose est le goût appuyé pour les anecdotes sexuelles qui effarent, tant les gens qui les évoquent ou à propos desquelles elles sont évoquées, sont ravalés au rang de bestiaux. Ce n'est pas le récit de leurs (més)aventures qui me pose le moindre problème, c'est la façon de les évoquer avec un excès appuyé, semblable à celui d'un gamin qui se fait une tartine de Nutella. C'est écœurant, indigeste, mauvais pour la santé, mais c'est irrésistible. Et les réalisateurs n'ont pas résisté : ils en remettent sur toutes les perversions, sans se rendre compte que c'est la leur qu'ils dévoilent (inconsciemment ?). Et le spectateur déguste cela en se salissant, comme avec le Nutella autour de la bouche et sur les doigts.

Le comble sans doute est le moment de l'autopsie d'un corps déterré. Je ne prétends pas défendre le respect hystérique des sépultures, ni l'inviolabilité d'un cercueil. Mais je ne peux imaginer ce que serait la pensée des proches, des parents, de la famille de la personne dont le corps est ainsi livré aux commentaires et aux actes les plus irrespectueux qui puissent être. Les actes irrespectueux ne sont pas ceux du médecin légiste, ce sont ceux commis par ces voyeurs de mauvais goût, pourvoyeurs de cette honte d'appartenir à cette espèce qui veut faire rire de tout avec tout le monde. Cela n'est pas prudent et ce film en est la démonstration nauséabonde.

L'instrumentalisation, dans le titre, d'un mouvement féministe honorable, qui crée l’ambiguïté entre la juge et la pute devrait déjà suffire à provoquer une certaine insoumission à cette veulerie qui se cache derrière les éclats de rire.

Dieudonné est seul en scène. Ici il y a des justiciables qui sont à jamais piétinés par la muflerie voyeuriste de gens qui ne semblent pas capables de passer par le biais de la fiction.

Ce film a des relents de " Ça c'est passé près de chez vous " qui a mis les rieurs de son côté, au mépris des victimes innocentes des propos et des situations imaginées. Au moins était-ce de la fiction...






Voir aussi PAUSE CRITIQUE de février 2018:






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France Brel en dédicace à Romo
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Mouvement de la Paix
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Nuit européenne des musées
Conférence prisonniers de guerre
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Facile de nous trouver. Il suffit de taper "cinégraphe" sur Google par exemple...
(capture d'écran du 27 septembre 2017).










Tiens... tiens... "abondante et variée"... Et si Ciné Rencontres y était un peu pour quelque chose en fin de compte?...


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Berry républicain 2 décembre 2017



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