38ème séance avec débat
COEXISTER
Comédie de et avec Fabrice Eboué, Audrey Lamy, Ramzy Bedia... (1h30)
VENDREDI 11 MAI 2018 (CINE DEBAT)
Bien sûr on est immédiatement tenté, étant donné les dialogues et les scènes choc, à le qualifier de film grossier. Cependant une prise en compte des références et des éléments de documentation toujours solides et pertinents pourrait conduire tout aussi bien à le considérer comme un film subtil, surtout si on y ajoute le fait qu’il évolue constamment sur une ligne de crête particulièrement délicate à tenir et qu’il évite jusqu’au bout la chute fatale qui semble lui être promise à tout instant.
On se dit évidemment que c’est un film courageux. Point n’est besoin ici de beaucoup d’arguments : utiliser le registre de la farce, voire carrément de la grossièreté lourdingue, pour traiter de la religion – des religions – en ces temps qui courent, c’est au minimum gonflé, pour ne pas dire inconscient. Mais c’est aussi un film prudent, en un sens. On n’y affronte pas la question de la religion génératrice de violence, et on n’a pas prévu de Tartuffe manipulateur dans le scénario. Au contraire, à leur façon, tous les personnages sont d’une extraordinaire sincérité dans leurs défauts ou dans leurs débordements. Le rabbin culpabilise constamment, l’imam ne cherche pas à passer pour ce qu’il n’est pas dans sa vie quotidienne (c’est le moins qu’on puisse dire) et le curé qui cède à la concupiscence en beaucoup moins de 40 nuits est d’une sincérité quasi juvénile (toujours aussi étonnant Guillaume de Tonquédec !). L’affrontement direct n’aura donc pas lieu, la politique problématique reste dans les coulisses et le rire reste bon enfant.
Au moins la satire de la religion est-elle avérée ? Oui, si on considère que dans ce film ses représentants, et c’est là encore le moins qu’on puisse dire, ne sont pas tous des saints, et qu’ils balancent pas mal et à tout va les uns contre les autres. Mais l’équilibre est toujours respecté, et l’humour ni même la farce ne suffisent à établir l’effet satirique. Et même dans ce cas, la popularité (positive) peut l’emporter sur la critique négative. Qu’on se souvienne des Guignols de l’Info qui ont assuré la popularité d’un certain Jacques Chirac et qui ont entraîné plus de protestation pour ne pas y être que pour en être la cible. A cette aune, ce serait plutôt le groupe majoritaire des athées-agnostiques, lesquels seraient en droit de protester pour n’être pas sous les projecteurs, qui pourrait se plaindre en constatant qu'on a cantonné une fois de plus et très abusivement le vedettariat du vivre ensemble – spécialité éminemment laïque affichée en slogan sous le nom du groupe – à seulement trois religions. On croirait au prisme déformant du film que dans la société il n’y aurait qu’elles d’important. Contestable, évidemment. Cela dit, la seule qui se déclare étrangère à toute religion devient à la fin la patronne du groupe (remarquable Audrey Lamy). Alors…
Ajoutons que si satire il y a, elle arrose copieusement au passage des élites bien placées (de celles qui récupèrent le travail des autres ou de celles qui n’ont que l’argent comme valeur, et ça peut être évidemment les mêmes).
C’est en tout cas une idée dont on s’étonne qu’elle n’ait pas encore été exploitée dans la vraie vie. Ce serait pour le coup une occasion en or de mesurer le chemin parcouru depuis sœur Sourire (Dominique nique nique) et le père Duval (la calotte chantante de Brassens). Peut-être que ce serait une réussite, (ne lisez pas la suite si vous craignez d’être « spoilé ») à l’image de la réussite finale qui préside au triomphe des trois compères.
Et c’est là le chemin vers une autre (qui n’est sûrement pas une dernière) contradiction. C’est à coup sûr un film détonant et original, voire carrément atypique à la limite du scandaleux générateur de maint « shocking » si on prend en compte la succession de ses gags, mais c’est aussi un film prévisible, voire cousu de fil blanc concernant le déroulement linéaire de son intrigue principale. Pour cela quelqu’un dans la salle a justement rapproché le film de Concert. Preuve qu’on peut sur cette base un peu convenue faire un film important et réussi.
Film de Radu Mihaileanu avec Aleksei Guskov, Mélanie Laurent, 2009.
Enfin, puisqu’il vient d’être question de réussite, utilisons aussi le mot à propos de cette soirée où on a pu s’exprimer dans plusieurs langues avec les traductions voulues (même le portugais). Et puisque toute prise de position politiquement affirmée était absente du propos du film, introduisons-en une subrepticement, pour conclure en regrettant que plusieurs sources de financement de ce type d’associations aient été scandaleusement taries. Pourtant elles étaient vitales pour des celles et ceux qui oeuvrent précisément au vivre ensemble avec autant de dévouement que d’efficacité, dans un contexte si explosif que c’en est d’une grande utilité publique. Voilà qui est dit.
Et s’il faut absolument qu’il y ait un Tartuffe dans tout ça, je veux bien être celui-là, comprenant tout à la fois qu’on aime ce film et qu’on le déteste aussi.
Le Rire, huile sur bois du XVe siècle, anonyme.
Au sait depuis les humanistes de la Renaissance (au moins) que le rire est une arme contre tous les intégristes. Ce n’est pas pour faire une remarque purement anthropologique que Rabelais affirme ce qui suit, et ce conseil à ses lecteurs pourrait sans peine s’adresser aux spectateurs de ce film :
Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Despouillez vous de toute affection ;
Et, le lisant, ne vous scandalisez :
Il ne contient mal ne infection ;
Vray est qu'icy peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire ;
Aultre argument ne peut mon cueur elire,
Voyant le dueil qui vous mine et consomme
Mieulx est de ris que de larmes escripre,
Pour ce que rire est le propre de l'homme.
On a pu dire aussi que l’humour n’est pas étranger à la religion. Même si on dit « sérieux comme un Pape », on en connaît de bonhommes et de souriants, sans parler des moines et des religieux de base qui peuvent quotidiennement célébrer la joie. Cela dit, ce n’est pas gagné en tout temps ni avec tout le monde, et la formule de Pierre Desproges selon laquelle « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » reste d’actualité. A ce propos, il n’est peut-être pas inutile de la contextualiser :
Première question : peut-on rire de tout ?A la première question, je répondrai oui sans hésiter,
Deuxième question : peut-on rire avec tout le monde ?
C’est dur… Personnellement, il m’arrive de renâcler à l’idée d’inciter
mes zygomatiques à la tétanisation crispée. C’est quelquefois au-dessus
de mes forces, dans certains environnements humains : la compagnie d’un
stalinien pratiquant me met rarement en joie. Près d’un terroriste
hystérique, je pouffe à peine, et la présence à mes côtés, d’un militant
d’extrême droite assombrit couramment la jovialité monacale de cette
mine réjouie dont je déplore en passant, mesdames et messieurs les
jurés, de vous imposer quotidiennement la présence inopportune au-dessus
de la robe austère de la justice sous laquelle je ne vous raconte pas.
Réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen - par Pierre Desproges - 28 septembre 1982
[ Les Réquisitoires du Tribunal des Flagrants Délires - Tome 1 - Seuil-France-Inter - 11-2003 ]
Ce qui est clair c’est que le rire est ennemi des intégristes, comme l’illustre déjà brillamment Le Nom de la Rose d’Umberto Eco, popularisé en 1986 par le film de Jean-Jacques Annaud, 6 ans après la parution du livre en Italie, 4 ans après le prix Médicis étranger attribué en France.
Pour aller plus loin :
Où l’on découvre que sur ce point le premier médecin français à écrire sur la chirurgie, Henri de Montdeville, est un lointain précurseur du médecin vierzonnais Edouard Vaillant (voir plus loin).
Au début du Moyen Age, le rire n'était pas toujours admis. D'autant plus que les savants de cette époque se fondaient sur la théorie des Pères de l'Eglise grecque qui qualifiait le rire de diabolique. Cette conception faisait également référence à Jésus, car il était le modèle de l'homme et aucun écrit ne semblait relater que Jésus ait pu rire. Il faut attendre le 13ème siècle pour que l'humour et le rire soient mieux perçus. C'est à un chirurgien, Henri de Mondeville, que l'on doit ce changement d'opinion. Il explique : "…que le corps se fortifie par la joie et s'affaiblit par la tristesse". Cette reconnaissance positive du rire va perdurer jusqu'à la fin du 16ème siècle. L'écrivain français Rabelais (1494 - 1553) et un médecin anglais, Richard Mulcaster, ont contribué à cette vision positive de l'humour et du rire. Les siècles qui suivent répriment à nouveau le rire. Les principes de la religion catholique de l'époque sont clairs. Dans un ouvrage de Robert Barclay, L'Apologie de la Vraie Divinité chrétienne (1676), on peut lire : "Il n'est pas permis aux chrétiens de pratiquer les jeux, les comédies, les sports de récréation ; ils ne conviennent pas au silence, à la sobriété et à la gravité catholique. Le rire, le sport et la chasse ne sont pas des activités chrétiennes". Le rire est donc à bannir, car il est perçu, à nouveau, comme une expression diabolique.
Tout cela est assez théorique, et bien des ecclésiastiques, même haut placés, viennent rire sans complexe aux comédies de Molière et aux côtés du roi.
Comme promis, citons pour finir Edouard Vaillant, avec ce passage de son premier biographe Maurice Dommanget (Edouard Vaillant - Un grand socialiste) :
A l’occasion du 14 juillet 1891, pour protester contre le massacre de Fourmies, les électeurs du Père-Lachaise, à sa suggestion, décidèrent de ne point participer à la « parade officielle », mais de fêter tout de même la République. Vaillant, pour justifier cette attitude, s’écria sur un ton inusité : "Celui qui n’aime ni le vin, ni le jeu, ni les femmes, celui-là est un sot, disait Luther, en rejetant sa défroque de moine. Celui qui, au jour de fête, rencontre au son du violon sur la place publique une jolie fille sans la faire valser, ou un ami sans trinquer à la santé et au développement d’une meilleure et plus populaire République, en est-il plus sage ? Au contraire. La tristesse est réactionnaire, la joie est républicaine."
Le Berry républicain 13 mai 2018
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https://cinegraphe.blogspot.fr/2018/05/actu-mai-18.html
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http://cinelumiere-vierzon.info/
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CINE RENCONTRES.
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Ne vous souciez pas de la date de renouvellement: nous vous contacterons le moment venu.
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(capture d'écran du 27 septembre 2017).
Tiens... tiens... "abondante et variée"... Et si Ciné Rencontres y était un peu pour quelque chose en fin de compte?...
Autres tarifs au Ciné Lumière:
Berry républicain 2 décembre 2017
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