Cinégraphe: LA PRIÈRE

34ème séance avec débat

LA PRIÈRE

Film français de Cédric Kahn (2018 – 1h47).

VENDREDI 13 AVRIL 2018 (CINE DEBAT)

20H30

Tous les moyens sont-ils bons a priori pour sortir de la drogue?.

Drogue, soins, religion, mysticisme, encadrement, endoctrinement, montagne,….

Sortir de la drogue, certes, mais pour rentrer où ? Un minimum d’esprit critique est suffisant pour rester sur ses gardes. Tous les adeptes de la vie saine et de la lutte contre la débauche et la mauvaise vie (autrefois c’était surtout l’alcool qui était visé) n’ont pas au cours de l’histoire toujours été vecteurs d’idées saines ni de bonnes intentions. Les camps de jeunesse qui furent autant de camp d’endoctrinement, qu’ils aient été hitlériens, mussoliniens ou staliniens, n’ont pas laissé de bons souvenirs. Et les endoctrinements religieux ou sectaires, menant vers les conversions forcées ou les terrorismes de toutes sortes, ne rassurent pas davantage. Les Tartuffe pullulent qui se font une spécialité de redresser les mœurs des autres.

Qu’attend alors notre Etat de droit pour déplacer vers ce lieu les forces policières parties mettre à la raison les zadistes de Notre-Dame des Landes ? Il semble que là serait plus appropriée une série d’arrestations avec jugements en comparution immédiate, pour endoctrinement abusif et lavage de cerveau dangereux, certes, mais aussi pour mise en danger de la vie d’autrui, et notamment de personnes en état de faiblesse. C’est un miracle que le « héros » du film ne trouve pas la mort dans le froid de la montagne ou dans des chutes fatales au milieu des pierriers dangereux. Quant à celui qui meurt dans la panique générale, il est passé aussi vite par pertes et profits : Circulez, y a rien à voir, et surtout louez le Seigneur. On pense au contexte surréaliste du Château de verre, récemment projeté : les enfants sont à tout instant en danger de mort dans un contexte éducatif aussi effrayant qu’absurde, mais on conclut benoîtement qu’on a eu de la chance aussi d’y recevoir beaucoup d’amour. A condition de survivre…
On pense aussi à la nouvelle Bernadette Soubirou du film L’Apparition : abandonnée à son anorexie sans aucune aide médicale, son espérance de survie à toutes ces bondieuseries absurdes étant proche de zéro.

Bien entendu, dans un contexte résolument libéral de casse systématique des services publics, ce genre de camp présente de nombreux avantages sur le plan financier. Ce point est d’ailleurs pudiquement occulté dans le film , trop profane et trop peu mystique sans doute. On suppose que les fanatisés du départ sont prêts à assurer l’encadrement des suivants par pure conviction et tout à fait bénévolement, en répétant un processus bien rodé : Je sais, je suis passé par là moi aussi… Pas de médecin, ça réduit aussi beaucoup les frais. On te calme sous une mêlée de rugby, et c’est la loi du "Guéris ou crève" qui s’applique. Comme dans les stages commandos, on sélectionne les plus résistants. Comme chez Voltaire, les Te deum servent à euphémiser les horreurs les plus insoutenables. Il paraît que Jung aurait dit que le mysticisme est le chemin vers la vraie liberté. Je préfère pour ma part Kant, qui enseigne à oser penser par soi-même en s’appuyant sur la raison.
On a là une anti-abbaye de Thélème, où la formule rabelaisienne « Fais ce que voudras » est remplacée par « Fais ce que le groupe voudra ». S’il te dit creuse un trou, creuse-le, et s’il te surprend ensuite désagréablement en te sommant de le reboucher, rebouche-le sans maugréer. On a connu éducation plus intelligente. On apprend à obéir en toute occasion. On en connaît les dérives.
Et tout cela en parfait contraste avec la niaiserie assumée des récitations religieuses les plus mielleuses. Encore qu’il peut y avoir des dérapages. Le cobaye est particulièrement fier de connaître ses psaume par cœur, et on a droit à la récitation complète du numéro trois. Dedans, on y apprend que Dieu casse les dents des impies. Bonne nouvelle pour les dentistes, mais qu’en pensent les autres ?

J’ai eu grand plaisir à retrouver la grande actrice allemande Hanna Schygulla, et grande douleur en même temps de la voir embarquée dans cette galère. L’égérie de Fassbinder est cantonnée à promener un sourire figé - censé être bouddhique ( ?) - de plan en plan, tout en abattant des calottes censées être salutaires à l’apprenant sur la voie de la rédemption et de la résilience. Les châtiments corporels sont recommandés quand ce ne sont pas les parents qui les administrent et qu’on allègue le très charitable Qui aime bien châtie bien ? Les lois protectrices des pays nordiques sont ignorées en ce lieu, bien trop isolé sans doute, ce qui est bien commode pour les abus de toutes sortes.
Il paraît que le réalisateur se déclare agnostique. Qu’est-ce que ç’aurait été s’il s’était affirmé calottin assumé ! Il n’aurait pas eu en tout cas à changer le chant très religieux du générique.
Plus rarement, il a pu traverser l’esprit de certains que ce serait une manière de satire burlesque de la religion à la manière des Monty Pythons.
Certains enfin se sont présentés comme chrétiens et thérapeutes professionnels dans le même domaine. Ils ne se reconnaissent vraiment ni dans la présentation de leur religion ni dans celle de leurs thérapies. Dont acte.
Le film religieux est un genre qu'on n'est pas obligé de rater. On a considéré en son temps avec tout le respect qu'il mérite le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux. Par exemple.

En marche dans le brouillard, au devant de tous les dangers en toute irresponsabilité.

En contraste, on peut évidemment aussi se shooter à la critique béni-oui-oui majoritaire du genre de celle-ci:

Berry républicain 23 mars 2018

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Berry républicain 2 décembre 2017

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