samedi 14 mars 2015

QU'EST-CE QU'ON A FAIT AU BON DIEU ?


20ème séance avec débat

QU'EST-CE QU'ON A FAIT AU BON DIEU?


AVEC LE CONSEIL MUNICIPAL
D'ENFANTS 
DE VIERZON


VENDREDI 13 MARS 



Si mes souvenirs sont exacts (j’espère qu’il n’y aura pas trop de réclamations au jury des examens) les notes pour ce film s’échelonnaient de 8,5 à 10…


Voilà un film malin, qui peut paraître détestable en raison des clichés les plus affreux qu’il multiplie, mais qui les désamorce habilement par cette multiplicité même : contraints de coexister pacifiquement par les contraintes du scénario, ils finissent par s’annuler.
Tout en laissant deviner ce qui pourrait se passer si l’équilibre se rompait et laissait place au drame.




Un petit garçon a été particulièrement sensible à cette menace de  rupture de l’équilibre : la menace du divorce, la menace du départ de Laure dans le train qu’on aurait pu ne pas rattraper à temps, la menace des tensions qui auraient pu conduire à la rupture familiale, ou  à la bagarre irrémédiable, ou encore jusqu’à la violence extrême… 
Et c’était alors un tout autre film, une tout autre leçon.

Une séance du Conseil municipal d'enfants se prépare largement en amont et se poursuit également en aval. C'est ce qu'explique ici Anaïs.
C'est une activité largement collective. Karine se félicite des activités multiples du conseil d'enfants, qui ne sont pas seulement cinématographiques. Avec elle, Marie-Hélène et Irène. Et on n'oublie pas de présenter David, le nouveau responsable des Francas.


Avant que la séance ne commence, John sacrifie à la tradition: les enfants sont largement invités à venir participer au débat d'après film. 

Voici que les enfants arrivent, on va pouvoir recueillir les premières impressions. Et commencer les premières réflexions. Pas question d'approfondissement, bien sûr, c'est réservé aux jours suivants, tant les notions abordées sont complexes et délicates. Ce sont des germes, appelés à se développer dans les réunions futures.

Débuts de contact donc avec les mots-clés. 
Racisme.
Le mot racisme est partout dans le film. Il faudra en saisir les aspects divers. Il y a racisme en bonne discipline scientifique dès qu'on parle de races dans l'espèce humaine. Racisme surtout quand on prétend voir une infériorité chez l'autre en raison de son origine. 
Son contraire, ne pas être raciste. Est-on pour autant d'aimer tout le monde et de tout accepter? On peut avoir des antipathies, bien sûr, avec des personnes de même origine comme d'origine différente. Comment concilier l'ouverture à l'autre avec la nécessité de se protéger. Le monde n'est pas toujours animé des meilleures intentions à l'égard des enfants. 

Xénophobie.
Phobie, peur ou haine ou les deux à la fois. Ne pas aimer quelqu'un parce qu'il est d'un autre pays. Le considérer comme inférieur ou au contraire comme supérieur et inquiétant. Les films de science-fiction : peur d'une civilisation venue de l'espace primitive et brutale, ou au contraire d'une civilisation plus évoluée que la nôtre qui va faire des humains des esclaves. Voir La planète des Singes

Coutume.
Toutes se valent-elles? Toutes sont-elles également acceptables ou souhaitables? S'ouvrir à l'autre par l'intermédiaire souvent agréable de la cuisine, de la nourriture. Le couscous devenu premier plat français. Le film parle aussi d'atteintes, pas sur le même plan, au corps. La circoncision, dans la ligne, ou radicalement différente, de l'excision? 

Clichés.
Définir le mot, terme photographique. Reproduction à l'infini d'une même idée. Lieu commun. Préjugé. Le film fonctionne sur une collection de clichés habilement agencés, souvent appelés à se neutraliser les uns les autres. On est toujours le raciste de l'autre dès qu'on franchit une certaine limite. Un cliché est-il nécessairement faux? Sont-ils tous péjoratifs, en est-il au contraire de sympathiques et de positifs? La fiabilité allemande, dans l'air du temps. 

Laïcité.
D'une actualité brûlante. Ménager un espace neutre qui permette de vivre ensemble sans s'agresser ni se piétiner. Les personnages du film en font l'apprentissage souvent sans en avoir conscience. Pas de réflexion théorique, une attitude pratique  fondée sur l'expérience de ce qui "marche" et de ce qui ne "marche" pas. 


Davantage pour les grands...
Les filles qui s’affranchissent comme dans une comédie de Molière reculent devant l’obstacle que serait le dommage causé aux parents. Plutôt renoncer à son mariage que de provoquer leur divorce. Chez Molière, on éjectait comme salutaire le barbon égoïste et réac. Ici, le happy end sauve tout le monde sous le signe du tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. A une exception près, pour bien montrer qu’on n’accepte quand même pas tout. Xavier n’est jamais sauvé et se trouve définitivement condamné parce qu’il est trop laid. Belmondo ici n’aurait eu aucune chance, ni Brel. Chez Molière au moins on insistait sur le fait que cette disgrâce physique ne venait que confirmer une tare avant tout morale. Le prétendant Thomas Diafoirus en est un bon exemple dans le Malade imaginaire. Il est des racismes de tous ordres. Mais comme il n’y a que Christian Clavier d’un peu gros, et qu’il est le chef de famille, on n’évoquera pas non plus le racisme anti-gros. Cela dit, le film est ici encore plutôt malin. Le prétendant ne rebute pas seulement pas sa laideur : sa conversation trahit celui qui n’a pas une grande valeur sur le plan humain. Alors un laid (pas trop, juste ce qu’il faut pour que le cinéma l’accepte) avec une belle âme et une grande sensibilité, voilà une autre idée pour introduire des variations dans une suite éventuelle. Comme chez Molière, il suffirait de rajouter à chaque fois l’artifice d’une fille cachée qu’on découvre opportunément. Pas sûr pourtant que le couple parental y résiste… Passons donc à autre chose.

Où peut-on voir aussi impunément un Africain au physique et au comportement de cannibale, exhibant ses dents refaites par les dentistes juifs (dont je ne savais pas, au passage, qu’ils avaient cette spécialité), sans que cela choque, alors que les réclames de Banania sous la pression du politiquement correct sont, à juste titre par ailleurs, retouchées depuis longtemps ? En son temps, Michel Leeb réussissait ce tour de force. Beaucoup serait à dire sur la circoncision et la substitution du prépuce par le jambon sacralisé. Arguments scientifiques ou pseudo scientifiques. Bon pour l’hygiène, sans douleur, et même un bon souvenir… Le système nerveux qui ne serait pas encore formé… A l’heure où l’on découvre l'affect des nourrissons, et leur sensibilité, beaucoup plus précoce qu’on ne le pensait jusque-là, à la souffrance physique. Mais, comme ils ne peuvent s’exprimer qu’en criant très fort pour tout et n’importe quoi comme d’habitude…

Grande force aussi que de montrer sans avoir l’air d’y toucher l’absurdité du prétendu délit de blasphème. Ce dernier ne pourrait exister que dans le cadre d’une religion qui serait celle de tout le monde sans exception. Sinon, chacune d’elle est par définition un blasphème pour l’autre, et leurs différences sont immédiatement sources de guerres potentielles. Soit il faut massacrer tout le monde pour avoir le monopole (il est des endroits où l’on s’y essaye). Soit il faut cohabiter tant bien que mal en faisant des concessions. C’est-à-dire précisément en renonçant à voir un blasphème là où il y a quelqu’un d’une autre croyance (c’est le cas du film), ou encore en présence de quelqu’un qui n’est pas concerné par quelque croyance que ce soit (c’est peut-être le cas du prochain film). Ainsi, la crèche à noël est-elle un problème en soi, et si on passe sans trop de frictions sur le bœuf ou l’âne, ou la paille, il en va tout autrement quant au statut du petit jésus qui y dort. Vrai Dieu ou simple prophète ? That’s the question… Même chanter "Il est né le divin enfant"... Reste à adapter le discours de la grand-mère en interne à l’usage de chaque petit fils…

Et encore le film a-t-il l’habileté – d’autres diront l’hypocrisie – de présenter comme une large gamme embrassant la totalité des situations ce qui ne reste à chaque fois qu’un échantillon minoritaire. C’est une leçon de vivre ensemble avec toutes les religions représentées ? Mais c’est oublier que, selon les enquêtes sociologiques, dans cette tranche d’âge des bons à marier, ce sont les athées déclarés qui sont majoritaires. Où sont-ils dans le film ? Il faudrait en introduire un,  pour voir… Ou quatre autres, au moins, pour espérer avoir un échantillonnage représentatif. Une idée pour le prochain film qui voudrait savoir ce qu’on pourrait faire d’autre au Bon Dieu.

Et l’autre terrain sensible, c’est celui des classes sociales. La frontière de classes est sans doute plus difficile encore à franchir que toutes les autres, qu’elles soient celles des peuples ou celles des religions. Vu sous cet angle, le film est image et reflet sans grand courage transgressif d’une société qui réserve les grands hôpitaux ou les grands hôtels aux émirs du pétrole accueillis à bras ouverts, mais qui chasse les sans papiers des mêmes pays errant dans les rues aux alentours.  
La réalité de la haute bourgeoisie, c’est tout le contraire de ce qui nous est montré dans le film : elle se reproduit dans une autarcie quasi parfaite, comme en témoignent les Pinçon-Charlot. Cette famille fait rire justement parce qu’elle est violemment atypique. Elle se cache à l’église devant ses pairs. Elle cumule jusqu’au surréalisme les malchances. Mais pas toutes. Celle de l’argent n’a pas vraiment droit de cité, même pour rire. Tous les gendres choisis ont le culte du fric et de l’ascension sociale. S’il y a des pépins momentanés, on peut être sûr que l’entraide et la solidarité du clan des privilégiés y remédiera sans problème. De même qu’on n’est pas mûr pour introduire l’athée, on ne l’est pas davantage pour introduire le fauché ou le travailleur manuel. Les ouvriers, les paysans, les petits employés, les petits artisans, pourtant majoritaires dans la société, n’ont pas davantage leur place dans le cadre. Jean Gabin, héros des films de Carné après la guerre, n’a pas sa place ici. Comme on a mis des succédanés de Louis de Funès, pensons pour la suite attendue à introduire un avatar de Gabin, maçon ou mécanicien automobile, regardant tout ce monde-là droit dans son bleu de travail. Renouvellement garanti.

Alors le bilan du film… Bien difficile à faire. Parce qu’il peut plaire pour toutes les raisons à la fois, les plus contradictoires n’étant jamais exclues. Les beaufs de Cabu peuvent trouver là matière à rire de leurs phrases habituelles banalisées dans un film à recette, les gauchistes œcuméniques (plaisamment appelés communistes par le père africain) peuvent y voir le triomphe de leurs utopies généreuses d’un monde joyeux et harmonieusement métissé (C’est comme ça en 2013, il faut s’y faire). Aucune mauvaise idée de kalachnikov intempestive ne viendra effleurer, même un instant, ceux qui pensent que, dans leur belle propriété protégée capable d’accueillir presque 400 personnes pour un mariage, rien de vraiment grave ne saurait arriver. Dormez-en paix, braves gens, même si on est capable de se faire peur un instant – la dépression est retenue au casting pour tenir ce rôle -, le monde est finalement bien fait. L’idée qu’il pourrait être violemment inégalitaire et donc dangereux n’a pas sa place dans un feel good movie. C’est vrai que beaucoup d’autres films, parfois même extraordinairement sinistres et déprimants, sont là pour nous le rappeler. On peut sans doute confirmer : c’est bien un film malin. Mais il n’est pas non plus interdit, à titre personnel ou collectif, de prolonger la réflexion au-delà de ce constat. 






Le Berry républicain 17 mars 2015




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