mercredi 22 octobre 2014

SAMBA

7ème séance avec débat




SAMBA
Comédie de Olivier Nakache et Eric Toledano avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izia Higelin ... (2014 - 1h59)






Au cours du débat, un rapprochement a été fait avec un film  de 2005 où Carole Bouquet était tête d'affiche.


Réalisation : Brigitte Roüan

Ce film traite sur le mode de la comédie des difficultés d'insertion des immigrés clandestins installés en France. Il a été salué par la critique, charmée par les dons comiques insoupçonnés de Carole Bouquet et touchée par le message de tolérance que véhicule le scénario.

Chantal est avocate spécialisée dans la défense des étrangers en situation irrégulière. Pour se débarrasser de Frankie, un amant un peu trop collant, elle décide de faire des travaux chez elle. Un architecte colombien s'occupe de tout et les chamboulements qui en découlent prennent une proportion bien plus importante que prévu.
Une grande partie de la distribution est constituée d'acteurs non-professionnels et sud-américains dont certains, effectivement étrangers en situation irrégulière au moment du tournage.


·         Carole Bouquet : Me Chantal Letellier, avocate
·         Jean-Pierre Castaldi : Frankie «Pupuce»
·         Didier Flamand : Thierry
·         Aldo Maccione : Salvatore
·          



Chantal Letellier est une "femme admirable". Elle est avocate et elle gagne toujours. Dans son métier, c'est un cador, mais dans la vie privée c'est une chèvre. Divorcée sympathiquement, elle est flanquée de deux ados "très bien mal élevés". Côté coeur, c'est le désert : pas le temps. Comme il faut bien que le corps exulte, elle cède aux avances d'un client.

Sauf que l'homme tombe éperdument amoureux et s'incruste. Pour s'en débarrasser, elle entreprend des travaux afin de rendre sa maison impraticable.

Pour couronner le tout, elle engage un jeune architecte colombien sans papiers, qu'elle vient de faire régulariser. Eperdu de reconnaissance, celui-ci va lui refaire sa maison en entier, à l'aide d'une équipe de "travailleurs au noir polyvalents".
Elle n'en demandait pas tant !



Le débat a ensuite porté sur les intérêts du film et ses limites. Il est apparu étonnamment (pour un film commercial) apte à se positionner comme un éveilleur de conscience presque subversif. On dénonce une situation intolérable où les droits humains les plus élémentaires sont constamment bafoués. Mais jusqu’à quel point ? Car on fait également une illustration de la célèbre formule de Michel Rocard que ce dernier a prétendue être constamment tronquée : La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde.  (Compléments, quand il y en a dans ses déclarations ultérieures : Mais elle prendre le mieux possible la part qu'elle prend déjà. Ou: Mais elle doit en prendre sa part.) Et on ne manque pas de rappeler que, quelque intolérable que puisse être leur condition, elle est pire ailleurs et que personne ne souhaite retourner massivement d’où il vient. On suggère par ailleurs que d’autres raisons y concourent à cet état de non retour : la famille, à l’autre bout du téléphone, attend sans doute le retour sur investissement. Et celui qui est parti porteur de tant d’espoir aura bien du mal à avouer que les espoirs étaient illusoires.

Limites aussi signalées dans les perspectives sur lesquelles débouche naturellement ou plutôt ne débouche pas un tel constat. Sûr que ce n’est pas en plus un film militant ni même véritablement engagé. Il n’est visiblement pas là pour présenter une voie d’amélioration de la situation qu’il décrit, et encore moins pour la faire partager ou la défendre.

           



Autre limite, le politiquement correct respecté jusqu’à l’extrême zèle. La différence est acceptée pourvu que l’on soit « correct » et qu’on soit avant tout bien élevé. Extrême, car on est pratiquement dans le monde des amours précieuses à la Honoré d’Urfé ou à la Mlle de Scudéry. Il y a du Céladon dans Samba. Cette pudeur de précieuse nous introduit parfois dans l’univers de Rohmer. (Encore Rohmer, si on se réfère au film Le beau monde, récemment projeté à Ciné Rencontres).
           










Autre limite, celle du physique. L’acteur a une notoriété acquise qui le rend présentable et même « matable ». On pense aux débuts de l’évocation du thème des mariages inter ethniques aux Etats-Unis : il n’y fallait pas moins que le physique de Sidney Poitier – quel bel homme ! – pour faire accepter la transgression par un nombre suffisamment élevé de spectateurs-électeurs.



Devine qui vient dîner ? (Guess who's coming to dinner) est un film américain de Stanley Kramer, sorti en 1967.

Joey Drayton (Katharine Houghton), une jeune femme de 23 ans, vient à San Francisco présenter son futur époux, le docteur John Prentice (Sidney Poitier), à ses parents. Sous-directeur de l'Organisation mondiale de la santé, brillant médecin et professeur de médecine de 37 ans.
John craint pourtant la réaction des parents de Joey, car il est noir et elle blanche, différence particulièrement problématique à l'époque où, explique le père de Joey, une telle union « serait illégale dans plusieurs états ». Les parents de Joey ont des convictions libérales très affirmées et ont élevé leur fille dans le refus du racisme. Cependant, lorsque John leur fait savoir qu'il renoncera au mariage s'il n'obtient pas leur consentement sans réserve, Matt et Christina Drayton (Spencer Tracy et Katharine Hepburn) se retrouvent face à leurs contradictions.






J’avoue que je ne l’ai pas vu, mais je me suis laissé dire, avec toutes ces histoires de limites,  qu’il en était un peu de même avec le récent très grand succès du box office avec Christian Clavier, Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? Loin d’être un propos léniniste, le propos serait carrément lénifiant. Il envoie le message plus que subliminal que les frontières de classes sont plus difficiles à franchir que les frontières ethniques. Qu’on est acceptable, si on a des handicaps, quand et seulement quand ceux-ci n’empêchent pas in fine de se retrouver entre soi, c’est-à-dire entre potentiels bobos.






Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? est un film français réalisé parPhilippe de Chauveron et sorti le 16 avril 2014.
Le long-métrage, traitant du racisme et du mariage mixte, raconte l'histoire d'un couple de bourgeois catholiques, incarné par Christian Clavier et Chantal Lauby, voient leurs convictions mises à mal lorsque trois de leurs quatre filles se marient l'une après l'autre avec des hommes d'origines et de confessions diverses et que la quatrième, en qui ses parents fondent leurs espoirs, tombe amoureuse d'un catholique prénommé Charles (comme De Gaulle) mais… d'origine ivoirienne.
 Un bon indice de niveau de vie? Regardez l'espérance de vie. Un bon indice de dépassement du racisme? Regardez le taux de mariages mixtes. 
Pour son cinquième film, le réalisateur et scénariste Philippe de Chauveron a l'idée de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? lorsqu'il a découvert, « statistiques à l'appui », que les Français sont les champions du mariage mixte, car, ajoute-t-il, « différentes études disent qu’environ 20 % des unions qui ont lieu dans notre pays se font entre des individus d’origines et de confessions différentes », alors que dans les autres pays européens, il y a seulement 3% de mariages mixtes. De plus, le réalisateur connaît ce type de situation, puisque son frère s'est mariée avec une femme d'origine maghrébine, tandis que lui a vécu une femme africaine. 
Trop "raciste" pour une société post-raciste, ou trop sensible pour une société encore trop raciste ?
Alors que Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? rencontre un large succès en France et en Europe, il n'en sera pas de même sur le territoire américain, puisqu'il ne pourrait pas sortir en salles, car jugé trop raciste selon Le Point. En effet, Sabine Chemaly, directrice internationale de TF1 en charge des négociations internationales pour le long-métrage déclare que les Américains ont une « approche culturelle très différente » des Français, car ils ne pourraient jamais se permettre de rire sur les « Noirs, les Juifs ou les Asiatiques ». Malgré le fait qu'ils soient excités par le succès du film, ils refusent de le diffuser tel quel. Le Royaume-Uni pourrait également faire de même, envisageant de faire un remake plus compatible avec la culture anglo-saxonne. À noter qu'Intouchables, plus grand succès au box-office français en 2011, a connu des critiques similaires aux États-Unis, mais qui ne l'a pas empêché d'obtenir une sortie limitée.



L’aveugle et le paralytique. Thème positif de l’entraide entre deux marginalisés (les raisons importent peu). C’est aussi le thème et le titre d’une fable du fabuliste Florian.






Aidons-nous mutuellement,
la charge des malheurs en sera plus légere ;
le bien que l' on fait à son frere
pour le mal que l' on souffre est un soulagement.
Confucius l' a dit ; suivons tous sa doctrine :
pour la persuader aux peuples de la Chine,
il leur contoit le trait suivant.
Dans une ville de l' Asie
il existoit deux malheureux,
l' un perclus, l' autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandoient au ciel de terminer leur vie :
mais leurs cris étoient superflus,
ils ne pouvoient mourir. Notre paralytique,
couché sur un grabat dans la place publique,
souffroit sans être plaint ; il en souffroit bien plus.
L' aveugle, à qui tout pouvoit nuire,
étoit sans guide, sans soutien,
sans avoir même un pauvre chien
pour l' aimer et pour le conduire.
Un certain jour il arriva
que l' aveugle à tâtons, au détour d' une rue,

près du malade se trouva ;
il entendit ses cris, son ame en fut émue.
Il n' est tels que les malheureux
pour se plaindre les uns les autres.
J' ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres :
unissons-les, mon frere ; ils seront moins affreux.
Hélas ! Dit le perclus, vous ignorez, mon frere,
que je ne puis faire un seul pas ;
vous-même vous n' y voyez pas :
à quoi nous serviroit d' unir notre misere ?
à quoi ? Répond l' aveugle, écoutez : à nous deux
nous possédons le bien à chacun nécessaire ;
j' ai des jambes, et vous des yeux.
Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide :
vos yeux dirigeront mes pas mal assurés,
mes jambes à leur tour iront où vous voudrez :
ainsi, sans que jamais notre amitié décide
qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi.


De fil en aiguille, je suis tombé sur cette critique que j’aime beaucoup tellement j’ai eu l’impression narcissique qu’elle reprenait mes références et jusqu’à mes expressions bréliennes (« des amputés du cœur », Jojo, 1977). Alors si vous voulez la lire en totalité, voici :


Extraits :

 Jacques Audiard, 2012.

La société montrée dans toute sa barbarie
Il ne se contente pas de confronter, comme dans "Intouchables", un paralysé et un jeune de banlieues pour en faire une comédie sur fond de bons sentiments. Il nous montre la société dans toute sa barbarie, qui exige parfois qu’on se batte jusqu’au sang pour s’y faire une place.
Deux scènes inoubliables prouvent que l’art est parfois plus fort que la politique et nous décrivent notre monde comme une jungle: la première, c’est quand le héros, Ali (Mathias Schoenaerts), un sans domicile fixe qui vit dans le Nord et qui vient de récupérer son fils, Sam, âgé de 5 ans, fouille les poubelles dans le train, qui le conduit dans le Midi chez sa sœur, pour nourrir ce dernier parce qu’il a faim.
La seconde, c’est quand sa sœur, Anna (Corinne Masiero), perd son emploi de caissière de supermarché parce qu’on l’a surprise en train de voler les yaourts périmés qu’elle empile par date, dans son réfrigérateur.
Ces scènes, on les connaît tous, on les a vues mais on s’est empressés de détourner le regard, on en a entendu parler au journal de 20 heures, mais que voulez-vous ma bonne dame, c’est la vie, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde.

Les handicapés d’apparence et les autres
On le sait, il y a des gens pour qui le handicap est concret et visible (comme Sarkozy s'égarait à le dire à propos des musulmans) et des handicapés comme vous et moi, au sens métaphorique, des rejetés de la société qui deviennent des amputés du cœur. Jacques Audiard aime les rencontres improbables entre des êtres différents, on se souvient de "Sur mes lèvres", dans lequel une sourde et un repris de justice s'entraidaient et finissaient par s'aimer.
 Dans "De rouille et d’os", il organise la confrontation normalement impossible entre Ali, un SDF qui survit grâce à des petits boulots et des combats de boxe interdits, et la belle Stéphanie, dresseuse d’orques au Marineland d’Antibes. Sauf que cette dernière se retrouve amputée des deux jambes après un accident avec l'un de ses animaux.
Les voilà à égalité. Lui, le voyou qui vole pour nourrir son gamin, incapable d’éprouver le moindre sentiment, la moindre compassion, trop occupé qu’il est à se battre (au sens propre) pour survivre, comme ces chiens rendus enragés à force de jeûne qu’on lâche pour qu’ils s’entretuent dans les sous-sols d'usine, devant une foule de spectateurs qui parient sur le survivant. Elle, la belle séductrice froide, soudain raccourcie de quarante centimètres, qui se retrouve à marcher quand même, sur ses jambes mécaniques, qui drague en boîte et provoque désormais le dégoût et la peur.
Les voilà à égalité, disais-je. Ils peuvent désormais se rencontrer, se voir, s’entraider. C’est une autre version de la fable de l’aveugle et du paralytique, autrement plus juste, plus profonde que cette histoire de milliardaire en fauteuil roulant aidé par un jeune de cité.




A son époque, Hugo, avec Jean Valjean, fait aimer les bagnards. Et Gabin, plus récemment, fait encore plus aimer Jean Valjean. A l’époque, les sortis du bagne étaient aussi pestiférés que les sans papiers actuels.









La bonne distance focale morale ? Le marché des précaires au XIXe siècle. L’Amérique de la crise de 29. Ce mélange d’humour et de peinture sociale émouvante autant que réaliste a Chaplin comme précurseur. Comparaison écrasante sans doute.




Permanence de l’appartenance des marginalisés à la condition humaine
Chrétien de Troyes Yvain et le chevalier au lion.
 « Je suis un homme »



Un vilain qui ressemblait à un Maure, laid et hideux à l'extrême - une créature si laide qu'on ne pourrait la décrire -, était assis sur une souche, une grande massue à la main. Je m'approchai du vilain, et vis qu'il avait la tête plus grosse que celle d'un roncin ou d' une autre bête, cheveux emmêlés et front pelé, large de plus de deux empans, oreilles moussues et grandes comme celles d'un éléphant, les sourcils immenses et le visage plat, yeux de chouette et nez de chat, bouche fendue comme un loup, dents de sanglier, aigues et rousses,barbe noire, moustaches entortillées,et le menton soudé à la poitrine, longue échine, tordue et bossue. Il était appuyé sur sa massue, vêtu d'un bien étrange habit, ni de lin ni de laine : à son cou étaient attachées les peaux de deux taureaux, ou de deux boeufs, récemment écorchés. Le vilain sauta sur ses pieds dès qu'il me vit m'approcher de lui. Je ne sais s'il voulait porter la main sur moi ni ce qu'il voulait entreprendre, mais je me tins prêt à me défendre, jusqu'au moment où je vis qu'il se tenait debout tout coi, sans bouger. Il était monté sur un tronc et avait bien dix-sept pieds de haut. Il me regardait et ne disait mot, pas plus qu'une bête n'aurait fait, et je crus qu'il n'avait pas de raison et ne savait pas parler.
Toutefois, je m'enhardis tant que je lui dis :
" Va, dis-moi si tu es bonne créature ou non !"
Il me dit:
- Je suis un homme.
- Quelle sorte d'homme es-tu ? 
- Tel que tu le vois; jamais je ne suis autre.
- Que fais-tu ici?
- Je me tiens ici, je garde les bêtes dans ce bois.
- Tu les gardes? Par Saint Pierre de Rome! Elles ne connaissent pas l'homme. Je ne crois pas qu'en plaine ou dans les bois, ni en d'autres lieux, on ne puisse garder de bête sauvage, si elle n'est attachée ou enclose.
- Je garde celles-ci et m'en fais obéir si bien que jamais elles ne sortiront de cet endroit.
- Comment fais tu? Dis-moi la vérité.
- Il n'y en a pas une qui ose bouger dès qu'elle me voit venir. Car, quand je peux en saisir une, de mes poings, que j'ai durs et forts, je la tiens si rudement par les deux cornes que les autres tremblent de peur et se rassemblent toutes autour de moi comme pour demander grâce. Nul ne pourrait s'y fier, sauf moi, ni se mettre au milieu d'elles sans être tué aussitôt. Ainsi, je suis le maître de mes bêtes. Et tu devrais à ton tour me dire quelle sorte d'homme tu es et ce que tu cherches.
- Je suis, tu le vois, un chevalier qui cherche ce qu'il ne peut trouver.
J'ai cherché et je n'ai rien trouvé.
- Et que voudrais-tu trouver?
- L'aventure, pour mettre à l'épreuve ma vaillance et mon courage. Je te demande donc - et t'en prie et t'en supplie - si tu sais quelque chose, donne-moi des conseils, sur l'aventure ou la merveille.





La Bruyère. « Ils sont des hommes. »



L'on voit certains animaux farouches, des mâles, et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé.









En cette époque de cynisme assumé, où l’on se fait gloire de transgresser les tabous pourvu qu’ils soient liés à la plus élémentaire humanité, où l’on se veut courageux de ce courage qui consiste à plaire aux puissants et à écraser les petits, où la seule honte qui ne doit surtout pas vous effleurer est celle d’être riche, il n’est sans doute pas inutile de rappeler cette courte maxime de ce pourtant peu transgressif trésorier des finances du siècle de Louis XIV que fut accessoirement La Bruyère :


Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères.



Et dans la même veine, celui qui est tout de même avant tout  pour nous l'auteur des Caractères,  a écrit :

Il y a des misères sur la terre qui saisissent le coeur. Il manque à quelques-uns jusqu'aux aliments ; ils redoutent l'hiver ; ils appréhendent de vivre. l'on mange ailleurs des fruits précoces ; l'on force la terre et les saisons pour fournir à sa délicatesse : de simples bourgeois, seulement à cause qu'ils étaient riches, ont eu l'audace d'avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles. Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités ; je ne veux être, si je le puis, ni malheureux, ni heureux ; je me jette et me réfugie dans la médiocrité.


Quelques références complémentaires













Je voulais absolument faire un film sur les clandestins. C’est vraiment une honte pour toute l’Europe et pas seulement pour la France . C’est un crime contre l’humanité qui est en train de se produire.




20 000 morts depuis 20 ans. La plupart dans des naufrages.




La dignité, c’est ce que nous sommes, parce que notre structure morale repose sur la dignité.  Ça personne ne peut nous l’enlever ni par la torture ni par la prison parce que c’est tout ce qu’on a.


J'aime les gens mais je hais l'humanité. 















 
« Tu n’es pas gracieuse ». Racisme anti gros ?

Leçon de français sur le toit. « Balance les pompes ! » à distinguer soigneusement de « Balance-moi les pompes ! »


Pas de famille, juste un oncle. Pas bon du tout…

Fragilité du bluffeur. La panique quand on risque de révéler qu’il n’est pas Brésilien.  Equilibriste sur un fil fragile. Panique : parce que pour une fois les sentiments sont vrais.

Pire que le plombier polonais, le faux plombier brésilien qui travaille au noir. « C’est la résistance » : phrase fétiche qui tient lieu de compétence. Mais à la fin la facture est salée. « Passez me voir, rien ne marche », dit le locataire en panne.  « Ah ! non, surtout pas ! » s’écrie Charlotte (Alice  ?) après une malheureuse expérience.

« Garde la distance,  ne donne pas ton numéro. » Renversements successifs. « C’est comme ça que tu suis mes conseils ? » Plus tard : « C’est comme ça que tu suis tes conseils ? »

Par ailleurs, si vous voulez vous marrez franchement et à coup sûr, repassez-vous plutôt Quand la Panthère rose s’emmêle de Blake Edward avec Peter Sellers. Je dis ça parce que c’est justement ce que j’ai fait pour égayer mes gosses au début des vacances. D’ailleurs j’ai failli oublier : bonnes vacances !

Ici, ce fut partagé. Il semble que plusieurs y réussirent fort bien. J’imagine alors des salles différentes et homogènes. Les unes se dérouillent les zygomatiques à l’envi et jusqu’à plus soif, les autres gardant au contraire un rire rentré devant la gravité du propos comme pou en mieux savourer les tristesses latentes.

Ou la saveur paradoxale d’un film patronné par Bouygues qui présenterait d’une manière éminemment subversive les détournements des droits humains par les sous-traitants de Bouygues. A moins qu’il n faille y voir une façon lissée d’en atténuer les violences potentielles par une improbable bluette sentimentale qui ferait dire que les méritants s’en sortent toujours, que tout cela donc n’est pas si grave (si noir ?), et que ceux qui se noient sont des bêtes et méchants qui d’une certaine façon ont presque mérités d’être impitoyablement triés dans une sorte de processus somme toute naturel de sélection naturelle.

Subversif ? Il présente une situation qu’on ne voit pas si couramment ailleurs, d’une manière acceptable par le grand (gros ?) public, sinon pour le public obèse. Un film trop sombre, correspondant sans doute davantage à la réalité vraie, serait en effet rejeté et confiné aux ghettos des cinéphiles masochistes ou avant-gardistes.

Idée que les malheurs des riches les rapprochent des pauvres. Egalisent leurs conditions. Un burn-out cadre vaut un immigré clandestin. Un tétraplégique richissime vaut un stigmatisé des banlieues (Intouchables). Dans leur ensemble, collectivement, ou simplement individuellement ? La grande démocratie, à la limite de ce point de vue, c’est que pauvres et riches sont également mortels. C’était déjà la leçon de François Villon.

Je connais que pauvres et riches,
Sages et fous, prêtres et lais,
Nobles, vilains, larges et chiches,
Petits et grands, et beaux et laids,
Dames à rebrasser collets,
De quelconque condition,
Portant atours et bourrelets,
Mort saisit sans exception.

De là à vouloir égaliser les conditions de tous les riches et de tous les pauvres…

La scène la plus emblématique et la plus riche d’ambiguïtés. La cour de Babel. Les traductions impossibles, l’incompréhension totale. La scène qui fait le plus rire, celle qui en même temps devrait le plus faire pleurer.

Le T-shirt fétiche. « J’aurais dû le garder. »  Et plus tard (guère mieux) : « On va parler au juge. » Le T-shirt et ses ambiguïtés. Il aurait mieux valu… L’échec du rationnel qui pouvait réussir ouvre la voie à la promotion de l’irrationnel qui ne pouvait qu’échouer.

L’indice de tolérance de l’étranger. Wilson plutôt que Mohamed. Une expérience vécue par quelqu’un dans la salle.


C’est un film qui ne fuit pas la gravité, qui prend le temps de ses plans et de ses effets, qui ne joue pas dans l’esbroufe s’il confine parfois à une certaine facilité dans les scènes à faire pour provoquer l’émotion, qu’elle soit  comique ou mélodramatique. Si ce n’est la grande notoriété des acteurs principaux, et le battage médiatique exceptionnel qui l’a accompagné, il ne se différencierait pas nettement de nos films habituels. Il pourrait tout à fait figurer dans n’importe quelle programmation art et essai. C’est sans doute le plus grand compliment qu’on puisse lui faire. 


Le Canard enchaîné 5 novembre 2014


Berry républicain 15 12 2014


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