séance avec débat
est également présenté sur RADIO TINTOUIN
cinématographiques vierzonnaises :
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Bonne écoute.
Jean-Luc
« Tout le monde me demande ce que signifient les choses dans mes films. C’est terrible ! Un artiste n’a pas à répondre de ses significations. Je ne réfléchis pas si intensément à mon travail. Je ne sais pas ce que les symboles peuvent représenter. Ce qui compte pour moi, c’est qu’ils suscitent des sentiments, tous les sentiments que vous aimez en fonction de vos univers intérieurs. Si vous cherchez un sens, vous manquerez tout ce qui se passe. Penser pendant un film interfère avec votre expérience de celui-ci. Prenez une montre en morceaux, ça ne marche pas. De même pour une oeuvre d’art, impossible de l’analyser sans la détruire »
Andreï Tarkovski
Alors il m'a
suffi de regarder l'heure et surtout ne pas chercher à démonter l'ensemble des
rouages de la montre. Il faut se laisser couler dans le courant paisible de la
Tamise et accompagner M. Williams dans les vestiges de sa vie, quand il apprend
qu'il lui reste six mois à vivre. On est vite au diapason dès les premières
images, accompagnées par une magnifique bande-son, un homme « qui ne sait
plus vivre » resté dans la
« coquille d'une existence » qui cherche
à « ressurgir ».
Homme dont l'ambition était de devenir un gentleman. Il y a
de la nostalgie et de la douleur dans son retour aux sources mais nul pathos
dans ce film, la perte de sa jeune épouse et le fait d'élever seul son fils
sont évoqués avec pudeur et sans éclat, nul américanisation du propos ne
menace. C'est un produit hybride anglo-japonais, voir ci-dessous sa genèse,
tout en délicatesse, en rigueur, corseté à l'anglaise, sensible et diaphane à
la japonaise .
Son travail
comme « âme morte », son surnom de M. Zombie, homme mort et pas mort
à la fois, que lui attribue sa jeune secrétaire, lui laissent à priori peu de
chances de revivre et c'est pourtant au contact de Mlle. Harris, son
catalyseur, personnage solaire, qu'il apprendra à terminer sa vie en homme
heureux. Elle qui commence sa nouvelle vie, lui qui la recherche. Sans débauche
ni éclat, expériences tentées dans un premier temps, il posera comme de petits cailloux
les buts de la fin de son existence sur un chemin qui mène vers un distillat de
bonheur simple. Son testament, la création d'une aire de jeux, qu'il doit avoir
le temps de voir finie avant d'être « appelé » en gardant jusqu'au
bout son appétit pour la vie, c'est là toute sa grandeur.
Dès l'introduction, un narrateur
explique que le protagoniste est atteint d'un cancer de l'estomac, une maladie alors incurable. Il s'agit de Kanji Watanabe, un
fonctionnaire veuf en fin de carrière, responsable du service municipal des
Affaires publiques dans un arrondissement de Tokyo. Sa fonction se résume à écrire ou tamponner des formulaires,
sans la moindre utilité concrète, et il a abandonné depuis longtemps toute
initiative. Un jour, un comité de mères de famille vient déposer une requête
auprès du service des Affaires publiques concernant un problème d'eau polluée
sur un terrain vague où vont jouer leurs enfants, mettant leur santé en danger ;
elles demandent à ce que la zone soit assainie, et suggèrent que celle-ci
serait idéale pour la construction d'un parc de jeux. Mais M. Watanabe ne prend
même pas la peine d'étudier leur requête, par habitude de la lourdeur de toute
démarche au sein de l'administration, et rechignant à s'impliquer davantage en
prenant une quelconque responsabilité. Les mères sont donc renvoyées au bureau
des Travaux publics, où on les renvoie pareillement au bureau des Parcs, puis à
la Santé publique, puis à la Planification urbaine, puis à l'Instruction
publique, et ainsi de suite... chaque service s'avérant tout aussi inefficace
et évasif, cherchant à se décharger sur les autres services. À force de
persévérance, elles parviennent tout de même à obtenir une entrevue avec le
maire adjoint d'arrondissement, qui feint de s'intéresser à leur plainte, mais
il ne fait que les renvoyer vers la section des Affaires publiques, où le
circuit recommence à l'identique... Excédées, elles se mettent à fulminer
contre ces « tueurs de temps » que sont les fonctionnaires
municipaux, et s'en vont. Un employé leur indique alors que le chef de section
est absent, et leur suggère de formuler leur requête par écrit.
John
Il est des mélodrames qui font honneur au genre, et ce film en fait partie, étant un de ces mélos dans le sens le plus noble qu’on puisse donner à ce mot. Des références prestigieuses, comme Kapra ou Sirk, ont été données dans le débat ou après. Dans Vivre, c’est la comédie d’Howard Hawks, I was a male war bride (Allez coucher ailleurs) qui sert de référence classique explicite.
Dans tous ces cas, il s’agit de transcender une situation initiale à fort potentiel conflictuel, voire absurde. Ici, la tension est forte, entre monsieur William et son intérieur intime, où son fils et sa belle-fille, comme dans Molière, attende surtout du père qu’il leur laisse du bien. La révélation brutale de la gravité de la maladie vient précipiter ce composé chimiquement pur. On ne nie pas l’absurdité des rapports humains, et c’est le rôle de l’humour d’en montrer la permanence - comme quand on emploie le même mot, « boring » (ennuyeux ») pour qualifier à la fois la maladie mortelle dont William s’entraîne à faire le difficile aveu à son fils, et l’entorse à la cheville d'un sportif. Mais on ne s’y arrête pas, "on fait avec", on le dépasse en s’accrochant aux modestes merveilles que distille encore la vie. Catalyseur de cette réaction, et même plus que cela, la jeune femme « si nature » aux côtés de ce fonctionnaire « so british », est une divine rencontre. Après un début polaire, le réalisateur va faire monter le film en température, et la chaleur humaine constamment croissante finira par irradier toutes les situations. Pour s’en convaincre, il suffit de suivre la piste du modeste lapin blanc en peluche, dont la magie se transmet depuis l’intellectuel de bar jusqu’aux amoureux de la fin, en passant bien sûr par William lui-même. Y concourent efficacement certaines trouvailles délicieuses de mise en scène, comme l’introduction, par un regard caméra qui n’est pas destiné au spectateur, mais au contrechamp de sa famille au passé, souvent en noir et blanc. Ainsi son père lui réitère-t-il un compliment donné quand il était un jeune sportif débutant, ou est-il le destinataire de sourires d’une infinie tendresse venus du passé. La discrétion du fantastique dans ce film suscite autant d’émotion que son usage plus explicite dans maint grand classique du genre, sans qu’il soit question un instant de remettre en cause ces derniers, bien évidemment.
Et si, comme dans la chanson de Léo Ferré, on peut dire un moment avec les hypocrites bien-pensants : « Monsieur William, vous manquez de tenue ! », on ne se précipite pas dans une logique tragique, on s’envole au contraire dans une bonté édénique. En témoigne la chanson, sur laquelle le héros (ou l’anti-héros à la manière des fonctionnaires des romans russes), vient buter une première fois, quand il s’agirait d’évoquer la mère, mais qu’il prolonge avec délice la seconde fois, quand tout - c’est-à-dire la condition humaine - est enfin assumé dans sa plénitude. Seule brutalité réelle du film, mais c’est reculer pour voler encore plus haut : le raccord cut entre le début de la sortie sous la pluie et la photo sur le cercueil. Il permet de dérouler l’apologue agiographique qui va suivre, avec comme figure de rhétorique privilégiée l’anaphore (« Je me souviens de… », J’ai été témoin de… »), qui tresse efficacement la légende de l’obscur fonctionnaire héroïque.
Pour finir, je ne serais pas moi-même si je n’étais pas attentif à ce qui pourrait renvoyer à un contexte social contemporain difficile, avec la belle caution d’autorité d’un Frank Capra. On sort en effet difficilement de la guerre avec cette Amérique-ci, et on entre difficilement dans le Brexit avec cette Angleterre-là (même si, pour le financement, comme en témoigne le générique de fin, les sigles UK et UE apparaissent bien solidaires). Ne nous laissons pas prendre par le générique des années 50 si bien reconstitué: c'est bien de notre temps, malgré la force de la nostalgie qui l'anime, que ce film nous parle. Le cynisme, voire la trahison, d’une administration qui s’affiche au service du public, et qui en fait ne sert qu’elle-même, multipliant pour les usagers les chausse-trapes avec le plus souverain des mépris, m’a fait immédiatement penser au Daniel Blake de Loach, sans oublier, comme tout le monde cette fois, la référence kafkaïenne, et, comme presque tout le monde encore, la référence à Astérix, dans l’un de ses 12 herculéens travaux. Qu’elle est belle et pathétique, la litanie des résolutions de chacun des collègues de William à suivre son magnifique exemple humaniste, mais qu’il est triste et pathétique, cette fois dans le sens le plus péjoratif du terme, leur immédiat renoncement ! Ce « feel good movie » ne vise pas à nous bourrer d’illusions sur la condition humaine, et, s’il joue à merveille son rôle d’antidépresseur, il se refuse absolument à jouer celui de somnifère.
Jean-Marie
Zoe Boyle
2022 : Vivre (Living) d'Oliver Hermanus : Mme McMasters2016-2018 : Frontier : Grace Emberly
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