séance avec débat
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Bonne écoute.
Jean-Luc
Seule La Terre est éternelle, nouveau film-documentaire de François Busnel consacré à l'écrivain américain Jim Harrison. Le souffle haletant, une cigarette aux lèvres, au volant de son pick-up, l'homme scande de sa voix rauque et fatiguée le retour à la nature.
Jim Harrison affirme dans ce film-documentaire que les Indiens croient que quand la foudre frappe un arbre ce sont les dieux qui visitent la terre . Il me semble que ce sont les dieux qui se sont incarnés en Jim Harrison, devenu mi-ange mi-diable, monstre de la littérature américaine contemporaine. François Busnel rejoint l'auteur dans son amour pour les écrivains et on cite notamment les grands auteurs français et russes, peu de place pour les lettres anglo-saxonnes.
Fort intéressant les louanges d'autres auteurs contemporains pour son œuvre, ainsi Russell Banks, Colum McCann et Peter Mathiessen disent toute leur admiration.
Je dis souvent que je vois deux films en un, ici je serai tenté de dire que j'en vois trois. Premièrement une magnifique immersion dans les états de Wyoming, Montana et Michigan et la splendeur de leurs paysages des westerns.
Deuxièmement une autobiographie d'Harrison, personnage truculent à souhait, fort et fragile à la fois qui s'approche de la fin de sa vie lucidement et sans peur car seule la terre est éternelle. Sa vie est faite et comme épitaphe il souhaite voir sur sa tombe « The job is done » « j'ai fait mon boulot », ceci semble largement mérité.
Troisièmement une réflexion sur le travail d'écrivain, sur ses motivations, son inspiration. Magnifique, l'image de l'écrivain assis devant un mur blanc sur lequel il projette ses idées, ses images, avant d'écrire. Ecrire ensuite à la main sur un petit cahier quasiment sans rature. Il raconte qu'il a écrit « Légendes d'Automne » en neuf jours en changeant un seul mot. Dans ses romans on trouve énormément de détails tirés de sa vie personnelle, on le devine à l'ombre de chaque chapitre.
On découvre un homme totalement en fusion avec la nature, on pense évidemment à Thoreau. Harrison aimait par dessus tout les rivières et la pêche, les arbres, la montagne, les ours malgré sa crainte des grizzlys. Défenseur des Indiens, il ne pardonnera jamais les hommes qui ont massacré ces tribus et les bisons qui leur donnaient à manger en évoquant la bataille de Wounded Knee. Comme il ne pardonnera jamais la « civilisation » américaine et sa cupidité, étalée notamment dans les grandes villes. Il réclame une meilleure répartition des richesses pour aider les laissés pour compte d'Amérique.
Son style d'écriture diffère beaucoup d'un livre à l'autre mais peut s'avérer parfois difficile d'accès avec des changements réguliers de narrateurs, des ellipses chronologiques et d'autres surprises. Vous pouvez trouver quelques-uns de ses ouvrages à la médiathèque de Vierzon.
Quant au réalisateur François Busnel que nous avons tellement l'habitude de voir en entretien avec des écrivains, entre autres Jim Harrison, ici on ne le voit jamais sauf une fois quand on aperçoit l'arrière de sa tête et son oreille droite. C'est tout à son honneur de s'effacer de la sorte.
John
James (Jim) Harrison a désormais sa place déterminée dans l’histoire de la littérature mondiale en général et américaine en particulier. Le voilà donc rangé parmi les écrivains du « nature writing » (écrire sur la nature).
On le case également dans la sous-classe « école du Montana », même si ce type de classification reste régulièrement mis en question. Une chose est sûre cependant : Jim Harrison est un écrivain suffisamment particulier pour qu’on retienne avant tout ce qui fait sa singularité, qu’elle vienne de son tempérament ou de son histoire atypique.
Fils de la terre (de la ruralité), il n’était a priori pas destiné à devenir écrivain.
On a insisté sur l’importances des traumatismes inouïs qui ont modelé sa vocation d’écrivain : oeil crevé à sept ans, perte brutale de son père et de sa soeur à vingt ans. Avant l’accident, il avait commencé des poèmes ; il se doit pour survivre de les terminer après-coup. Et pour beaucoup de ceux qui le suivent de près, il restera toujours davantage poète que romancier.
Entre temps, l’influence décisive fut celle de sa professeure de français de lycée. On insiste beaucoup sur les symbolistes français de la seconde moitié du XIXe siècle. Pour ma part, je pense que son rapport à la nature s’appréhende dès le romantisme à visée philosophique. C’est sans doute là que je trouve le meilleur commentaire de bien des séquences du film. Souvenez-vous vous-même de vos années lycée : il n’est que de relire Le Vallon de Lamartine ou La Maison du Berger d’Alfred de Vigny pour s’en convaincre. Pas question de citer ces textes en entier, évidemment, quelques vers jalons suffiront, en pensant que ce qui est ici évolution est sans doute concomitance (et non pas contradiction) chez Harrison.
Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.
Eh oui, Lamartine aussi nous dit que seule la terre est éternelle.
Vigny maintenant, en « nature writer » français par anticipation :
Pars courageusement, laisse toutes les villes ;
Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin
Du haut de nos pensers vois les cités serviles
Comme les rocs fatals de l'esclavage humain.
Les grands bois et les champs sont de vastes asiles,
Libres comme la mer autour des sombres îles.
La Nature t'attend dans un silence austère
Poésie ! ô trésor ! perle de la pensée !
Ne me laisse jamais seul avec la Nature ;
Car je la connais trop pour n'en pas avoir peur.
Elle me dit : "Je suis l'impassible théâtre
Que ne peut remuer le pied de ses acteurs ;
Mes marches d'émeraude et mes parvis d'albâtre,
Mes colonnes de marbre ont les dieux pour sculpteurs.
Je n'entends ni vos cris ni vos soupirs ; à peine
Je sens passer sur moi la comédie humaine
Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs.
"Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre,
A côté des fourmis les populations ;
Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre,
J'ignore en les portant les noms des nations.
On me dit une mère et je suis une tombe.
Et je dis à mes yeux qui lui trouvaient des charmes :
"Ailleurs tous vos regards, ailleurs toutes vos larmes,
Aimez ce que jamais on ne verra deux fois."
Derrière le stoïcisme affiché des paroles prononcées par Jim Harrison et l’acceptation sereine de la fatalité - on pense cette fois au final de La Mort du Loup -, il faut aussi percevoir la voix qui soudain s’éraille un peu et les yeux qui se recouvrent de larmes. Derrière l’apparence volontariste, en effet, il y a les fêlures pascaliennes de la condition humaine. La présentation du titre des premièers images met en valeur les mots SEULE et ETERNELLE. Toute interprétation est alors possible, depuis la recherche d'une forme de consolation devant la finitude de la vie humaine jusqu'à son contraire, l'angoisse métaphysique. Tout est dans le "mais" de l'épitaphe qu'il choisit de privilégier: "Nous aimions la nature MAIS nous n'avons pas pu rester".
Busnel est suffisamment complice pour pouvoir nous transmettre ces moments de fragilité et d’intense humanité. James Harrison s’est éteint comme le dernier des Mohicans. Et François Busnel restera par la force des choses comme son dernier documentariste à l’avoir filmé vivant, avec la complicité d’Adrien Soland, ce dernier étant aux manettes pour les émissions télé La grande librairie et Les Carnets de route de François Busnel (dont deux consacrés à Colum McCann).
Notons que ce possible misanthrope est capable de susciter de solides amitiés. Pas misanthrope d'ailleurs à mon avis, mais plutôt asocial de cette société-là, celle qui creuse les inégalités sociales et prospère sur le massacre des Indiens que son père, le premier, lui a fait connaître et aimer. Il en fallait, de l’amitié, pour se confier ainsi à la caméra de son admirateur français. Et au cœur du film, le grand public sera peut-être étonné de sa relation d’intense estime et d’intense amitié avec l’acteur Jack Nicholson.
Près de sa fin, il s’étonne lui-même d’avoir tant tardé pour faire son pèlerinage à la forêt près de Grenade où fut fusillé par les milices franquistes Federico Garcia Lorca, dont il retiendra que la littérature a vocation à ne s’occuper que de trois choses, à savoir l’amour, la souffrance et la mort. Tout Harrison est là.
Enfin ce n’est sans doute pas un hasard s’il emprunte son épitaphe souhaitée à l’anthropologue américain Loren Eiseley, qui écrivit un jour : «Une vision accompagnée de l’action peut changer le monde.»
L’épitaphe qu’il préfère :
Compléments Wikipédia
Nature writing : genre littéraire né aux États-Unis dans une certaine tradition politico-philosophique remontant à Henry David Thoreau, mêlant observation de la nature et considérations autobiographiques.
Walden ou La vie dans les bois de Henry David Thoreau, ni roman, ni autobiographie, éloge de la nature et critique de la technologie, ouvrage fondateur du genre.
Et au milieu coule une rivière (A River Runs Through It), ou La Rivière du sixième jour au Québec, est un film américain réalisé par Robert Redford, sorti en 1992. Il est adapté de la nouvelle La Rivière du sixième jour de Norman Maclean.
Pour ce qui est des thèmes, il serait tentant de réduire l'école du Montana à des récits tournant autour de la nature et notamment de la pêche à la mouche : cela s'explique principalement par le succès au cinéma du film Et au milieu coule une rivière de Robert Redford, adaptation du récit éponyme de Norman Maclean. La pêche est certes aussi présente dans d'autres œuvres de l'école du Montana, ainsi dans les poèmes de Raymond Carver tel que The Current, mais aussi en toile de fond de sa nouvelle So much Water so close to Home (Neuf histoires et un poème, 1996). Le héros du Chant du coyote de Colum McCann, Michaël l'Irlandais, pratique également la pêche à la mouche. Mais l'école du Montana ne se résume pas à des histoires de pêche.
Certains écrivains du Montana ont ainsi opté pour le roman policier comme La Mort et la belle vie de Richard Hugo (1980), Un trop plein de ciel de Robert Sims Reid (1988) ou, plus récemment, Lone Creek de Neil McMahon (2008).
D'autres écrivains du Montana se sont essayés au roman d'apprentissage comme Mildred Walker dans Blé d'hiver (1947)19, Norman Maclean dans Montana 1919 (1976) ou, plus récemment, Judy Blunt avec Breaking Clean (2003).
Jean-Marie
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