42ème séance avec débat
EN GUERRE
Drame français de Stéphane Brizé (2018- 1h53).
JEUDI 1er JUIN 2018 (CINE DEBAT)
20H30
Vincent Lindon de nouveau en guerre contre la précarité.
Licenciements bousiers, délocalisations, combats syndicaux,…
Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de leur entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins la fermeture totale du site. Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte‑parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi.
Sur ce film, Michel Ch. nous oriente vers cet article particulièrement intéressant.
(D'autant plus que la même page nous renvoie à un article de Michel Pignet sur la Charte d'Amiens qui empêcherait la convergence des luttes:
https://www.monde-diplomatique.fr/2018/05/PIGENET/58652 . )
(D'autant plus que la même page nous renvoie à un article de Michel Pignet sur la Charte d'Amiens qui empêcherait la convergence des luttes:
https://www.monde-diplomatique.fr/2018/05/PIGENET/58652 . )
Pour la page complète (avec photos, bande annonce et commentaires) suivre ce lien :
On ne résiste à la puissance suffocante du film de Stéphane Brizé (En guerre) qu’à y discerner une place vide, la place du discours manquant. Il faut absolument y voir cet espace inoccupé, et la possibilité de le remplir, l’espace d’une réponse, c’est-à-dire d’un discours à déployer, opposable aux impossibilités montrées par le film, capable d’en faire sauter un mur, sinon c’est insupportable.
C’est insupportable, car ce que montre le film, c’est la force d’un ordre institutionnel capable de se donner raison à lui-même, un ordre qui mure portes et fenêtres, qui bouche toutes les issues pour ne laisser subsister que sa vérité. Lorsque les économistes stipendiés, les experts de service, les éditorialistes débiles et les patrons odieux disent qu’« il n’y a pas d’alternative », c’est vrai. C’est vrai parce que les structures ont été aménagées pour que ce soit vrai. Lorsqu’ont été installés la déréglementation financière et le pouvoir actionnarial, le libre-échange commercial au mépris de toute norme sociale et environnementale, la libéralisation du régime des investissements directs, c’est-à-dire de la localisation des sites industriels (à laquelle on ajoutera celle des sièges sociaux), il est exact que tout est joué ou presque, et qu’en effet il n’y a plus d’alternative. En somme, la disparition des alternatives, ça s’organise.
C’est là par excellence le point répugnant de l’époque. La plupart des personnages qui la dominent en actes et qui triomphent en mots savent à peine à quoi ils doivent de la dominer, et de triompher (la plupart – certains savent très bien). Ils en tiennent le discours comme des automates, mots inhabités, phrases mécaniques – « l’environnement de la mondialisation », « dont nous ne pouvons nous abstraire », « le marché », « qui s’impose à nous », « l’agilité », « pour être plus compétitif » – grumeaux de pensée dont Brizé prend soin de nous donner des échantillons atterrants, plus consternants encore quand ils viennent dans la bouche des conseillers ministériels, représentants de l’État mentalement colonisés par la langue du capital. Le plus terrible de ce que montre Brizé, ça n’est pas tant la situation même, que les mots dégoûtants opposés par les triomphateurs pour imposer leur triomphe, et faire toucher terre à ceux dont ils triomphent, à qui ils refuseront tout – mais avec des mots. Et, c’est bien ça le pire, sans réplique possible : avec des mots qui disent « vrai » en un sens, même si leurs utilisateurs ne savent pas pourquoi ils disent vrai, selon quel régime de vérité. Comme un cas d’école d’une théorie simple de l’idéologie, ils croient énoncer un fait de nature quand ils ne disent qu’un état des structures. Un état que d’autres avant eux ont contribué à installer (car les structures ne tombent pas du ciel), et qui – c’est cela le vrai –, une fois installé, déploie implacablement toutes ses nécessités.
L’impossibilité organisée
C’est bien pourquoi tous les mots d’ordre pour manifestations, à base de « partage des richesses », de « réduction du temps de travail », d’« augmentation des salaires » ou d’« interdiction des licenciements » sont nuls et non avenus tant qu’ils ne posent pas explicitement la question de leurs conditions de possibilité structurelles. Faute desquelles, ils demandent la neige en juillet ou Noël à Pâques – et ceci n’arrivera pas.
Ceci n’arrivera pas parce que les structures ont été bien faites pour le rendre impossible. Vérité simple et presque tautologique : quand les structures sont en place, tout est vrai des objections opposées par les structures. Pourquoi fermer une usine rentable ? Parce qu’elle ne l’est pas assez. Mais pourquoi ne pas se contenter de « moins » ? Parce qu’il y a des actionnaires et qu’ils ne le permettraient pas. Ne peut-on résister parfois aux actionnaires ? Non, parce que lorsqu’ils ne sont pas contents, ils vendent et le cours de l’action baisse (déréglementation des marchés de titres). Et ? Et l’entreprise dont la valeur boursière plonge devient une proie potentielle pour un raider (démantèlement du système des participations croisées), or s’il y a une OPA, toute la direction sautera – pense, à raison, la direction, qui ne veut pas du tout sauter, et puis qu’on a aussi pris soin de gaver de stock-options de sorte que ses propres intérêts soient désormais bien alignés sur ceux des actionnaires. Négocier avec ces derniers quand même ? Bon courage, la plupart sont des grands investisseurs institutionnels qui se font sauvagement concurrence par la rentabilité servie aux épargnants et ne renonceront pas à un dixième de point (financiarisation de l’épargne concentrée auprès des grands gestionnaires de fonds collectifs – mirifiques perspectives de la retraite par capitalisation). Nous irons donc baisser les coûts partout où c’est possible, en matraquant d’abord les salariés puisque tout nous y incite : le chantage à la compétitivité d’abord (libéralisation du commerce international) et à la délocalisation (nouveau régime des investissements directs et liberté d’établissement), la démolition de toutes les protections juridiques et réglementaires des salariés ensuite (dérégulations successives du marché du travail), par annulation des conquêtes d’un siècle de luttes sociales. Si donc le Nord de la France est trop cher, sous la double commande de nos actionnaires et de nos stock-options nous irons en Pologne, si la Pologne à son tour exagère, nous l’expédierons au Vietnam, et puis du Vietnam en Afrique, car nous en avons pour un moment avant d’avoir épuisé tout le réservoir à pauvres de la planète. Et nous ferons tout ça car nous le pouvons, car depuis trente ans nous ne cessons d’œuvrer pour qu’on nous aménage le terrain de jeu qui nous le permette et que, dans ces conditions, nous ne voyons pas pourquoi nous nous retiendrions d’user de la moindre de nos latitudes.
Toutes les fois où des salariés choisissent autre chose que leur destruction, le ministère de la propagande intégrée est là, entier, écumant, pour leur tomber dessus : France 2, BFM, France Info (la BFM étiquetée « service public »), France Inter dont les matinaliers s’égosillent à chaque occasion pour savoir si tout de même on ne condamne pas ces violences. Car voilà : il faut « condamner les violences ». En 2010, Pujadas, à l’aise, croit pouvoir se faire en petite foulée le syndicaliste des Conti après le passage des ordinateurs de la sous-préfecture de Compiègne par la fenêtre. Le malheureux : il ne sait pas qu’il est tombé sur un os. L’os s’appelle Xavier Mathieu et lui, qui ne pratique pas la reptation comme l’autre, a une colonne vertébrale. Ici, coup d’arrêt : le tribunal des procureurs médiatiques, c’est fini. L’ère des condamnations sélectives « des violences », c’est terminé. Voulez-vous parler « des violences » ? C’est parfait, examinons-en donc le tableau d’ensemble. Mais c’est ce que le ministère de la propagande qui s’ignore ne veut en aucun cas ! Lui, ce qui l’intéresse, ce sont les chemises de DRH et rien d’autre. Qu’on lui donne une voiture de PDG sur le toit comme dans le film de Brizé, là oui, sa joie est faite. Mais le film, précisément, a le mauvais goût de montrer aussi tout ce qui conduit à la voiture à l’envers – car elle ne s’y est pas mise toute seule, et l’hypothèse de la sauvagerie naturelle des ouvriers n’y suffit pas non plus. Loi générale : les gens font des choses parce qu’on leur a fait des choses. Or, ici, les choses qu’on leur a faites, on les voit. Du coup, les choses qu’ils font, on les comprend – au double sens du terme même. Si le film de Brizé est étouffant quand il semble nous laisser sans issue, il est politiquement salutaire quand il restaure les images manquantes, les images antécédentes – celles que les médias prennent bien soin de ne jamais montrer, pour que surtout jamais on ne comprenne.
Lire aussi Alexia Eychenne, « Goodyear et ses fantômes », Le Monde diplomatique, mai 2018. Pendant ce temps, la racaille éditorialiste, qui ne supporterait pas qu’on lui fasse le centième de ce qu’on fait ordinairement à la classe ouvrière, et quand on la met au travail et quand on la jette hors du travail, continue de donner des leçons. Des dossiers préfectoraux au vent, des vitrines brisées, des sacs de nuggets en déshérence, c’est très grave. Goodyear : divorces par dizaines, naufrages individuels dans l’alcoolisme, surendettements, maisons vendues, 750 salariés sans solutions, RSA. Seize suicides aussi. Les médias avaient parlé du « saccage » de la sous-préfecture de Compiègne. À seize suicidés chez Goodyear, on passe le seuil technique du « saccage » ? on ne le passe pas ?… On ne l’a pas passé. L’humanisme étendu souffre plus pour les nuggets ou les ordinateurs, dont il est vrai qu’on ne souligne pas assez la cause.
Et puis, disait Berkeley, esse est percipi : être, c’est être perçu. C’est formidable, pense aussitôt la racaille : de ce qu’on ne voit pas, on peut donc dire qu’il n’existe pas ! C’est cela même contre quoi lutte le film de Brizé, contre cette élévation de l’injustice au carré qui consiste en le déni de l’injustice. Et si, élargissant le champ des perceptions, commençant à y faire entrer les causes prochaines ordinairement occultées, si, faisant cela, il nous aide, c’est pour nous acheminer vers une décision, une décision éclairée même, puisqu’il nous en met tous les éléments sous les yeux. C’est que nous voilà rendus à un grand carrefour civilisationnel, une grande ligne de partage politique des eaux. Deux partis s’offrent : le parti des nuggets et le parti des hommes. On va voir qui choisit quoi.
Frédéric Lordon
Frédéric Lordon, né le 15 janvier 1962, est un économiste et chercheur en philosophie français.
Il est chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE) en sociologie économiquesous le statut de directeur de recherche au CNRS. Il est chercheur en philosophie depuis 2012 à la section 35 du CNRS (Sciences philosophiques et philologiques, sciences de l'art). Il est membre du collectif Les économistes atterrés.
Au printemps 2016, il intervient à de nombreuses reprises dans le cadre du mouvement Nuit debout.
Il est un collaborateur régulier du mensuel Le Monde diplomatique, où il tient un blog intitulé « La pompe à phynance ». Avec François Ruffin entre autres, il organise le 5 mai 2018 la manifestation « La fête à Macron » pour protester contre la politique du président de la république Emmanuel Macron. (Wikipedia)
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Soutien presse Vierzon
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Nuit européenne des musées
Conférence prisonniers de guerre
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Nouveaux tarifs Ciné Lumière
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https://cinegraphe.blogspot.fr/2018/05/actu-mai-18.html
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(capture d'écran du 27 septembre 2017).
Tiens... tiens... "abondante et variée"... Et si Ciné Rencontres y était un peu pour quelque chose en fin de compte?...
Autres tarifs au Ciné Lumière:
Berry républicain 2 décembre 2017
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