samedi 6 juin 2015

JAUJA

32ème séance avec débat





JAUJA





Western argentin de Lisandro Alonso avec Viggo Mortensen. (2015 - vostf - 1h50)


VENDREDI 5 JUIN 2015
20H30
SOIREE DEBAT








Il s’est bien passé quelque chose à Ciné Rencontres, mais ce n’est pas du tout volontairement que nous avons provoqué ce test.
Un film aussi étrange, aussi déroutant, aussi lent, autant capable de susciter le sommeil de qui arrive là un peu fatigué – JMB y a vu un avantage, puisque quand on rouvre les yeux le plan n’a guère changé entre temps et on ne perd rien du fil de l’histoire si tant est que l’histoire ait un fil – nous aurait valu jadis une salle quasi déserte, et un lynchage en règle de qui aurait été présent et se serait senti trompé sur la marchandise en nous ayant fait confiance.
Au lieu de cela, le public a tranquillement pris le débat à son compte, chacun a proposé sa cohérence et sa lecture du film, et nous – John et moi – simplement la nôtre, une parmi beaucoup d’autres.
On a convoqué la zoologie, comme les chiens de mer, où les mâles dominants, reconnaissables à ce nez développé qui évoque une trompe, n’ont de cesse qu’ils n’aient éliminé tous leurs rivaux, et même si, emportés par la cruauté du film on a pu dire qu’ils les tuaient systématiquement, Wikipedia nous rassure en disant que ces combats de plusieurs tonnes munies de défense sont rarement fatals.
Tient parfaitement son rôle dans le film le deerhound, lévrier écossais immédiatement et parfaitement identifié par John, et dont Walter Scott disait qu’il était « la plus parfaite créature qui soit ». Sa filmographie est impressionnante, de Out of Africa (où le héros comme par hasard s’appelle Denisen aussi), jusqu’au film d’animation Rebelle, en passant par Harry Potter et l’ordre du Phénix ou encore Robin des Bois.




Et puisqu’on s’accroche à tout avec ce film, accrochons-nous un instant à cette danoiserie-là, qui en vaut bien une autre.

Out of Africa (sous-titré en français Souvenirs d'Afrique) est un film américain de Sydney Pollack, sorti le 10 décembre 1985 et adapté de La Ferme africaine, un roman autobiographique de Karen Blixen.

Karen Christence Dinesen (Meryl Streep), une jeune aristocrate danoise, rejoint le Kenya - à l'époque, colonie britannique - pour épouser le frère de l'amant qui n'a pas voulu d'elle. Par ce mariage, elle devient la baronne Karen Blixen. Elle en vient vite à éprouver un amour profond pour l'Afrique, alors que l'Europe entre dans la Première Guerre mondiale. Elle s'acharne à faire pousser des caféiers sur les terres nues et désolées de sa ferme, dans l'espoir de protéger la tribu africaine qui y vit. Délaissée par son mari volage, Karen s'éprend violemment d'un chasseur, Denys Finch Hatton(Robert Redford), aussi libre et farouche que les fauves qu'il poursuit.

Bien entendu on a aussi à propos convoqué les analyses des contes et des mythes, depuis Vladimir Propp jusqu’à Mircea Eliade, en passant par une référence du couple conte et psychanalyse qui n’est pas celle de Bruno Bettelheim et que j’ai malheureusement oubliée. Interpénétration des mythes, qu’ils viennent du christianisme ou du paganisme, sorcières shakespeariennes ou irlandaises, sagas noroises et runes mystérieuse, monde arthurien et échappées soudaines vers l’Autre Monde, mythologie japonaise popularisée par Hayao Miyazaki : les échos et les réfractions sont multiples. S’il y a une légende précise comme le générique de début le laisse entendre, il serait bon de la connaître plus en détail pour y trouver quelques clés vraiment fiables.

Le titre Jauja n’a pas manqué d’intriguer également. On a rêvé plusieurs hypothèses à partir de lui, jusqu’à ce qu’Edwige et son smartphone ne donne le dernier mot et nous rappelle ce carton initial.

Les Anciens disaient que Jauja était, dans la mythologie, une terre d’abondance et de bonheur. […] La seule chose que l’on sait avec certitude, c’est que tous ceux qui ont essayé de trouver ce paradis terrestre se sont perdus en chemin.


Bien sûr la violence initiale et le retour des refoulés génocidaires (Indiens, aborigènes, bons et mauvais sauvages,…) fut de nos conversations. Refoulé ou prurit: ça gratte là où ça démange.


En ce qui me concerne, j’ai pris le risque d’avouer y avoir vu un film oxymore, dans une relation d’alliance conflictuelle concernant aussi bien le fond que la forme entre l’univers de John Ford et celui de Carl Theodor Dreyer. Et si on tient à rentrer dans plus de détail dans cette direction, je dirai entre La Prisonnière du Désert et Ordet. Y concourt aussi la rivalité des formats, le format large anamorphose 1.85.1 des vastes horizons du western de 1956 le cédant au 4-3 de l’intimisme mystique danois, lequel serait en outre soumis à une hyperbole dans le vignettage qui nous ramène dans le rétro bien au-delà du 1955 du film de Dreyer. Et, contrairement à ce que pensent certains qui pensent qu’il y a toujours de la musique – JMB se reconnaîtra – John Ford n’hésite pas à souligner ses plans par de brusques moments de silence.












Je renvoie enfin à ce que dit Lionel Tardif dans son livre Les grand aventuriers du cinéma.
Le livre est déjà mentionné à cet endroit :
http://cinegraphe.blogspot.fr/2013/12/la-danse-de-shiva.html




Un contrepoint s'établit entre le réalisme du quotidien et l'intervention du surnaturel remarque justement Semolué. De nouveau le prodigieux rapport entre la bande image et la bande sonore permet de rencontrer l'inexprimable. Comme le temps est presque aboli, le film est volontairement statique. Les plans forts longs alternent avec des séquences très morcelées.
Pour leur en donner toute leur intensité seuls deux gros plans interviennent dans le film isolés parmi de nombreux plans américains. Ce sont ceux d'Inger au moment de l'accouchement : l'un renversé et brusque, l'autre montre Inger apaisée sa chevelure l'auréolant sur la blancheur des draps.
La caméra se déplace souvent dans de longs glissements horizontaux. Ces mouvements instaurent un rythme coulant, parfois caressant mais avec une grande discrétion et une grande pudeur. Quand Johannes parle de ressusciter sa mère, la caméra l'enveloppe en faisant un tour complet autour des deux personnages, puis repart doucement dans une autre direction. C'est un livre entier qu'il serait important d'écrire sur le fond et la forme d'un tel film. Cette œuvre-là est une véritable approche de la vraie nature de l'esprit.



Pour le sens du vide et du mystère et les connotations italiennes - après l’univers danois et argentin -, je suggère enfin des rapprochements avec l’univers de Dino Buzzati.



Valerio Zurlini, 1976.

Pour une critique positive peut-être éclairante, vous pouvez lire :
http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/jauja.html






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