dimanche 31 mai 2015

LA LOI DU MARCHE

31ème séance avec débat





LA LOI DU MARCHE




VENDREDI 29 MAI 2015
20H30
SOIREE DEBAT

Film français de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon. (2015, 1h33).







Avant de dire si c’était un bon film ou pas, il faut dire que le débat a été le lieu d’un grand nombre d’interventions extrêmement riches, que ce soient des témoignages vécus, des explications argumentées ou encore des confessions personnelles émouvantes. Pas trop de travail pour nous : le micro circulait spontanément de rang en rang et n’était jamais au chômage.

On n’a pas eu de rejet massif du film. Tout au plus a-t-on signalé ici ou là quelques longueurs, ou bien un excès dans les malheurs du chômeur : était-il bien nécessaire de lui donner en plus le handicap d’un fils handicapé ? Mais beaucoup l’ont justifié : on n’a pas idée, mais dans la vraie vie ce n’est pas si rare. Et les témoignages de pleuvoir, sur les situations dramatiques où « l’escalade de la chute sociale » - si j’ose dire – n’est plus vraiment une rareté, y compris dans la fin tragique du suicide tenté ou « réussi ».

Comme il y a un effet Kiss Cool, je me demande s’il n’y aurait pas un effet Ciné Rencontres.
Je me demande en effet si nous n’avons pas tendance à Ciné Rencontres à sur-valoriser mécaniquement l’intérêt des films présentés. Hypothèse : comme on aura une possibilité d’expression enrichissante au cours du débat, et ce fut le cas ce vendredi soir, l’ensemble de la soirée ne laisse que rarement une impression de vide et de déception. Si ce n’est pas encore un théorème, car tout cela reste encore à démontrer, c’est au moins une conjecture : la conjecture de Ciné Rencontres.

A signaler au milieu de cette ambiance plutôt noire le témoignage tout à fait tranquille de ce jeune garçon qui nous a dit s’être attaché au personnage principal. Il faut dire que l’interprétation de Vincent Lindon, ici comme à Cannes, a fait l’unanimité. Dès le début du film, on comprend que le seul professionnel du casting fait plus vrai que nature.

La bio de l’acteur sert-elle à comprendre quelque chose ? Issu d’une famille bourgeoise, il serait en quelque sorte affectivement « prolétarisé » en étant privé de l’affection de certains ( ?) de ses parents. Un spectateur a fait le lien avec la célèbre déclaration de l’acteur lors de la remise du prix, disant qu’il a fait cela pour eux, mais qu’ils ne sont plus là. Est-ce incompatible ? Il y a avait peut-être plus d’amertume que de déclaration d’amour dans cette ironie du destin qui s’acharne à l’empêcher de combler ce vide originel, s’il existe. Je n’ai pas l’intention ni sans doute les moyens d’une enquête approfondie sur ce point. Le peu que j’ai trouvé (ci-dessous) donne à penser que le père est une exception dans cette hypothétique indifférence familiale, même si entre les lignes on peut lire un certain mépris dont il aurait été l’objet.

Piste : le moment Gala, etc.
Vincent Lindon voit le jour le 15 juillet 1959 à Boulogne-Billancourt. Fils de Laurent Lindon, industriel et d'Alix Dufaure, journaliste de mode au magazine Marie-Claire, il est issu d'une illustre famille d'intellectuels qui compte notamment l'éditeur des Editions de Minuit, Jérôme Lindon, son oncle, et un haut magistrat, procureur à la Libération, Raymond Lindon, son grand-père. Après le divorce de ses parents, Vincent grandit aux côtés de sa mère et de son beau-père, le journaliste Pierre Bénichou. Adolescent peu intéressé par les études, Vincent Lindon cherche sa voie entre un stage à New York dans un label de musique, une expérience d'aide-costumier sur un tournage de film (Mon oncle d'Amérique), et un emploi de coursier au quotidien Matin de Paris. Un temps régisseur sur les tournées de Coluche, c'est finalement la comédie qu'il choisit lorsqu'il franchit la porte du Cours Florent à Paris au début des années 80. 

Vincent Lindon a évoqué, avec beaucoup d'émotion, ses parents disparus lors de son discours à Cannes 2015.
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Vincent Lindon parle peu de son père, mais quand il évoque cette pierre de touche de sa vie familiale, c'est avec une émotion puissante comme dans le discours prononcé à Cannes 2015 fin mai, en recevant la palme du meilleur acteur.
Vincent Lindon est l'aîné de trois enfants.
Dans cette famille riche en personnalités puissantes (André Citroën est son arrière grand-oncle, son oncle Jérôme Lindon est le fondateur des Éditions de Minuit, son grand-père Raymond Lindon était procureur de la République) son père, Laurent Lindon, était un homme a part. Laurent Lindon, considéré, paraît-il, un peu de haut par le reste de la famille, car il dirigeait une modeste entreprise d'autoradios et n'employait que des personnes ayant eu des problèmes avec la justice. Laurent Lindon qui est décrit par l'écrivain Mathieu Lindon avec concision : "Le père de Vincent avait des qualités de cœur explicites qui n'étaient pas courantes dans la famille."
Vincent Lindon estime que c'est son père qui lui a permis d'incarner, avec une justesse stupéfiante, "les gens qui nous entourent. (...) tous ces gens qui n'ont pas toujours été considérés à la hauteur de ce qu'ils méritent et qui sont les citoyens un peu laissés pour compte" comme il les évoquait durant son bouleversant discours à Cannes.
C'est aussi son père qui a donné à Vincent Lindon, ce qu'il considère comme l'un des meilleurs conseils du monde : "Le nom tu l'as déjà, tente le oui." Laurent Lindon est mort en 2003.
La mère de Vincent Lindon, évoquée à parts égales dans le discours à Cannes, était la journaliste de mode Alix Dufaure. Elle a divorcé de Laurent Lindon quand Vincent a cinq ans. Alix Dufaure a ensuite épousé celui qui deviendra le beau-père de Vincent, le journaliste Pierre Bénichou. Un homme qui travaille au Nouvel Observateur, doté d'un riche carnet d'adresses et dont le verbe haut fera longtemps le bonheur des auditeurs du On va s'gêner (Europe 1) de Laurent Ruquier puis des Grosses têtes (RTL) désormais animées par Laurent Ruquier. La mère de Vincent Lindon, Alix, est décédée en 2012.


A moins qu’on ne confonde trop rapidement les films et la vraie vie :


Le choix du supermarché pour illustrer le titre.
Publicité mensongère, ou idée que la grande surface moderne est représentative de tous les cas ou presque de dysfonctionnement au travail. On a même été plus loin: le rapport avec les camps de concentration a pu être établi parfois.



La focalisation systématique sur le seul acteur professionnel du film (ceci explique sans doute cela) produit, en plus de le mettre évidemment en valeur, un certain nombre d’effets supplémentaires. Parmi ceux-ci,
- l’importance accordée automatiquement au hors-champ. Deux cas à nouveau :
-- l’arrière plan est flou. Invite à négliger cet arrière plan, ou au contraire manière de le faire désirer (on aurait envie de voir aussi la « tête » des employés pendant le discours du DRH, etc.).
-- l’arrière plan est net. Mise sur le même plan des voix qui viennent d’une source que l’on ne voit pas. Un employé hors champ, même en chair et en os, n’est guère différent d’un ordinateur qui vous parle. L’humain et l’inhumain deviennent interchangeables. Effet Big Brother.
- l’identification au personnage qui s’en trouve facilitée. L’empathie est quasi automatique, comme la sympathie envers ceux qu’il aime et qui l’aident à vivre (femme, enfant), comme, à rebours, l’antipathie pour tous ceux qui ne l’aident pas ou même s’opposent à lui (employés pôle emploi, hiérarchie du supermarché, acheteur potentiel de l’appartement,…).


Entendu dans les médias :
1 actif sur 10 au moins serait concerné par le burn out
Entre 2,5 et 3,2 millions sur 25 millions d’actifs au travail.
Cela aurait un coût immédiat : plus de 2 milliards par an.
L’ensemble des pathologies psychiques :  presque 2 points de PIB.
Déni en France : seulement 230 personnes reconnues victimes de  maladies psychiques l’an dernier. Procédures ultra-compliquées.
Le projet : ce serait la prise en charge non par la sécurité sociale, mais par la branche accident du travail en tant que maladie professionnelle, soit l’entreprise.
Commentaire : ce n’est pas gagné…


Une référence.
Marion Cotillard



Deux jours, une nuit
est un film dramatique belgo-italo-français réalisé par les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, sorti en 2014.
Il est présenté en sélection officielle au festival de Cannes 2014. Les frères Dardenne y reçoivent un Prix spécial décerné par le jury œcuménique1 qui mentionne dans son communiqué que « Toute l'œuvre des frères Dardenne est empreinte [d'une] profonde humanité. Elle traite des problèmes actuels dans un monde difficile, souvent austère voire désespéré, elle parle de survie, de réconciliation et d'espérance. Grâce à un geste, une larme, un regard, une parole, un sourire, un mur se brise, une lumière apparaît, un avenir est possible et nous y croyons. » Le film n'aura pas été récompensé en sélection officielle (chaque film précédent des Dardenne était reparti avec un prix), malgré le fait qu'il était le grand favori de la presse.
Le film a été sélectionné pour représenter la Belgique à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère lors de la 87e cérémonie des Oscars en 20153, mais n'est finalement pas nommé dans cette catégorie. Néanmoins, le film décroche une nomination : Marion Cotillard est nommée pour l'Oscar de la meilleure actrice.

Sandra, modeste employée d'une entreprise de panneaux solaires, arrive au terme d'un long arrêt de maladie pour dépression. Son patron, qui a réorganisé l'usine en distribuant le travail de Sandra aux autres employés, soumet ceux-ci à un dilemme : ils devront choisir entre conserver leur prime de 1 000 euros ou permettre le maintien de l'emploi de Sandra en perdant la prime. Un premier vote défavorable à Sandra, sous influence du contremaître Jean-Marc, est contesté par une employée, Juliette, qui obtient de son patron le vendredi soir qu'il organise un autre vote dès le lundi matin.
Juliette réussit à convaincre Sandra de se mettre en marche, pendant les deux jours et la nuit du week-end, pour aller convaincre une majorité de ses seize collègues de voter en sa faveur en changeant d'avis. Lors d'un fastidieux et répétitif porte à porte, frappée de doutes, de honte misérabiliste et de désespoir, elle va rencontrer un à un ses collègues au destin aussi fragile que le sien et se heurter à leur refus souvent, à leur hésitation toujours, à la violence de certains, ou bénéficier de leur revirement parfois. Finalement perdante de justesse au vote, elle retrouve vigueur et espoir de vie de s'être battue de la sorte et d'avoir réveillé chez certains le sens de la solidarité, enfoui sous l'égoïsme matérialiste. Sur le point de trouver une issue positive à son inquiétant destin, elle sera amenée à assumer à son tour avec une fierté retrouvée son propre choix de solidarité.





Une réaction négative utile : 


Bonjour Ciné -Rencontres,

Ne pouvant pas venir assister à la projection vendredi soir , je suis allée voir le fil mercredi soir avec des amies . Quelle déception! Une forme semi-documentaire un peu bâtarde ( j'ai vu des docus sur le même sujet bien meilleurs!) Des plans interminables , un rythme très lent , un jeu "monolithe" de Vincent Lindon (qui à mon avis , fut bien meilleur dans Welcome ou Quelques jours de printemps) ; et pourquoi le faire père en plus d'un enfant handicapé , ce qui ajoute encore à l'accablement du chômeur! Non décidément , nous n'avons pas été emballées par le film , contrairement à un autre "petit" film autour d'un sujet un peu semblable , "Discount".
Bref , nous avons été très déçues car sans doute influencées par le battage médiatique au moment de Cannes. C'est pur cela que j'aurais bien aimé connaître l'avis des autres spectateurs .

A noter par contre que nous avons beaucoup aimé "La Tête haute" de Bercot avec un jeune acteur débutant, époustouflant !

Cordialement       

              Jacqueline 

Merci beaucoup Jacqueline pour ta contribution. Je n’ai pas vu le film mais j’ai vu Michel et Edwige hier, et nous avons échangé sur les craintes qu’il en soit de ce film comme tu le présentes : un film d’un misérabilisme convenu, fait sur mesure pour un festival paillettes qui veut se donner une image de bonne conscience envers les pauvres, et qui pour cela en rajoute lourdement. 
Je ferai état de cet avis après coup, pour ne pas influencer les spectateurs. Tu auras le retour sur leurs réactions dans le compte-rendu du blog. A suivre…
Cordialement,
Jean-Marie



Une réaction positive (sur le film) utile : 

Bonjour Jean-Marie,



Je ne pourrai pas être au débat demain, donc je suis allée le voir ce soir. Je n'ai pas de mot. C'est la réalité sociale brute, impitoyable où la solidarité est oubliée qui est montrée. Sous des airs de compassion, on incite des précaires à acheter son futur incertain sur des marchés financiers ou à taper sur son voisin pour avoir le droit d'exister... 



Lumière crue (sauf peut-être dans le cadre familial), beaucoup de plans-séquences fixes ou très peu de mouvement. Lindon très bon, avec un air de chien battu. J'ai eu mal pour lui. Et déjà que je n'aimais pas les supermarchés, mais alors là, je n'ai plus envie d'y retourner! (Ce serait une idée d'inviter 1 ou 2 caissière, 1 vigile de supermarché pour le débat...)



Sinon, je prends un peu de temps pour te faire une remarque, à faire remonter au cinéma (suivant suggestion d'Edwige).



J'ai, comme tu le sais, beaucoup de mal avec la VF. Avengers en VO, j'ai bien compris, pas possible. Je voulais le voir (j'adore Joss Whedon). J'ai serré les dents.



Par contre, Suite française doublé. Good kill encore doublé. Du coup, je ne suis pas allée le voir. Tout ça estampillé Ciné-rencontres. Je trouve ça très abusé. Soit cinélumière assume et passe de la VF (parce que c'est tellement plus facile) sans l'utilisation de l'association ciné-rencontres, soit il essaie une vraie stratégie culturelle et d'ouverture sur le monde (je dirais presque d'éducation culturelle, autant sur le cinéma que sur les langues étrangères). Mais, ce qui est fait là, c'est vouloir le beurre et l'argent du beurre.
Voilà.
Bon ciné demain.
Céline




 Merci beaucoup Céline pour ta contribution, même si elle met un peu à mal ma conjecture de Ciné Rencontres énoncée ci-dessus. Il faut reconnaître que ta réaction était largement en phase avec la majorité des spectateurs le soir de la séance. 
Bien sûr que notre association est très attachée aux VO, et à part Suite française ce fut toujours le cas pour les séances avec débat, où je me souviens que nous avons entendu pas mal d'accent irlandais récemment. 
En tout cas, merci en général aux adhérents d'être aussi vigilants en ce qui concerne notre programmation en dehors même des débats. Je me réjouis de recevoir de plus en plus de réactions pour ces films estampillés Ciné Rencontres présentés dans les salles de Vierzon (on ne peut pas multiplier les débats, il n'y a qu'un seul vendredi dans la semaine!). Bien entendu, ce sera transmis.
Cordialement,
Jean-Marie



CONCORDANCE DES TEMPS


Se tuer au travail, au sens propre

29 mai 2015 - 11 mars 1912

Voir à :
http://vaillantitude.blogspot.fr/2015/06/1885-victor-hugo-au-pantheon.html

(On peut aussi cliquer sur l'image ci-dessous:)







Prolongation au pot de fin de séance.
Ceci à l'attention de JMB qui, j'en suis sûr, mènera sa lecture attentive jusqu'à la fin de cette page.
Je pense qu'il trouvera ici ce qu'il cherchait, la suite de ce dialogue fictif entre le héros de sa ville natale et celui de la mienne.

http://vaillantitude.blogspot.fr/2015/03/1884-loi-waldeck-rousseau-sur-les.html





COMPLEMENTS, PROGRAMMES, PHOTOS, BANDES ANNONCES,...
    Cliquez sur le lien ou sur l'image.

http://cinelumiere-vierzon.info/



Vous n'avez pas manqué de remarquer la rubrique ART ET ESSAI... et le lien
CINE RENCONTRES.











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