samedi 10 octobre 2015

LES NUITS BLANCHES DU FACTEUR

6ème séance avec débat







LES NUITS BLANCHES DU FACTEUR
Film russe d'Andrei Konchalovsky avec Aleksey Tryapitsyn, Irina Ermolova, Timur Bondarenko. Lion d’Argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise. (2014 - vostf - 1h41)







CINE DEBAT 

VENDREDI 9 OCTOBRE 

à 20h30



Un film qui pourrait être testament – « pourrait », car si Konchalovsky est âgé rien n’interdit de penser qu’il ne puisse mener à bien d’autres projets - d’un réalisateur qui va à l’essentiel du message qu’il souhaite délivrer à ses contemporains.

Ce film est à la fois très fortement ancré dans la particularité d’une Russie isolée, mais dont les rapports sociaux et humains peuvent très vite trouver des échos pertinents dans l’ensemble de la Russie, voire de nos propres sociétés prétendument évoluées dans lesquelles les rapports humains ne sont pas toujours d’une harmonie irréprochable.
Un point commun, toutes proportions gardées : l’évolution de la Poste, de notre Poste à nous, qui perd rapidement l’aspect traditionnel de maillage du territoire et de garantie d’un lien social et humain, au profit d’une activité bancaire abstraite et d’une dématérialisation des contacts personnels passant par le numérique. Au point que même l’objection du facteur faisant remarquer à l’enfant qu’on ne peut envoyer du pain par Internet trouve déjà ses limites : on projette de faire de chaque foyer une poste délocalisée, fabricant à domicile des étiquettes imprimées à partir d’un site et utilisant sa propre boîte aux lettres comme point d’émission, et non plus seulement comme point de réception comme jusqu’à présent.
Au facteur, a dit quelqu’un, il lui suffit de trouver une femme, c’est tout. Mais ce n’est pas ce qui est le plus fréquent dans ces territoires. On a beau jouer de la drague lourdingue et de la séduction dentaire, soit les femmes sont déjà prises, soit elles rêvent d’aller voir ailleurs (le rôle porté par Irina Ermolova, seule actrice de métier, comédienne de théâtre plus précisément).
Autre présence rare dans cet univers de vieux mâles paumés,  celle de la jeunesse porteuse d’avenir. Cette fois, c’est le jeune garçon qui est mis en vedette. Pour mieux masquer les raisons de peur réelle (l’ennui n’étant pas des moindres), on utilise le leurre de peurs irrationnelles (la sorcière). Mais à la fin mère et enfant vont voir ailleurs si l’herbe est plus verte, et contrairement à ce que dit la fable, elle a de grandes chances de l’être en effet. Surtout parce que ce n’est pas bien difficile, étant donné les perspectives locales. L’avenir de cette mère, et surtout celui de son fils, ont toutes les chances d’être mieux assurés là-bas.

Et tout cela n’empêche pas les rapports humains d’être forts et précieux. Précisément parce qu’ils sont constamment menacés. Et de toute façon on n’a pas le choix. Pas de survie possible, si on ne se réconcilie pas après les querelles.

Alors, bonne ou mauvaise image de la Russie dans ce film ? On croirait le retour dans un cycle qui concerne personnellement le réalisateur, mais les différences sont aussi à prendre en compte. Pour avoir glissé des images misérabilistes dans la glorieuse Russie au début de sa carrière, il a connu la censure. On n’en est plus là aujourd’hui, et on accepte mieux de les compenser, ces images dégradées, par la promotion des magnifiques paysages touristiques (le lac Kenozero) et par les réalisations technologiques de pointe (les fusées), même si ces fusées laissent parfaitement indifférents les habitants eux-mêmes. La consécration de la Mostra fut précoce avec le Lion d’Or de L’enfance d’Ivan, et elle réapparaît avec la récompense de ce Lion d’Argent actuel. Mais Konchalovsky n’était alors que co-scénariste de Tarkovski, et il est maintenant le principal bénéficiaire de la récompense.

Bien des scènes mériteraient une analyse. S’il ne fallait en choisir qu’une, je garderais sans doute celle des poissons qu’on saisit. On ferme les yeux - on détourne les jumelles - quand c'est le général et son groupe qui braconnent, mais on ne passe rien aux petites gens.   La violence d’en haut, la violence d’Etat, s’y manifeste dans tout son cynisme. Le policier est apparemment en retrait, mais la pression exercée est maximale sur la DRH locale, sur laquelle on fait peser repose l’essentiel de la responsabilité des brutalités, et par voie de conséquence l’essentiel de la haine inévitable qui va avec. Au point que ce sera un des motifs explicites de son départ à la fin du film. Mais n’y a-t-il pas chez nous d’exemples comparables de violence patronale décidée dans de lointains bureaux feutrés, violence filtrée en dernier recours par des DRH à la fois tenus et aux ordres, qui risquent leur belle chemise blanche, et plus éventuellement? Curieuse schizophrénie nationale et hypocrisie internationale à ce propos, tous admirant la Révolution française qui donne enfin des droits aux hommes, mais dont on feint d'oublier qu'ils n'ont pu exister qu'après une violence d'une tout autre nature que celle-là, pourtant proposée en boucle sur les différentes chaînes TV pour mieux susciter l'indignation des foules.
Seule différence mais elle est de taille : le nombre. Aucune possibilité de révolte, et encore moins de révolution, avec une poignée de retraités assistés qui se tiennent bien serrés sur la largeur du banc d’un bateau. Seules perspectives alors : celles de se noyer dans l’alcool ou dans le lac. Encore que les deux ne sont pas incompatibles, et que la première option peut fréquemment mener à la seconde. On est bien loin là du « romantisme soviétique », pour reprendre l’expression du film, qui caractérisait le temps des Eisenstein et autres Poudovkine.

Et pourtant il y a aussi de l’optimisme. Il circule aussi entre les humains du respect, de l’attention, de l’amour, de la tendresse. Pas sûr que le quotidien de notre monde moderne soit toujours mieux loti de ce côté-là.
















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