MEDITERRANEA

7ème séance avec débat

MEDITERRANEA

Film italien de Jonas Carpignano avec Koudous Seihon. (2015 - vostf - 1h47)

CINE DEBAT 

VENDREDI 16 OCTOBRE 

à 20h30

        Nous sommes une fois de plus confrontés à un film qui nous place au coeur du même paradoxe: alors que nous sommes des spectateurs préservés (du moins en général, et heureusement) des expériences extrêmes qu'ont connues les protagonistes, on se trouve en position de les prévenir de ce qui risque fort de se passer d'un instant à l'autre, alors qu'eux-mêmes semblent totalement inconscients des menaces pourtant évidentes qui pèsent sur eux. A tout moment, on voudrait leur crier: "Attention, vous êtes en danger, prenez-garde à vous, sortez immédiatement de votre insouciance et mettez-vous à l'abri !" Sans conséquence concrète, bien entendu. 

Et toujours, comme dans les films d'horreur pour adolescents, le prévisible arrive sur des personnages visiblement dépourvus de tout réflexe de survie. Etonnant et pour tout dire invraisemblable, quand on sait par où ils sont passés et à quoi ils ont en effet survécu. 

Une fois évacué ce problème de situations prévisibles de ce type, le film ne manque pas d'intéresser, et parfois d'émouvoir. Certes, il est très elliptique sur les épisodes les plus spectaculaires - même si le traitement cinématographique est spectaculaire en effet -, comme la traversée en mer,  et la traversée des pays qui ont dû être  déjà parcourus pour en atteindre les rivages. Mais visiblement le réalisateur avait surtout hâte d'en arriver à ce qu'il connaît le mieux, à savoir les bonheurs et malheurs de ces migrants sur la terre italienne. 

On a pu rapprocher la violence sourde qui les contraint en permanence,  violence qui provoque parfois une violence visible en retour, de l'actualité immédiate, à savoir celle des salariés d'Air France et des cadres en chemise blanche. Ils doivent encaisser le fait de travailler dans des conditions pénibles et précaires pendant un temps indéterminé et long, et voir en un instant leurs espoirs de récolter les fruits de leur patience s'évanouir sans aucun recours possible. Sans aucun doute une situation filmée en plans calmes où la violence y est d'autant plus dure. 

Autre élément de pathétique: la séparation familiale. Mais il n'est pas sûr que la séquence programmée pour tirer des larmes au spectateur, censé être en sympathie immédiate avec les larmes en gros plan du père qui voit danser sa fille par le truchement de l'informatique, fonctionne aussi bien que prévu. Des ficelles mélodramatiques un peu trop grosses créent immédiatement une forme de prise de distance avec ce qui est montré. Or cette distance est peu propice à l'émotion, laquelle est généralement d'autant plus forte qu'elle est capable de nous surprendre. 

Evidemment, l'esprit critique de nos spectateurs s'est aussi interrogé sur le rôle et les buts des financeurs, en particulier en ce qui concerne le Qatar. Est-ce de là que vient la sensation que beaucoup de situations manquent de pugnacité et de profondeur quand il s'agit de traiter des causes un peu plus larges de ces drames qu'on nous présente un peu trop souvent, il faut bien le reconnaître, par le petit bout de l'objectif. Pour les responsabilités diverses, on effet, on reste clairement sur notre faim. Mais le réalisateur a le droit de faire ses choix...

Cela dit, il nous faut revenir au début de notre propos, et reconnaître au film ses mérites. Les acteurs non professionnels se révèlent à la longue attachants, et la bande son a généralement été notée comme une réussite du film. En outre, last but not least, notre association est friande de films qui permettent de traiter de l'actualité. De ce point de vue, on peut dire que Mediterranea constitue un excellent support. Notre seul regret est de n'avoir pas eu le temps ni les bonnes pistes pour solliciter des associations locales qui auraient pu en profiter pour faire connaître davantage leurs actions et leurs raisons d'être. 

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