jeudi 30 août 2018

PAUSE CRITIQUE AOUT 2018

avec Francis de Laveleye
(producteur et maître de conférences à l’Université Libre de Bruxelles)












DOGMAN
3 FACES





Photo : il est venu à Vierzon, avec son épouse, France Brel :

(Un grand merci pour nous avoir donné l'autorisation de diffuser ses critiques sur notre blog.)



FILMS AOUT



506

Dogman de Matteo Garrone

Non d'un chien, quel film ! Âpre, d'une violence de match de boxe, de combat de chiens, mais d'une puissance de championnat.

L'Italie qui nous est montrée là, en bord de mer, abandonnée à la misère ordinaire, aux petits malfrats, est à l'image du personnage central, toiletteur de chiens, débile léger qui aime tous les clébards et sa fille préadolescente. 
Mais voilà, ce petit traficoteur qui fournit un peu de coke pour améliorer son ordinaire, va transformer celui-ci en enfer car, contre cette bonté vacillante se dresse à coups de poings le mal absolu, violent, une brute que la poudre blanche a transformée en chevalier noir, chevauchant une puissante moto rouge.

C'est l'affrontement de ces deux hommes qui est le sujet du film. Hélas, les enjeux ne sont pas suffisamment puissants pour en faire un film à rebondissement. C'est la tension cruelle, exaspérée, entre ces deux hommes que plus rien n'arrête qui va tenir le spectateur en haleine, de façon stupéfiante.

Une image très travaillée contribue énormément à donner à ce spectacle, ensanglanté par les chairs éclatées, une puissance maléfique. Marcello Fonte en toiletteur de chien, est exceptionnel, un personnage incomparable et qui, à lui seul, fait du film un moment rare. Une scène d'exception aussi est la confrontation de l'ancien détenu, cocaïnomane et bourreau de son dealer, lorsqu'il est amené par ce dernier chez la mère du boxeur. Grandiose !

Et les chiens de toutes races expriment la variété humaine dont ils sont le reflet, d'une façon savoureuse. A voir donc, mais pas avant un tête à tête romantique. C'est un dur combat de gladiateurs modernes.


507

3 Faces de Jafar Panahi

Taxi II. L'on se souvient du sort funeste réservé à ce réalisateur iranien qui avait obtenu l'ours d'or à la Berlinade 2015 pour Taxi Téhéran (103) film qui avait eu un grand retentissement, plus pour son combat que pour ses qualités intrinsèques. A mes yeux du moins. Et voici que notre chauffeur de taxi reprend du service mais cette fois avec une seule passagère et pour poursuivre une seule intrigue. L'idée est forte qui consiste à retrouver une jeune fille désespérée qui semble avoir mis fin à ses jours faute de pouvoir suivre sa vocation sous l'immense pression conservatrice de sa famille. Cette recherche lente, chaotique, obstinée et pleine de rebondissements et de scènes très savoureuses, celles des rencontres, mérite d'être suivie avec attention et bienveillance car sans doute jamais aucun de nous n'aura accès à ce monde reclus dans des montagnes où les langues parlées rendent parfois la communication la plus élémentaire impossible. Que dire alors des conditions de vie de cette population survivant à grand peine dans une arriération matérielle et intellectuelle vertigineuse ? C'est sur ce monde que le discret réalisateur/acteur porte un regard bienveillant, qui, chose amusante, n'est jamais capté par la caméra. Jafar Panahi est souvent à l'image, portant des lunettes teintées de myope, qui dérobent ses yeux au regard du spectateur. Cela crée à la longue, une étrange impression, celle du regard insaisissable qui s’efforce de capter une réalité qui l'est tout autant. 
La comédienne Behnaz Jafari est une vedette dans son pays et a collaboré à plusieurs films qui ont eu une carrière importante au-delà de l'Iran. Cela nous vaut d'amusantes scènes où sa notoriété la rend attirante et sa quête de la jeune fille qui rue dans les brancards, intrusive, scandaleuse. Le nombre de scènes de dialogue " impossibles " est énorme, le thé et d'autres douceurs n'arrivent pas toujours à créer le lien entre les gens du terroir et ces deux artistes venus de la ville, soulevant sur leur passage des envies et des rejets qu'il n'est pas toujours aisé de décrypter pour nous, occidentaux. Les moyens mis en œuvre pour filmer sont en soi une leçon de cinéma : caméra en voiture, lumières minimalistes, mouvements d’appareil, tout concourt à une écriture singulière et pleine d’espérance, celle qui relève les défis les plus désespérés. C'est aussi cela le bon cinéma, nous confronter à des styles, des lieux, des gens, des cultures, des mentalités en dehors de nos codes habituels. Ici, les trois visages de ces trois femmes montrent chacun des aspects captivants d'une société en mutation, malgré les crétins qui veulent immobiliser le pays et sa culture sous le joug d'une religion, de croyances et d'intérêts plus obscurs les uns que les autres. Voir ce film est éclairant. 

508

The Children Act (My Lady) de Richard Eyre

Il est des films qui ressemblent à des mille feuilles. Les sujets bien assortis s'y superposent, se succèdent, se fondent et s’entrelacent de façon subtile et forment un tout d'une saveur singulière, ici d'un raffinement exceptionnel. My Lady est la manière de dénommer au tribunal la Juge, ici celle en charge des questions relatives aux mineurs. The Children Act est une loi de 1989 qui dit que l'intérêt de l'enfant prime sur tout autre. Facile à dire... Et nous voilà entraînés dans une suite de dossiers d'une extrême complexité qui nécessitent que la justice départage des points de vue opposés, irréconciliables, mettant face-à-face des parents, des médecins, les médias et qui laissent le spectateur étourdi par le vertige que provoquent ces moments terribles durant lesquels aucune certitude, aucune réponse toute faite ne permet de trouver une solution évidente, apaisante. Pour un cas singulier, la Juge ira même au chevet de l'un des " enfants " dont la vie est en jeu. De cette démarche naîtra une relation très particulière qui va s'immiscer dans son quotidien de façon tout à fait originale, émouvante et sans issue semble-t-il. Passionnant à découvrir, totalement inattendu car d'une grande originalité scénaristique.

Ces questions de déontologie et de justice sont juxtaposées à une crise de couple. Mari et femme n'arrivent plus à poursuivre une vie qui est très subtilement évoquée et dont les frustrations ne sont plus supportables ; par le mari, évidemment.

Tout cela se déroule aujourd'hui, essentiellement à Londres, une ville présentée de façon très élégante, un peu nostalgique peut-être, à l'abri des atteintes d'une modernité qui n'est pas montrée alors que la caméra, toujours en mouvement, suit la Juge, chaque déplacement des gens, par un mouvement de travelling, comme un pas de deux dans un ballet. Les cadres, la photographie, les décors et les accessoires concourent admirablement à créer ce monde que rien ne devrait arriver à ébranler et qui pourtant, sous nos yeux, se lézarde de façon profondément émouvante. Même si dans la seconde partie, certaines répétitions, certaines longueurs font un peu baisser la tension et l'attention.

Mais ce qui rend ce film admirable, c'est l'interprétation d’Emma Thompson qui est de chaque plan. Et qui, dans chaque plan, étonne, intrigue, bouleverse. Ce film sera peut-être pour elle insurpassable tant la perfection de son talent semble avoir atteint un sommet absolu.

La musique diégétique et extra diégétique (pour parler de façon un peu snob) contribue de façon parfaite à structurer les moments du récit. Une œuvre qui illustre une nouvelle fois que les ingrédients d'une réussite au cinéma sont : l'histoire, la qualité des acteurs (ici dirigés par un grand maître issu du théâtre !) l'originalité et le traitement du scénario ainsi que le montage et la singularité de la mise en image.

Tous ces objectifs sont atteints, de façon harmonieuse, et sans esbroufe. Ce qui n'est pas un jeu d'enfant !


509

Fleuve noire de Erick Zonca

Tel est pris qui croyait prendre pourrait être la " morale " de ce film qui en est totalement dépourvu. Un excellent film policier, une bonne occasion d'utiliser l'expression un peu sophistiquée de "whodunit" tant il est vrai que la construction très maîtrisée du scénario se fait remarquer en particulier sur ce point, différer jusqu'au terme du film la découverte de la vérité.

L'histoire se passe de nos jours, dans des faubourgs quelconques de Paris. 

Aucun élément de ce scénario n'est à mentionner sauf à spoiler le film.
Ce qui rend le film impressionnant, ce sont les 3 acteurs principaux qui en assument admirablement les turpitudes : Sandrine Kiberlain confirme son admirable talent, une superbe femme dans un rôle de mère ravagée, Romain Duris qui campe un personnage extrêmement étrange sous des apparences bcbg et Vincent Cassel qui a trouvé là un rôle qui marquera sa carrière déjà si riche en personnages forts.

L'image est particulièrement intéressante, par le traitement chromatique, par la mobilité quasi permanente des cadres, la fluidité des mouvements d'appareils, et par le fait que deux caméras sont généralement à l’œuvre en même temps, ce qui favorise un montage très percutant.

Et puisqu'on est dans un film policier, il faut dénoncer une fois encore le détournement ici presque parfait, comme certains crimes, du Tax Shelter.


510

Le Monde est à toi de Romain Gavras

Garde-le. Je kif pas, c'trop relou, même si ça bouge, si les tapineuses en jettent, si le scénar est hyper blindé, y a d'la casse, du baston et une forme d'humour qui doit plaire aux ados qui ont troqué les livres et même les BD pour des jeux vidéo qui déménagent les méninges.

Mais c'est trop ouf, over the top et ça me gonfle. Parce que ce film se veut humoristique et ne fait pas rire. Seules les intentions sont lisibles, mais sans résultat.
L'histoire, sur papier, doit en imposer, très sophistiquée, avec des retournements de veste à faire pâlir un parlement, des surprises et des méchants tatoués à chaque chapitre. Une faune incroyable, un casting de match de catch. Quelques plans et quelques scènes avec Isabelle Adjani qui a dû se tromper de production, tout comme Vincent Cassel et, une fois n'est pas coutume, François Damiens (sans tax shelter) qui se défend pas mal en malfrat belge, rangé des voitures.

Bref un bric à braques (c'est un jeu de mots, pas une erreur d'orthographe de plus) qui laisse le désagréable sentiment de ne plus être dans le coup. Je dois faire L'aveu que ce genre ne vaut pas Compartiment tueur qui était aussi un film de début de carrière.

511

Burning de Lee Chang-Dong

Voilà un film long (2:30) qui sera adulé par les intellos de l'art cinématographique, qui se veut pointu, qui cherche une originalité dans les rangs des critères nobles du cinéma : scénario imprévisible et qui le reste jusqu'à la fin, un traitement de l'image à tous les niveaux très sophistiqué (photographie, cadrages, mouvements d'appareil) un dépaysement qui perd le spectateur dans des lieux inconnus, des scènes dont on ne sait si elles sont réelles ou rêvées... Une diversité et une singularité de nombreux moments, de décors, d'actions qui semblent un passage à gué en eaux troubles. Sommes-nous dans le roman du protagoniste qui rêve d'être écrivain ?

Bref, tout un appareil qui permet une construction narrative en volute, une accumulation de mille petites choses qui vont déboucher sur une scène finale qui n'est pas indifférente.

Cela se passe en Corée du Sud, ce qui ajoute un peu de saveur au dépaysement, proche de la confusion. Les acteurs, jeunes et talentueux ont un jeu très " introverti " qui nous oblige à deviner leurs sentiments, à supposer qu'ils en éprouvent. 
Voilà un film qui marquera celles et ceux qui auront la curiosité de le voir et prendront plaisir aux mystères restés inexpliqués.

512

Figlia Mia de Laura Bispuri

Ce n'est pas un " feel good movie ". L'ambiance y est âpre, les tempéraments des deux protagonistes très contrastés : une femme vivant une déchéance effroyable, une autre tentant de maintenir une sorte de bien être classique dans sa famille. Le tout dans un pays reculé, d'une misère affligeante, oublié du bonheur. La fille d'une dizaine d'années, les cheveux d'un charmant blond vénitien, va voir et faire voir cet univers si dur, si désespéré. Les personnages sont filmés par un grand angle qui colle au nez ou à la nuque de chacun, monté sur une caméra d'une constante mobilité qui nous rappelle le parti pris des cadrages de Rosetta. La bande sonore, la musique aussi, sont en parfaite harmonie avec les décors, les moments terribles que cette jeune fille découvre, partage, durant une espèce de chemin initiatique où rien ne lui est épargné.

Le film propose toute une série de scènes " symboliques " à l'église e.a. des lavements de pieds, bref, des moments qui répondent de façon allégorique au parcours rocailleux que nous suivons dans cette campagne sarde, dans ces paysages qui sont tout autant des symboles d'une âpreté parfois violente. Le film est construit comme une courte tragédie antique dans laquelle l'univers décrit semble la proie de volontés immanentes.
L'un des intérêts du film, outre ses choix esthétiques très marqués, est une fois encore l'impossibilité absurde de maintenir un secret de famille. Cette naïve tentative débouche sur des échanges qui sont autant de blessures pour la vie.




















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Berry républicain 2 décembre 2017



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